Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SCI Bergerac La Cavaille Nord a demandé le 26 août 2015 au tribunal administratif de Bordeaux de condamner la société Electricité réseau distribution France (ERDF), devenue Enedis, à lui restituer la somme de 109 493,17 euros dont elle s'est acquittée en exécution d'une facture émise le 27 juin 2012 et correspondant à une participation pour le financement des travaux d'extension du réseau d'électricité en vue du raccordement de son immeuble, assortie des intérêts au taux légal à compter du 3 août 2012.
Par un jugement n° 1503943 du 20 juin 2017, le tribunal administratif de Bordeaux a condamné la société Enedis à restituer à la SCI Bergerac La Cavaille Nord la somme de 3 162,25 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 11 mai 2015 et a rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 17 août 2017 et le 29 mai 2019, la SCI Bergerac La Cavaille Nord, représentée par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 20 juin 2017 en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande ;
2°) de condamner la société Electricité réseau distribution France (ERDF), devenue Enedis, à lui restituer la somme de 109 493,17 euros dont elle s'est acquittée en exécution d'une facture émise le 27 juin 2012 et correspondant à une participation pour le financement des travaux d'extension du réseau d'électricité en vue du raccordement de son immeuble, assortie des intérêts au taux légal à compter du 3 août 2012 ;
3°) de mettre à la charge de la société Enedis la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé quant à la qualification des travaux d'extension du réseau électrique en litige ;
- les premiers juges ont inversé la charge de la preuve en ne sollicitant pas de la part de la société Enedis la preuve de ce que les factures produites correspondent à des prestations réelles en lien avec les sommes demandées ; aucune concordance n'est faite entre la somme prévue dans l'arrêté du 15 juillet 2011 portant délivrance du permis de construire et la somme demandée par la société Enedis in fine ; la preuve de la qualification retenue des travaux en tant que travaux de branchement ou d'extension du réseau n'est pas apportée ; l'exactitude du chiffrage effectué pour les besoins de la cause en 2016 par la société Enedis n'est pas établie ; la facture en litige est contraire à l'article L. 332-28 du code de l'urbanisme ;
- les premiers juges ont omis de répondre au moyen tiré de ce que les travaux d'extension en litige ne pouvaient être qualifiés de travaux exceptionnels ;
- l'arrêté du 15 juillet 2011 prévoyait en son article 2 uniquement le versement d'une somme de 77 311,61 euros pour les travaux d'extension du réseau électrique nécessaires à la réalisation du projet ; dès lors la facture en litige d'un montant de 109 493,17 euros n'est justifiée ni dans son principe ni dans son montant ;
- l'article L. 332-8 du code de l'urbanisme a été méconnu dès lors que les travaux en cause, quand bien même ils seraient nécessaires à la réalisation du projet, ne peuvent être qualifiés de travaux exceptionnels ;
- l'article L. 332-15 du code de l'urbanisme a été méconnu dès lors que la somme de 35 343,81 euros qui correspond selon la société Enedis soit à des travaux de branchement soit à des équipements propres n'est pas prévue par l'arrêté et ne correspond pas non plus à une contribution visée par le code de l'énergie régie par les arrêtés du 28 août 2007 ;
- l'appel incident de la société Enedis est irrecevable dès lors qu'il concerne un litige distinct ;
- la compétence de la juridiction administrative pour connaître du présent litige ne fait aucun doute.
Par des mémoires en défense, enregistré le 10 avril 2019 et le 12 juin 2019, la société Enedis, représentée par Me A..., conclut à l'annulation du jugement compte tenu de l'incompétence de la juridiction administrative, à défaut à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il l'a condamnée à restituer à la SCI Bergerac La Cavaille Nord une somme de 3 162,25 euros et à la condamnation de cette dernière à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la juridiction administrative est incompétente pour connaître du présent litige qui relève du juge judiciaire ;
- la facture en litige correspond à la contribution prévue par l'article L. 342-11 du code de l'énergie et au 3 de l'article L. 332-15 du code de l'urbanisme ;
- la société Enedis n'a pas facturé la somme de 3 162,15 euros dès lors que la consistance des travaux impliquait seulement la facturation de la somme de 74 149,36 euros ;
- le jugement est suffisamment motivé ;
- la facture en litige est précisément justifiée dans son principe et dans son montant en application du code de l'énergie ;
- les premiers juges n'ont pas omis de statuer sur un moyen.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'énergie ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C... D...,
- les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public,
- et les observations de Me E... représentant la SCI Bergerac La Cavaille Nord et de Me B... représentant la société Enedis.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 15 juillet 2011, le maire de Bergerac a accordé à la société civile immobilière (SCI) Bergerac La Cavaille Nord un permis de construire trois cellules commerciales et deux entrepôts sur un terrain situé route de Bordeaux, au lieu-dit " La Cavaille Nord ". L'article 2 de cet arrêté a mis à la charge de la SCI Bergerac La Cavaille Nord, sur le fondement de l'article L. 332-8 du code de l'urbanisme, le versement d'une somme de 77 311,61 euros " au titre des équipements exceptionnels ", correspondant " aux travaux d'extension du réseau électrique ".
2. La société ERDF devenue Enedis a adressé le 28 juin 2012 à la SCI une facture d'un montant de 109 493,17 euros qu'elle impute au coût des travaux d'extension du réseau électrique qui se décompose, selon les indications non sérieusement contestées de la société Enedis, en deux parties, la somme de 74 149,36 euros concernant l'extension du réseau électrique public et la somme de 35 343,81 euros concernant le branchement électrique sur le terrain d'assiette du projet. La SCI Bergerac La Cavaille Nord a procédé au paiement de cette somme. La SCI a, toutefois, adressé le 29 avril 2015 une réclamation préalable à la société ERDF demandant la restitution de cette somme. Un refus implicite lui ayant été opposé, la société Bergerac La Cavaille Nord a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner la société Enedis venant aux droits d'ERDF à lui restituer, avec intérêts, la somme de 109 493,17 euros.
3. La SCI Bergerac La Cavaille Nord relève appel du jugement par lequel les premiers juges ont limité la restitution à la somme de 3 162,25 euros. Par un appel incident, la société Enedis conteste la mise à sa charge du versement de cette somme.
Sur la compétence de la juridiction administrative :
4. La demande de la SCI Bergerac La Cavaille Nord concerne pour partie sa participation financière à la transformation et à la création d'installations nécessaires à l'extension du réseau d'électricité public pour le branchement de locaux commerciaux et d'entrepôts dans la zone de la Cavaille Nord à Bergerac pour lesquels elle a obtenu une autorisation de construire. Ces installations constituent des ouvrages publics. En vertu de l'article L. 342-6 du code de l'énergie, la part des coûts de branchement et d'extension des réseaux non couverts par les tarifs d'utilisation des réseaux publics peut faire l'objet d'une contribution versée au maître d'ouvrage. L'article L. 342-11 du même code précise que, lorsque l'extension est rendue nécessaire par une opération donnant lieu à la participation spécifique pour la réalisation d'équipements publics exceptionnels, la contribution est versée par le bénéficiaire de l'autorisation d'occupation ou d'utilisation du sol. Il résulte de ces dispositions que l'opérateur doit être regardé comme agissant au nom et pour le compte de la commune de Bergerac lorsqu'il perçoit cette contribution. Par suite, contrairement à ce que soutient la société Enedis, le litige en tant qu'il concerne le coût des travaux d'extension du réseau électrique public évalué à 74 149,36 euros, ressortit à la compétence de la juridiction administrative.
5. En revanche, le coût supplémentaire de 35 343,81 euros mis à la charge de la SCI Bergerac La Cavaille Nord au titre des travaux de branchement sur le terrain d'assiette du projet de construction, résulte d'un devis puis d'une facture établie le 28 juin 2012 et acquittée spontanément par l'opérateur. Ainsi, la SCI Bergerac La Cavaille Nord et la société Enedis, personnes privées, doivent être regardés, quand bien même la SCI Bergerac La Cavaille Nord n'a pas signé le devis, comme ayant conclu un contrat. Cette relation contractuelle établie entre la SCI et la société Enedis et non au titre d'un mandat donné par la commune de Bergerac relève de la compétence de la juridiction judiciaire. Par suite, la société Enedis est fondée, dans cette limite, à soutenir que les conclusions aux fins de restitution de ladite somme présentées par la SCI Bergerac La Cavaille Nord, ont été portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.
6. Il y a lieu, par suite, d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions à fin de restitution de la somme de 35 343,81 euros présentées par la SCI Bergerac La Cavaille Nord en première instance.
7. Ainsi qu'il a été dit au point précédent, les conclusions en restitution de la somme de 35 343,81 euros présentées par la SCI Bergerac La Cavaille Nord au titre des travaux de branchement ne relèvent pas de la compétence de la juridiction administrative. Par suite, elles ne peuvent qu'être rejetées comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.
Sur la partie du litige relevant de la compétence de la juridiction administrative :
En ce qui concerne la recevabilité de l'appel incident formé par la société Enedis :
8. En contestant par la voie de l'appel incident la somme de 3 162,25 euros que le jugement attaqué l'a condamnée à restituer à la SCI, la société Enedis se borne à contester le dispositif de ce jugement en tant qu'il lui est défavorable. Par suite, ses conclusions d'appel incident qui ne relèvent pas d'un litige distinct, sont recevables.
En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :
9. Le jugement attaqué qui n'avait pas à répondre à l'ensemble des arguments venant au soutien d'un moyen et rappelle en son considérant 5 " qu'il résulte des écritures et des pièces produites en défense par la société Enedis que la desserte en électricité du terrain d'assiette du projet a impliqué des travaux d'extension du réseau électrique pour un montant de 74 149,36 euros " est suffisamment motivé quant à la qualification retenue des travaux précités au sens de l'article L. 9 du code de justice administrative.
10. Le jugement attaqué, en indiquant en son considérant 5 qu'" il ressort des éléments de l'instruction que ces travaux correspondent à ce qui était prévu à l'article 2 du permis de construire au titre de l'article L. 332-8 du code de l'urbanisme " a répondu au moyen tiré de ce que les travaux d'extension du réseau en litige ne pouvaient être qualifiés de travaux exceptionnels au sens de l'article L. 332-8 du code de l'urbanisme. Par suite, l'omission à statuer alléguée doit être écartée.
Au fond :
11. Aux termes de l'article L. 332-6 du code de l'urbanisme dans sa rédaction alors en vigueur : " Les bénéficiaires d'autorisations de construire ne peuvent être tenus que des obligations suivantes : / (...) 2° Le versement des contributions aux dépenses d'équipements publics mentionnées à l'article L. 332-6-1. Toutefois ces contributions telles qu'elles sont définies aux 2° et 3° dudit article ne peuvent porter sur les équipements publics donnant lieu à la participation instituée dans les secteurs d'aménagement définis à l'article L. 332-9 ; / 3° La réalisation des équipements propres mentionnées à l'article L. 332-15 (...) ". Selon l'article L. 332-6-1 dans sa rédaction alors applicable : " Les contributions aux dépenses d'équipements publics prévus au 2° de l'article L. 332-6 sont les suivantes : (...) / 2° c) La participation spécifique pour la réalisation d'équipements publics exceptionnels prévue à l'article L. 332-8 ; d) La participation pour voirie et réseaux prévue à l'article L. 332-11-1 (...) ".
12. Aux termes de l'article L. 332-8 du même code : " Une participation spécifique peut être exigée des bénéficiaires des autorisations de construire qui ont pour objet la réalisation de toute installation à caractère industriel, agricole, commercial ou artisanal qui, par sa nature, sa situation ou son importance, nécessite la réalisation d'équipements publics exceptionnels. ". Aux termes de l'article L. 332-28 du code de l'urbanisme dans sa rédaction en vigueur à la date des faits : " Les contributions mentionnées ou prévues au 2° de l'article L. 332-6-1 et à l'article L. 332-9 sont prescrites, selon le cas, par le permis de construire, le permis d'aménager, les prescriptions faites par l'autorité compétente à l'occasion d'une déclaration préalable ou l'acte approuvant un plan de remembrement. Ces actes en constituent le fait générateur. Ils en fixent le montant, la superficie s'il s'agit d'un apport de terrains ou les caractéristiques générales s'il s'agit des travaux mentionnés au premier alinéa de l'article L. 332-10. ".
13. Il appartient à l'autorité qui impose le versement de la participation au coût de la réalisation d'équipements publics exceptionnels de justifier qu'une telle réalisation est rendue nécessaire par l'opération projetée. En l'espèce, le permis de construire délivré par le maire de Bergerac et devenu définitif, a mis à la charge de la SCI, dans son article 2, une participation qui n'a pas été contestée, au titre des travaux d'extension du réseau électrique sur le fondement de l'article L. 332-8 précité du code de l'urbanisme pour un montant de 77 311,61 euros.
14. D'une part, il ressort des mentions du permis de construire délivré le 15 juillet 2011 à la SCI Bergerac la Cavaille Nord qu'il portait sur l'édification de trois cellules commerciales et de deux entrepôts en prolongement des deux magasins Gifi/Besson autorisés par PC n°24037 10C007. Cet ensemble commercial constitue une installation à caractère commercial au sens des dispositions de l'article L. 332-8 précité du code de l'urbanisme.
15. D'autre part, il résulte de l'instruction que la réalisation de ces ouvrages nécessitait une extension exceptionnelle compte tenu de la nature et de l'importance du projet du réseau public électrique.
16. Les travaux d'extension ont consisté en la réalisation de canalisations basse tension et haute tension pour raccorder la zone dans laquelle se situent notamment les terrains appartenant à la SCI au poste de transformation le plus proche.
17. Il résulte également de l'instruction, et plus précisément de la facture du 28 juin 2012 établie par la société Enedis dont le contenu, qui détaille les travaux de terrassement et de pose du réseau, n'est pas sérieusement contesté alors en outre, ainsi qu'il a été dit, que les travaux d'extension ont bien été réalisés, que le coût de ces travaux d'extension, établi selon la facture à 74 149,36 euros, a été réglé par la SCI. Par suite et alors que les premiers juges n'ont pas inversé la charge de la preuve, la SCI n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la société Enedis à lui restituer ladite somme.
18. Par ailleurs, si l'arrêté du maire prévoyait un coût des travaux d'extension du réseau électrique de 77 311,61 euros, il résulte de l'instruction que le montant total de ces travaux s'est établi à 74 149,36 euros. A cet égard il ne ressort pas de l'instruction que la SCI aurait versé une somme complémentaire de 3 162,25 euros au titre de ces travaux d'extension. Par suite, la société Enedis est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal l'a condamnée à restituer cette somme à la SCI.
19. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la société Enedis à lui restituer la somme de 74 149,36 euros et qu'en revanche, la société Enedis est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal l'a condamnée à restituer à la SCI la somme de 3 162,25 euros.
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
20. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des parties une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux est annulé en tant qu'il statue sur les conclusions de la SCI tendant à la restitution de la somme de 35 343,81 euros.
Article 2 : Les conclusions de la SCI tendant à la répétition de la somme de 35 343,81 euros dont le paiement lui a été assigné à titre de travaux de branchement sont rejetées comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.
Article 3 : La société Enedis est déchargée de l'obligation de restituer la somme de 3 162,45 euros à la SCI et de la somme mise à sa charge en première instance au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux est annulé en ce qu'il a de contraire à l'article 3 du présent arrêt.
Article 5 : Le surplus des conclusions de première instance et d'appel des parties est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Bergerac La Cavaille Nord et à la société Enedis. Copie en sera délivrée à la commune de Bergerac.
Délibéré après l'audience du 9 juillet 2019 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, président,
M. Frédéric Faïck, premier conseiller,
Mme C... D..., premier conseiller,
Lu en audience publique, le 29 août 2019.
Le rapporteur,
Caroline D...
Le président,
Elisabeth JayatLe greffier,
Florence Deligey
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
2
N° 17BX02834