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10/10/2019 | FRANCE | N°19BX00730

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 10 octobre 2019, 19BX00730


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... D... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 26 avril 2018 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il serait reconduit.

Par un jugement n° 1800979 du 31 octobre 2018, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 21 février 20

19, M. D..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal ad...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... D... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 26 avril 2018 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il serait reconduit.

Par un jugement n° 1800979 du 31 octobre 2018, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 21 février 2019, M. D..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 31 octobre 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 26 avril 2018 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il serait reconduit ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de quinze euros par jour de retard passé ce délai, subsidiairement de réexaminer sa demande dans un délai d'un mois, sous astreinte de 200 euros par jour de retard passé ce délai ;

4°) de mettre à la charge de l'État le paiement de la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

S'agissant du refus de délivrance d'un certificat de résidence algérien :

- il ne peut bénéficier d'un traitement médical approprié en Algérie en raison de son indisponibilité et de son coût, de sorte que le préfet a méconnu l'article 6 alinéa 7 de l'accord franco-algérien ;

- le préfet a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ;

S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :

- il ne peut bénéficier d'un traitement médical approprié en Algérie ;

- le préfet a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision du préfet est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa vie personnelle ;

S'agissant de décision fixant le pays de renvoi :

- il ne peut bénéficier d'un traitement médical approprié en Algérie.

Par un mémoire en défense enregistré le 19 avril 2019, le préfet de la Haute-Vienne conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens invoqués par l'intéressé ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 12 avril 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 17 juin 2019 à 12 heures.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 24 janvier 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. B... A... a été entendu, au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant algérien né en 1981 et entré en France le 20 janvier 2013 muni d'un passeport revêtu d'un visa de type C d'une durée de validité de trente jours, s'y est maintenu irrégulièrement après l'expiration de ce visa. Il a bénéficié à compter du 30 novembre 2015 d'un certificat de résidence algérien en qualité d'étranger malade valable jusqu'au 29 octobre 2016. Le préfet de la Haute-Vienne a ensuite, par arrêté du 10 mars 2017, refusé de lui renouveler ce titre. Après un jugement du 26 octobre 2017 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté le recours exercé par M. D... contre cette décision, l'intéressé a saisi de nouveau le préfet d'une demande de certificat algérien. Il relève appel du jugement du 31 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 avril 2018 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il serait reconduit.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne le refus de certificat de résidence algérien :

2. D'une part, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 7° au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. (...) ".

3. Aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont les dispositions de procédure s'appliquent aux demandes présentées par les ressortissants algériens : " (...) le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) " ;

4. Il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un certificat de résidence algérien à un algérien qui en fait la demande au titre des stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien, de vérifier, au vu de l'avis émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, que cette décision ne peut avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale en Algérie. Lorsque le défaut de prise en charge médicale risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le certificat de résidence algérien sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause en Algérie. Si de telles possibilités existent mais que l'algérien fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié en Algérie.

5. Selon l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 3 février 2018, si l'état de santé de M. D... atteint de diabète nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Les pièces produites à l'instance par l'appelant, notamment un certificat établi par un médecin généraliste ne permettent pas d'infirmer l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration sur l'existence du traitement requis en Algérie. Si l'appelant fait également valoir le coût de ce traitement, il ne conteste pas que le système de sécurité sociale en Algérie prévoit la possibilité d'une prise en charge des soins dispensés aux personnes dépourvues de ressources ou dont les ressources sont inférieures à certains seuils. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien doit être écarté.

6. D'autre part, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5° Au ressortissant algérien qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; (...) " .

7. Il ressort des pièces du dossier que M. D... est célibataire, sans charge d'enfant en France et ne s'y prévaut d'aucune attache personnelle ou familiale. Il n'établit ni même n'allègue être dépourvu de telles attaches en Algérie où il a vécu jusqu'à l'âge de 32 ans. Ainsi, eu égard aux conditions et à la durée du séjour en France de l'intéressé, le préfet n'a pas, en refusant de lui délivrer un certificat de résidence algérien, porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la décision litigieuse a été prise, en dépit de la volonté d'intégration dont il soutient avoir fait preuve. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'accord franco-algérien doit être écarté.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

8. L'appelant reprend à l'encontre de la décision litigieuse les mêmes moyens que ceux invoqués à l'encontre du refus de délivrance du certificat de résidence. Ces moyens doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux énoncés lors de l'examen de la légalité de ce refus. Pour les mêmes motifs, le préfet de la Haute-Vienne n'a pas davantage commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. D....

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

9. M. D... reprend à l'encontre de la décision litigieuse le même moyen invoqué à l'encontre du refus de délivrance du certificat de résidence, tiré de ce qu'il ne pourrait bénéficier d'un traitement médical approprié en Algérie. Ce moyen doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux énoncés lors de l'examen de la légalité de ce refus.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 avril 2018. Par suite, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles tendant à l'application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... D... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera transmise au préfet de la Haute-Vienne.

Délibéré après l'audience du 12 septembre 2019 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Hardy, président,

M. B... A..., président assesseur.

Mme Nathalie Gay-Sabourdy, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 10 octobre 2019.

Le rapporteur,

Didier A...Le président,

Marianne HARDY

Le greffier,

Cindy VIRIN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 19BX00730 4


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19BX00730
Date de la décision : 10/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03-04 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour. Motifs.


Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: M. Didier SALVI
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : MOREAU

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-10-10;19bx00730 ?
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