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12/04/2019 | FRANCE | N°17BX03984

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre - formation à 3, 12 avril 2019, 17BX03984


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 19 juin 2013 par laquelle le président de la commission de discipline du centre pénitentiaire de Lannemezan a décidé son placement en cellule disciplinaire pendant quatorze jours, ainsi que la décision du 12 juillet 2013 du directeur interrégional des services pénitentiaires de Toulouse rejetant son recours administratif contre cette sanction. Par un jugement n°1302134 du 19 mars 2015, le tribunal adminis

tratif de Pau a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 15BX02298 du 21 juin ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 19 juin 2013 par laquelle le président de la commission de discipline du centre pénitentiaire de Lannemezan a décidé son placement en cellule disciplinaire pendant quatorze jours, ainsi que la décision du 12 juillet 2013 du directeur interrégional des services pénitentiaires de Toulouse rejetant son recours administratif contre cette sanction. Par un jugement n°1302134 du 19 mars 2015, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 15BX02298 du 21 juin 2016, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par M. B...contre ce jugement.

Par une décision n° 403701 du 15 décembre 2017, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, saisi d'un pouvoir présenté pour M.D..., a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 21 juin 2016 et a renvoyé l'affaire devant la cour.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 3 juillet 2015, sous le numéro 15BX02298, M. C...B..., représenté par Me David, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 19 mars 2015 ;

2°) d'annuler la décision du 12 juillet 2013 du directeur départemental des services pénitentiaires ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 du décret du 19 décembre 1991.

Il soutient que :

- le sens des conclusions du rapporteur public devant le tribunal administratif indiquait seulement " rejet au fond " sans aucune forme de motivation ; ce sens trop imprécis ne permettait pas de présenter utilement une défense orale ou une note en délibéré ;

- la procédure est entachée de nullité pour atteinte à la présomption d'innocence, principe reconnu par l'article 14 du pacte des droits civils et politiques et l'article 6-2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et pour méconnaissance de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ;

- en adressant une convocation moins de vingt quatre heures avant le débat contradictoire et en n'indiquant pas en quoi l'urgence à statuer empêchait de procéder à un renvoi qui aurait pu permettre au conseil de l'appelant d'assister son client, l'administration a violé les droits de la défense et l'article R. 57-7-16 du code de procédure pénale ;

- la décision du 12 juillet 2013 est insuffisamment motivée ;

- le refus d'un détenu de regagner sa cellule n'est pas un refus de se soumettre à une mesure de sécurité constitutif d'une faute du deuxième degré ;

- la décision attaquée contestée a été prise au mépris du principe d'individualisation de la sanction et du principe de proportionnalité des peines.

Par un mémoire, enregistré le 5 novembre 2015, le ministre de la justice conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- il a été entièrement satisfait aux dispositions de l'article R 711-3 du code de justice administrative ;

- l'avocat du requérant était parfaitement avisé de la procédure ;

- c'est par une juste appréciation que les moyens du requérant ont été rejetés par les juges de première instance.

Par deux mémoires, enregistrés respectivement le 31 mai et le 4 juillet 2018, M. B..., représenté par Me David, confirme ses précédentes écritures.

Il ajoute que :

- il ne ressort d'aucune pièce du dossier que son refus de regagner sa cellule aurait été formulé dans un contexte de tensions ou aurait été accompagné de la moindre violence physique ou verbale ;

- aucune disposition législative, règlementaire ou du règlement intérieur ne définit la mesure de sécurité à laquelle il se serait soustrait en refusant de réintégrer sa cellule ;

- il ne pouvait être tenu compte de son comportement général pour le choix de la sanction à lui infliger.

Par un mémoire, enregistré le 7 juin 2018, le ministre de la justice conclut au rejet de la requête.

Il ajoute que le seul fait, de la part d'un détenu, de refuser de réintégrer sa cellule est de nature à mettre en péril la sécurité du personnel et des autres personnes détenues.

Par ordonnance du 8 janvier 2019, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 29 janvier 2019.

M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 30 mars 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de procédure pénale ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Romain Roussel, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Déborah de Paz, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 19 juin 2013, le président de la commission de discipline du centre pénitentiaire de Lannemezan (Hautes-Pyrénées) a prononcé à l'encontre de M. B...la sanction de mise en cellule disciplinaire pour une durée de quatorze jours. Par une décision du 12 juillet 2013, le directeur interrégional des services pénitentiaires de Toulouse a confirmé cette sanction. M. B...relève appel du jugement du 19 mars 2015 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande à fin d'annulation de ces deux décisions et demande l'annulation de la décision du 12 juillet 2013.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article R. 57-7-3 du code de procédure pénale : " Constitue une faute disciplinaire du troisième degré le fait, pour une personne détenue : / (...) 3° De refuser d'obtempérer aux injonctions des membres du personnel de l'établissement (...) ". L'article R. 57-7-2 du même code dispose que : " Constitue une faute disciplinaire du deuxième degré le fait, pour une personne détenue : / (...) 5° De refuser de se soumettre à une mesure de sécurité définie par une disposition législative ou réglementaire, par le règlement intérieur de l'établissement pénitentiaire ou par toute autre instruction de service (...) ". L'article R. 57-7-47 précise que, pour les personnes majeures, la durée de la mise en cellule disciplinaire ne peut excéder quatorze jours pour une faute disciplinaire du deuxième degré et sept jours pour une faute disciplinaire du troisième degré.

3. Il résulte de ces dispositions qu'en dehors de l'hypothèse où l'injonction adressée à un détenu par un membre du personnel de l'établissement pénitentiaire serait manifestement de nature à porter une atteinte à la dignité de la personne humaine, tout ordre du personnel pénitentiaire doit être exécuté par les détenus. Le refus d'obtempérer à une injonction d'un membre du personnel constitue une faute disciplinaire du troisième degré qui est de nature à justifier une sanction. Le refus de se soumettre à une mesure de sécurité définie par une disposition législative ou réglementaire, par le règlement intérieur de l'établissement pénitentiaire ou par toute autre instruction de service constitue une faute disciplinaire du deuxième degré également de nature à justifier une sanction.

4. Il ressort des pièces du dossier que M.B..., qui avait été autorisé à se rendre à la cabine téléphonique afin d'avoir un entretien avec son avocat, a refusé à deux reprises, le 17 juin 2013, d'obéir à la demande du surveillant qui l'invitait à regagner sa cellule.

5. Le ministre de la justice ne se prévaut d'aucune disposition, législative ou règlementaire, ou issue du règlement intérieur de l'établissement pénitentiaire ou de toute autre instruction de service, définissant la mesure de sécurité à laquelle M. B...aurait refusé de se soumettre. De plus, il ne ressort ni du rapport établi après l'incident par les services pénitentiaires, ni d'aucune autre pièce du dossier que le refus, opposé par l'intéressé avant tout commencement d'exécution de la mesure, aurait été formulé dans des conditions ou circonstances qui auraient pu compromettre la sécurité de l'établissement.

6. Dès lors, en refusant ainsi, non de se soumettre à une mesure de sécurité définie par les règlements et instructions de service, mais d'obtempérer aux injonctions des membres du personnel de l'établissement, M. B...a seulement commis une faute disciplinaire de troisième degré qui, en application des dispositions de l'article R. 57-7-47 du code de procédure pénale, n'était pas susceptible de donner lieu à une sanction de mise en cellule disciplinaire supérieure à sept jours.

7. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. D...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

8. M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le versement à Me David, avocat du requérant, d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me David renonce à percevoir la part contributive de l'État.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Pau du 19 mars 2015 et la décision du 12 juillet 2013 du directeur interrégional des services pénitentiaires de Toulouse sont annulés.

Article 2 : L'État versera à Me David, avocat de M.B..., une somme de 1 500 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me David renonce à percevoir la part contributive de l'État.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...B..., à Me David et au ministre de la justice. Copie en sera adressée au directeur interrégional des services pénitentiaires de Toulouse.

Délibéré après l'audience du 29 mars 2019 à laquelle siégeaient :

M. Philippe Pouzoulet, président,

M. DavidA..., premier conseiller,

M. Romain Roussel, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 12 avril 2019.

Le rapporteur,

Romain Roussel

Le président,

Philippe Pouzoulet Le greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre de la justice en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

5

N° 17BX03984


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX03984
Date de la décision : 12/04/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Juridictions administratives et judiciaires - Exécution des jugements - Exécution des peines - Service public pénitentiaire.

Répression - Domaine de la répression administrative Nature de la sanction administrative.


Composition du Tribunal
Président : M. POUZOULET
Rapporteur ?: M. Romain ROUSSEL
Rapporteur public ?: Mme DE PAZ
Avocat(s) : DAVID

Origine de la décision
Date de l'import : 23/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-04-12;17bx03984 ?
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