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20/06/2019 | FRANCE | N°17BX03168

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 20 juin 2019, 17BX03168


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet de la Charente-Maritime a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler le permis délivré par le maire de Chaillevette le 12 décembre 2016 à Mme B...pour la construction d'une maison d'habitation sur la parcelle cadastrée section C n° 1566 située chemin des Bois.

Par un jugement n° 1700922, du 13 juillet 2017, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté ce déféré.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 25 septembre 20

17 et le 22 juin 2018, le préfet de la Charente-Maritime demande à la Cour :

1°) d'annuler le ju...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet de la Charente-Maritime a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler le permis délivré par le maire de Chaillevette le 12 décembre 2016 à Mme B...pour la construction d'une maison d'habitation sur la parcelle cadastrée section C n° 1566 située chemin des Bois.

Par un jugement n° 1700922, du 13 juillet 2017, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté ce déféré.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 25 septembre 2017 et le 22 juin 2018, le préfet de la Charente-Maritime demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 13 juillet 2017 ;

2°) d'annuler le permis de construire n° 01707916N0012 accordé le 12 décembre 2016 à Mme A...B...par le maire de Chaillevette en vue de la réalisation d'une maison d'habitation sur la parcelle cadastrée section C n° 1566, située chemin des Bois.

Il soutient que :

- la demande tendant à l'annulation du permis de construire du 12 décembre 2016 est recevable dès lors que la demande de permis de construire a été déposée en mairie de Chaillevette le 30 septembre 2016 et que par courrier en date du 12 octobre 2016 transmis en recommandé, le maire de Chaillevette a sollicité des pièces complémentaires pour permettre l'instruction complète du dossier ; cette demande a été distribuée le 14 octobre 2016 et l'accusé de réception a été reçu en retour par le service instructeur le 17 octobre 2016 ; les pièces ont été réceptionnées en mairie de Chaillevette le 17 octobre 2016 et le délai d'instruction a, conformément à l'article R. 423-39 du code de l'urbanisme, été fixé au 17 décembre 2016 ; Mme B... ne disposait pas d'un permis de construire tacite le 30 novembre 2016 ;

- le permis de construire méconnaît les dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme en ce que le secteur auquel appartient la parcelle en cause ne peut être regardé comme constitutif d'un village ou d'une agglomération.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 1er mars 2018 et 24 septembre 2018, la commune de Chaillevette, représentée par la SCP Pielberg - Kolenc, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat du versement d'une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 décembre 2016 est irrecevable dès lors que cet acte est confirmatif du permis de construire tacite du 30 novembre 2016 ; le préfet n'établit pas que Mme B...aurait été destinataire d'une demande de pièces complémentaires qui aurait pu interrompre le délai d'instruction de la demande de permis de construire ;

- le terrain appartenant à Mme B...est implanté dans un secteur comprenant, dans un rayon de moins de 200 m, une quarantaine de maisons d'habitation, l'ensemble présentant un aspect pavillonnaire continu ; ce terrain s'inscrit dans un cadre urbanisé se caractérisant par un aspect pavillonnaire et une densité de constructions bordant la rue de la Sablière le long de laquelle sont implantées des constructions en continuité avec le village du Marvoux, et dans le cadre d'un village-rue qui s'est développé le long de la rue de la Sablière en prenant la forme d'un fer à cheval dont les 2 extrémités rejoignent la route départementale n° 14, enserrant ainsi une zone boisée ; ce secteur présente la caractéristique d'une zone urbanisée au sens de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme ; le permis de construire litigieux s'inscrit dans le cadre de la volonté de la commune de combler les " dents creuses " dans un secteur déjà construit, en permettant une densification dudit secteur sans pour autant entraîner une extension des zones d'urbanisation déjà existantes vers l'extérieur de la zone urbanisée, dès lors que le terrain en question est bordé sur l'ensemble de ses côtés par des terrains construits ou par des voies entièrement desservies.

Par un mémoire du 23 novembre 2018, MmeB..., représentée par MeD..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle était titulaire d'un permis de construire depuis le 30 novembre 2016 ; la demande tendant à l'annulation du permis de construire du 12 décembre 2016 est irrecevable car dirigée contre un acte confirmatif ;

- le terrain d'assiette de la construction projetée, desservi par tous les réseaux, est situé sur l'un des trois axes formant fer à cheval donnant sur la rue du Jard se continuant par les rues des Auriaux, du Jadeau, de la Sablière et des Brandes ; il se trouve au milieu d'un fer à cheval le long duquel s'implantent une quarantaine de constructions d'habitation et d'infrastructures collectives ; il ressort des vues aériennes, de la proximité des autres logements et de l'absence d'extension créée par la construction envisagée que celle-ci ne contrevient pas aux dispositions du code de l'urbanisme ; le permis de construire accordé apparaît par ailleurs en conformité avec la volonté de comblement des " dents creuses " affichée par la commune.

Un courrier du 31 janvier 2019, adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a précisé la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.

L'instruction a été close au 20 février 2019, date d'émission d'une ordonnance prise en application des dispositions combinées des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 23 mai 2019 :

- le rapport de Mme Nathalie Gay-Sabourdy, premier conseiller ;

- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteur public ;

- et les observations de MeD..., représentant la commune de Chaillevette et Mme B... et les observations de MmeC..., représentant la préfecture de la Charente-Maritime.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A...B...a présenté, le 30 septembre 2016, une demande de permis de construire une maison d'habitation sur la parcelle cadastrée section C n° 1566 située chemin des Bois à Chaillevette. Par un arrêté du 12 décembre 2016, le maire de Chaillevette a délivré le permis de construire sollicité. Le préfet de la Charente-Maritime relève appel du jugement du 13 juillet 2017 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté son déféré tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la recevabilité de la demande :

2. Aux termes de l'article R. 423-23 du code de l'urbanisme : " Le délai d'instruction de droit commun est de : (...) deux mois pour (...) les demandes de permis de construire portant sur une maison individuelle, au sens du titre III du livre II du code de la construction et de l'habitation, ou ses annexes (...) ". Aux termes de l'article R. 423-38 du code de l'urbanisme : " Lorsque le dossier ne comprend pas les pièces exigées en application du présent livre, l'autorité compétente, dans le délai d'un mois à compter de la réception ou du dépôt du dossier à la mairie, adresse au demandeur ou à l'auteur de la déclaration une lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou, dans le cas prévu par l'article R. 423-48, un échange électronique, indiquant, de façon exhaustive, les pièces manquantes ". Aux termes de l'article R. 423-39 du même code : " L'envoi prévu à l'article R. 423-38 précise : / (...) c) que le délai d'instruction commencera à courir à compter de la réception des pièces manquantes par la mairie ".

3. Il ressort des pièces du dossier que Mme B...a présenté sa demande de permis de construire le 30 septembre 2016 et que par courrier daté du 12 octobre 2016 et distribué le 14 octobre 2016, le maire de Chaillevette a sollicité des pièces complémentaires pour permettre l'instruction du dossier. Ces pièces ont été réceptionnées le 17 octobre 2016, comme le confirme au demeurant l'arrêté attaqué, ce qui a fait courir le délai d'instruction jusqu'au 17 décembre 2016. Ainsi, contrairement à ce que soutiennent la commune et MmeB..., aucun permis de construire tacite n'est intervenu le 30 novembre 2016. Par suite, la fin de non recevoir tirée de l'irrecevabilité de la demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 décembre 2016, comme présentant un caractère confirmatif, ne peut être accueillie.

Sur la légalité du permis de construire :

4. Aux termes de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : " L'extension de l'urbanisation se réalise soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement ". Les constructions peuvent être autorisées dans les communes littorales en continuité avec les zones déjà urbanisées, caractérisées par une densité significative des constructions, mais qu'aucune construction ne peut en revanche être autorisée, même en continuité avec d'autres constructions, dans les zones d'urbanisation diffuse éloignées des agglomérations. L'exigence de continuité étant directement applicable aux autorisations d'occupation ou d'utilisation du sol, l'autorité administrative qui se prononce sur une demande d'autorisation d'urbanisme dans une commune littorale doit vérifier, à moins que le terrain d'assiette du projet soit situé dans une zone destinée à l'accueil d'un hameau nouveau intégré à l'environnement, si, à la date à laquelle elle statue, l'opération envisagée est réalisée " en continuité avec les agglomérations et villages existants ", et ce alors même que le plan local d'urbanisme aurait ouvert à l'urbanisation la zone dans laquelle se situe le terrain d'assiette.

5. Il ressort des pièces du dossier que la commune de Chaillevette, qui a une façade sur l'estuaire de la Seudre et relève par suite des dispositions applicables au littoral, est constituée de deux bourgs en lien avec l'activité ostréicole, Chaillevette et Chatressac. Il résulte des documents graphiques et photographiques produits que le secteur dans lequel se situe le terrain d'assiette de la maison d'habitation projetée se compose d'une quarantaine de constructions implantées de manière linéaire le long de la rue du Jadeau et de la rue de la Sablière. Il ressort du plan de situation et du plan de masse que la parcelle cadastrée section C n° 1566 ne jouxte pas la rue du Jadeau mais se situe à l'ouest de la parcelle 580 et présente un accès par le chemin des Bois. Si elle jouxte une parcelle construite, elle est entourée sur deux côtés de parcelles demeurées à l'état naturel et est située à proximité d'un espace naturel boisé identifié par le schéma de cohérence territoriale comme significatif et par le plan local d'urbanisme comme espace boisé classé. Par ailleurs, ce secteur est distant du centre bourg de Chaillevette de plus d'un kilomètre et contrairement aux allégations de la commune, les parcelles en cause ne constituent pas la continuité du " village du Marvoux ", secteur qui, au demeurant, composé d'une vingtaine de constructions et dépourvu de services ou équipements collectifs, ne peut être qualifié de village au sens de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme. Enfin, si le secteur de la rue du Jadeau et de la rue de la Sablière se compose d'un certain nombre de constructions, leur implantation clairsemée et entrecoupée de parcelles demeurées à l'état naturel ne permet pas de regarder ce secteur comme constitutif d'un village ou d'une agglomération, en continuité desquels se situerait le terrain en cause. La circonstance que le secteur est desservi par les réseaux et un service de bus n'a pas d'incidence sur la qualification qui peut être retenue au regard de la notion de village au sens de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme. Par suite, en délivrant le permis de construire, le maire de Chaillevette a méconnu l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018. Ainsi, le préfet de la Charente-Maritime est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande d'annulation de ce permis.

Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, les sommes que demandent la commune de Chaillevette et Mme B...au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers est annulé.

Article 2 : L'arrêté n° 01707916N0012 du 12 décembre 2016, par lequel le maire de Chaillevette a délivré à Mme B... un permis de construire une maison d'habitation sur la parcelle cadastrée section C n° 1566 située chemin des Bois, est annulé.

Article 3 : Les conclusions de la commune de Chaillevette et de Mme B...tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B..., à la commune de Chaillevette, au préfet de la Charente-Maritime et au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.

Délibéré après l'audience du 23 mai 2019 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, président,

M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,

Mme Nathalie Gay-Sabourdy, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 20 juin 2019.

Le rapporteur,

Nathalie GAY-SABOURDY Le président,

Catherine GIRAULT

Le greffier,

Virginie MARTY

La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

4

N° 17BX03168


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX03168
Date de la décision : 20/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-001-01-02-03 Urbanisme et aménagement du territoire. Règles générales d'utilisation du sol. Règles générales de l'urbanisme. Prescriptions d'aménagement et d'urbanisme. Régime issu de la loi du 3 janvier 1986 sur le littoral.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Nathalie GAY-SABOURDY
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : GEOFFROY

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-06-20;17bx03168 ?
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