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29/03/2019 | FRANCE | N°17BX00217

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 29 mars 2019, 17BX00217


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... a demandé au tribunal administratif de Pau de condamner le département des Pyrénées-Atlantiques à lui verser la somme de 84 321, 53 euros en réparation des préjudices subis du fait du retrait de son agrément.

Par un jugement n° 1402718 du 15 novembre 2016 le tribunal administratif de Pau a condamné le département des Pyrénées-Atlantiques à verser à Mme F... la somme de 71 000 euros en réparation de ses préjudices.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregis

trée le 20 janvier 2017 et un mémoire, enregistré le 12 février 2019, le département des Pyrénées-A...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... a demandé au tribunal administratif de Pau de condamner le département des Pyrénées-Atlantiques à lui verser la somme de 84 321, 53 euros en réparation des préjudices subis du fait du retrait de son agrément.

Par un jugement n° 1402718 du 15 novembre 2016 le tribunal administratif de Pau a condamné le département des Pyrénées-Atlantiques à verser à Mme F... la somme de 71 000 euros en réparation de ses préjudices.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 20 janvier 2017 et un mémoire, enregistré le 12 février 2019, le département des Pyrénées-Atlantiques, représenté par Me E... demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 15 novembre 2016 et de rejeter l'ensemble des conclusions indemnitaires présentées par Mme F... ;

2°) de mettre à la charge de Mme F... une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Le département soutient que :

- le jugement est irrégulier car le tribunal a accordé une somme supérieure à celle réclamée par Mme F... au titre de la perte de revenus, en tenant compte, en outre, des années 2012, 2013 et 2014 alors qu'une indemnisation était réclamée à ce titre pour les seules années 2012 et 2013 ;

- les préjudices allégués ne sont pas certains et ne sont pas directement liés à l'illégalité de la décision de retrait de l'agrément d'assistante maternelle ; la perte de revenus alléguée n'est pas justifiée ; il en est de même du préjudice moral allégué et de l'atteinte à la réputation ;

- c'est à bon droit que les préjudices allégués tirés de la prétendue vente de bijoux ou le recours à un emprunt ont été écartés en première instance.

- à titre subsidiaire, les sommes allouées par le tribunal, notamment en ce qui concerne l'indemnisation du préjudice moral subi ou de l'atteinte à sa réputation, sont manifestement disproportionnées par rapport à la réalité des préjudices ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 mars 2018, Mme F..., représentée par Me B..., conclut à la réformation du jugement et à ce que le département soit condamné à lui verser la somme de 93 141 euros en réparation de l'ensemble des préjudices subis, et demande à la cour de mettre à la charge du département une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- aucune irrégularité n'entache le jugement : les demandes présentées au titre de la perte de revenus étaient à parfaire et n'étaient donc pas limitées aux seules sommes demandées, et l'indemnisation globale allouée, pour l'ensemble des préjudices, ne dépassait pas la somme sollicitée ;

- le jugement sera confirmé en ce qu'il attribue la somme de 68 000 euros en réparation de la parte de salaire mais sera réformé en ce qui concerne la réparation des autres préjudices.

Par une ordonnance du 14 janvier 2019, la clôture de l'instruction de cette affaire a été fixée au 15 février 2019, à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code général des impôts

- le code de la sécurité sociale

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme G...,

- les conclusions de M. David Katz, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., représentant le département des Pyrénées-Atlantiques, et de Me D..., représentant Mme F....

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement n° 1200469 du 18 mars 2014, devenu définitif, le tribunal administratif de Pau a annulé la décision du président du conseil général des Pyrénées-Atlantiques du 2 février 2012 retirant l'agrément d'assistante maternelle dont bénéficiait Mme F... au motif que cette décision était entachée d'une erreur d'appréciation dès lors que les manquements reprochés relatifs au non-respect de ses obligations déclaratives ne permettaient pas d'établir que Mme F... ne garantissait pas la sécurité, la santé et l'épanouissement des enfants dont elle avait la charge au sens de l'article L. 421-3 du code de l'action sociale et des familles.

2. Mme F... a adressé au département des Pyrénées-Atlantiques une demande préalable tendant à être indemnisée des préjudices qu'elle estimait avoir subis en raison de ce retrait d'agrément. Le département des Pyrénées-Atlantiques forme appel du jugement n°1402718 du 15 novembre 2016, par lequel le tribunal administratif de Pau l'a condamné à verser à Mme F... la somme de 71 000 euros en réparation des préjudices liés à ce retrait illégal d'agrément. En défense dans la présente instance, Mme F... présente des conclusions incidentes tendant à ce que le département soit condamné à lui verser une somme de 93 141 euros en réparation de l'ensemble des préjudices qu'elle estime avoir subis.

Sur la régularité du jugement :

3. Si les premiers juges ont fait du préjudice afférent à la perte de revenus une évaluation supérieure à celle qu'avait indiquée Mme F... dans sa requête, ils n'ont accordé à celle-ci, au total, qu'une indemnité inférieure à celle réclamée. Par suite, le tribunal n'a pas statué au-delà des conclusions dont il était saisi et n'a pas entaché son jugement d'irrégularité.

Sur le bien-fondé du jugement :

S'agissant de la responsabilité du département :

5. En principe, toute illégalité commise par l'administration constitue une faute susceptible d'engager sa responsabilité, pour autant qu'il en soit résulté un préjudice direct et certain. En l'espèce, ainsi que précisé au point 1 du présent arrêt, par un jugement du 18 mars 2014, devenu définitif, le tribunal administratif de Pau a annulé la décision du président du conseil général des Pyrénées-Atlantiques du 2 février 2012 retirant l'agrément d'assistante maternelle dont bénéficiait Mme F... au motif que cette décision était entachée d'une erreur d'appréciation. Mme F... est donc fondée à rechercher l'indemnisation des préjudices directs et certains qu'elle aurait subis en raison de cette décision illégale, pour la période allant du 2 février 2012, date de la décision de retrait, au 18 mars 2014, date du jugement devenu définitif du tribunal administratif de Pau.

S'agissant de la réparation des préjudices subis :

6. Il résulte de l'instruction que Mme F... bénéficiait d'un agrément délivré le 16 février 2011, pour une durée de 5 ans, pour accueillir deux enfants en journée ainsi qu'un enfant en périscolaire et qu'elle avait perçu, au titre des années 2010 et 2011, durant lesquelles il n'est pas contesté qu'elle exerçait ses fonctions dans les mêmes conditions et de manière régulière, des revenus s'élevant respectivement à 35 381 euros et 30 538 euros. Ces revenus se sont établis à la somme de 8 048 euros au titre de l'année 2012. A cet égard, le département ne peut utilement contester ses montants en se prévalant des revenus imposables de Mme F... dès lors qu'ils tiennent compte de l'abattement prévu à l'article 80 sexies du code général des impôts. En outre, il ne résulte aucunement de l'instruction que Mme F... aurait perçu des revenus pour des gardes d'enfants non autorisées, dépassant le cadre de son agrément. Enfin, le département ne peut davantage se prévaloir de ce que Mme F... a fait valoir ses droits à la retraite en 2010, pour en déduire que la perte de revenus alléguée ne serait pas suffisamment certaine dès lors que, d'une part, les dispositions des articles L. 161-22 et L. 311-3 du code de la sécurité sociale autorisent le cumul entre la rémunération d'une activité professionnelle notamment d'assistante maternelle et la pension de retraite dans la limite d'un plafond applicable à la seule pension de retraite dont il n'est d'ailleurs pas établi qu'il aurait été dépassé et que, d'autre part, il résulte de l'instruction que Mme F... a continué à exercer ses fonctions d'assistante maternelle, dans les mêmes conditions jusqu'en 2012, en vertu de l'agrément qui lui avait été délivré en 2011.

7. Dans ces conditions, eu égard à la période d'indemnisation retenue et à la moyenne des rémunérations perçues par Mme F... durant les années 2010 et 2011, il y a lieu de confirmer l'appréciation des premiers juges qui ont condamné le département verser à Mme F... une indemnité de 68 000 euros au titre de la perte de revenus subie par cette dernière.

8. Il résulte de l'instruction que Mme F... a dû avertir les parents des enfants dont elle avait la charge du retrait de son agrément, et supporter les conséquences de cette décision pour sa réputation professionnelle. Ainsi, contrairement à ce que soutient le département, elle a subi un préjudice moral. Dans les circonstances de l'espèce, il convient de confirmer l'évaluation des premiers juges qui ont condamné le département à verser à Mme F... une indemnité de 3 000 euros à ce titre. Par suite, la demande présentée par Mme F... tendant à obtenir davantage en réparation de ce préjudice doit être rejetée.

9. Mme F... demande encore que les préjudices consécutifs à la souscription d'emprunts puis au coût de leur renégociation, ainsi que ceux liés à la vente de bijoux personnels, soient indemnisés. Toutefois, elle n'apporte aucun élément nouveau en appel de nature à établir que ces préjudices seraient en lien direct avec le retrait de son agrément. Par suite, et sans qu'il soit besoin de statuer sur leur recevabilité, les conclusions incidentes présentées par Mme F... à ce titre doivent être rejetées.

10. Il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que le département des Pyrénées-Atlantiques n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau l'a condamné à verser à Mme F... une somme de 71 000 euros en réparation des préjudices subis en raison de l'illégalité de la décision ayant prononcé le retrait de l'agrément d'assistante maternelle dont elle bénéficiait et, d'autre part, que les conclusions incidentes présentées par Mme F... doivent être rejetées.

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que Mme F..., qui n'a pas la qualité de partie perdante pour l'essentiel, verse au département une somme sur le fondement de ces dispositions. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du département des Pyrénées-Atlantiques, partie perdante pour l'essentiel, une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme F... et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête présentée par le département des Pyrénées-Atlantiques est rejetée.

Article 2 : Le département des Pyrénées-Atlantiques versera à Mme F... une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administratives.

Article 3 : Le surplus des conclusions de Mme F... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au département des Pyrénées-Atlantiques et à Mme A... F....

Délibéré après l'audience du 1er mars 2019 à laquelle siégeaient :

M. Philippe Pouzoulet, président,

Mme G..., premier conseiller,

M. Romain Roussel, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 mars 2019.

Le rapporteur,

G...

Le président,

Philippe Pouzoulet

Le greffier,

Vanessa Beuzelin

La République mande et ordonne au préfet des Pyrénées-Atlantiques, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 17BX00217


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 17BX00217
Date de la décision : 29/03/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Collectivités territoriales - Département - Attributions - Compétences transférées - Action sociale.

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Fondement de la responsabilité - Responsabilité pour faute.


Composition du Tribunal
Président : M. POUZOULET
Rapporteur ?: Mme Sylvande PERDU
Rapporteur public ?: Mme LADOIRE
Avocat(s) : SELARL ETCHE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 08/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-03-29;17bx00217 ?
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