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21/11/2019 | FRANCE | N°17BX04000

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 21 novembre 2019, 17BX04000


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... D... et Mme C... D... ont demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du maire de Maulay du 19 juin 2015 portant permis de construire un silo de stockage de céréales au bénéfice de M. E....

Par un jugement n° 1502074 du 11 octobre 2017, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 18 décembre 2017 et des mémoires enregistrés le 16 février 2018 et le 6 mars 2019, M. et Mme D.

.., représentés par la SCP Garreau Bauer-Violas Feschotte-Desbois, demandent à la cour :

1°) d'...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... D... et Mme C... D... ont demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du maire de Maulay du 19 juin 2015 portant permis de construire un silo de stockage de céréales au bénéfice de M. E....

Par un jugement n° 1502074 du 11 octobre 2017, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 18 décembre 2017 et des mémoires enregistrés le 16 février 2018 et le 6 mars 2019, M. et Mme D..., représentés par la SCP Garreau Bauer-Violas Feschotte-Desbois, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 11 octobre 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté du maire de Maulay du 19 juin 2015 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Maulay une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement attaqué a été rendu en méconnaissance des dispositions de l'article R. 611-1 du code de justice administrative dans la mesure où le premier mémoire en défense produit par le préfet de la Vienne le 5 septembre 2016, d'ailleurs visé par le jugement, ne leur a pas été communiqué, alors que le tribunal administratif s'est fondé sur celui-ci pour écarter leur requête, notamment sur la circonstance qu'un permis de construire modificatif a été délivré à M. E... le 31 août 2015 ;

- le tribunal administratif ne répond pas au moyen tiré de ce que le document CERFA n° 13409*03 ne donne que très peu d'indications sur le projet ;

- l'arrêté attaqué ne comporte pas le nom et prénom de son signataire, en méconnaissance de l'article 4 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ; la circonstance, à la supposer établie, que le permis de construire modificatif ferait apparaître le nom et la qualité du signataire ne remet pas en cause cette illégalité ;

- dès lors que le permis de construire du 19 juin 2015 ne fait état ni de la consultation du 23 avril 2015, ni de l'avis favorable assorti de réserves du conseil départemental de la Vienne du 19 juin 2015, le permis attaqué a été pris en méconnaissance des dispositions de l'article L. 131-3 du code de la voirie routière et de l'article L. 3221-4 du code général des collectivités territoriales ;

- le dossier de demande était irrégulièrement composé au regard des dispositions des articles L. 431-2, R. 431-8 et R. 431-10 du code de l'urbanisme dès lors que les documents photographiques ne font pas suffisamment apparaître l'environnement du projet, que la notice de la demande fait état de la construction d'une aire de stationnement pour poids-lourds alors que le formulaire de demande ne la mentionne pas, que la rubrique comportant la description du projet est trop sommaire et enfin que le dossier de demande ne justifie pas que la construction de ce silo serait nécessaire à l'activité agricole ;

- c'est par une erreur de droit que le tribunal s'est fondé, pour écarter le moyen tiré de ce que la demande de permis de construire était incomplète, sur la circonstance que le maire disposait de toutes les pièces nécessaires à la bonne appréhension du projet, alors que le permis de construire a été délivré au nom de l'Etat ;

- le permis de construire attaqué méconnaît les dispositions de l'article L. 111-1-2 du code de l'urbanisme dès lors que le projet de construction n'est pas nécessaire à l'exploitation agricole ;

- le permis de construire méconnaît les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme puisqu'il génèrera des poussières et des odeurs et portera donc nécessairement atteinte à la salubrité des lieux avoisinants, qu'il engendrera un accroissement du trafic des poids lourds lequel portera atteinte à la sécurité compte tenu des caractéristiques de la route départementale n° 24 à cet endroit ; à cet égard, la circonstance que le gestionnaire de la voirie ait rendu un avis favorable accompagné de prescriptions est sans incidence ;

- le permis de construire méconnaît les dispositions de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme dès lors que la présence, à moins de 500 mètres sur les hauteurs de Maulay, d'une telle construction dénaturera les lieux, c'est à dire le Château du Haut Maulay mais également les bois et les champs qui l'entourent, qu'elle sera visible non seulement depuis " le haut de l'ancien donjon " ainsi que le tribunal administratif l'a écrit mais " depuis les 2ème et 3ème étages ", et que les plantations d'arbustes le long de la route départementale seront sans effet de ce point de vue.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 avril 2019, la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- elle s'en remet à la sagesse de la cour s'agissant du moyen tiré de l'irrégularité de la procédure suivie en première instance ;

- elle s'approprie la fin de non-recevoir invoquée en première instance par la préfète de la Vienne tirée du défaut d'intérêt pour agir des requérants ;

- les autres moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A... B...,

- et les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M et Mme D... relèvent appel du jugement du 11 octobre 2017 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du maire de Maulay (Vienne) du 19 juin 2015 délivrant, au nom de l'Etat, un permis de construire un silo de stockage de céréales à environ 500 mètres du château du Haut Maulay, composé notamment d'un corps de logis datant de la fin du XIXème siècle et d'un donjon féodal, dont ils sont propriétaires.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressés au greffe. / La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-2 à R. 611-6. / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux ". Il résulte de ces dispositions, destinées à garantir le caractère contradictoire de l'instruction, que la méconnaissance de l'obligation de communiquer le premier mémoire d'un défendeur est en principe de nature à entacher la procédure d'irrégularité. Il n'en va autrement que dans le cas où il ressort des pièces du dossier que, dans les circonstances de l'espèce, cette méconnaissance n'a pu préjudicier aux droits des parties.

3. Il ressort des pièces du dossier et des visas du jugement attaqué que le premier mémoire en défense de la préfète de la Vienne, enregistré au greffe du tribunal administratif de Poitiers le 5 septembre 2016 alors que l'instruction était ouverte, n'a pas été communiqué à M. et Mme D.... Leurs conclusions ont néanmoins été rejetées par le tribunal administratif qui s'est notamment fondé sur des éléments qui ne figuraient que dans ce mémoire. Cette méconnaissance de l'obligation posée par l'article R. 611-1 du code de justice administrative ne peut ainsi être regardée comme n'ayant pu avoir d'influence sur l'issue du litige. Il s'ensuit, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens tirés de l'irrégularité du jugement, que M. et Mme D... sont fondés à soutenir que le jugement attaqué est intervenu à la suite d'une procédure irrégulière et à en demander, pour ce motif, l'annulation.

4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. et Mme D... devant le tribunal administratif de Poitiers.

Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt pour agir de M. et Mme D... :

5. Aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme alors applicable : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation ". Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci.

6. Pour justifier de leur intérêt à agir à l'encontre du permis de construire attaqué, M. et Mme D... font valoir que le projet sera visible depuis le château de Haut-Maulay, dont ils sont propriétaires, et en situation de co-visibilité avec celui-ci, ce qui portera, selon eux, " une atteinte majeure et irréversible au patrimoine architectural et historique de la commune ", nuira à la jouissance de leur bien et entraînera une dépréciation de leur bien. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que le projet litigieux, qui consiste en la construction de trois cellules de stockage d'une hauteur de 14,8 mètres de haut au point le plus haut, sur une emprise de 9,92 mètres par 28,40 mètres, se situera à plus de 500 mètres du château de Haut-Maulay. En outre, celui-ci comprend deux bâtiments principaux, soit un château du XIXème siècle qui est encerclé de bois et une tour du XVème siècle qui ne comprend plus que trois niveaux, si bien que, malgré le peu de relief de l'espace environnant, le projet litigieux sera peu perceptible depuis la propriété des requérants. Enfin, il n'est pas allégué que le château de Haut-Maulay ferait l'objet d'une exploitation à laquelle la construction de ce projet serait susceptible de porter atteinte et aucun élément ne vient corroborer l'affirmation selon laquelle sa valeur s'en trouverait réduite du fait de la réalisation de la construction autorisée par l'arrêté attaqué. Par suite, il ne ressort pas des pièces du dossier que le projet contesté serait de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de leur bien par les requérants. Ceux-ci étant dès lors dépourvus d'intérêt pour agir, leur demande doit être rejetée.

Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Maulay, qui n'est pas partie dans la présente instance, la somme que demandent les requérants au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1502074 du 11 octobre 2017 du tribunal administratif de Poitiers est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. et Mme D... devant le tribunal administratif de Poitiers et le surplus des conclusions de leur requête sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme G... et Annick D..., au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et à M. F... E....

Copie en sera adressée à la commune de Maulay.

Délibéré après l'audience du 24 octobre 2019 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Hardy, président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

M. A... B..., premier-conseiller.

Lu en audience publique, le 21 novembre 2019.

Le rapporteur,

David B...Le président,

Marianne Hardy

Le greffier,

Sophie Lecarpentier

La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17BX04000


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 17BX04000
Date de la décision : 21/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-06-01-02 Urbanisme et aménagement du territoire. Règles de procédure contentieuse spéciales. Introduction de l'instance. Intérêt à agir.


Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: M. David TERME
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : SCP PEIGNOT GARREAU BAUER VIOLAS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-11-21;17bx04000 ?
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