Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E... C... a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler l'arrêté du 7 décembre 2016 par lequel le préfet de la Guyane a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 1700620 du 26 avril 2018, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 5 juin 2018 et régularisée le 26 mars 2019, Mme E... C..., représentée par Me F..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 26 avril 2018 du tribunal administratif de la Guyane et l'arrêté du préfet de la Guyane du 7 décembre 2016 ;
2°) d'enjoindre au préfet de la Guyane de réexaminer sa situation ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son avocat en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le tribunal a considéré à tort que le signataire de l'arrêté en litige disposait d'une délégation régulière du préfet alors qu'il ne ressort d'aucune pièce du dossier que l'arrêté de délégation produit par le préfet devant le tribunal aurait fait l'objet d'une publication au recueil des actes administratifs de la préfecture ;
- le tribunal et le préfet ont commis une double erreur de fait en omettant d'indiquer que le père de ses deux enfants est français et en estimant qu'elle ne justifiait pas de sa présence en Guyane en 2011et 2012 alors que son fils Jean-Paul est né à Cayenne le 4 juin 2011 et a été inhumé dans cette même ville quelques jours plus tard ;
- le préfet a entaché sa décision d'une erreur de droit en ajoutant des critères qui ne figurent pas dans les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale dès lors que sa mère, titulaire d'une carte de résident, et ses frères et soeur, de nationalité française, résident régulièrement en Guyane où elle-même vit depuis six ans avec deux de ses enfants, un troisième né à Cayenne en 2013 étant par ailleurs inhumé dans cette ville ;
- la mesure d'éloignement, insuffisamment motivée, est privée de base légale dès lors qu'elle se fonde uniquement sur l'article L. 511-1 I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sans autre précision ;
- compte tenu de ses nombreuses attaches familiales sur le territoire évoquées ci-dessus, l'obligation de quitter le territoire français prononcée à son encontre a méconnu l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- le délai de trente jours accordé par le préfet pour quitter le territoire français n'est fondé sur aucune disposition légale et est entaché de la même erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense enregistré le 18 juillet 2019, le préfet de la région Guyane conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 octobre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique du 12 septembre 2019.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., ressortissante surinamienne née en 1986, est, selon ses déclarations, entrée en France en 2010. Elle a déposé le 22 août 2016 une demande de titre de séjour au titre de sa vie privée et familiale, en se prévalant notamment de sa durée de séjour et de la présence de deux enfants dont l'aîné est scolarisé et le second est né en France. Le préfet de la Guyane, par un arrêté du 7 décembre 2016, a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme C... fait appel du jugement du 26 avril 2018 par lequel le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. La publication d'un acte réglementaire au recueil des actes administratifs permet à tout intéressé d'avoir accès, de sa propre initiative, au contenu de cette décision. Dès lors, les premiers juges ont pu, sans méconnaître le principe du contradictoire, écarter le moyen tiré de l'incompétence, à défaut de délégation de signature, de l'auteur de l'arrêté attaqué, en opposant d'office les dispositions de l'arrêté du préfet de la Guyane du 16 septembre 2016, publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, alors même que ce texte n'a pas été versé au dossier.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation :
3. En premier lieu, l'arrêté en litige a été signé par M. A... D..., chef du bureau de l'éloignement, du contentieux et de l'asile, lequel disposait d'une délégation en la matière en vertu d'un arrêté du préfet de la Guyane du 16 septembre 2016 régulièrement publié, contrairement à ce que soutient l'intéressée, au recueil des actes administratifs de la préfecture du même jour, consultable notamment par voie électronique. Par suite, c'est sans erreur que le tribunal a pu écarter comme manquant en fait le moyen tiré de ce que l'arrêté en litige aurait été pris par une autorité incompétente.
4. En deuxième lieu, l'arrêté vise notamment la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, précise que Mme C... est entrée en France en 2010 de manière irrégulière et s'y est maintenue sans avoir effectué de démarche en vue de régulariser sa situation avant le mois d'août 2016, qu'elle ne fait valoir aucune considération humanitaire ou aucun motif exceptionnel et ne satisfait ainsi à aucun critère d'admission exceptionnelle au séjour prévu par l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'entre dans aucun cas d'attribution d'un titre de séjour de plein droit ou d'un titre de séjour " salarié ". Par ailleurs, la motivation de la mesure d'éloignement prise sur le fondement du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile se confond avec celle du refus de séjour concomitant dont elle découle nécessairement et n'implique pas de mention spécifique, dès lors, que, comme en l'espèce, ce refus est lui-même motivé et que les dispositions législatives permettant de l'assortir d'une mesure d'éloignement ont été rappelées. En outre, en application de ces mêmes dispositions, lorsque l'autorité administrative prévoit qu'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours, lequel est le délai normalement applicable, ou d'un délai supérieur, elle n'est pas tenue de motiver sa décision sur ce point si l'étranger, comme en l'espèce, n'a présenté aucune demande en ce sens. En énonçant ainsi les circonstances de droit et de fait sur lesquelles il se fonde, le préfet de la Guyane a mis utilement Mme C... en mesure de discuter les motifs de ces décisions et a ainsi suffisamment motivé l'arrêté en litige.
5. Si Mme C... soutient que le préfet a indiqué par erreur qu'elle ne peut justifier de sa présence sur le territoire pour les années 2011 et 2012, ce motif du refus de séjour en litige présentant un caractère surabondant, l'erreur de fait alléguée par l'appelante n'est pas de nature, en tout état de cause, à justifier l'annulation de la décision attaquée.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui (...) ". Selon l'article L. 313-11 du code l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ".
7. S'il est constant que Mme C... est entrée sur le territoire français en 2010, toutefois les différentes pièces qu'elle produit ne permettent pas d'établir qu'elle résidait en France de manière continue depuis cette date, notamment durant l'année 2012. Par ailleurs, en se bornant à produire des documents médicaux, des certificats de fréquentation scolaire pour sa fille née en 2010, des documents de la caisse d'allocations familiales ainsi que le titre de séjour de sa mère et les actes de naissance de ses frères et soeur, Mme C... ne peut être regardée comme justifiant, en France, de liens personnels et familiaux d'une intensité particulière. Par suite, compte tenu des conditions et de la durée de son séjour en France, l'arrêté attaqué n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée eu égard aux motifs du refus de séjour et aux buts poursuivis par la mesure d'éloignement et n'est pas davantage entaché d'une erreur manifeste d'appréciation alors même que sa mère est titulaire d'une carte de résident et que ses frères et soeur seraient de nationalité française, ce qui n'est d'ailleurs pas établi par les pièces des dossiers. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celui tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dont serait entaché l'arrêté attaqué doivent être écartés.
8. En quatrième lieu, la circonstance que l'arrêté contesté mentionne, notamment, que les deux enfants de Mme C... " ne comptabilisent pas les années de scolarisation requises pour une admission exceptionnelle au séjour " ne peut être regardée, à elle seule, comme caractérisant la méconnaissance, par le préfet, de l'étendue de sa compétence dès lors qu'il ressort de l'arrêté attaqué que l'ensemble de la situation de Mme C... a bien été examinée au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que le préfet a estimé qu'elle ne justifiait d'aucune considération humanitaire ni d'aucun motif exceptionnel permettant une admission exceptionnelle au séjour au regard des dispositions de cet article. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit dont serait entaché l'arrêté contesté doit être écarté.
9. En cinquième lieu, le préfet de la Guyane a fixé à Mme C... un délai de départ volontaire de trente jours, conformément aux dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré du défaut de base légale de la décision fixant le délai de départ volontaire doit être écarté.
10. Enfin, en dernier lieu, ainsi qu'il a été dit précédemment, Mme C... ne peut être regardée comme justifiant, en France, d'attaches d'une intensité particulière et son fils était scolarisé en maternelle à la date de la décision contestée. Par suite, le préfet n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en fixant à trente jours le délai de départ volontaire. Dès lors, ce moyen sera écarté.
11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 7 décembre 2016. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... C... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Guyane.
Délibéré après l'audience du 12 septembre 2019 à laquelle siégeaient :
Mme Marianne B..., président,
M. Didier Salvi, président-assesseur.
Mme Nathalie Gay-Sabourdy, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 10 octobre 2019.
Le président-assesseur,
Didier SALVILe président-rapporteur,
Marianne B...
Le greffier,
Cindy VIRIN
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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No 18BX02170