Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme I... H... G... a demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler l'arrêté du 20 juin 2018 par lequel le préfet de la Martinique a prononcé son expulsion du territoire français.
Par un jugement n° 1800418 du 11 décembre 2018, le tribunal administratif de la Martinique a fait droit à cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 21 mars et 26 août 2019, le préfet de la Martinique demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Martinique du 11 décembre 2018 ;
2°) de rejeter la demande présentée devant le tribunal par Mme H... G....
Il soutient que :
- la procédure suivie devant la commission d'expulsion était régulière dès lors que le courrier convoquant Mme H... G... devant cette commission a été adressé à la dernière adresse connue de l'intéressée, laquelle a refusé le pli, même si, par erreur, ce pli a été retourné avec la mention " destinataire inconnu à l'adresse " ;
- la présence de l'intéressée connue pour se prostituer, constitue une menace grave pour l'ordre public dès lors qu'elle a été condamnée à cinq ans d'emprisonnement dont deux avec sursis pour des faits de violences volontaires ayant entrainé la mort sans intention de la donner sur l'un de ses clients qu'elle a poignardé ; elle est actuellement mise en cause dans d'autres procédures pénales pour des violences avec arme.
Par deux mémoires en défense, enregistrés les 15 et 30 août 2019, Mme H... G..., représentée par Me A..., conclut à ce qu'elle soit admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Martinique de lui fixer un rendez-vous afin que soit instruite sa demande de titre de séjour, sous astreinte de cinquante euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir, enfin, à ce qu'il soit mis à la charge de l'État le paiement de la somme de 2 500 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administratif et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par le préfet de la Martinique ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D... B... ;
- et les conclusions de Mme C... F....
Considérant ce qui suit :
1. Mme H... G..., ressortissante colombienne, est entrée en France, selon ses déclarations, le 12 février 2004. Sa fille, née le 20 avril 2004, a été reconnue par un ressortissant français le 18 mai 2005. Un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " lui a ainsi été délivré en qualité de parent d'enfant français le 18 octobre 2012 et a été régulièrement renouvelé jusqu'au 14 avril 2015. Le 24 juin 2016, l'intéressée a été condamnée à une peine de cinq ans d'emprisonnement dont deux ans avec sursis pour des faits de violences volontaires ayant entrainé la mort sans intention de la donner avec usage d'une arme. Après avoir considéré que Mme H... G... ne participait plus à l'entretien et à l'éducation de son enfant français, le préfet de la Martinique a, par un arrêté du 20 juin 2018, prononcé son expulsion du territoire français. Il relève appel du jugement du 11 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de la Martinique a annulé cet arrêté.
Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :
2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président ".
3. Mme H... G... doit être regardée comme ayant déposé une demande d'aide juridictionnelle. Eu égard aux circonstances de l'espèce, il y a lieu de prononcer, en application des dispositions précitées, l'admission provisoire de Mme H... G... au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Sur le bien-fondé du jugement :
4. Aux termes de l'article L. 522-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - Sauf en cas d'urgence absolue, l'expulsion ne peut être prononcée que dans les conditions suivantes : 1° L'étranger doit être préalablement avisé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat ; 2° L'étranger est convoqué pour être entendu par une commission qui se réunit à la demande de l'autorité administrative (...). ". Aux termes de l'article L. 522-2 du même code : " La convocation prévue au 2° de l'article L. 522-1 doit être remise à l'étranger quinze jours au moins avant la réunion de la commission. Elle précise que l'intéressé a le droit d'être assisté d'un conseil ou de toute personne de son choix et d'être entendu avec un interprète (...). Devant la commission, l'étranger peut faire valoir toutes les raisons qui militent contre son expulsion. Un procès-verbal enregistrant les explications de l'étranger est transmis, avec l'avis motivé de la commission, à l'autorité administrative compétente pour statuer (...) ". L'article R. 522-6 de ce code précise que : " Le bulletin de notification est remis à l'étranger, quinze jours au moins avant la date prévue pour la réunion de la commission soit par un fonctionnaire de police, soit par le greffier de l'établissement pénitentiaire. L'étranger donne décharge de cette remise. Si la remise à l'étranger lui-même n'a pu être effectuée, la convocation est envoyée à sa résidence par lettre recommandée avec demande d'avis de réception confirmée, le même jour, par lettre simple. Si l'étranger a changé de résidence sans en informer l'administration comme l'article R. 321-8 lui en fait obligation, la notification est faite à la dernière résidence connue par lettre recommandée dans les conditions indiquées à l'alinéa précédent. ".
5. Il ressort des pièces du dossier que le préfet de la Martinique a convoqué Mme H... G... devant la commission départementale d'expulsion par lettre du 23 novembre 2017, expédiée à son nom au centre d'hébergement et de réinsertion sociale où elle résidait à Fort-de-France. Ce pli a été retourné aux services de la préfecture le 29 novembre 2017, accompagné de la mention " destinataire inconnu à l'adresse ", alors pourtant que l'association gestionnaire du centre d'hébergement atteste de la présence de l'intéressée et que, contrairement à ce que soutient le préfet, aucun élément produit au dossier n'établit que Mme H... G... aurait refusé d'en prendre connaissance. C'est ainsi du fait d'une erreur des services postaux que le pli contenant la convocation devant la commission départementale d'expulsion n'a pu être distribuée à sa destinataire, laquelle n'a pas été avisée de la procédure d'expulsion engagée à son encontre et n'a pu présenter ses observations devant la commission départementale d'expulsion. Dans ces conditions, le préfet ne peut être regardé comme ayant régulièrement convoqué Mme H... G... devant cette commission. Il s'ensuit que l'arrêté litigieux est entaché d'un vice de procédure ayant privé Mme H... G... d'une garantie.
6. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre motif d'annulation retenu par les premiers juges, que le préfet de la Martinique n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Martinique a annulé son arrêté du 20 juin 2018 et mis à la charge de l'État le versement de la somme de 1 500 euros au conseil de Mme H... G..., sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État au titre de l'aide juridictionnelle.
Sur les conclusions incidentes de Mme H... G... :
7. Le présent arrêt qui rejette la requête du préfet de la Martinique, n'implique aucune mesure particulière d'exécution. Ainsi que l'ont retenu les premiers juges, l'annulation de l'arrêté du préfet prononçant l'expulsion de Mme H... G... n'implique pas nécessairement qu'un titre de séjour lui soit délivré, ni même que le préfet prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction. Dans ces conditions, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par Mme H... G... doivent être rejetées.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 1 200 euros au profit de Me A..., conseil de Mme H... G..., bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, sous réserve que l'avocate renonce à la somme correspondant à la part contributive de l'État au titre de l'aide juridictionnelle, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : Mme H... G... est admise, à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Article 2 : La requête du préfet de la Martinique est rejetée.
Article 3 : Les conclusions à fin d'injonction présentées, par voie d'appel incident, par Mme H... G... sont rejetées.
Article 4 : L'État versera à Me A... une somme de 1 200 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que l'avocate renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à Mme I... H... G... et à Me E... A.... Copie en sera adressée au ministre des outre-mer et au préfet de la Martinique.
Délibéré après l'audience du 10 octobre 2019 à laquelle siégeaient :
Mme Marianne Hardy, président,
M. D... B..., président-assesseur,
Mme Nathalie Gay-Sabourdy, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 7 novembre 2019.
Le rapporteur,
Didier B...Le président,
Marianne Hardy
Le greffier,
Sophie Lecarpentier
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 19BX01211