La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/05/2019 | FRANCE | N°17BX01484

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre - formation à 3, 29 mai 2019, 17BX01484


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Ferme Eolienne de Saint-Julien l'Ars, société en nom collectif, a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 2 octobre 2014 par lequel le préfet de la Vienne a refusé de lui délivrer un permis de construire un parc éolien sur le territoire de la commune de Saint-Julien l'Ars ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux.

Par un jugement n° 1500439 du 15 mars 2017, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédur

e devant la cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés le 11 ma...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Ferme Eolienne de Saint-Julien l'Ars, société en nom collectif, a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 2 octobre 2014 par lequel le préfet de la Vienne a refusé de lui délivrer un permis de construire un parc éolien sur le territoire de la commune de Saint-Julien l'Ars ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux.

Par un jugement n° 1500439 du 15 mars 2017, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés le 11 mai 2017, le 24 novembre 2017 et le 16 janvier 2018, la société Ferme Eolienne de Saint-Julien l'Ars, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 15 mars 2017 ;

2°) d'annuler le refus de permis de construire du 2 octobre 2014 et la décision rejetant son recours gracieux ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Vienne de lui délivrer le permis sollicité dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt et sous astreinte de 500 euros par jour de retard ; à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de prendre une nouvelle décision sur la demande de permis dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt et sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le préfet n'a exprimé aucune appréciation personnelle mais s'est senti lié par les avis émis par les services instructeurs de l'Etat chargés d'examiner la demande de permis ;

- le motif tiré de l'atteinte paysagère que le préfet a retenu sur le fondement de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme (désormais article R. 111-27 du code de l'urbanisme) est entaché d'erreur de droit et d'erreur d'appréciation ;

- ainsi, le site d'implantation du projet ne présente pas de caractère particulier et a été retenu par le schéma régional éolien comme étant favorable à l'implantation d'éoliennes ; les éoliennes éloignées de plus de 9 kilomètres du secteur de Chauvigny permettent d'éviter toute co-visibilité dans le paysage avec des installations trop proches ; à cette distance, 1'éloignement des éoliennes réduit voire occulte totalement leur visibilité ; le site destiné à accueillir le projet est seulement composé de vastes parcelles cultivées et de boisements qui ne confèrent pas au paysage un caractère remarquable ; le paysage destiné à accueillir le projet est de plus grevé par la présence de deux tours de refroidissement de la centrale nucléaire de Civaux et par des lignes électriques ; si le point sensible de l'aire d'étude est la commune de Chauvigny, il a été établi que les monuments classés et inscrits que cette dernière abrite sont distants de plus de 8 kilomètres de la plus proche des machines projetées ;

- c'est à tort que le tribunal a considéré, dans un second temps, que malgré leur éloignement de huit kilomètres, les éoliennes sont de nature à affecter le cachet du site médiéval de Chauvigny ; en réalité, depuis le bas du bourg, seule 1'extrémité des pales de deux éoliennes est perceptible ; depuis la route départementale n° 951, les éoliennes apparaissent seulement en arrière-plan et de manière totalement excentrée par rapport à la cité médiévale ;

- le refus de permis de construire ne pouvait légalement se fonder sur la méconnaissance des dispositions de l'article 7 de la zone N du plan local d'urbanisme ; le règlement de zone prévoit, s'agissant des règles d'implantation des constructions par rapport aux limites séparatives au sein de la zone N, que les constructions doivent être édifiées suivant une marge de recul au moins égale à la moitié de la différence d'altitude entre ces deux points, sans pouvoir être inférieure à trois mètres (3 m) ; la marge de recul imposée par le plan local d'urbanisme est respectée et, surtout, les éoliennes ne sauraient être qualifiées de construction ou comme des immeubles au sens de ce règlement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 novembre 2017, le ministre de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- le préfet n'a pas statué en application d'une position de principe et en se sentant lié par les avis des services instructeurs ;

- le projet se situe au sein de l'unité paysagère " Les Terres de Brandes " et la zone d'étude se situe dans un secteur bocager de Poitou-Charentes marqué par de vastes parcelles cultivées séparées d'éléments boisés, de la haie au bois en passant par l'arbre isolé ou le bosquet ; l'intérêt des lieux avoisinants est donc caractérisé ; enfin, les monuments de Chauvigny font partie de la zone d'étude intermédiaire du projet, décrits dans l'étude paysagère, comme une aire dotée d'un patrimoine remarquable ; le site historique de Chauvigny est constitué d'une ville forte composée de cinq châteaux groupés sur la colline de la Ville Haute à l'intérieur d'une même enceinte fortifiée et d'une seconde enceinte protégeant la Ville Basse ; les cinq châteaux sont rapprochés et s'inscrivent dans un " triangle " de 300 m de base et de 100 m de hauteur ;

- la situation altimétrique de la cité médiévale de Chauvigny offre un panorama exceptionnel qui doit être préservé ;

- c'est dès lors sans commettre d'erreur d'appréciation que le préfet s'est fondé sur l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme pour prendre les refus contestés ;

- l'autre motif de refus, fondé sur la méconnaissance des marges de recul par rapport aux limites séparatives est fondé et il n'est pas démontré que les éoliennes ne seraient pas des constructions au sens de l'article 7 du plan local d'urbanisme communal.

Par ordonnance du 27 novembre 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 24 janvier 2018 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Frédéric Faïck,

- les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., représentant la société Ferme Eolienne de Saint-Julien l'Ars.

Considérant ce qui suit :

1. Le 19 décembre 2012, la société Ferme Eolienne de Saint-Julien l'Ars a déposé en préfecture de la Vienne une demande de permis de construire un parc éolien composé de cinq aérogénérateurs et d'un poste de livraison sur le territoire de la commune de Saint-Julien l'Ars. Par une décision du 2 octobre 2014, le préfet a refusé de délivrer le permis de construire sollicité. La société Ferme Eolienne de Saint-Julien l'Ars a saisi le tribunal administratif de Poitiers d'une demande d'annulation du refus de permis de construire du 2 octobre 2014 et de la décision par laquelle le préfet a implicitement rejeté son recours gracieux tendant au retrait de cette décision. Elle relève appel du jugement rendu le 15 mars 2017 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.

Sur la légalité de la décision en litige :

2. Pour refuser le permis sollicité, le préfet de la Vienne s'est fondé, d'une part, sur les dispositions de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme et, d'autre part, sur celles de l'article N 7 du plan d'occupation des sols de la commune de Saint-Julien d'Ars.

3. En premier lieu, aux termes de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme, applicable à la date de la décision attaquée : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. ".

4. Il résulte de ces dispositions que, si les constructions projetées portent atteinte aux paysages naturels avoisinants, l'autorité administrative compétente peut refuser de délivrer le permis de construire sollicité ou l'assortir de prescriptions spéciales. Pour rechercher l'existence d'une atteinte à un paysage naturel de nature à fonder le refus de permis de construire ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de ce permis, il lui appartient d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site naturel sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site.

5. Il ressort des pièces du dossier que les cinq éoliennes projetées doivent être implantées au sein de l'unité paysagère des Terres de Brandes, laquelle se caractérise par un relief assez plat où de vastes parcelles cultivées alternent avec des éléments boisés nombreux et disséminés. Cet ensemble paysager, qui est affecté par la présence d'une centrale nucléaire flanquée de deux tours de refroidissement, de lignes électriques aériennes et d'un réseau routier, ne revêt par lui-même aucun caractère particulier hormis, il est vrai, la présence du village de Chauvigny, lequel abrite un ensemble médiéval composé du château d'Harcourt et du château baronnial (ou des Evêques de Poitiers), des églises Saint-Pierre et Notre-Dame et du donjon de Gouzon, édifices protégés au titre de la législation sur les monuments historiques.

6. Il ressort des pièces du dossier que les éoliennes projetées, d'une hauteur de 150 mètres en bout de pales, seront perceptibles depuis l'ensemble médiéval de Chauvigny, lequel est positionné sur un éperon rocheux dominant la vallée de la Vienne. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que les éoliennes, en dépit de leur hauteur, ne présentent pas une visibilité significative depuis le village de Chauvigny dont elles sont séparées par huit kilomètres de distance. En particulier, les divers photomontages versés au dossier ne font pas apparaître, compte tenu de leur éloignement, que les éoliennes produiraient un effet d'attraction du regard depuis l'ensemble médiéval de Chauvigny et que leur présence aurait pour conséquence de transformer les caractéristiques essentielles de celui-ci ou des paysages alentour, lesquels sont déjà altérés, comme il a déjà été dit, par des éléments d'anthropisation. Dans ces conditions, l'atteinte causée par le projet en litige aux paysages environnants présente un caractère limité et ne justifie pas la mise en oeuvre de la protection instituée par les dispositions précitées de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme.

7. Par suite, c'est à tort que le tribunal administratif de Poitiers a jugé que le préfet de la Vienne avait pu légalement rejeter la demande de permis de construire en se fondant sur l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme.

8. En second lieu, aux termes de l'article N 7 du plan local d'urbanisme de la commune de Saint-Julien-l'Ars : " Implantation des constructions par rapport aux limites séparatives. a) Soit les constructions sont édifiées en limites séparatives, b) Soit les constructions sont édifiées suivant une marge de recul au moins égale à la moitié de la différence d'altitude entre ces deux points sans pouvoir être inférieure à 3 mètres.".

9. Par les dispositions précitées du b), applicables en l'espèce, et qui ne sont pas inintelligibles, les auteurs du plan local d'urbanisme communal ont entendu fixer la règle selon laquelle les constructions doivent, en tous leurs points, respecter une marge de reculement par rapport aux points des limites séparatives. Ces mêmes dispositions définissent également les modalités de calcul de la marge de reculement à respecter, laquelle ne saurait, en l'espèce, être inférieure à 74,5 mètres eu égard au fait que les éoliennes projetées, qui constituent des constructions au sens du plan local d'urbanisme, ont une hauteur de 150 mètres.

10. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des plans de masse de la demande de permis, que les éoliennes projetées sont toutes implantées par rapport aux limites séparatives à une distance inférieure à la marge de reculement prévue à l'article N 7 du plan local d'urbanisme.

11. Dès lors que le projet litigieux était contraire au plan local d'urbanisme communal, le préfet de la Vienne aurait pris la même décision de refus en se fondant sur le seul motif tiré de l'application de l'article N 7 précité qui suffit à justifier légalement ce refus.

12. Il résulte de ce qui précède que la société Ferme Eolienne de Saint-Julien l'Ars n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête n° 17BX01484 présentée par la société Ferme Eolienne de Saint-Julien l'Ars est rejetée.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Ferme Eolienne de Saint-Julien l'Ars, au ministre de la transition écologique et solidaire et au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités.

Délibéré après l'audience du 30 avril 2019 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

M. Frédéric Faïck, premier conseiller,

Mme Florence Madelaigue, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 29 mai 2019.

Le rapporteur,

Frédéric FaïckLe président,

Elisabeth JayatLe greffier,

Florence Deligey

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et solidaire en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 17BX01484


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX01484
Date de la décision : 29/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire.

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire - Légalité interne du permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: M. Frédéric FAÏCK
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : CABINET LPA-CGR AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-05-29;17bx01484 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award