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29/08/2019 | FRANCE | N°18BX00069

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 29 août 2019, 18BX00069


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

MM. F... et H... D... ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 24 mars 2015 par lequel le maire de la commune de Bon-Encontre s'est opposé à la déclaration préalable en vue du détachement d'un lot à bâtir, et la décision du 21 mai 2015 par laquelle cette même autorité a rejeté leur recours gracieux formé contre cet arrêté et d'enjoindre au maire de la commune de Bon-Encontre de procéder au réexamen de leur demande.

Par un jugement n° 1503376 du 7 novembre 2

017, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté du 24 mars 2015 du maire de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

MM. F... et H... D... ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 24 mars 2015 par lequel le maire de la commune de Bon-Encontre s'est opposé à la déclaration préalable en vue du détachement d'un lot à bâtir, et la décision du 21 mai 2015 par laquelle cette même autorité a rejeté leur recours gracieux formé contre cet arrêté et d'enjoindre au maire de la commune de Bon-Encontre de procéder au réexamen de leur demande.

Par un jugement n° 1503376 du 7 novembre 2017, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté du 24 mars 2015 du maire de la commune de Bon-Encontre et lui a enjoint de statuer à nouveau sur la déclaration préalable de MM. D... dans un délai d'un mois.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 janvier 2018 et un mémoire, enregistré le 17 juin 2019, la commune de Bon-Encontre, prise en la personne de son maire, représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 7 novembre 2017 ;

2°) de rejeter la demande de MM. D... ;

3°) de mettre à la charge de MM. D... le paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- en fondant leur décision sur des éléments postérieurs à la décision attaquée, les premiers juges ont entaché leur jugement d'une erreur de droit ;

- le jugement attaqué est également entaché d'une erreur de fait ; les seuls éléments disponibles à la date des décisions attaquées permettaient de considérer, sans commettre d'erreur d'appréciation, que la parcelle en litige était affectée d'un aléa fort de glissement de terrain ;

- le moyen tiré du défaut de motivation de l'arrêté manque en fait ;

- la commune qui a fondé sa décision sur les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme en utilisant les éléments techniques portés à sa connaissance par le bureau d'études CEREMA dans le cadre de la mise à jour de la carte des aléas n'a commis aucune erreur de droit ;

- l'arrêté attaqué n'a pas méconnu la règle des droits acquis résultant du certificat d'urbanisme délivré le 20 janvier 2014 dès lors que le motif tenant à la sécurité publique permet de s'affranchir de la règle de cristallisation ;

- c'est à tort que le Tribunal a jugé que le maire avait commis une erreur d'appréciation en retenant les éléments de l'étude CEREMA à titre d'élément d'appréciation, et a, pour les mêmes motifs, fait une inexacte application des dispositions de l'article R.111-2 du code de l'urbanisme ;

- les expertises dont se prévalent MM. D... sont très critiquables quant à la méthodologie suivie et la critique qui est faite des documents établis par le Cerema n'est qu'une critique du principe même des plans de prévention.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 16 mai 2019 et le 19 juin 2019, MM. F... et H... D..., représentés par Me G..., concluent au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de la commune la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens de l'instance, en ce compris les honoraires de l'expert judiciaire taxés à la somme de 5 094,60 euros.

Ils soutiennent que les moyens soulevés par la commune de Bon-Encontre ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 17 juin 2019, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 26 juin 2019 à 12h00.

Un mémoire présenté pour la commune de Bon-Encontre a été enregistré le 26 juin 2019 et n'a pas été communiqué.

Par courrier du 1er juillet 2019, les parties ont été informées en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative que la cour était susceptible de fonder sa décision sur le moyen d'ordre public tiré de l'irrégularité du jugement attaqué en tant qu'il a omis de se prononcer sur la charge définitive des frais d'expertise.

Par un mémoire, enregistré le 3 juillet 2019, l'avocat de la commune de Bon-Encontre a répondu à ce moyen d'ordre public.

Elle soutient que les expertises sont sans rapport avec la requête en excès de pouvoir initialement formulée par les requérants et concernant l'autorité préfectorale.

Par un mémoire, enregistré le 4 juillet 2019, l'avocat de MM. D... a répondu à ce moyen d'ordre public.

Ils soutiennent que l'expertise a été sollicitée pour vérifier si le maire avait commis une erreur manifeste d'appréciation en considérant que les parcelles en litige étaient affectées d'un aléa fort de glissement de terrain.

Un mémoire en intervention présenté par le préfet de Lot-et-Garonne a été enregistré le 4 juillet 2019 et n'a pas été communiqué.

Vu :

- l'ordonnance du 7 juillet 2017 du président du tribunal administratif de Bordeaux liquidant et taxant les frais d'expertise ;

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E... I...,

- les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., représentant la commune de Bon-Encontre, et de Me G..., représentant MM. D....

Une note en délibéré présentée pour la commune de Bon-Encontre a été enregistrée le 20 août 2019.

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 24 mars 2015, le maire de la commune de Bon-Encontre s'est opposé à la déclaration préalable présentée le 20 janvier 2015 par MM. D... pour le détachement d'un lot en vue de construire sur un terrain situé lieu-dit Bourbon et cadastré AI 159, sur le fondement de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, en raison du risque de mouvement de terrain. La commune de Bon-Encontre relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a annulé cet arrêté du 24 mars 2015 et la décision du 21 mai 2015 par laquelle cette même autorité a rejeté le recours gracieux formé par MM. D....

Sur l'intervention du préfet de Lot-et-Garonne :

2. En application de l'article R. 811-10 du code de justice seuls les ministres intéressés peuvent présenter devant la cour des mémoires au nom de l'Etat, sauf dérogations au nombre desquelles ne figurent pas les mémoires en intervention.

3. Il résulte de ce qui vient d'être dit que l'intervention du préfet de Lot-et-Garonne ne peut être admise.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. Aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme applicable en vertu de l'article R. 111-1 du même code aux constructions, aménagements, installations et travaux faisant l'objet d'une déclaration préalable : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. ".

5. Les opérations d'aménagement, ayant pour but l'implantation de constructions, doivent respecter les règles tendant à la maîtrise de l'occupation des sols édictées par le code de l'urbanisme ou les documents locaux d'urbanisme, même si elles n'ont pour objet ou pour effet, à un stade où il n'existe pas encore de projet concret de construction, que de permettre le détachement d'un lot d'une unité foncière.

6. La commune de Bon-Encontre soutient que c'est par une appréciation erronée des faits de l'espèce que les premiers juges ont considéré qu'en s'opposant à la déclaration préalable déposée par MM. D..., le maire de la commune de Bon-Encontre a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme. Elle fait également valoir que les premiers juges ne pouvaient fonder leur décision sur des éléments postérieurs à la décision attaquée.

7. Il ressort des pièces du dossier que la parcelle AI 159 appartenant à MM. D... était classée en risque faible et moyen selon l'arrêté préfectoral du 3 août 1992 approuvant le périmètre de risque de mouvement de terrain appliqué depuis 1995 qui autorise les constructions moyennant une étude topographique et géotechnique. Pour écarter les dispositions en vigueur de cet arrêté préfectoral compte tenu de l'actualisation des connaissances relatives au risque de mouvement de terrain sur la parcelle litigieuse, l'arrêté se réfère au zonage d'une carte d'aléa mouvement de terrain du plan de prévention des risques mouvements de terrain (PPRMT) présentée à la commune le 17 février 2015. Cette carte d'aléa élaborée par le Centre d'Etudes et d'Expertise sur les Risques, l'Environnement, la Mobilité et l'Aménagement (CEREMA) sur la base de relevés effectués sur le terrain et de photographies aériennes faisant ressortir un aléa fort de glissement de terrain sur la parcelle litigieuse, le maire de la commune a fait opposition à déclaration préalable.

8. Il ressort toutefois des pièces du dossier que le projet de carte d'aléa mouvement de terrain établi par le CEREMA a fait l'objet d'une contre-expertise, réalisée par le bureau d'étude Arcadis à la demande de la communauté d'agglomération d'Agen, qui indique notamment, concernant la commune de Bon-Encontre, que la carte d'aléa de 2015 ne comporte quasiment plus de zones d'aléa moyen mais de très grandes plages de zones d'aléa fort du simple fait des pentes comprises entre 10 et 20° et que dans beaucoup de cas, aucun indice de phénomènes d'instabilité ne vient justifier ce classement en aléa fort. Cette expertise qui relève l'importance et l'impact des valeurs de pente, précise qu'en admettant que la pente est véritablement supérieure à 10 % et en l'absence d'éléments aggravants, ce secteur devrait apparaître en classe d'aléa moyen et non fort. Il ressort également du rapport remis le 30 juin 2017 par M. A..., expert désigné dans le cadre de l'expertise ordonnée le 4 janvier 2017 par le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux, que, eu égard à la pente du terrain comprise entre 10 et 20°, à l'absence de nappe d'eau généralisée dans le versant, et à la probabilité d'occurrence moyenne de glissement de terrain, la parcelle cadastrée section AI n°159 pourrait être classée en zone d'aléa faible. L'expert relève que le classement en aléa fort tel qu'indiqué sur le projet de carte des aléas mouvement de terrain ne se justifie pas, et ajoute que la cartographie de l'aléa au regard de ces éléments devrait être ponctuellement reprise. Contrairement à ce que la commune fait valoir, cet expert, qui avait reçu mission, notamment, de visiter l'ensemble du secteur devant être classé dans la zone de risque et indique avoir procédé aux visites prévues dans sa mission, ne s'est pas borné à examiner la conformation de la parcelle en litige. Si ce rapport est postérieur à la décision attaquée, il est constant qu'il se rapporte à une situation de fait qui n'a pas évolué depuis cette décision et qu'il pouvait ainsi être pris en compte par le tribunal. Contrairement à ce que soutient la commune, ces éléments sont de nature à remettre en cause l'existence d'un risque fort de glissement de terrain sur la parcelle appartenant à MM. D.... Dans ces conditions, l'intensité du risque allégué par la commune ne ressort pas des pièces du dossier. Dès lors, en se référant au zonage aléa fort de glissement de terrain du projet de carte d'aléa mouvement de terrain présentée à la commune le 17 février 2015 pour s'opposer à la déclaration préalable en litige, le maire de la commune de Bon-Encontre a commis une erreur d'appréciation et méconnu les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Bon-Encontre n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé la décision d'opposition à déclaration préalable du 24 mars 2015 et la décision du 21 mai 2015 par laquelle cette même autorité a rejeté le recours gracieux formé par MM. D... contre cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué et la charge des frais d'expertise :

10. Il résulte des énonciations du jugement attaqué que le tribunal administratif de Bordeaux a omis de statuer sur la répartition de la charge des frais et honoraires de l'expertise ordonnée en référé par le président du tribunal administratif de Bordeaux à l'occasion du litige d'excès de pouvoir opposant MM. D... à la commune de Bon-Encontre. Le jugement attaqué doit, dans cette mesure, être annulé. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur ce point.

11. Dans les circonstances de l'affaire, il y a lieu de laisser à la charge de MM. D... les frais d'expertise, tels que taxés et liquidés par l'ordonnance du président du tribunal administratif de Bordeaux, en date du 7 juillet 2017, à la somme de 5 094,60 euros.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de MM. D... qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par la commune de Bon-Encontre au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Bon-Encontre le paiement d'une somme de 1 500 euros au profit de MM. D... au même titre.

DECIDE :

Article 1er : L'intervention du préfet de la Haute-Garonne n'est pas admise.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 7 novembre 2017 est annulé en tant qu'il a omis de statuer sur la charge des frais d'expertise.

Article 3 : Les frais et honoraires des opérations d'expertise, tels qu'ils ont été taxés et liquidés par l'ordonnance du président du tribunal administratif de Bordeaux en date du 7 juillet 2017, à la somme de 5 094,60 euros sont laissés à la charge de MM. D....

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la commune de Bon-Encontre est rejeté.

Article 5 : La commune de Bon-Encontre versera à MM. D... la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Bon-Encontre, à MM. F... et H... D... et au préfet de Lot-et-Garonne.

Délibéré après l'audience du 9 juillet 2019 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

M. Frédéric Faïck, premier conseiller,

Mme E... I..., premier conseiller,

Lu en audience publique, le 29 août 2019.

Le rapporteur,

Florence I...

Le président,

Elisabeth JayatLe greffier,

Florence Deligey

La République mande et ordonne au préfet de Lot-et-Garonne en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 18BX00069


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX00069
Date de la décision : 29/08/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Urbanisme et aménagement du territoire - Procédures d'intervention foncière - Lotissements - Autorisation de lotir.

Urbanisme et aménagement du territoire - Certificat d'urbanisme.

Urbanisme et aménagement du territoire - Autorisations d`utilisation des sols diverses - Régimes de déclaration préalable - Déclaration de certaines divisions foncières (régime issu de la loi du 18 juillet 1985).


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Florence MADELAIGUE
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : CABINET LEXIA

Origine de la décision
Date de l'import : 10/09/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-08-29;18bx00069 ?
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