Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... E... a demandé au tribunal administratif de Pau de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels il a été assujetti au titre des années 2010, 2011 et 2012 et des périodes correspondantes, des amendes infligées au titre de l'article 1736 du code général des impôts et des pénalités dont ces impositions ont été assorties.
Par un jugement n° 1501095 du 27 octobre 2017, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 1er décembre 2017 et le 5 décembre 2018, M. B... E..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 27 octobre 2017 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions, amendes et pénalités susmentionnées ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la procédure de rectification qui qualifie l'entreprise espagnole de fictive n'a pas été conduite avec les garanties de la procédure de répression des abus de droit prévues à l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ;
- la durée de la vérification de comptabilité a excédé le délai de trois mois prévu par l'article L. 52 du livre des procédures fiscales ;
- l'administration a utilisé des informations adressées par les autorités espagnoles qui ne lui ont pas été communiquées en méconnaissance de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ;
- la chambre correctionnelle de la cour d'appel de Pau l'a relaxé, par une décision devenue définitive, des fins de la poursuite engagée à son encontre ; l'autorité de la chose jugée au pénal fait obstacle au maintien des impositions et pénalités en litige.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 5 juin 2018 et le 9 janvier 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 janvier 2018.
Par une ordonnance du 9 janvier 2019, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 7 février 2019 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention signée le 10 janvier 1995 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume d'Espagne en vue d'éviter les doubles impositions ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C... D...,
- les conclusions de Mme Sylvande Perdu, rapporteur public,
- et les observations de Me A..., représentant M. E....
Considérant ce qui suit :
1. M. E... qui a exercé jusqu'en 2013 aussi bien en France qu'en Espagne, sous la dénomination " Exway consultants ", une activité de prestations de conseil en commerce international et d'assistance informatique, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les années 2010, 2011 et 2012 à l'issue de laquelle l'administration a regardé les prestations de service effectuées selon l'intéressé par l'entreprise individuelle espagnole dont il est le gérant comme relevant en réalité de l'activité exercée par son entreprise individuelle française, basée à Biarritz et lui a notifié, en conséquence, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, une amende fondée sur l'article 1736-IV du code général des impôts et une pénalité de 80 % pour manoeuvres frauduleuses.
2. M. E... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions, amende et pénalités.
3. Les constatations de fait qui sont le support nécessaire d'un jugement définitif rendu par le juge pénal s'imposent au juge de l'impôt. En revanche, l'autorité de la chose jugée par la juridiction pénale ne saurait s'attacher aux motifs d'une décision de relaxe tirés de ce que les faits reprochés au contribuable ne sont pas établis et de ce qu'un doute subsiste sur leur réalité et, notamment, sur la nature des opérations effectuées. Par suite, en présence d'un jugement définitif de relaxe rendu par le juge répressif, il appartient au juge de l'impôt, avant de porter lui-même une appréciation sur la matérialité et la qualification des faits au regard de la loi fiscale, de rechercher si cette relaxe était ou non fondée sur des constatations de fait qui s'imposent à lui. Le moyen tiré de la méconnaissance de cette autorité, qui présente un caractère absolu, est d'ordre public et peut être invoqué pour la première fois devant la cour d'appel.
4. M. E... se prévaut de l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt, devenu définitif, de la cour d'appel de Pau en date du 22 novembre 2018. Il ressort des termes de cet arrêt qu'il prononce la relaxe de M. E... des fins de poursuite de fraude fiscale au titre des années 2010, 2011 et 2012 en retenant notamment que : " Il est justifié par M. B... E... qu'il a bien régularisé au titre des années 2010, 2011 et 2012 des déclarations visant à porter à la connaissance des autorités espagnoles l'étendue et la consistance des ses revenus. Il en est de même en ce qui concerne les déclarations trimestrielles et récapitulatives de TVA concernant les mêmes années et dont les justificatifs sont également produits. (...) Ces documents sont de nature à anéantir les affirmations faites et maintenues par l'administration fiscale (...). Ainsi qu'exposé plus avant, l'essentiel des activités professionnelles de M. B... E... étaient exercées par celui-ci au cours de la période visée par la prévention, sur le territoire espagnol ou depuis ce même Etat, même si elles pouvaient être réalisées ponctuellement en France ". Il résulte de ces énonciations que la cour d'appel de Pau regarde l'activité de M. E... au titre des rectifications en litige comme exercée quasi exclusivement depuis son entreprise individuelle espagnole.
5. Il résulte de l'instruction que, pour fonder les impositions en litige, l'administration a estimé que durant les années en litige, le contribuable n'avait eu, au contraire, aucune activité en Espagne et a imposé comme revenus d'origine française la totalité des recettes provenant de prestations facturées par l'entreprise individuelle de M. E... en Espagne et encaissées sur un compte bancaire espagnol. L'autorité de la chose jugée au pénal par l'arrêt rappelé ci-dessus au point 4 fait obstacle au maintien de ces impositions, fondées sur des constatations de fait contraires à celles qu'a retenues la cour d'appel de Pau au soutien du dispositif de son arrêt du 22 novembre 2018.
6. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. E... est fondé à demander la décharge des impositions et pénalités en litige mis à sa charge au titre des années 2010, 2011 et 2012 et des périodes correspondantes, ainsi que l'annulation du jugement attaqué.
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à M. E... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Pau est annulé.
Article 2 : M. E... est déchargé des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des amendes et pénalités dont ils ont été assortis, mis à sa charge au titre des années 2010, 2011 et 2012 et des périodes correspondantes.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à M. E... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... E... et au ministre de l'action et des comptes publics. Une copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-ouest.
Délibéré après l'audience du 17 septembre 2019 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, président,
M. Frédéric Faïck, président-assesseur,
Mme C... D..., premier conseiller,
Lu en audience publique, le 15 octobre 2019.
Le rapporteur,
Caroline D...
Le président,
Elisabeth JayatLe greffier,
Virginie Marty
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 17BX03768