La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/10/2019 | FRANCE | N°19BX00557

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 10 octobre 2019, 19BX00557


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler les arrêtés du 19 octobre 2018 par lesquels le préfet de la Haute-Garonne a décidé son transfert aux autorités italiennes et l'a assignée à résidence.

Par un jugement n° 1805008 du 26 octobre 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 14 février 2019, Mme B..., représentée par Me C...

, demande à la cour :

1°) d'annuler les arrêtés du préfet de la Haute-Garonne du 19 octobre 2018 ; ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler les arrêtés du 19 octobre 2018 par lesquels le préfet de la Haute-Garonne a décidé son transfert aux autorités italiennes et l'a assignée à résidence.

Par un jugement n° 1805008 du 26 octobre 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 14 février 2019, Mme B..., représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler les arrêtés du préfet de la Haute-Garonne du 19 octobre 2018 ;

2°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un dossier de demande d'asile à transmettre à l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter d'un délai de quinze jours suivant la notification de la décision à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat, outre " les entiers dépens du procès ", le versement à son avocat d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier en ce que les premiers juges n'ont pas répondu à l'argumentation sur l'exigence d'identification de l'agent préfectoral par application des articles R. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article L. 111-2 du code des relations entre le public et l'administration, en méconnaissance de l'article L. 9 du code de justice administrative ;

- la décision de transfert méconnait les dispositions des articles 4 et 20 du règlement 604/2013 du 26 juin 2013 en ce qu'elle est analphabète et que la seule remise de brochures en langue anglaise ne suffit pas à garantir son droit à l'information ;

- la décision de transfert méconnait l'article 5 du règlement 604/2013 dès lors qu'il n'est pas établi que l'entretien individuel aurait été mené dans une langue qu'elle comprend par une personne qualifiée en vertu du droit national dans le respect du principe de confidentialité ;

- la décision de transfert aux autorités italiennes méconnait les dispositions des articles 3§2 et 17§1 du règlement 604/2013 et les articles 4 et 5 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; le préfet de la Haute-Garonne a commis une erreur manifeste d'appréciation dans l'évaluation de sa situation de victime de la traite humaine provenant du Nigéria à travers l'Italie et du risque de traitement inhumain et dégradant que cette situation provoque compte tenu de sa particulière vulnérabilité en qualité de victime de la traite.

Par un bordereau de transmission de pièces complémentaires et un mémoire en défense enregistrés les 29 et 30 avril 2019, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête et indique que le délai de transfert a été prorogé jusqu'au 26 avril 2020.

Par une ordonnance du 19 juin 2019, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 26 juillet 2019 à 12h00.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 janvier 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... B..., née le 20 juin 1985, de nationalité nigériane, est entrée en France, selon ses déclarations, le 8 avril 2018 et a demandé son admission au bénéfice de l'asile le 23 avril 2018. Après avoir constaté à la suite de la consultation du fichier Eurodac que les empreintes digitales de Mme B... avaient été relevées par les autorités italiennes le 30 août 2016 lors de l'introduction d'une demande d'asile, le préfet de la Haute-Garonne a adressé aux autorités italiennes le 18 mai 2018 une demande de reprise en charge de la demande d'asile de Mme B... sur le fondement de l'article 18-1 b) du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Une décision implicite d'acceptation est née, en application du 2° de l'article 25 du règlement (UE) n° 604-2013 du 26 juin 2013, le 12 juin 2018 du silence gardé par les autorités italiennes sur cette demande. Le préfet de la Haute-Garonne, par deux arrêtés du 19 octobre 2018, a ordonné le transfert de Mme B... aux autorités italiennes pour l'examen de sa demande d'asile et l'a assignée à résidence. Mme B... relève appel du jugement du 26 octobre 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... avait, à l'appui de son moyen tiré de la méconnaissance de l'article 5 du règlement 604/2013, développé les arguments selon lesquels, d'une part, seul le préfet était compétent pour mener l'entretien individuel en vertu de l'article R. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, d'autre part, qu'elle avait le droit de connaitre le prénom, le nom et la qualité de l'agent qui avait mené l'entretien conformément aux dispositions de l'article L. 111-2 du code des relations entre le public et l'administration. Il résulte des motifs mêmes du jugement attaqué que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a expressément répondu aux moyens contenus dans les mémoires en réplique produits par la requérante. En particulier, le premier juge, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, a, pour répondre au moyen tiré de la méconnaissance de l'article 5 du règlement n° 604/2013, précisé que la seule allégation de l'absence de qualité de l'agent qui avait mené l'entretien individuel ne suffisait pas à démontrer que Mme B... aurait été privée d'une quelconque garantie et que l'obligation de préciser l'identité de l'agent qui a mené l'entretien individuel ne résultait pas de l'article 5 du règlement 604/2013. En tout état de cause, si la requérante avait entendu soulever le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 111-2 du code des relations entre le public et l'administration, ce texte concernant le traitement des demandes des administrés, n'était pas applicable aux comptes rendus d'entretien individuel. Par suite, le moyen était inopérant et le premier juge n'était pas tenu d'y répondre. Dès lors, l'appelante n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'insuffisance de motivation.

Sur la légalité de la décision de transfert aux autorités italiennes :

4. Aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013: " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de 1'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un État membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'État membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un État membre peut mener à la désignation de cet État membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; / c) de l'entretien individuel en vertu de 1'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; / e) du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; / f) de 1'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. / 3. La Commission rédige, au moyen d'actes d'exécution, une brochure commune (...), contenant au minimum les informations visées au paragraphe 1 du présent article. Cette brochure commune comprend également des informations relatives à l'application du règlement (UE) n° 603/2013 et, en particulier, à la finalité pour laquelle les données relatives à un demandeur peuvent être traitées dans Eurodac. La brochure commune est réalisée de telle manière que les Etats membres puissent y ajouter des informations spécifiques aux Etats membres. (...) ".

5. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement du 26 juin 2013 doit se voir remettre, dès le moment où le préfet est informé de ce qu'il est susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement, et, en tout cas, avant la décision par laquelle l'autorité administrative décide de refuser l'admission provisoire au séjour de l'intéressé au motif que la France n'est pas responsable de sa demande d'asile, une information complète sur ses droits, par écrit, ou en cas d'analphabétisme, verbalement, et dans une langue qu'il comprend. Cette information doit comprendre l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 de ce règlement. Eu égard à la nature de ces informations, la remise par l'autorité administrative de la brochure prévue par les dispositions précitées constitue une garantie pour le demandeur d'asile.

6. D'une part, il ressort des pièces du dossier que Mme B... s'est vu remettre le 23 avril 2018, un exemplaire complet en anglais, langue qu'elle a déclaré comprendre, des brochures A et B ainsi que du guide du demandeur d'asile, documents qui contiennent les informations exigées par l'article 4 du règlement n° 604/2013 précité, et a apposé sa signature sur ces documents. Il ressort également des pièces du dossier qu'à l'issue de l'entretien individuel, Mme B... a été informée par le biais d'une lettre d'information des services préfectoraux revêtue de sa signature et de celle de l'interprète, que l'Italie pouvait être l'Etat responsable de sa demande d'asile et qu'une décision de transfert vers ce pays pouvait être prise à son encontre. Si elle soutient que l'arrêté contesté a été pris en méconnaissance des dispositions de l'article 4 du règlement 604/2013 (UE) du 26 juin 2013 dès lors qu'elle est analphabète, il ressort des pièces du dossier qu'elle a bénéficié de l'assistance d'un interprète notamment lors de l'entretien individuel du 23 avril 2018. Il ne ressort pas du résumé de l'entretien ni des observations précises de l'intéressée du 7 mai 2018 que l'interprète n'aurait pas assuré une traduction dans une langue comprise par l'intéressée. Il ne ressort pas davantage du résumé du contenu de l'entretien individuel, l'existence de difficultés de communication avec l'interprète durant cet entretien qui permettraient d'écarter les documents signés par Mme B... attestant de la remise des documents d'information requis dans une langue comprise par elle et des informations communiquées oralement ni que Mme B..., qui était assistée d'un interprète, aurait informé les services préfectoraux, lors de la remise des brochures d'information, de sa difficulté à comprendre ces documents. Par suite, c'est à bon droit que le premier juge a écarté le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 4 du règlement 604/2013.

7. Aux termes de l'article 5 du règlement 604/2013 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. (...) / 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé ". Aux termes de l'article R. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité compétente pour procéder à la détermination de l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile, assigner à résidence un demandeur d'asile en application de l'article L. 742-2 et prendre une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 est le préfet de département (...) ".

8. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... a fait l'objet d'un entretien individuel, le 23 avril 2018, assuré par un agent de la préfecture de la Haute-Garonne. Le document d'entretien individuel, qui est revêtu du nom et de la signature de Mme B..., mentionne que l'entretien a été fait en anglais, langue que l'appelante a déclaré comprendre. Si en vertu de l'article R. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de département est l'autorité compétente pour procéder à la détermination de l'État responsable de l'examen d'une demande d'asile, ces dispositions ne font pas obstacle à ce que l'entretien individuel requis pour l'application de l'article 5 précité soit mené par un agent de la préfecture, qui, n'étant pas le signataire de la décision de transfert déterminant l'État responsable de l'examen de la demande d'asile, n'avait pas à bénéficier d'une délégation de signature du préfet pour procéder à cet entretien. Par ailleurs, la qualité d'agent de la préfecture suffit à établir sa compétence. En outre, aucune disposition n'impose la mention, dans le compte-rendu de cet entretien, des noms et qualités de cet agent. Enfin, la directive 2013/32 dont se prévaut Mme B... a été entièrement transposée par la loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 et ne peut donc pas être directement invoquée à l'encontre de la décision litigieuse. Dans ces conditions, Mme B... n'a pas été privée des garanties résultant de la mise en oeuvre d'un entretien préalable. Par suite, c'est à bon droit que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a écarté le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.

9. D'une part, aux termes du 1 de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. Le cas échéant, il en informe, au moyen du réseau de communication électronique "DubliNet" établi au titre de l'article 18 du règlement (CE) no 1560/2003, l'État membre antérieurement responsable, l'État membre menant une procédure de détermination de l'État membre responsable ou celui qui a été requis aux fins de prise en charge ou de reprise en charge. L'État membre qui devient responsable en application du présent paragraphe l'indique immédiatement dans Eurodac conformément au règlement (UE) no 603/2013 en ajoutant la date à laquelle la décision d'examiner la demande a été prise. ". Il résulte de ces dispositions que la faculté laissée à chaque Etat membre de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.

10. D'autre part, aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 : " (...) 2. Lorsqu'aucun État membre responsable ne peut être désigné sur la base des critères énumérés dans le présent règlement, le premier État membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite est responsable de l'examen. / Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. / Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable devient l'État membre responsable ".

11. L'Italie étant membre de l'Union Européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il doit alors être présumé que le traitement réservé aux demandeurs d'asile dans cet Etat membre est conforme aux exigences de la convention de Genève ainsi qu'à celles de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Cette présomption est toutefois réfragable lorsque qu'il y a lieu de craindre qu'il existe des défaillances systémiques de la procédure d'asile et des conditions d'accueil des demandeurs d'asile dans l'Etat membre responsable, impliquant un traitement inhumain ou dégradant. Dans cette hypothèse, il appartient à l'administration d'apprécier dans chaque cas, au vu des pièces qui lui sont soumises et sous le contrôle du juge, si les conditions dans lesquelles un dossier particulier est traité par les autorités italiennes répondent à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile.

12. Contrairement à ce que soutient Mme B..., les jurisprudences de la Cour européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, lesquelles sanctionnent des manquements dans la procédure d'asile révélant des défaillances sans pour autant que celles-ci puissent être qualifiées de systémiques, les rapports d'organisations non gouvernementales et les articles de presses versés au dossier ne permettent pas d'établir que les autorités italiennes seraient dans l'incapacité structurelle d'examiner sa demande d'asile. En outre, Mme B... qui se borne à soutenir qu'elle craint être victime d'un réseau de prostitution qui oeuvre en Italie et à produire des documents généraux et impersonnels relatifs à la situation migratoire en Italie n'établit pas l'existence de telles défaillances en Italie qui constitueraient des motifs sérieux et avérés de croire que sa demande d'asile ne serait pas traitée par les autorités italiennes dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Dès lors le moyen tiré de la violation de l'article 17 du règlement suscité, de l'article 53-1 de la Constitution et des articles 4 et 5 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne doit être écarté. Pour les mêmes motifs, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Toulouse a écarté le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation quant à l'évaluation de sa situation.

13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du préfet de la Haute-Garonne du 19 octobre 2018. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 12 septembre 2019 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Hardy, président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

Mme D..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 10 octobre 2019.

Le rapporteur,

D...

Le président,

Marianne HARDYLe greffier,

Cindy VIRIN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 19BX00557


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19BX00557
Date de la décision : 10/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: Mme Nathalie GAY-SABOURDY
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : ATY AVOCATS ASSOCIES AMARI DE BEAUFORT-TERCERO-YEPONDE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-10-10;19bx00557 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award