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06/06/2019 | FRANCE | N°17BX01026

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 06 juin 2019, 17BX01026


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête enregistrée sous le n° 1406013, M. A...C..., agissant au nom et pour le compte de la commune de Saint-Beauzeil par autorisation du tribunal, a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner M. D...à restituer à la commune la somme de 43 773,60 euros qui lui a été versée par celle-ci au titre des travaux de rénovation des façades de 1'église de Souillas.

Par un déféré enregistré sous le n° 1501011, le préfet de Tarn-et-Garonne a demandé au tribunal administratif

de Toulouse d'annuler la délibération du 30 octobre 2014 par laquelle le conseil munic...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête enregistrée sous le n° 1406013, M. A...C..., agissant au nom et pour le compte de la commune de Saint-Beauzeil par autorisation du tribunal, a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner M. D...à restituer à la commune la somme de 43 773,60 euros qui lui a été versée par celle-ci au titre des travaux de rénovation des façades de 1'église de Souillas.

Par un déféré enregistré sous le n° 1501011, le préfet de Tarn-et-Garonne a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la délibération du 30 octobre 2014 par laquelle le conseil municipal de Saint-Beauzeil a décidé d'indemniser l'entreprise D...au titre des travaux de rénovation des façades de l'église de Souillas et d'annuler les versements effectués par la commune de Saint-Beauzeil au bénéfice de cette entreprise les 10 septembre 2012 et 8 octobre 2012.

Par un jugement n° 1406013, 1501011 du 1er février 2017, le tribunal administratif de Toulouse a condamné M. D...à reverser à la commune de Saint-Beauzeil la somme de 43 773,60 euros, annulé la délibération du conseil municipal de Saint-Beauzeil en date du 30 octobre 2014 et dit n'y avoir pas lieu de statuer sur le surplus des conclusions du déféré du préfet de Tarn-et-Garonne.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 31 mars 2017, M. D..., représenté par MeG..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 1er février 2017 ;

2°) de rejeter la demande de première instance de M. C...et le déféré du préfet de Tarn-et-Garonne ;

3°) d'accueillir l'intervention forcée et la mise en cause de Me E...pris en sa qualité de liquidateur judiciaire de M.D... ;

4°) de mettre à la charge de M. C...une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- malgré sa double qualité de maire et d'entrepreneur, n'ayant pas participé aux débats, il n'a pu influencer le conseil municipal lors de la délibération du 28 août 2012 ;

- il n'a pas commis de manoeuvre frauduleuse visant à vicier le consentement de la collectivité territoriale ;

- la cause déterminante de la volonté de contracter de la commune était le montant du devis qu'il a proposé, inférieur aux deux autres propositions ; par suite, à supposer même que la cour estime qu'il a commis des fautes de nature à vicier le consentement de la collectivité ou des manoeuvres dolosives, il a néanmoins droit à une indemnisation égale au montant du marché dès lors que les travaux ont été réalisés ;

- la commune n'a pas subi de préjudice.

Par des mémoires en défense enregistrés le 12 mai 2017 et le 8 juin 2018, M.C..., agissant au nom et pour le compte de la commune de Saint-Beauzeil, conclut au rejet de la requête et, dans le dernier état de ses écritures, à ce que soit mise à la charge de MeE..., mandataire-liquidateur de M.D..., une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable faute pour M. D...d'être représenté par le liquidateur judiciaire désigné par le jugement du tribunal de commerce du 13 décembre 2016 ; il y a lieu d'appeler dans la cause MeE... ;

- le marché a été passé en méconnaissance des dispositions des articles 11, 28 et 40 du code des marchés publics dès lors qu'il a seulement été formalisé par la mention " bon pour accord " apposée sur les deux devis de l'entrepriseD..., accompagnée d'une signature non identifiable, et que ces deux pièces ne comportent en outre ni la date d'effet du marché ni la signature de l'entrepreneur ;

- le contrat a été conclu en violation de l'article 432-12 du code pénal limitant à 16 000 euros les contrats susceptibles d'être passés avec des élus de communes de moins de 3 500 habitants, et cette irrégularité constitue un vice d'une particulière gravité de nature à affecter sa validité ;

- la prise illégale d'intérêts commise par M.D..., maire, a été de nature à vicier le consentement de la commune de Saint-Beauzeil et exclut tout droit à indemnisation de ce dernier au titre de l'enrichissement sans cause ; M. D...a en outre volontairement scindé le marché en deux devis pour faire face à des problèmes de trésorerie et être réglé avant la fin des travaux ;

- la délibération du conseil municipal du 30 octobre 2014 est sans incidence sur le droit de la commune à obtenir la restitution des sommes litigieuses ;

- la question de la cause déterminante de la volonté de contracter de la commune et celle du préjudice sont sans incidence sur le droit de la commune d'obtenir le remboursement des sommes en litige ;

- agissant au nom et pour le compte de la commune de Saint-Beauzeil, il a déclaré sa créance auprès du liquidateur judiciaire de M. D...le 26 juin 2017 ; il y a donc lieu d'appeler dans la cause le liquidateur judiciaire de M.D....

Par un mémoire en défense enregistré le 12 juin 2017 et régularisé le 13 juin 2017, le préfet de Tarn-et-Garonne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable faute pour M. D...d'être représenté par le liquidateur judiciaire désigné par le jugement du tribunal de commerce du 13 décembre 2016 ;

- les moyens invoqués par le requérant ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 10 juillet 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 27 août 2018 à 12h00.

Par courrier enregistré le 28 août 2018, Me E...a informé la cour de la clôture par jugement du 6 mars 2018 de la procédure de liquidation judiciaire simplifiée ouverte à l'encontre de M.D....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code des marchés publics ;

- le code pénal ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. David Terme,

- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 28 août 2012, le conseil municipal de Saint-Beauzeil a décidé de confier à M. B...D..., entrepreneur individuel et maire de la commune, un marché de travaux de rénovation des façades de l'église de Souillas. A ce titre, une somme de 43 773,60 euros a été versée à M. D...par deux mandats de paiement en date des 10 septembre 2012 et 8 octobre 2012. Par une délibération du 23 novembre 2012, prise à la suite d'observations formulées par le sous-préfet de Castelsarrasin par courrier du 16 octobre 2012, le conseil municipal de Saint-Beauzeil a retiré sa délibération du 28 août 2012. Par une nouvelle délibération du 30 octobre 2014, le conseil municipal a décidé d'indemniser l'entreprise D...à hauteur du montant total du marché litigieux, soit 43 773,60 euros. Par une décision du 27 novembre 2014, le tribunal administratif de Toulouse a autorisé M.C..., contribuable communal, à exercer, au nom et pour le compte de la commune de Saint-Beauzeil, une action en répétition de l'indu à l'encontre de M.D.... Par une requête enregistrée sous le n° 1401063, M. C... a alors demandé au tribunal de condamner M. D...à restituer la somme de 43 773,60 euros à la commune de Saint-Beauzeil. Par un déféré enregistré sous le n° 1501011, le préfet du Tarn-et-Garonne pour sa part a demandé l'annulation de la délibération du conseil municipal de Saint-Beauzeil du 30 octobre 2014 et des mandats de paiement émis au profit de M. D... les 10 septembre et 8 octobre 2012. M. D...relève appel du jugement du 1er février 2017 par lequel le tribunal administratif de Toulouse l'a condamné, après avoir écarté l'application du contrat litigieux, à reverser à la commune de Saint-Beauzeil la somme de 43 773,60 euros.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Le cocontractant de l'administration dont le contrat est entaché de nullité peut prétendre, sur un terrain quasi-contractuel, au remboursement de celles de ses dépenses prévues au contrat qui ont été utiles à la collectivité envers laquelle il s'était engagé. Les fautes éventuellement commises par l'intéressé antérieurement à la signature du contrat sont sans incidence sur son droit à indemnisation au titre de l'enrichissement sans cause de la collectivité, sauf si le contrat a été obtenu dans des conditions de nature à vicier le consentement de l'administration. Dans le cas où la nullité du contrat résulte d'une faute de l'administration, il peut en outre, sous réserve du partage de responsabilité découlant le cas échéant de ses propres fautes, prétendre à la réparation du dommage imputable à la faute de l'administration. A ce titre, il peut demander le paiement des sommes correspondant aux autres dépenses exposées par lui pour l'exécution du contrat et aux gains dont il a été effectivement privé par sa nullité, notamment du bénéfice auquel il pouvait prétendre, si toutefois l'indemnité à laquelle il a droit sur un terrain quasi-contractuel ne lui assure pas déjà une rémunération supérieure à celle que l'exécution du contrat lui aurait procurée. Toutefois, si le cocontractant a lui-même commis une faute grave en se prêtant à la conclusion d'un marché dont, compte-tenu de son expérience, il ne pouvait ignorer l'illégalité, et que cette faute constitue la cause directe de la perte du bénéfice attendu du contrat, il n'est pas fondé à demander l'indemnisation de ce préjudice.

3. En appel, M. D...soutient seulement qu'il est fondé à rechercher la responsabilité quasi contractuelle de la commune de Saint-Beauzeil et à obtenir à ce titre une indemnisation des prestations effectuées correspondant au prix du marché. Il fait valoir qu'il n'a pas commis de faute de nature à vicier le consentement de la commune et qu'en tout état de cause, une telle faute n'a pu être déterminante dans la volonté de la commune de lui attribuer le marché litigieux dès lors que son offre était la moins onéreuse, et que la commune n'a subi aucun préjudice.

4. Aux termes de l'article 432-12 du code pénal : " Le fait, par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public ou par une personne investie d'un mandat électif public, de prendre, recevoir ou conserver, directement ou indirectement, un intérêt quelconque dans une entreprise ou dans une opération dont elle a, au moment de l'acte, en tout ou partie, la charge d'assurer la surveillance, l'administration, la liquidation ou le paiement, est puni de cinq ans d'emprisonnement et d'une amende de 500 000 €, dont le montant peut être porté au double du produit tiré de l'infraction. Toutefois, dans les communes comptant 3 500 habitants au plus, les maires, adjoints ou conseillers municipaux délégués ou agissant en remplacement du maire peuvent chacun traiter avec la commune dont ils sont élus pour le transfert de biens mobiliers ou immobiliers ou la fourniture de services dans la limite d'un montant annuel fixé à 16 000 euros (...) ".

5. M. D...a été reconnu coupable, par jugement du tribunal correctionnel de Montauban du 26 novembre 2013, en raison de la conclusion du marché litigieux, des faits de prise illégale d'intérêt en tant que personne investie d'un mandat électif public, et condamné à ce titre au paiement d'une amende de 1 500 euros. D'autre part, il n'est pas contesté que M.D..., qui était en redressement judiciaire depuis 2009, s'est abstenu de signaler au conseil municipal qu'eu égard aux dispositions précitées et aux caractéristiques du marché litigieux, il lui était interdit d'y soumissionner en raison de sa qualité de maire de la commune, ce qu'il ne pouvait raisonnablement ignorer, compte tenu de ses fonctions et de la durée pendant laquelle il les avait exercées. Enfin, il résulte de l'instruction que M. D...a artificiellement scindé son offre afin de présenter deux devis d'un montant proche de 16 000 euros et d'obtenir un paiement partiel anticipé lui permettant de faire face à des difficultés de trésorerie. Ainsi que l'a jugé le tribunal administratif, de telles irrégularités constituent des fautes graves de nature à vicier le consentement de la collectivité. A cet égard, la circonstance que la commune n'ait subi aucun préjudice est sans incidence. Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction, contrairement à ce que M. D...affirme, sans d'ailleurs l'étayer, que le conseil municipal aurait pris la même décision s'il avait été informé de l'illégalité de la procédure en cause.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir invoquées, que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges l'ont condamné à reverser à la commune de Saint-Beauzeil la somme de 43 773,60 euros.

Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. C...la somme que demande M. D...au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de ce dernier à ce titre une somme de 1 500 euros au bénéfice de M.C....

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. D...est rejetée.

Article 2 : M. D...versera à M. C...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D..., à la commune de Saint-Beauzeil, à M. A... C..., au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et à Me F... E.... Copie en sera adressée pour information au préfet de Tarn-et-Garonne.

Délibéré après l'audience du 9 mai 2019 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, président,

M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,

M. David Terme, premier-conseiller.

Lu en audience publique, le 6 juin 2019.

Le rapporteur,

David TERMELe président,

Catherine GIRAULT

Le greffier,

Virginie MARTY

La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

4

N° 17BX01026


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX01026
Date de la décision : 06/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Collectivités territoriales - Commune - Règles de procédure contentieuse spéciales - Exercice par un contribuable des actions appartenant à la commune.

Marchés et contrats administratifs - Formation des contrats et marchés.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: M. David TERME
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : SCP MAXWELL -BERTIN-BARTHELEMY-MAXWELL

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-06-06;17bx01026 ?
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