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17/10/2019 | FRANCE | N°17BX02595

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 17 octobre 2019, 17BX02595


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... E... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision implicite du 26 décembre 2014, par laquelle la directrice interrégionale des services pénitentiaires a rejeté son recours administratif préalable obligatoire tendant à l'annulation de la décision de la commission de discipline du 12 novembre 2014.

Par un jugement n° 1500556 du 21 juin 2017, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enre

gistrée le 2 août 2017, M. E..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... E... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision implicite du 26 décembre 2014, par laquelle la directrice interrégionale des services pénitentiaires a rejeté son recours administratif préalable obligatoire tendant à l'annulation de la décision de la commission de discipline du 12 novembre 2014.

Par un jugement n° 1500556 du 21 juin 2017, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 2 août 2017, M. E..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 21 juin 2017 ;

2°) d'annuler la décision implicite du 26 décembre 2014 ;

Il soutient que :

- le rédacteur du compte rendu d'incident qui est à l'origine de la sanction est partial ;

- la matérialité des faits ayant justifié la sanction n'est pas établie ;

- la commission de discipline a méconnu son obligation d'impartialité ; la composition de cette commission méconnait les stipulations de l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision en litige est entachée de détournement de pouvoir ;

M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 octobre 2017.

Par un mémoire en défense enregistré le 18 avril 2019, la Garde des sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête. Elle soutient que la requête est irrecevable et qu'aucun des moyens invoqués par le requérant n'est par ailleurs fondé.

Par ordonnance du 19 avril 2019, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 20 mai 2019 à 12:00.

Vu :

- le code de procédure pénale ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C... D...,

- et les conclusions de Mme Sabrina Ladoire, rapporteur public,

Considérant ce qui suit :

1. M. E... a été transféré à la maison centrale de Saint-Martin de Ré le 30 janvier 2014. Le 31 octobre 2014, un surveillant a constaté, après le passage de l'intéressé dans la cabine téléphonique, la présence, sur la paroi de celle-ci, d'une inscription injurieuse envers le chef de la détention de l'établissement, qui n'y figurait pas auparavant. Par une décision du 12 novembre 2014 de la commission de discipline, M. E... a été sanctionné de douze jours de confinement en cellule, avec privation de télévision, pour avoir formulé des insultes à l'encontre d'un membre du personnel de l'établissement, faits réprimés par le 1° de l'article R. 57-7-2 du code de procédure pénale. Il a formé, à l'encontre de cette décision, un recours administratif le 26 novembre 2014, auprès de la directrice interrégionale des services pénitentiaires de Bordeaux. En l'absence de réponse, une décision implicite de rejet est née le 26 décembre 2014. M. E... relève appel du jugement n° 1500556 du 21 juin 2017 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté son recours tendant à l'annulation de cette décision.

Sur le bien fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article R. 57-7 du code de procédure pénale : " Les fautes disciplinaires sont classées selon leur gravité, selon les distinctions prévues aux articles R. 57-7-1 à R. 57-7-3, en trois degrés. ". Aux termes de l'article R. 57-7-2 du même code : " Constitue une faute disciplinaire du deuxième degré le fait, pour une personne détenue : 1° De formuler des insultes, des menaces ou des outrages à l'encontre d'un membre du personnel de l'établissement, d'une personne en mission ou en visite au sein de l'établissement pénitentiaire ou des autorités administratives ou judiciaires (...) ".

En ce qui concerne les moyens de légalité externe :

3. Aux termes de l'article R. 57-7-13 du code de procédure pénale : " En cas de manquement à la discipline de nature à justifier une sanction disciplinaire, un compte rendu est établi dans les plus brefs délais par l'agent présent lors de l'incident ou informé de ce dernier. L'auteur de ce compte rendu ne peut siéger en commission de discipline. ". Aux termes de l'article R. 57-7-14 du même code : " A la suite de ce compte rendu d'incident, un rapport est établi par un membre du personnel de commandement du personnel de surveillance, un major pénitentiaire ou un premier surveillant et adressé au chef d'établissement. Ce rapport comporte tout élément d'information utile sur les circonstances des faits reprochés à la personne détenue et sur la personnalité de celle-ci. L'auteur de ce rapport ne peut siéger en commission de discipline. ". Enfin, l'article R. 57-7-15 de ce code dispose que : " Le chef d'établissement ou son délégataire apprécie, au vu des rapports et après s'être fait communiquer, le cas échéant, tout élément d'information complémentaire, l'opportunité de poursuivre la procédure. (...) ".

4. Il ressort des pièces du dossier qu'un compte rendu d'incident a été dressé le 31 octobre 2014 à 12h16 par l'agent B en poste au quartier disciplinaire de la maison centrale de Saint-Martin de Ré, témoin, le même jour à 10h00, de l'entrée et de la sortie de M. E... de la cabine téléphonique. A la suite de ce compte rendu, un rapport d'enquête a été établi, le même jour à 17h25, par le premier surveillant Kerric.

5. En premier lieu, le compte rendu d'incident ne doit pas donner à penser que les faits qu'il relate sont d'ores et déjà établis ou que leur caractère répréhensible au regard des règles à appliquer est d'ores et déjà reconnu. En l'espèce, ce document se borne à faire état de ce qui a été constaté dans la cabine téléphonique de l'établissement après le passage de M. E..., de manière objective, neutre et circonstanciée, sans se prononcer sur le caractère répréhensible des faits ainsi relatés. Si le requérant fait valoir que l'auteur dudit compte rendu n'est pas identifié, et demande que l'identité de ce dernier lui soit communiquée, une telle information est sans rapport avec la teneur des évènements relatés dans le document et n'est pas de nature à établir que son rédacteur aurait été partial. Par suite, le moyen tiré de ce que le rédacteur du compte rendu d'incident aurait méconnu le principe d'impartialité ne peut être accueilli.

6. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que, dans le compte rendu d'incident établi le 31 octobre 2014 à 12h16, un surveillant de la maison centrale de Saint-Martin de Ré a relaté qu'il avait constaté, après le passage de M. E... dans la cabine téléphonique, la présence de l'inscription faite au stylo " salope B... ", Mme B... étant le chef du centre de détention de la maison centrale de Saint-Martin de Ré, tout en indiquant qu'il avait vérifié l'intérieur de la cabine auparavant et que cette inscription ne s'y trouvait pas. Comme il a été dit plus haut, ce compte rendu est rédigé en des termes clairs, neutres et circonstanciés. La commission de discipline a par ailleurs constaté l'existence de cette inscription, confirmée par une photographie. Si M. E... fait valoir qu'il n'a pas été pris sur le fait, il ne fait état d'aucun élément de nature à expliquer les motifs pour lesquels le surveillant qui a rédigé le compte rendu d'incident aurait formulé de fausses allégations. Par suite, au vu des faits ainsi relatés dans ce document, et en l'absence de tout élément de nature à les remettre en cause, l'administration pénitentiaire a pu à bon droit estimer que la matérialité des faits était suffisamment établie.

7. En troisième lieu, M. E... soutient que la composition de la commission de discipline a méconnu le principe d'impartialité et les stipulations de l'article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que l'un des assesseurs appelés à y siéger a eu envers lui, au cours du mois d'octobre 2014, des propos injurieux et discriminatoires ayant justifié qu'il porte plainte à son encontre par courrier du 14 novembre 2014.

8. D'une part, si les sanctions disciplinaires encourues par les personnes détenues peuvent entraîner des limitations de leurs droits et doivent être regardées de ce fait comme portant sur des contestations sur des droits à caractère civil au sens des stipulations du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la nature administrative de l'autorité prononçant les sanctions disciplinaires fait obstacle à ce que les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales soient applicables à la procédure disciplinaire dans les établissements pénitentiaires. Par suite, le requérant ne saurait utilement invoquer ces stipulations pour contester la procédure disciplinaire menée son encontre.

9. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que, lors d'une précédente comparution devant la commission de discipline le 31 octobre 2014 à 16h00, pour des faits de refus de réintégrer sa cellule, M. E... a indiqué qu'il avait été insulté à plusieurs reprises, durant son incarcération, par les agents " Alban ", " Tony " et " Billy ". Outre que M. G..., qui a siégé lors de la commission de discipline du 12 novembre 2014, n'est pas le seul surveillant de la maison centrale de Saint-Martin de Ré à porter le prénom de Tony, il ne ressort pas de l'instruction que le requérant, appelé à s'exprimer à propos des faits qui lui étaient reprochés, aurait fait état, devant la commission de discipline réunie le 12 novembre 2014, d'un quelconque différend avec l'un des deux assesseurs, de nature à remettre en cause l'impartialité de la commission, ou de son intention de porter plainte contre les trois agents dont les prénoms avaient été évoqués lors de son audition du 31 octobre 2014. Dans ces conditions, M. E... n'est pas fondé à soutenir que la présence de M. G... à la commission de discipline a entaché de partialité la composition de cette commission.

10. En quatrième lieu, le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi.

11. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir soulevée en défense, que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation la décision implicite du 26 décembre 2014, par laquelle la directrice interrégionale des services pénitenciers a rejeté son recours administratif préalable obligatoire tendant à l'annulation de la décision de la commission de discipline du 12 novembre 2014.

Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. L'Etat n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées par M. E... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE

Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... E... et à la Garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 19 septembre 2019 à laquelle siégeaient :

M. Philippe Pouzoulet, président,

M. Dominique Ferrari, président-assesseur,

Mme C... D..., premier conseiller,

Lu en audience publique, le 17 octobre 2019.

Le rapporteur,

Sylvie D...

Le président,

Philippe Pouzoulet La greffière,

Sylvie Hayet

La République mande et ordonne à la Garde des sceaux, ministre de la justice, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 17BX02595


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 17BX02595
Date de la décision : 17/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

37-05-02-01 Juridictions administratives et judiciaires. Exécution des jugements. Exécution des peines. Service public pénitentiaire.


Composition du Tribunal
Président : M. POUZOULET
Rapporteur ?: Mme Sylvie CHERRIER
Rapporteur public ?: Mme LADOIRE
Avocat(s) : FILET

Origine de la décision
Date de l'import : 19/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-10-17;17bx02595 ?
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