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12/11/2019 | FRANCE | N°17BX04167

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 12 novembre 2019, 17BX04167


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Excel Car, entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (Eurl), a demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 juillet 2013 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1406059 du 19 décembre 2017, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 2

9 décembre 2017, l'Eurl Excel Car, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Excel Car, entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (Eurl), a demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 juillet 2013 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1406059 du 19 décembre 2017, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 29 décembre 2017, l'Eurl Excel Car, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 19 décembre 2017 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions et pénalités susmentionnées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a appliqué à bon droit le régime de la TVA sur la marge dès lors qu'elle a agi en qualité de négociant en biens d'occasion et peut ainsi prétendre au bénéfice de ce régime prévu par l'article 297 A du code général des impôts ; elle doit être considérée comme étant un assujetti revendeur ayant acquis des véhicules d'occasion auprès d'un autre assujetti revendeur, lui-même soumis au régime particulier de taxation sur la marge de plein droit ;

- elle s'est fiée aux mentions figurant sur les factures de ses fournisseurs étrangers, qui ne font pas apparaitre de TVA, ce qui lui a légitimement laissé supposer que ces fournisseurs ont appliqué le régime de droit commun de la marge bénéficiaire ; toute possibilité pour elle de récupérer la TVA d'amont était exclue, de sorte qu'elle a pensé que les fournisseurs ont à bon droit fait application du régime de la TVA sur marge ; il ne lui appartenait pas de vérifier si ses fournisseurs s'étaient placés à bon droit sous le régime de la TVA sur la marge ; les documents d'immatriculation ne permettaient d'ailleurs pas de contredire les mentions portées sur les factures ; le service n'a pas rapporté la preuve de son absence de bonne foi ;

- elle a pu à bon droit estimer que le service, qui lui a délivré quitus, lui donnait une information sur son régime d'imposition et qu'elle pouvait appliquer le régime de TVA sur marge ;

- l'application de l'amende de 5 % prévue par les dispositions de l'article 1 788 A du code général des impôts est injustifiée dès lors que les acquisitions en cause relèvent de la 7eme directive relative aux véhicules d'occasion non taxables ;

- l'administration n'établit pas son intention d'éluder l'impôt, de sorte que la majoration pour manquement délibéré au titre de l'article 1729 du code général des impôts est injustifiée ;

- les principes de confiance légitime et de sécurité juridique font obstacle à ce qu'elle soit regardée comme ayant délibérément manqué à ses obligations.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 juin 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par une ordonnance du 10 mai 2019, la clôture d'instruction a été fixée, au 11 juin 2019 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la sixième directive n° 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977 modifiée ;

- la directive n° 2006/112/CE du 28 novembre 2006 du Conseil de l'Union européenne relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C... D...,

- et les conclusions de Mme Sylvande Perdu, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (Eurl) Excel Car qui exerce une activité de négoce de véhicules automobiles d'occasion et ponctuellement de véhicules neufs, et dont le gérant et associé unique est M. B..., a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2010 au 31 juillet 2013 à l'issue de laquelle l'administration fiscale lui a notifié des rappels de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) en raison d'une insuffisance de taxe collectée due à une application erronée du régime de la marge aux ventes de véhicules d'occasion réalisées en France, assortis de pénalités. La société Excel Car relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et pénalités.

Sur le bien-fondé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée :

2. Aux termes du I de l'article 256 bis du code général des impôts : " 1° Sont (...) soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les acquisitions intracommunautaires de biens meubles corporels effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ou par une personne morale non assujettie lorsque le vendeur est un assujetti agissant en tant que tel et qui ne bénéficie pas dans son Etat du régime particulier de franchise des petites entreprises (...) / 2° bis Les acquisitions intracommunautaires de biens d'occasion (...) effectuées à titre onéreux par un assujetti (...) ne sont pas soumises à la taxe sur la valeur ajoutée lorsque le vendeur ou l'assujetti est un assujetti revendeur qui a appliqué dans l'Etat membre de départ de l'expédition ou du transport du bien les dispositions de la législation de cet Etat prises pour la mise en oeuvre des articles 312 à 325 ou 333 à 341 de la directive 2006 / 112 / CE du Conseil du 28 novembre 2006. (...) ". Aux termes du I de l'article 297 A du même code : " 1° La base d'imposition des livraisons par un assujetti revendeur de biens d'occasion (...) qui lui ont été livrés par un non redevable de la taxe sur la valeur ajoutée ou par une personne qui n'est pas autorisée à facturer la taxe sur la valeur ajoutée au titre de cette livraison est constituée de la différence entre le prix de vente et le prix d'achat (...) ". Aux termes de l'article 297 E du même code, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Les assujettis qui appliquent les dispositions de l'article 297 A ne peuvent pas faire apparaître la taxe sur la valeur ajoutée sur leurs factures ou tous autres documents en tenant lieu ".

3. Il résulte de ces dispositions qu'une entreprise française assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée a la qualité d'assujetti revendeur et peut appliquer le régime de taxation sur la marge prévu par l'article 297 A du code général des impôts, lorsqu'elle revend un bien d'occasion acquis auprès d'un fournisseur, situé dans un autre Etat membre, qui, en sa qualité d'assujetti revendeur, lui a délivré une facture conforme aux dispositions précitées de l'article 297 E du code général des impôts, et dont le fournisseur a aussi cette qualité ou n'est pas assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée.

4. L'administration peut toutefois remettre en cause l'application de ce régime lorsque l'entreprise française ne pouvait ignorer la circonstance que son fournisseur n'avait pas la qualité d'assujetti revendeur et n'était pas autorisé à appliquer lui-même le régime de taxation sur la marge. Lorsqu'une entreprise produit des factures émanant de ses fournisseurs qui mentionnent que les ventes de véhicules s'effectuaient sous le régime de la taxe sur la marge, il incombe à l'administration, si elle s'y croit fondée, de démontrer, d'une part, que les mentions portées sur ces factures sont erronées, d'autre part, que le bénéficiaire de ces achats de véhicules savait ou aurait dû savoir que les opérations présentaient le caractère d'acquisitions intracommunautaires taxables sur l'intégralité du prix de revente à ses propres clients, et sans que pèse sur le contribuable l'obligation de vérifier la qualité d'assujetti revendeur de ses fournisseurs.

5. La société Excel Car a acquis au cours de la période vérifiée du 1er janvier 2010 au 31 juillet 2013, des véhicules d'occasion auprès des sociétés françaises " PCN Automobiles ", " Dumas Automobiles " et " AML Consulting " et, pour l'un des véhicules, auprès de la société slovène " Merena Plus D.O.O. ", en provenance d'Allemagne ou d'Espagne. Ces sociétés françaises et la société slovène les ont elles-mêmes acquis auprès de sociétés allemandes, espagnoles, slovènes, hongroises et roumaines. Les factures d'achat qu'elle a présentées à l'appui de sa comptabilité, dans le cadre de la vérification, mentionnaient, pour ces opérations, l'application du régime de taxation sur la marge. Les fournisseurs français et slovène n'ont pas fourni à l'Eurl Excel Car les factures de vente émises par leurs fournisseurs européens, mais uniquement des attestations de vente sur lesquelles ne figurait aucune TVA, ni la mention du régime de TVA appliqué. L'administration a remis en cause l'application de ce régime aux reventes desdits véhicules automobiles au motif que les mentions portées sur les factures d'achat étaient erronées et que l'Eurl Excel Car ne pouvait ignorer que ses fournisseurs n'avaient pas la qualité d'assujettis revendeurs au sens des dispositions de l'article 256 bis du code général des impôts.

6. Les investigations menées par l'administration et notamment les documents indispensables à l'immatriculation des véhicules en France ainsi que les informations transmises par les autorités fiscales allemandes et espagnoles dans le cadre de l'assistance administrative, ont révélé que les véhicules en litige avaient été acquis auprès de sociétés allemandes ou espagnoles assujetties et redevables de la TVA. Il résulte de l'instruction, et notamment des tableaux annexés à la proposition de rectifications du 12 décembre 2013, retraçant les informations figurant sur les certificats d'immatriculation des véhicules, que ces derniers ont été initialement immatriculés à l'état neuf, par des sociétés de location de véhicules ou des sociétés de financement des constructeurs automobiles. L'administration fait également valoir sans être contredite que M. B... a été informé le 7 juillet 2010, soit trois ans avant le début du contrôle, à la suite du droit d'enquête exercé par l'administration en application des articles L. 80 F et suivants du livre des procédures fiscales, que la société faisait une analyse partielle des documents qui lui étaient adressés par ses fournisseurs et que ces sociétés auraient dû considérer l'intégralité des achats de véhicules comme des acquisitions intracommunautaires taxables et auraient donc dû faire figurer sur les factures la TVA sur le prix total hors taxe des transactions. En outre, les cartes grises des véhicules nécessaires au transport qu'elle assurait par ses propres moyens ou par un convoyeur mandaté étaient en la possession de l'Eurl Excel Car et mentionnaient que les véhicules en cause appartenaient à un assujetti utilisateur, confirmant que le droit à déduction, déjà effectué sur ces véhicules, faisait obstacle à l'application ultérieure du régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge. Dans ces conditions, l'Eurl Excel Car ne peut sérieusement affirmer qu'elle aurait ignoré que ses fournisseurs n'étaient pas autorisés à appliquer, eux-mêmes, le régime de taxation sur la marge. Ainsi, l'administration établit que les mentions portées sur les factures d'achat de la société étaient erronées et que cette dernière savait ou aurait dû savoir que les opérations présentaient le caractère d'acquisitions taxables sur l'intégralité du prix de revente à ses propres clients. Ces faits sont suffisamment établis et sont de nature à justifier la remise en cause de l'application par la société, pour les véhicules dont il s'agit, du régime de taxation sur la marge prévue par l'article 297 A du code général des impôts sans qu'elle ne puisse utilement invoquer la délivrance par l'administration d'un quitus fiscal à raison de ces opérations, ce quitus prévu au I de l'article 242 terdecies de l'annexe II au code général des impôts ne valant pas prise de position formelle sur le régime fiscal applicable au regard de la taxe sur la valeur ajoutée.

Sur les pénalités :

7. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".

8. Ainsi qu'il a été dit, si les factures des fournisseurs de l'Eurl Excel Car mentionnaient l'application du régime de la taxation sur la marge, la société Excel Car, compte tenu des informations en sa possession, ne pouvait ignorer que les véhicules en cause ne pouvaient relever de ce régime et devaient être soumis pour la totalité de leur valeur à la taxe sur la valeur ajoutée. Ainsi, et eu égard notamment au nombre de véhicules concernés, l'administration apporte la preuve de l'absence de bonne foi de l'Eurl Excel Car qui, en sa qualité de professionnel de l'achat et de la vente de véhicules d'occasion, ne pouvait ignorer qu'elle ne réunissait pas les conditions objectives mises à l'application du régime de la taxation sur la marge pour ses propres opérations. Par suite et alors que le visa apposé par l'administration fiscale sur le certificat prévu au I de l'article 242 terdecies de l'annexe II au code général des impôts, délivré par l'administration, ne vaut pas prise de position formelle sur le régime fiscal applicable au regard de la taxe sur la valeur ajoutée, ainsi que le mentionne d'ailleurs ledit certificat, l'administration qui n'a ainsi nullement méconnu le principe de confiance légitime, était fondée à appliquer la majoration prévue à l'article 1729 du même code en cas de manquement délibéré.

9. Eu égard à la hiérarchie des normes, l'Eurl Excel Car ne saurait utilement se prévaloir de la méconnaissance par les dispositions légales précitées du principe général du droit à la sécurité juridique.

Sur l'amende prévue par les dispositions de l'article 1788 A du code général des impôts :

10. Aux termes de l'article 1788 A du code général des impôts : " (...) 4. Lorsqu'au titre d'une opération donnée le redevable de la taxe sur la valeur ajoutée est autorisé à la déduire, le défaut de mention de la taxe exigible sur la déclaration prévue au 1 de l'article 287, qui doit être déposée au titre de la période concernée, entraîne un rappel de droits correspondants assorti d'une amende égale à 5 % du rappel pour lequel le redevable bénéficie d'un droit à déduction (...) ".

11. Ainsi qu'il a été dit précédemment, l'Eurl Excel Car aurait dû, lors de l'achat du véhicule auprès de son fournisseur slovène Merena Plus D.O.O., assujetti revendeur, et dont la carte grise faisait mention d'un propriétaire polonais, assujetti utilisateur, déclarer en France une acquisition intracommunautaire et soumettre à la taxe l'intégralité du prix de revente du véhicule à son client. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a mis à sa charge l'amende de 5 % prévue par les dispositions précitées de l'article 1788 A 4 du code général des impôts.

12. Il résulte de ce qui précède que l'Eurl Excel Car n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que la requérante demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de l'Eurl Excel Car est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'Eurl Excel Car et au ministre de l'action et des comptes publics. Une copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-ouest.

Délibéré après l'audience du 15 octobre 2019 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

M. Frédéric Faïck, président-assesseur,

Mme C... D..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 novembre 2019.

Le rapporteur,

Caroline D...

Le président,

Elisabeth JayatLe greffier,

Virginie Marty

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

4

N° 17BX04167


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 17BX04167
Date de la décision : 12/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02-08-04 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée. Liquidation de la taxe. Fraude.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Caroline GAILLARD
Rapporteur public ?: Mme PERDU
Avocat(s) : CIAUDO

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-11-12;17bx04167 ?
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