Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 29 mars 2019 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il sera renvoyé.
Par un jugement n° 1901773 du 6 juin 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a annulé cet arrêté.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 20 juin 2019, le préfet de la Gironde demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 6 juin 2019 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Bordeaux ;
3°) de mettre à la charge de M. A... une somme de 800 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient qu'en application du 7° de l'article L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le droit au maintien de M. A... sur le territoire français a pris fin dès la décision de rejet de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides rendue en procédure accélérée.
La requête a été communiquée à M. A... qui n'a pas produit d'observations.
Par ordonnance du 1er août 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 10 septembre 2019 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Romain Roussel, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., né le 6 décembre 1989, de nationalité sénégalaise, est entré en France le 26 juillet 2018 selon ses déclarations et a déposé une demande d'asile le 31 juillet suivant. L'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande d'asile par décision du 29 janvier 2019. Par arrêté du 29 mars 2019, le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il sera renvoyé. Le préfet de la Gironde relève appel du jugement du 6 juin 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a annulé cet arrêté à la demande de M. A....
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, dans le délai prévu à l'article L. 731-2 contre une décision de rejet de l'office, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci (...) ". Aux termes de l'article L. 743-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 743-1, sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951, et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, adoptée à Rome le 4 novembre 1950, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin et l'attestation de demande d'asile peut être refusée, retirée ou son renouvellement refusé lorsque : (...) 7° L'office a pris une décision de rejet dans les cas prévus au I et au 5° du III de l'article L. 723-2 (...) ". Ce dernier article dispose que " I. - L'office statue en procédure accélérée lorsque : / 1° Le demandeur provient d'un pays considéré comme un pays d'origine sûr en application de l'article L. 722-1 (...) ". Aux termes de l'article L. 743-3 du même code : " L'étranger auquel la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé ou qui ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2 et qui ne peut être autorisé à demeurer sur le territoire à un autre titre doit quitter le territoire français, sous peine de faire l'objet d'une mesure d'éloignement prévue au titre Ier du livre V et, le cas échéant, des pénalités prévues au chapitre Ier du titre II du livre VI. / Dans le cas où le droit de se maintenir sur le territoire a pris fin en application des 4° bis ou 7° de l'article L. 743-2, l'étranger peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat désigné statuant sur le recours formé en application de l'article L. 512-1 contre l'obligation de quitter le territoire français de suspendre l'exécution de la mesure d'éloignement jusqu'à l'expiration du délai de recours devant la Cour nationale du droit d'asile ou, si celle-ci est saisie, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la cour, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci. Le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné à cette fin fait droit à la demande de l'étranger lorsque celui-ci présente des éléments sérieux de nature à justifier, au titre de sa demande d'asile, son maintien sur le territoire durant l'examen de son recours par la cour ".
3. Il ressort des pièces du dossier que la demande d'asile déposée par M. A... a été rejetée par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 29 janvier 2019 sur le fondement des dispositions, citées au point précédent, du 1° du I de l'article L. 723-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il n'est pas contesté que cette décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a été notifiée à l'intéressé le 26 février 2019. Il entrait donc dans le champ des dispositions du 7° de l'article L. 743-2, ne disposait plus du droit de se maintenir sur le territoire français et pouvait, par suite, faire l'objet d'une mesure d'éloignement, quand bien même il a obtenu l'aide juridictionnelle pour déposer un recours devant la Cour nationale du droit d'asile.
4. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux s'est fondé sur la circonstance que M. A... avait déposé une demande d'aide juridictionnelle auprès du bureau de l'aide juridictionnelle de la Cour nationale du droit d'asile dans le délai prévu par l'article 9-4 de la loi du 10 juillet 1991 pour annuler l'arrêté en litige.
5. Il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif de Bordeaux.
Sur la légalité de l'arrêté en litige :
6. Le préfet de la Gironde par intérim a, par arrêté du 21 mars 2019, régulièrement publié au recueil des actes administratifs des services de l'État en Gironde, donné délégation à Mme G... E..., directrice des migrations et de l'intégration et signataire de l'arrêté en litige, à l'effet de signer notamment les décisions en matière d'asile prises en application du livre VII du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les décisions d'éloignement et décisions accessoires s'y rapportant prises en application du livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les décisions de désignation du pays d'éloignement, en cas d'absence ou d'empêchement de M. Thierry Suquet, secrétaire général de la préfecture de la Gironde, et de M. F... D..., sous-préfet d'Arcachon. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté comme manquant en fait.
En ce qui concerne la décision de refus de séjour :
7. En premier lieu, l'arrêté en litige comporte l'énoncé des motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement. Il vise notamment la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment ses articles 3 et 8, ainsi que ceux du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicables à la situation de M. A..., en particulier les articles L. 743-1 à L. 743-4. L'arrêté précise les conditions de son entrée et de son séjour en France et le fait que sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en procédure accélérée. Par ailleurs, le préfet de la Gironde précise que l'intéressé est célibataire et sans enfant et n'est pas dépourvu d'attaches privées et familiales dans son pays d'origine. Dès lors, le préfet de la Gironde a suffisamment motivé en droit et en fait la décision par laquelle il a refusé de lui délivrer un titre de séjour. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation manque en fait et doit être écarté.
8. En deuxième lieu, il ressort de la motivation de l'arrêté en litige que le préfet de la Gironde s'est livré à un examen complet de la situation personnelle de M. A.... La circonstance que l'arrêté en litige ne mentionne pas que l'intéressé avait manifesté son intention de saisir la Cour nationale du droit d'asile est sans incidence sur sa légalité compte tenu de ce qui a été dit au point 3.
9. En troisième lieu, si, en application des dispositions, citées au point 2, du 7° de l'article L. 743-2 et du 1° du I de l'article L. 723-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'étranger en provenance d'un pays d'origine sûr, dont la demande d'asile a été rejetée pour ce motif par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en procédure accélérée, ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français, d'une part, il n'est pas privé de la possibilité d'exercer un recours devant la Cour nationale du droit d'asile contre la décision de rejet de l'office, d'autre part, il bénéfice du droit de contester devant le tribunal administratif l'arrêté préfectoral, tel que celui en litige, lui refusant le droit au séjour et l'obligeant à quitter le territoire français, et, enfin, il peut demander au président du tribunal administratif, en application dernier alinéa de l'article L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la suspension de l'exécution de la mesure d'éloignement jusqu'à l'expiration du délai de recours devant la Cour nationale du droit d'asile ou, si cette dernière est saisie, jusqu'à sa décision. Dans ces conditions, en refusant d'admettre M. A... au séjour, le préfet n'a méconnu ni les stipulations de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, ni celles, en tout état de cause, de l'article 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
10. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 313-25 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Une carte de séjour pluriannuelle d'une durée maximale de quatre ans est délivrée, dès sa première admission au séjour : / 1° A l'étranger qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire en application de l'article L. 712-1 (...) ". Aux termes de l'article L. 314-11 du même code : " Sauf si la présence de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public, la carte de résident est délivrée de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour : (...) 8° A l'étranger reconnu réfugié en application du livre VII (...) ".
11. Dès lors que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté la demande d'asile déposée par M. A..., et compte tenu de ce qui a été dit au point 9, en refusant d'admettre l'intéressé au séjour en France, le préfet n'a méconnu ni les dispositions de l'article L. 313-25 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni celle de l'article L. 314-11 du même code.
En ce qui concerne la décision faisant obligation de quitter le territoire français :
12. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
13. M. A... ne peut utilement se prévaloir des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales à l'encontre de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français, laquelle ne désigne pas le pays à destination duquel il sera renvoyé.
Sur les conclusions tendant à la suspension de la mesure d'éloignement :
14. La seule production par M. A... d'une lettre manuscrite, présentée comme émanant de son frère, n'est pas de nature à faire naître un doute sérieux sur le bien-fondé de la décision de rejet de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides au regard des risques de persécution allégués. Il y a donc lieu de rejeter les conclusions de l'intéressé tendant à la suspension de la mesure d'éloignement dont il fait l'objet.
15. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Gironde est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a annulé son arrêté du 29 mars 2019.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
16. Le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution. Il y a donc lieu de rejeter les conclusions à fin d'injonction présentées par M. A....
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que demande M. A... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En outre, si l'Etat demande en appel à bénéficier de ces mêmes dispositions, il ne fait toutefois état d'aucun frais spécifique exposé pour défendre à l'instance.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du 6 juin 2019 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Bordeaux ainsi que les conclusions de l'Etat tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., à Me B... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 1er octobre 2019 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, président,
M. Frédéric Faïck, président assesseur,
M. Romain Roussel, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 29 octobre 2019.
Le rapporteur,
Romain RousselLe président,
Elisabeth JayatLe greffier,
Virginie Marty
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 19BX02347