La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/10/2019 | FRANCE | N°19BX00483

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 17 octobre 2019, 19BX00483


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... E... a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler l'arrêté du 4 août 2017 par lequel le préfet de la Guyane a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il serait renvoyé.

Par un jugement n° 1800274 du 8 novembre 2018, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 11 fév

rier 2019, M. E..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) de lui accorder l'aide juridicti...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... E... a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler l'arrêté du 4 août 2017 par lequel le préfet de la Guyane a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il serait renvoyé.

Par un jugement n° 1800274 du 8 novembre 2018, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 11 février 2019, M. E..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) de lui accorder l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guyane du 8 novembre 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Guyane du 4 août 2017 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Guyane de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre les dépens à la charge de l'Etat.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

- méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile

- porte une atteinte disproportionnée à son droit à une vie privée et familiale normale contrairement aux dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à celles du dixième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ;

- méconnaît l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cette décision porte atteinte à l'intérêt supérieur de ses enfants nés en France en contravention avec les dispositions des articles 3-1 et 9-1 de la convention internationale de New York ;

- est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle en tant qu'elle l'oblige à quitter le territoire français pour demander le bénéfice d'un titre de séjour au titre du regroupement familial.

Par ordonnance du 27 février 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 24 avril 2019 à 12 heures.

M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 mai 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. D..., a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. E..., ressortissant haïtien né en 1989, est, selon ses déclarations, entré en France en 2012. Il a sollicité un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet de la Guyane lui a refusé le séjour, fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé son pays d'origine pour destination de cette mesure si elle devait être exécutée d'office par un arrêté en date du 4 août 2017. M. E... relève appel du jugement en date du 8 novembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Guyane a rejeté sa requête tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :

2. M. E... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du tribunal de grande instance de Bordeaux du 2 mai 2019, ses conclusions tendant à l'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle sont devenues sans objet.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ".

4. Le requérant soutient vivre de manière continue en France depuis 2005 ou 2012 mais a bénéficié du dispositif d'aide au retour volontaire en 2014. Il affirme vivre en situation de concubinage avec Mme C... et leurs enfants mais l'attestation d'hébergement produite ne mentionne ni cette dernière, ni les enfants. De même, les avis d'imposition au nom du requérant pour les années 2013 à 2017 ne sont pas issue d'une déclaration de revenus commune avec Mme C..., citoyenne haïtienne dont la régularité de la situation sur le territoire n'est pas établie. Le requérant ne peut se prévaloir que d'une reconnaissance de la paternité des enfants de Mme C... nés le 6 juillet 2012 en Haïti et le 9 mars 2017 en France, car il ne ressort d'aucune pièce du dossier qu'il vive avec la mère de ses enfants ou qu'il contribue à l'entretien de ces derniers. La seule présence des enfants sur le territoire français n'est pas de nature à lui conférer un droit au séjour. M. E... ne justifie pas d'avoir créé en France des liens intenses et stables. Il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de 23 ans et où il a déclaré que son père et trois de ses frères résident. En dépit de la production d'une promesse d'embauche, il ne justifie pas de son insertion sociale et économique dans la société française. Par suite, eu égard à la durée et aux conditions de séjour en France de l'intéressé, l'arrêté n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels cette décision a été prise et n'a, dès lors, pas méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni le dixième alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946. La décision attaquée n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. E....

5. M. E... soutient que l'arrêté en litige a été pris en méconnaissance des stipulations des articles 3-1 et 9-1 de la convention internationale signée à New York le 26 janvier 1990, relative aux droits de l'enfant. D'une part, les stipulations de l'article 9-1 de la convention relative aux droits de l'enfant créant seulement des obligations entre les États sans ouvrir de droits aux intéressés, le requérant ne peut donc utilement se prévaloir des stipulations de ce dernier article pour demander l'annulation de l'arrêté contesté. D'autre part, s'il résulte des stipulations de l'article 3-1 de la même convention, qui peuvent, à la différence de celles de l'article 9-1 de la même convention, être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant, Mme C..., ainsi qu'il a été dit au point 4, ne justifie d'aucun droit à résider sur le territoire français. Même si l'enfant le plus âgé a débuté sa scolarité en France, rien n'empêche le requérant et Mme C... de constituer une cellule familiale dans leur pays d'origine alors que la réalité de celle-ci n'est pas établie en France. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance, par la décision attaquée, des stipulations de l'article 3-1 de la convention doit être écarté.

6. Enfin, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. ".

7. Il résulte de ces dispositions que le législateur a entendu laisser à l'administration un large pouvoir pour apprécier si l'admission au séjour d'un étranger répond à des considérations humanitaires ou si elle se justifie au regard des motifs exceptionnels que celui-ci fait valoir. Concernant la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaire prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée.

8. Le requérant n'apporte aucun élément qui permettrait d'établir l'existence de circonstances exceptionnelles ou de motifs humanitaires justifiant son admission au séjour au titre de la vie privée et familiale en application de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 août 2017 du préfet de la Guyane. Par voie de conséquence, les conclusions du requérant tendant à ce que les dépens soit mis à la charge de l'Etat doivent également être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions tendant à l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle.

Article 2 : Le surplus de la requête de M. E... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Guyane et au ministre des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 19 septembre 2019 à laquelle siégeaient :

M. Philippe Pouzoulet, président,

M. Dominique Ferrari, président-assesseur,

M. Stéphane D..., premier conseiller,

Lu en audience publique, le 17 octobre 2019.

Le rapporteur,

Stéphane D... Le président,

Philippe Pouzoulet Le greffier,

Sylvie Hayet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

4

N° 19BX00483


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX00483
Date de la décision : 17/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. POUZOULET
Rapporteur ?: M. Stéphane GUEGUEIN
Rapporteur public ?: Mme LADOIRE
Avocat(s) : JUNIEL

Origine de la décision
Date de l'import : 19/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-10-17;19bx00483 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award