Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. F... A... C... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 16 juillet 2018 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de 30 jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 1803853 du 23 janvier 2019, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 21 mars 2019 et un mémoire enregistré le 21 juin 2019, M. A... C..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 23 janvier 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 16 juillet 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " ou, à défaut, la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de 15 jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et à tout le moins de procéder, dans le même délai et sous la même astreinte, au réexamen de sa situation en le munissant, pendant cette attente, d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
- elle est entachée d'incompétence de son auteur ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle a été prise en méconnaissance de la règle du contradictoire prévue par les dispositions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration ;
- elle a été prise en l'absence d'un examen particulier de sa situation personnelle ;
- la décision est entachée d'erreur de droit dès lors qu'il remplit les conditions de l'article 3 de l'accord franco-marocain ;
- la décision est entachée d'une erreur de droit au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision est entachée d'une erreur de droit au regard de l'article R. 311-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision est entachée d'une erreur de fait ;
- les services de l'unité territoriale de la Haute-Garonne de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Dirrecte) n'étaient pas compétents pour émettre un avis sur le contrat de travail signé par une entreprise dont le siège est situé à Nice ;
- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :
- la décision contestée est privée de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaît l'article L. 511-4-10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il souffre d'une surdité de l'oreille gauche nécessitant l'octroi d'une prothèse auditive et que cette pathologie ne peut être soignée dans son pays d'origine.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 juin 2019, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par M. A... C... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 13 mai 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 17 juillet 2019 à 12h00.
Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle du 23 mai 2019 constatant la caducité de la demande d'aide juridictionnelle de M. A... C....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord conclu le 9 octobre 1987 entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. G... E..., a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... C..., ressortissant marocain né le 1er janvier 1973, est arrivé pour la première fois en France en 2014. Il a tout d'abord bénéficié d'une carte de séjour temporaire en qualité de travailleur saisonnier, délivrée le 22 août 2014 et valable jusqu'au 21 août 2017, puis d'un titre de séjour portant la mention " salarié " après son retour en France le 11 octobre 2016, muni d'un visa de long séjour. Il a sollicité le 14 juin 2017 le renouvellement de son titre de séjour. Par un arrêté du 16 juillet 2018, le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé ce renouvellement, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé son pays de renvoi. M. A... C... relève appel du jugement du 23 janvier 2019 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour :
2. En premier lieu, M. A... C... reprend en appel, dans des termes identiques, sans apporter d'éléments de fait ou de droit nouveaux par rapport à l'argumentation développée en première instance et sans critiquer utilement la réponse qui lui a été apportée par le tribunal administratif, les moyens tirés de ce que la décision attaquée serait insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle, de ce qu'elle serait entachée d'une erreur de fait, de ce que les services de l'unité territoriale de la Haute-Garonne de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Dirrecte) n'étaient pas compétents pour émettre un avis sur le contrat de travail signé par une entreprise dont le siège est situé à Nice et enfin, de ce que la décision contestée serait entachée d'une erreur de droit au regard des stipulations de l'article 3 l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 en matière de séjour et d'emploi. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.
3. En deuxième lieu, par un arrêté du 11 septembre 2017 publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, dans son article 1er, le préfet de la Haute-Garonne a délégué sa signature à Mme D... H..., sous-préfète chargée de mission et secrétaire générale adjointe, en cas d'absence ou d'empêchement de M. Jean-François Colombet, secrétaire général, " à l'effet de signer tous actes, arrêtés, décisions, circulaires, requêtes juridictionnelles et correspondances relevant des attributions de l'Etat dans le département de la Haute-Garonne, à l'exception des arrêtés de conflit ". Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte manque en fait et doit donc être écarté.
4. En troisième lieu, M. A... C... soutient qu'il n'a pas été mis à même de faire valoir ses observations sur les griefs qui lui sont reprochés et n'a pas été informé sur les intentions de l'administration de lui refuser le renouvellement de son titre de séjour " salarié " en méconnaissance du principe du contradictoire. Toutefois, le refus de titre de séjour attaqué est intervenu suite à une demande du requérant. Or, lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche, ne saurait ignorer qu'il peut se voir opposer un refus. Par ailleurs, à l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, laquelle doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'elle juge utiles et il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Le droit de l'intéressé d'être entendu avant que n'intervienne le refus de titre de séjour est ainsi assuré par la procédure prévue et il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en l'espèce M. A... C... n'aurait pas eu la possibilité de faire état de tous éléments pertinents relatifs à sa situation personnelle et susceptibles d'influer sur le sens de la décision se prononçant sur cette demande. Par ailleurs, aucune disposition législative ou réglementaire n'impose au préfet, lorsqu'il procède aux vérifications utiles pour s'assurer du maintien du droit au séjour de l'étranger, de communiquer à l'étranger l'avis de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi sur lequel l'administration s'est notamment fondée pour apprécier ce maintien du droit au séjour. En l'espèce, M. A... C... a joint à sa demande un contrat de travail à durée déterminée pour une durée de douze mois, à temps complet, en qualité de bûcheron, conclu avec la société Garden Multi services, cependant, la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi a émis le 27 septembre 2017 un avis défavorable sur ce contrat de travail au motif que l'adresse de la société était une domiciliation, que la société ne comportait aucun salarié et que la convocation adressée pour présenter les documents administratifs de M. A... C... n'avait pas pu avoir lieu car la personne ne s'était pas présentée. M. A... C... fait valoir que par courrier du 4 juillet 2018, il s'est prévalu d'une promesse d'embauche, celle-ci n'a été formalisée par son employeur que le 3 août 2018, soit postérieurement à la date de la décision contestée. Dès lors, M. A... C... n'est pas fondé à soutenir que le préfet aurait méconnu le principe du contradictoire avant de prendre la décision en litige.
5. En quatrième lieu, M. A... C... fait valoir qu'il réside en France depuis 2014 et y a développé le centre de sa vie sociale, personnelle et professionnelle. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé ne fait état d'aucune attache personnelle ou familiale en France et n'établit ni même n'allègue être dépourvue de toute attache familiale au Maroc, pays dont il a la nationalité, où il a vécu jusqu'à l'âge de 41 ans et où résident à tout le moins son épouse et leurs deux enfants mineurs. Dans ces conditions, la décision contestée n'a pas portée une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, dès lors, être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.
6. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans (...) ".
7. Il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels et, à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat lui permettant d'exercer une activité caractérisée par des difficultés de recrutement et figurant sur la liste établie au plan national par l'autorité administrative, ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi. Il résulte de ces dispositions que le législateur a entendu laisser à l'administration un large pouvoir pour apprécier si l'admission au séjour d'un étranger répond à des considérations humanitaires ou si elle se justifie au regard des motifs exceptionnels que celui-ci fait valoir. Il lui appartient d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément sur la situation personnelle de l'étranger, tel que, par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.
8. La circonstance que M. A... C... souffre d'une surdité de l'oreille gauche justifiant la pose d'une prothèse auditive, ne saurait, à elle seule, être regardée comme des considérations humanitaires ou motifs exceptionnels au sens des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par ailleurs, les éléments de la vie personnelle de l'intéressé, telle que décrite au point 5 du présent arrêt, ne caractérisent pas plus des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels au sens de cet article. Enfin, M. A... C... ne justifie pas non plus de l'existence de motifs exceptionnels lui permettant de prétendre à la délivrance d'un titre de séjour " salarié " sur le fondement des dispositions de cet article. Par suite, le préfet n'a pas méconnu les dispositions de cet article.
9. En dernier lieu, M. A... C... soutient que lors du dépôt de sa demande de renouvellement de titre de séjour, l'administration ne lui a pas délivré de récépissé. Aux termes de l'article R. 311-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Il est remis à tout étranger admis à souscrire une demande de première délivrance ou de renouvellement de titre de séjour un récépissé qui autorise la présence de l'intéressé sur le territoire pour la durée qu'il précise (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'autorité administrative chargée d'instruire une demande de titre de séjour ne peut refuser de l'enregistrer et de délivrer le récépissé y afférent, que si le dossier présenté à l'appui de cette demande est incomplet. Or, en l'espèce, il est constant que M. A... C... n'a pas présenté lors du dépôt de sa demande de renouvellement de son titre de séjour, le 14 juin 2017, un dossier complet. Dès lors, en tout état de cause, le préfet n'a pas méconnu les dispositions de cet article.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :
10. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. A... C... n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée serait privée de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour.
11. M. A... C... reprend en appel, dans des termes identiques, sans apporter d'éléments de fait ou de droit nouveaux par rapport à l'argumentation développée en première instance et sans critiquer utilement la réponse qui lui a été apportée par le tribunal administratif, le moyens tiré de ce que la décision attaquée serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaîtrait le 10 ° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il souffre d'une surdité de l'oreille gauche nécessitant l'octroi d'une prothèse auditive. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire, contenues dans l'arrêté du préfet de Haute-Garonne du 16 juillet 2018. Par voie de conséquence, les conclusions qu'il présente à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles relatives aux frais exposés et non compris dans les dépens ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... A... C... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 5 septembre 2019 à laquelle siégeaient :
M. Philippe Pouzoulet, président,
M. G... E..., président-assesseur,
M. Stéphane Gueguein, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 3 octobre 2019.
Le rapporteur,
Dominique E...
Le président,
Philippe Pouzoulet
Le greffier,
Sylvie Hayet
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 19BX01213 6