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21/11/2019 | FRANCE | N°17BX03130

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 21 novembre 2019, 17BX03130


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Gustuan Bizi a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler la décision du 26 janvier 2016 par laquelle le préfet des Pyrénées-Atlantiques a implicitement refusé de faire usage de ses pouvoirs de police afin de faire régulariser les travaux réalisés sur des terrains attenants au château d'Urtubie et d'enjoindre au préfet, sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative et sous astreinte de 500 euros par jour de retard, de mettre en demeure la société du châ

teau d'Urtubie et M. G... H... de déposer un dossier de demande d'autorisati...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Gustuan Bizi a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler la décision du 26 janvier 2016 par laquelle le préfet des Pyrénées-Atlantiques a implicitement refusé de faire usage de ses pouvoirs de police afin de faire régulariser les travaux réalisés sur des terrains attenants au château d'Urtubie et d'enjoindre au préfet, sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative et sous astreinte de 500 euros par jour de retard, de mettre en demeure la société du château d'Urtubie et M. G... H... de déposer un dossier de demande d'autorisation au titre de la loi sur l'eau afin de régulariser ces travaux.

Par un jugement n° 1600544 du 6 juillet 2017, le tribunal administratif de Pau a annulé la décision du 26 janvier 2016 par laquelle le préfet des Pyrénées-Atlantiques a implicitement rejeté la demande de l'association Gustuan Bizi en tant qu'elle porte sur les travaux réalisés sur les parcelles appartenant à M. G... H... et enjoint au préfet des Pyrénées-Atlantiques de mettre en demeure M. G... H... de déposer un dossier de demande d'autorisation afin de régulariser ces travaux.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 septembre 2017 et un mémoire ampliatif enregistré le 25 octobre 2017, le ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 6 juillet 2017 en tant qu'il a annulé la décision du 26 janvier 2016 par laquelle le préfet des Pyrénées-Atlantiques a implicitement rejeté la demande de l'association Gustuan Bizi en ce qui concerne les travaux réalisés sur les parcelles appartenant à M. G... H... et a enjoint au préfet des Pyrénées-Atlantiques de mettre en demeure M. G... H... de déposer un dossier de demande d'autorisation ;

2°) de rejeter la demande présentée à ces fins par l'association Gustuan Bizi devant le tribunal administratif de Pau.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier en ce qu'il est insuffisamment motivé ;

- en omettant de citer les dispositions applicables de l'article L. 181-14 du code de l'environnement, le tribunal a entaché son jugement d'une erreur de droit ;

- à supposer que le tribunal ait implicitement considéré que ces dispositions étaient inapplicables, il a ce faisant inexactement qualifié les faits de l'espèce, dès lors que les travaux, qui ont porté sur la vanne de régulation du canal d'alimentation du moulin et ont eu pour objet la réfection de la structure en béton la supportant, sans modifier ni les caractéristiques de la vanne, ni la section de l'écoulement, ne peuvent être regardés comme ayant modifié substantiellement l'ouvrage initial ;

- à supposer que ces travaux soient regardés comme modifiant l'ouvrage de manière substantielle au sens des dispositions de l'article R. 181-46 code de l'environnement, ils devaient seulement dans ce cas être portés à la connaissance du préfet, sans pour autant devoir faire l'objet nécessairement d'une demande d'autorisation.

Par un mémoire en intervention, enregistré le 9 juillet 2018, la société civile immobilière Larraldénia, dont Mme H... indique être la gérante, représentée par Me E..., conclut à ce que la cour ordonne la clôture de l'instruction et fasse droit aux conclusions de la requête du ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 3 août 2018, le 4 septembre 2018, le 2 octobre 2018, le 9 septembre 2019 et le 23 septembre 2019, l'association Gustuan Bizi, représentée par Me A..., conclut :

1°) à titre principal, au rejet de la requête ;

2°) subsidiairement, à la réformation du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet des Pyrénées-Atlantiques de mettre en demeure la société du château d'Urtubie de déposer un dossier de demande d'autorisation au titre de la loi sur l'eau, et à ce qu'il soit enjoint à l'administration d'ordonner la remise en état du site ;

3°) en tout état de cause, à ce que les injonctions prononcées à l'encontre du préfet des Pyrénées-Atlantiques soient assorties d'une astreinte de 500 euros par jour de retard et à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'intervention de la société Larraldénia est irrecevable dès lors qu'elle n'était pas présente en première instance et que Mme D... H... est sans qualité pour la représenter ;

- la requête du ministre d'Etat, ministre de la transition énergétique et solidaire est tardive ;

- les travaux réalisés en 2014 sur la parcelle cadastrée section AX n° 75 ont entraîné une modification substantielle de l'ouvrage préexistant, dont ils ont modifié de manière importante la volumétrie et la section d'écoulement, dans la mesure où l'ouvrage accroît de manière sensible les impacts du nouvel ouvrage sur le milieu, en termes hydrauliques et écologiques ;

- la digue réalisée par les propriétaires du château d'Urturbie nécessitait la délivrance d'une autorisation au titre de la rubrique 3.2.6.0 de la nomenclature des opérations soumises à autorisation ou à déclaration en application des articles L. 214-1 à L. 214-3 du code de l'environnement ; elle constitue en effet un système d'endiguement au sens de l'article R. 562-13 du même code ; le seuil de 30 personnes protégées par le système d'endiguement peut être en l'espèce dépassé compte tenu du public admissible dans le château ;

- en application de l'article R. 562-13 du code de l'environnement, un système d'endiguement ne peut être défini que par la commune ou l'établissement public de coopération intercommunale compétent eu égard au niveau de protection, au sens de l'article R. 214-119-1 du même code ; il n'est donc pas possible de régulariser les travaux réalisés sur les parcelles cadastrées section AX n° 74, 76 et 77 et la remise en état du site doit être ordonnée ;

- l'ouvrage réalisé sur les parcelles cadastrées section AX n° 74, n° 76 et n° 77 est situé dans le lit mineur de l'Untxin au sens de la rubrique 3.1.1.0 de la nomenclature des opérations soumises à autorisation ou à déclaration en application des articles L. 214-1 à L. 214-3 du code de l'environnement et devait donc également faire l'objet d'une autorisation préalable à ce titre ;

- la digue réalisée par la société du Château d'Urtubie ne peut pas être régularisée par le dépôt d'un dossier de déclaration au titre de la rubrique 3.2.2.0 de la nomenclature des opérations soumises à autorisation ou à déclaration en application des articles L. 214-1 à L. 214-3 du code de l'environnement dès lors qu'elle n'est pas transparente hydrauliquement ainsi que l'imposent les dispositions de l'arrêté du 13 février 2002 fixant les prescriptions générales applicables aux installations, ouvrages ou remblais soumis à déclaration en application des articles L. 214-1 à L. 214-3 du code de l'environnement ;

- l'ouvrage réalisé sur la parcelle cadastrée section AX n° 75 relève du régime de l'autorisation au titre de la rubrique 3.1.1.0 de la nomenclature des opérations soumises à autorisation ou à déclaration en application des articles L. 214-1 à L. 214-3 du code de l'environnement et au titre de la rubrique 1.2.1.0 ; il est situé dans le lit mineur de l'Untxin et constitue un obstacle à l'écoulement des crues et à la continuité écologique.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 6 août 2018 et le 15 octobre 2018, M. G... H..., représenté par Me E... conclut à ce que la cour fasse droit au recours du ministre d'Etat, ministre de la transition énergétique et solidaire.

Il soutient que :

- les travaux effectués en 2014 ont seulement eu pour objet de rénover à l'identique l'ouvrage existant sans modification de la section d'écoulement des eaux ;

- il s'est vu contraint d'installer de nouveau la vanne de régulation des eaux sur l'ouvrage en dépit de la décision rendue par le tribunal administratif ;

- les conclusions incidentes de l'association Gustuan Bizi sont irrecevables faute d'avoir été présentées dans le délai d'appel ;

- elles sont également irrecevables dans la mesure où elles soulèvent un litige distinct ;

- l'ouvrage litigieux n'est pas situé dans le lit mineur de l'Untxin et sa réfection n'a aucune influence significative sur l'écoulement des eaux dans l'Untxin ; elle ne nécessitait donc aucune autorisation préalable au titre de la loi sur l'eau.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B... C...,

- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteur public,

- et les observations de Me F..., représentant M. H..., la SCI du Château d'Urtubie et la SCI Larraldénia et les observations de M. I... et de M. J... représentant l'association Gustuan Bizi.

Une note en délibéré a été présentée pour l'association Gustuan Bizi le 29 octobre 2019.

Considérant ce qui suit :

1. Au cours du mois de juin 2014, M. et Mme J... ont constaté que des travaux étaient réalisés à proximité du château d'Urtubie, sur les parcelles cadastrées section AX n° 74, 76 et 77, appartenant à la société Château d'Urtubie, et sur la parcelle cadastrée section AX n° 75, appartenant à M. H.... Les travaux réalisés sur les parcelles AX n° 74, n° 76 et n° 77 consistaient notamment en la construction d'un mur d'une longueur approximative de 120 mètres en bordure de la rivière Untxin et des remblais de son lit majeur. Ceux effectués sur la parcelle AX n° 75 consistaient en l'édification d'un ouvrage en béton dans le canal d'alimentation de l'ancien moulin attenant au château d'Urtubie.

2. Le 2 juillet 2014, M. et Mme J... ont demandé au préfet des Pyrénées-Atlantiques de mettre en oeuvre ses pouvoirs de police afin de faire régulariser ces travaux. En l'absence de réponse du préfet, M. et Mme J... ont saisi le tribunal administratif de Pau d'une demande tendant à l'annulation de la décision par laquelle le préfet des Pyrénées-Atlantiques a implicitement refusé de faire usage de ses pouvoirs de police et à ce qu'il lui soit enjoint, sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, de prendre toute mesure permettant de mettre un C... à la situation illégale résultant de ces travaux et de faire remettre le site en état dans un délai d'un mois. Par un jugement n° 1402185 du 27 octobre 2015, le tribunal a rejeté cette demande.

3. Le 5 juin 2015, le préfet a mis en demeure les propriétaires du château d'Urtubie de régulariser, dans un délai de deux mois, les travaux irrégulièrement réalisés sur les parcelles cadastrées section AX n° 74, 76 et 77 soit en déposant un dossier de déclaration, soit en déposant un projet de remise des lieux dans leur état d'origine. Le 19 novembre 2015, la société Château d'Urtubie a déposé un dossier de déclaration. Le 26 novembre 2015, l'association Gustuan Bizi a demandé au préfet de mettre en demeure la société du Château d'Urtubie et M. H... de présenter un dossier de demande d'autorisation afin de régulariser les différents travaux. En l'absence de réponse, l'association a saisi le tribunal administratif de Pau en vue d'obtenir, d'une part, l'annulation de la décision de refus née du silence gardé par le préfet sur sa demande, d'autre part, qu'il soit enjoint au préfet des Pyrénées-Atlantiques de mettre en demeure la société du Château d'Urtubie et M. H... de déposer, chacun, un dossier de demande d'autorisation au titre de la loi sur l'eau afin de régulariser les travaux entrepris sur leurs parcelles et, enfin, que l'État soit condamné à l'indemniser des préjudices étant résulté pour elle de ces travaux. Le ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire relève appel du jugement du 6 juillet 2017 par lequel le tribunal administratif de Pau a annulé la décision du 26 janvier 2016 en tant qu'elle concerne les travaux réalisés sur la parcelle cadastrée section AX n° 75 appartenant à M. H..., a enjoint au préfet de mettre en demeure ce dernier de déposer un dossier de demande d'autorisation et a rejeté le surplus des conclusions de la demande. Par la voie de l'appel incident, association Gustuan Bizi demande à la cour de réformer le jugement attaqué en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet des Pyrénées-Atlantiques de mettre en demeure la société du Château d'Urtubie de déposer un dossier de demande d'autorisation au titre de la loi sur l'eau.

Sur la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de l'appel principal :

4. Aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : " Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 à R. 751-4-1. ". Aux termes de l'article R. 751-4-1 du même code : " (...) la décision peut être notifiée par le moyen de l'application informatique mentionnée à l'article R. 414-1 aux parties qui sont inscrites dans cette application ou du téléservice mentionné à l'article R. 414-6 aux parties qui en ont accepté l'usage pour l'instance considérée. / Ces parties sont réputées avoir reçu la notification à la date de première consultation de la décision, certifiée par l'accusé de réception délivré par l'application informatique, ou, à défaut de consultation dans un délai de deux jours ouvrés à compter de la date de mise à disposition de la décision dans l'application, à l'issue de ce délai (...) ".

5. Il ressort des pièces du dossier de première instance que le jugement attaqué du 6 juillet 2017 a été mis à disposition du ministre d'Etat, ministre de la transition énergétique et solidaire, via l'application Télérecours, le 18 juillet 2017, accompagné d'une lettre de notification mentionnant les voies et délais de recours. Celui-ci en a pris connaissance le même jour. Le délai d'appel, qui est un délai franc, expirait donc le 19 septembre 2017 à minuit. Par suite, la requête, enregistrée le 19 septembre 2017 à 18h59, n'est pas tardive. La fin de non-recevoir invoquée par l'association Gustuan Bizi doit donc être écartée.

Sur la recevabilité de l'intervention de la société Larraldénia :

6. Mme H... ne justifie pas avoir qualité pour représenter la société Larraldénia, alors que l'association Gustuan Bizi produit un extrait du registre du commerce et des sociétés dont il résulte que, contrairement à ce qu'elle soutient, Mme H... n'en est pas la gérante mais seulement une des associés. L'intervention présentée au nom de cette société est donc irrecevable.

Sur l'appel principal :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

7. Le moyen tiré de ce que le jugement attaqué serait insuffisamment motivé n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé et doit, dès lors, être écarté.

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement :

8. Aux termes de l'article L. 214-3 du code de l'environnement : " I.- Sont soumis à autorisation de l'autorité administrative les installations, ouvrages, travaux et activités susceptibles de présenter des dangers pour la santé et la sécurité publique, de nuire au libre écoulement des eaux, de réduire la ressource en eau, d'accroître notablement le risque d'inondation, de porter gravement atteinte à la qualité ou à la diversité du milieu aquatique, notamment aux peuplements piscicoles. / Cette autorisation est l'autorisation environnementale régie par les dispositions du chapitre unique du titre VIII du livre Ier, sans préjudice de l'application des dispositions du présent titre. / II. - Sont soumis à déclaration les installations, ouvrages, travaux et activités qui, n'étant pas susceptibles de présenter de tels dangers, doivent néanmoins respecter les prescriptions édictées en application des articles L. 211-2 et L. 211-3 (...) ". Sont soumis à autorisation ou à déclaration, au titre de la rubrique 3.1.1.0. de la nomenclature annexée à l'article R. 214-1 du même code, les " installations, ouvrages, remblais et épis, dans le lit mineur d'un cours d'eau, constituant : / 1° Un obstacle à l'écoulement des crues (A) ; / 2° Un obstacle à la continuité écologique : / a) Entraînant une différence de niveau supérieure ou égale à 50 cm, pour le débit moyen annuel de la ligne d'eau entre l'amont et l'aval de l'ouvrage ou de l'installation (A) ; / b) Entraînant une différence de niveau supérieure à 20 cm mais inférieure à 50 cm pour le débit moyen annuel de la ligne d'eau entre l'amont et l'aval de l'ouvrage ou de l'installation (D) ".

9. Aux termes de l'article L. 181-14 du code de l'environnement : " Toute modification substantielle des activités, installations, ouvrages ou travaux qui relèvent de l'autorisation environnementale est soumise à la délivrance d'une nouvelle autorisation (...). / En dehors des modifications substantielles, toute modification notable intervenant dans les mêmes circonstances est portée à la connaissance de l'autorité administrative compétente pour délivrer l'autorisation environnementale (...) ". Aux termes de l'article R. 181-46 du même code : " I. -Est regardée comme substantielle, au sens de l'article L. 181-14, la modification apportée à des activités, installations, ouvrages et travaux soumis à autorisation environnementale qui : (...) est de nature à entraîner des dangers et inconvénients significatifs pour les intérêts mentionnés à l'article L. 181-3 (...) ". Il résulte de ces dispositions que lorsque des modifications substantielles sont apportées à des activités, installations, ouvrages ou travaux qui relèvent de l'autorisation environnementale, l'exploitant doit solliciter la délivrance d'une nouvelle autorisation soumise aux mêmes formalités que l'autorisation initiale.

10. Enfin, il résulte des dispositions de l'article L. 171-7 du code de l'environnement que lorsqu'elle constate que des installations ou ouvrages sont exploités, des objets et dispositifs sont utilisés ou des travaux, opérations, activités ou aménagements sont réalisés sans avoir fait l'objet de l'autorisation requise en application du code de l'environnement, l'autorité administrative compétente doit mettre l'intéressé en demeure de régulariser sa situation dans un délai qu'elle détermine.

11. Il résulte de l'instruction que le canal d'amenée de l'ancien moulin du château d'Urtubie est alimenté par les eaux de l'Untxin via un seuil de dérivation situé en amont du moulin. Ce seuil comprenait, avant la réalisation des travaux litigieux, une vanne levante, que les travaux litigieux ont eu pour objet de modifier, comprenant deux murets parallèles distants d'approximativement deux mètres, orientés dans le sens de l'écoulement de l'eau du canal vers le moulin et supportant une plaque métallique verticalement amovible qui permettait de réguler le débit des eaux.

12. Il résulte également de l'instruction que le nouvel ouvrage, qui consiste en un bloc de béton parallélépipédique comprenant deux percements ronds en partie basse, prend appui sur les murets latéraux de l'ancienne vanne, se situe dans le prolongement des berges de l'Untxin en amont et en aval du seuil de dérivation et se trouve ainsi dans le lit mineur de ce dernier, dont il constitue partiellement la berge à cet endroit. A cet égard, compte tenu de la définition du lit mineur figurant à l'annexe de l'article R. 214-1 du code de l'environnement, aux termes de laquelle celui-ci s'entend de " l'espace recouvert par les eaux coulant à pleins bords avant débordement ", la circonstance, invoquée par M. H..., que les douves du château ne soient pas en permanence alimentées, notamment en période d'étiage de l'Untxin, ne permet pas de démontrer que l'ouvrage ne se situe pas dans son lit mineur dès lors qu'il n'est pas allégué que les photographies produites au dossier, sur lesquelles il est visible que l'eau affleure les deux percements mentionnés précédemment, auraient été prise en période de crue, ni que le moulin n'aurait été antérieurement alimenté en eau que de manière épisodique. Enfin, il est constant que le canal d'amenée de l'ancien moulin recueillait une partie des eaux de l'Untxin et faisait ainsi office de déversoir, entraînant par ailleurs des inondations récurrentes de la maison Larraldénia, motif pour lequel les travaux litigieux ont été entrepris. Par suite, l'ouvrage en cause a pour effet d'affecter la répartition des eaux de l'Untxin en période de crue et constitue ainsi un obstacle à leur écoulement au sens du 3.1.1.0 de la nomenclature annexée à l'article R. 214-1 du code de l'environnement relevant à ce titre du régime de l'autorisation.

13. Toutefois, si l'association Gustuan Bizi soutient que les travaux litigieux sont constitutifs d'une modification substantielle de l'ouvrage antérieur en raison des différences de volumétrie et de section d'écoulement des deux ouvrages, ces différences, à les supposer démontrées, ne peuvent suffire à caractériser, en elles-mêmes, une modification substantielle au sens des dispositions de l'article R. 181-46 précité. Par ailleurs, il ne résulte pas non plus de l'instruction que l'ouvrage litigieux serait susceptible d'entraîner des dangers et inconvénients significatifs pour les intérêts mentionnés à l'article L. 181-3 du code de l'environnement, qui renvoie sur ce point à l'article L. 211-1 du même code, et l'association n'invoque d'ailleurs précisément aucun des intérêts qui y sont mentionnés.

14. Il résulte de ce qui précède que le ministre de la transition écologique et solidaire est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Pau s'est fondé sur la méconnaissance des dispositions du 3.1.1.0 de la nomenclature annexée à l'article R. 214-1 du code de l'environnement pour annuler la décision implicite de refus du préfet en tant qu'elle concernait les travaux effectués sur la parcelle cadastrée section AX n° 75.

15. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par l'association Gustuan Bizi devant le tribunal administratif et devant la cour.

16. Si l'association Gustuan Bizi soutient que l'ouvrage litigieux devait également faire l'objet d'une autorisation préalable au titre du 1° du 1.2.1.0 de la nomenclature annexée à l'article R. 214-1 du code de l'environnement, aux termes duquel sont soumis à autorisation, " (...) [les] prélèvements et installations et ouvrages permettant le prélèvement, y compris par dérivation, dans un cours d'eau (...) : / 1° D'une capacité totale maximale supérieure ou égale à 1 000 m3/ heure ou à 5 % du débit du cours d'eau ou, à défaut, du débit global d'alimentation du canal ou du plan d'eau ", il ne résulte pas de l'instruction que le nouvel ouvrage, qu'il soit ou non pourvu d'une vanne, permettrait de capter une capacité totale maximale supérieure ou égale à 1 000 m3/ heure ou à 5 % du débit de l'Untxin, alors au demeurant que l'association soutient au contraire qu'il a pour objet et pour effet de réduire drastiquement le prélèvement qui résultait antérieurement de la présence de l'ancienne vanne levante. Par suite, la seule circonstance qu'en l'absence d'une telle vanne les prélèvements ainsi réalisés dans l'Untxin ne pourraient être limités autrement que par les caractéristiques propres de l'ouvrage en béton ne peut suffire à regarder ce dernier comme relevant d'une autorisation au titre du 1° du 1.2.1.0 précité.

17. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de la transition écologique et solidaire est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a annulé la décision implicite du préfet des Pyrénées-Atlantiques en tant qu'elle porte sur les travaux réalisés sur la parcelle cadastrée section AX n° 75 et lui a enjoint en conséquence de mettre en demeure M. H... de déposer un dossier de demande d'autorisation.

Sur les conclusions incidentes de l'association Gustuan Bizi :

18. A titre subsidiaire, par la voie de l'appel incident, l'association Gustuan Bizi demande que la cour réforme le jugement attaqué en ce qu'il n'a pas fait droit à sa demande d'annulation de la décision implicite du 26 janvier 2016 en tant qu'elle concerne les travaux réalisés sur les parcelles cadastrées section AX n° 74, 76 et 77, à ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet des Pyrénées-Atlantiques de mettre en demeure la société du Château d'Urtubie de régulariser ces travaux en déposant un dossier demande d'autorisation et à ses conclusions indemnitaires, et enjoigne au préfet de mettre en demeure la société de remettre le site en état. Toutefois, les travaux réalisés sur les parcelles cadastrées section AX n° 74, 76 et 77 présentent une consistance et des conséquences hydrauliques différentes de ceux effectués sur la parcelle cadastrée section AX n° 75 qui, en outre, n'appartient pas au même propriétaire. Dans ces conditions, les conclusions ainsi présentées par l'association Gustuan Bizi soulèvent un litige distinct de l'appel principal du ministre, de même que celles tendant à ce que le jugement attaqué soit réformé en tant qu'il a rejeté ses conclusions indemnitaires. Elles sont donc irrecevables et doivent être rejetées.

Sur les conclusions tendant au prononcé d'une astreinte :

19. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ". Aux termes de l'article L. 911-3 du code de justice administrative : " La juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet ".

20. Le présent arrêt, qui fait droit aux conclusions d'appel du ministre et rejette les conclusions incidentes de l'association Gustuan Bizi, n'implique pas que l'autorité administrative fasse usage de ses pouvoirs de police à l'encontre de la société du Château d'Urtubie. Par suite, les conclusions de l'association Gustuan Bizi tendant à ce qu'il soit enjoint, sous astreinte, au préfet des Pyrénées-Atlantiques de prendre une telle mesure doivent être rejetées.

Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :

21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande l'association Gustuan Bizi au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : L'intervention de la société Larraldenia n'est pas admise.

Article 2 : Les articles 1er, 2 et 3 du jugement n° 1600544 du 6 juillet 2017 du tribunal administratif de Pau sont annulés.

Article 3 : La demande présentée par l'association Gustuan Bizi devant le tribunal administratif de Pau tendant à l'annulation de la décision implicite de refus du préfet des Pyrénées-Atlantiques en tant qu'elle porte sur les travaux réalisés sur la parcelle cadastrée section AX n° 75 appartenant à M. H... et à ce qu'il lui soit enjoint, sous astreinte, de mettre en demeure M. H... de régulariser la situation est rejetée.

Article 4 : Les conclusions incidentes de l'association Gustuan Bizi et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de la transition écologique et solidaire, à M. G... H..., à l'association Gustuan Bizi, à la SCI du Château d'Urtubie et à la SCI Larraldénia.

Délibéré après l'audience du 24 octobre 2019 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Hardy, président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

M. B... C..., premier-conseiller.

Lu en audience publique, le 21 novembre 2019.

Le rapporteur,

David C...Le président,

Marianne Hardy

Le greffier,

Sophie Lecarpentier

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et solidaire, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17BX03130


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 17BX03130
Date de la décision : 21/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

27-02 Eaux. Ouvrages.


Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: M. David TERME
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : RIVIERE AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-11-21;17bx03130 ?
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