Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par une demande enregistrée le 12 mai 2016, la SCI JFCP a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler le certificat d'urbanisme du 14 mars 2016 par lequel le maire de la commune de Jardres a considéré que l'opération de changement de destination d'un bâtiment agricole en bâtiment à usage d'activité commerciale ou artisanale n'était pas réalisable.
Par un jugement n° 1601066 du 25 octobre 2017, le tribunal administratif de Poitiers a annulé le certificat d'urbanisme du 14 mars 2016.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 22 décembre 2017 et le 11 juin 2019, la commune de Jardres, représentée par son maire en exercice et par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 25 octobre 2017 ;
2°) de rejeter la requête de la SCI JFCP ;
3°) de mettre à la charge de la SCI JFCP le paiement d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté attaqué n'est pas entaché d'un vice d'incompétence dès lors que l'auteur a reçu délégation pour signer ce type d'actes ;
- elle n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article R. 123-8 du code de l'urbanisme en classant la parcelle en litige en zone N.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 27 mars 2018 et le 3 juillet 2019 (non communiqué), la SCI JFCP, représentée par la SCP Pielberg-Kolenc, conclut à la confirmation du jugement attaqué, au rejet de la requête de la commune de Jardres et à ce qu'il soit mis à la charge du requérant le paiement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'affichage de l'acte donnant délégation à M. A... F... pour signer l'acte attaqué n'est pas établi par un registre de publication et de notification des arrêtés du maire ; une attestation établie le 14 décembre 2017, soit postérieurement au jugement attaqué pour les besoins de la cause, ne saurait suffire à l'établir ; le tribunal a donc à bon droit retenu le moyen tiré du vice d'incompétence de l'arrêté en litige ;
- la parcelle en litige est inscrite dans une zone commerciale, riveraine d'une enseigne de magasin de Bricolage, proche d'une route départementale, et à proximité immédiate de la ville de Chauvigny, zone fortement urbanisée ; ce terrain a donc perdu son caractère naturel ; dès lors c'est à bon droit que le tribunal a annulé l'arrêté en litige pour erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article R. 123-8 du code de l'urbanisme.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D... E...,
- les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public,
- et les observations de Me G..., représentant la commune de Jardres et de Me B..., représentant la SCI JFCP.
Considérant ce qui suit :
1. Le 15 janvier 2016, la SCI JFCP a déposé une demande de certificat d'urbanisme au titre du b) de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme en vue du changement de destination d'un bâtiment agricole en bâtiment destiné à une activité commerciale ou industrielle, sur la parcelle cadastrée section AA n° 246, située lieudit " Croix Hérault " à Jardres (Vienne). Par une décision du 14 mars 2016, le maire de la commune lui a délivré un certificat d'urbanisme déclarant que son projet, situé en zone N du plan local d'urbanisme, n'était pas réalisable. La SCI JFCP a alors saisi le tribunal d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté précité. La commune de Jardres relève appel du jugement du 25 octobre 2017 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a fait droit à la demande de la SCI JFCP tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Pour annuler l'arrêté portant certificat d'urbanisme négatif en litige le tribunal s'est fondé d'une part, sur l'incompétence de l'auteur de l'acte, faute de délégation régulièrement affichée et d'autre part, sur l'exception d'illégalité du plan local d'urbanisme en ce qu'il classe la parcelle appartenant à la SCI JCFP en zone N (naturelle).
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales, dans sa version applicable à la décision attaquée : " Le maire est seul chargé de l'administration, mais il peut, sous sa surveillance et sa responsabilité, déléguer par arrêté une partie de ses fonctions à un ou plusieurs de ses adjoints et, en l'absence ou en cas d'empêchement des adjoints ou dès lors que ceux-ci sont tous titulaires d'une délégation à des membres du conseil municipal. ". L'article L. 2131-1 du même code dispose que : " Les actes pris par les autorités communales sont exécutoires de plein droit dès qu'il a été procédé à leur publication ou affichage ou à leur notification aux intéressés ainsi qu'à leur transmission au représentant de l'Etat dans le département ou à son délégué dans l'arrondissement. / (...) Le maire peut certifier, sous sa responsabilité, le caractère exécutoire de ces actes (...) ". Les mentions apportées, sous la responsabilité du maire, pour certifier le caractère exécutoire des actes des autorités communales en application de l'article L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales font foi jusqu'à la preuve du contraire.
4. L'arrêté par lequel un maire délègue sa signature à l'un de ses adjoints est un acte réglementaire dont l'entrée en vigueur est subordonnée à sa publication ou à son affichage et à sa transmission au représentant de l'Etat.
5. L'arrêté portant certificat d'urbanisme négatif contesté a été signé par M. A... F..., adjoint délégué au maire de la commune, ayant reçu délégation par un arrêté du 15 décembre 2014 aux fins d'exercer les missions relevant, notamment, du domaine de l'urbanisme et de signer tous les actes à cet effet. Les parties ne contestent pas que cet arrêté a été transmis au préfet le 24 décembre 2014 et notifié à l'intéressé le 19 décembre 2014 ainsi qu'il résulte des mentions contenues dans ledit arrêté.
6. Par ailleurs, le maire de la commune de Jardres produit pour la première fois en appel, une attestation en date du 14 décembre 2017 indiquant que l'arrêté portant délégation de fonction à M. F... a été affiché en mairie du 24 décembre 2014 au 16 mars 2015. La SCI JCFP fait valoir que cette attestation a été établie pour les besoins de la cause sans toutefois établir que cette attestation ne correspondrait pas à la réalité matérielle des faits. Par suite, la commune de Jardres est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont retenu le motif tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté portant certificat d'urbanisme négatif en litige.
7. En second lieu, aux termes de l'article R. 123-8 du code de l'urbanisme : " Les zones naturelles et forestières sont dites " zones N ". Peuvent être classés en zone naturelle et forestière, les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison : / a) Soit de la qualité des sites, milieux et espaces naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue esthétique, historique ou écologique ; / b) Soit de l'existence d'une exploitation forestière ; / c) Soit de leur caractère d'espaces naturels. / En zone N, peuvent seules être autorisées : / - les constructions et installations nécessaires à l'exploitation agricole et forestière ; / - les constructions et installations nécessaires à des équipements collectifs ou à des services publics, dès lors qu'elles ne sont pas incompatibles avec l'exercice d'une activité agricole, pastorale ou forestière dans l'unité foncière où elles sont implantées et qu'elles ne portent pas atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages. / Les dispositions des trois alinéas précédents ne s'appliquent pas dans les secteurs bénéficiant des transferts de coefficient d'occupation des sols mentionnés à l'article L. 123-4, ainsi que dans les secteurs délimités en application du deuxième alinéa du 14° de l'article L. 123-1-5. / En zone N peuvent être délimités des périmètres à l'intérieur desquels s'effectuent les transferts des possibilités de construire prévus à l'article L. 123-4. Les terrains présentant un intérêt pour le développement des exploitations agricoles et forestières sont exclus de la partie de ces périmètres qui bénéficie des transferts de coefficient d'occupation des sols. ".
8. Il ressort des pièces du dossier et notamment des photographies produites que le terrain de 20 000 m2 appartenant à la SCI JCFP, bien que desservi par les réseaux d'eaux potable et d'électricité et situé au bord de la route départementale 950, se trouve à l'extrémité de la commune de Jardres dans une zone naturelle à vocation agricole. Si un hangar agricole a été construit sur ce terrain, il est totalement ouvert, en acier surplombé d'une charpente et uniquement destiné à abriter les animaux. Dans ce secteur naturel, situé entre la zone d'activité de La Carte et l'entrée de la ville de Chauvigny, n'a été édifié qu'un bâtiment commercial à l'enseigne " Bricorama ". Dans ces conditions, le plan local d'urbanisme, en tant qu'il classe la parcelle en litige en zone naturelle, n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation. Par suite, la commune de Jardres est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a retenu ce moyen comme motif d'annulation de l'arrêté en litige.
9. Il résulte de ce tout qui précède, et en l'absence d'autres moyens soulevés en première instance ou en appel par la SCI JFCP à l'encontre de la décision contestée, que la commune de Jardres est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, les premiers juges ont annulé l'arrêté attaqué.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Jardres, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que la société intimée demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SCI JCFP une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune de Jardres et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers est annulé.
Article 2 : Les conclusions de la demande de première instance et les conclusions de la requête d'appel de la SCI JCFP sont rejetées.
Article 3 : La SCI JCFP versera à la commune de Jardres une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI JCFP et à la commune de Jardres.
Délibéré après l'audience du 9 juillet 2019 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, président,
M. Frédéric Faïck, premier conseiller,
Mme D... E..., premier conseiller,
Lu en audience publique, le 29 août 2019.
Le rapporteur,
Caroline E...
Le président,
Elisabeth JayatLe greffier,
Florence Deligey
La République mande et ordonne au préfet de la Vienne, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 17BX04080