Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler la décision implicite par laquelle le maire de Voutezac a rejeté sa demande tendant à ce qu'il soit mis fin à l'emprise irrégulière qu'a créée le goudronnage d'un chemin rural sur sa propriété et qu'il soit procédé à sa remise en état, d'enjoindre, en application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, à la commune de Voutezac de procéder à la remise en état de sa propriété par la suppression du goudronnage réalisé par la commune, dans un délai de trois mois sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de condamner la commune de Voutezac à lui verser une indemnité de 5 000 euros en réparation du préjudice de jouissance subi.
Par un jugement n° 1402239 du 2 février 2017, le tribunal administratif de Limoges a condamné la commune de Voutezac à verser à M. B...une indemnité de 100 euros, et rejeté le surplus de ses conclusions.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 30 mars 2017, M. A... B..., représenté par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 2 février 2017 ;
2°) d'annuler la décision implicite du 29 octobre 2014 par laquelle le maire de la commune de Voutezac a refusé de mettre fin à l'emprise irrégulière de la chaussée sur son terrain ;
3°) d'enjoindre à la commune de Voutezac de procéder à la remise en état de sa parcelle par la suppression du goudronnage empiétant sur sa propriété, dans un délai de 3 mois à compter du jugement à intervenir, et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de condamner la commune de Voutezac à lui payer une somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice de jouissance ;
5°) de mettre à la charge de la commune de Voutezac une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la présence de l'ouvrage public irrégulièrement implanté entraîne une dépossession d'une partie de son terrain sur laquelle il envisageait d'installer un quai de contention, de chargement et de surveillance des bovins en cas de vêlage délicat ; le tribunal n'a pris en compte que les inconvénients pour l'intérêt public ;
- les travaux litigieux ont été réalisés au bénéfice exclusif de propriétaires de parcelles voisines afin d'éviter un allongement de parcours aux semi-remorques qui les desservent ; le tribunal administratif a entendu faire prévaloir la somme des intérêts privés de trois personnes, pomiculteurs concurrents de M.B..., sur l'intérêt général qui s'attache au respect de la légalité et du droit de propriété ;
- le passage par ce chemin rural n'est pas indispensable, même en l'absence de plate-forme de retournement qui a pu être aménagée sur l'un des terrains de pomiculteurs concurrents, et les autres itinéraires offrent des conditions de sécurité au moins équivalentes ;
- son préjudice doit être évalué à 5 000 euros compte tenu de l'intérêt que présente cette partie de terrain pour son exploitation.
Par un mémoire en défense enregistré le 4 septembre 2017, la commune de Voutezac, représentée par MeD..., conclut :
- à titre principal, au rejet de la requête d'appel ;
- par la voie de l'appel incident, à ce que le jugement attaqué soit réformé en ce qu'il admet l'existence d'une emprise irrégulière et à ce que les demandes de première instance du requérant soient en conséquence rejetées ;
- subsidiairement, à ce que l'indemnité mise à sa charge soit ramenée à de plus justes proportions ;
- en tout état de cause, à ce que soit mise à la charge du requérant une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative outre les entiers frais et dépens.
Elle soutient que :
- le requérant n'a pas d'intérêt pour agir dès lors qu'il ne justifie pas d'un titre de propriété sur la parcelle litigieuse ;
- il ne peut y avoir dépossession irrégulière dès lors que le requérant avait antérieurement donné son accord aux travaux de sécurisation du carrefour en cause ;
- la portion de la parcelle cadastrée ZD 47 en litige a été intégrée dans le domaine public routier communal ;
- la demande de remise en état a pour seule finalité d'empêcher le développement des activités concurrentes de celles du requérant ;
- le maintien de l'aménagement litigieux concourt à l'intérêt général de la circulation publique et au développement de l'activité économique et agricole locale ;
- les inconvénients générés par une éventuelle démolition seraient excessifs ;
- le requérant ne démontre l'existence d'aucun préjudice ;
- la demande indemnitaire est irrecevable.
Par ordonnance du 5 juin 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 6 juillet 2018 à 12h.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. David Terme,
- et les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Au début des années 2000, la commune de Voutezac (Corrèze) a fait réaliser des travaux de bitumage d'une partie de la parcelle cadastrée section ZD n° 47 formant une pointe située à la jonction de la voie communale n° 8 et du chemin rural de " Bourzat ". M.B..., agissant en qualité de propriétaire de cette partie de parcelle et estimant que ces travaux avaient pour effet de l'en déposséder, a saisi le maire de la commune, par courrier du 27 août 2014, d'une demande tendant à sa remise en état. Cette demande a été implicitement rejetée. M. B...a alors saisi le tribunal administratif de Limoges d'une demande tendant à ce que cette décision implicite de rejet soit annulée, à ce qu'il soit enjoint au maire de faire procéder, sous astreinte, à cette remise en état, et à ce que la commune soit condamnée à l'indemniser des préjudices subis. Il relève appel du jugement du 2 février 2017 en tant que le tribunal administratif, après avoir constaté que les travaux en cause avaient été irrégulièrement réalisés, a refusé d'enjoindre une remise en état et a seulement condamné la commune à lui verser une somme de 100 euros en réparation des préjudices subis. Par la voie de l'appel incident, la commune demande que le jugement soit réformé en ce qu'il a admis l'existence d'une emprise irrégulière et l'a condamnée à verser 100 euros, ou subsidiairement que cette somme soit réduite.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne le caractère régulier de l'occupation :
2. Il résulte de l'instruction, notamment d'un acte notarié, du procès-verbal du bornage réalisé en 1997 et du plan de rétablissement des bornes établi en 2014, que les travaux de bitumage effectués au début des années 2000 pour le compte de la commune ont porté sur une partie de la parcelle cadastrée ZD n° 47 appartenant à M.B.... Si la commune de Voutezac soutient que celui-ci avait, à l'époque, donné son accord à la réalisation de ces travaux, cet accord ne ressort d'aucune pièce du dossier, et ni les attestations de tiers produites en ce sens, d'ailleurs peu circonstanciées et dont les auteurs présentent pour la plupart des liens d'intérêt avec les parties en litige, ni la circonstance que M. B...n'ait pas entrepris de contester immédiatement les modalités de réalisation de ces travaux, ne peuvent être regardées comme établissant cet accord. Enfin, dès lors que la commune n'établit pas être propriétaire de cette partie de parcelle, la circonstance que ces travaux aient eu pour objet d'ouvrir cette portion de la parcelle en cause à la circulation publique n'a pu avoir pour effet de l'incorporer à son domaine public routier. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que l'ouvrage public litigieux est irrégulièrement implanté.
En ce qui concerne les conclusions à fins d'annulation et d'injonction :
3. Lorsqu'il est saisi d'une demande tendant à l'annulation d'une décision rejetant une demande de suppression ou de déplacement d'un ouvrage public édifié irrégulièrement et à ce que cette suppression ou ce déplacement soit ordonné, il appartient au juge de déterminer si, eu égard notamment à la nature de l'irrégularité, une régularisation appropriée est possible. Dans la négative, il lui revient de prendre en considération, d'une part les inconvénients que la présence de l'ouvrage entraîne pour les divers intérêts publics ou privés en présence, notamment pour le propriétaire du terrain d'assiette de l'ouvrage, d'autre part, les conséquences de la suppression ou du déplacement pour l'intérêt général, et d'apprécier, en rapprochant ces éléments, si la démolition n'entraîne pas une atteinte excessive à l'intérêt général.
4. Il ne résulte pas de l'instruction que la commune de Voutezac ait entrepris de régulariser la situation, notamment par le recours à une procédure d'expropriation, et il est constant que M. B...ne souhaite pas céder cette partie de parcelle ou y autoriser le passage. Dès lors, au regard de la nature de l'irrégularité constatée, il y a lieu de considérer qu'aucune régularisation appropriée n'est possible.
5. D'une part, si M. B...conteste l'affirmation du tribunal selon laquelle la partie de parcelle en litige n'a jamais été exploitée ou entretenue, il ne produit aucun élément démontrant le contraire. De même, s'il soutient, pour la première fois en appel, qu'il souhaite implanter à cet endroit précis un quai de contention, de chargement et de surveillance des bovins en cas de vêlage délicat, cette affirmation n'est pas plus étayée et le caractère réalisable d'un tel projet sur une parcelle en pointe étroite n'est pas avéré. Dès lors, eu égard en outre à la faible superficie de la parcelle concernée, d'approximativement 15 mètres carrés, et à défaut de toute précision sur la superficie de l'exploitation de M.B..., il ne résulte pas de l'instruction que le maintien des aménagements présenterait pour M. B...des inconvénients autres que minimes. D'autre part, il résulte de l'instruction que les travaux en litige ont eu pour objet d'élargir la voie de circulation et ont ainsi permis de faciliter les virages à cet endroit et d'y accroître la sécurité de la circulation, notamment celle des camions desservant les exploitations proches, alors qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'ils pourraient emprunter un autre itinéraire dans des conditions satisfaisantes. Dès lors, la démolition de l'ouvrage public en cause doit être regardée comme entraînant une atteinte excessive à l'intérêt général et M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont refusé de faire droit à ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à la commune de remettre en état la portion de la parcelle ZD 47 en cause.
En ce qui concerne les conclusions indemnitaires :
6. Dans le cas d'une décision administrative portant atteinte à la propriété privée, le juge administratif, compétent pour statuer sur le recours en annulation d'une telle décision, l'est également pour connaître de conclusions tendant à la réparation des conséquences dommageables de cette décision administrative, hormis le cas où elle aurait pour effet l'extinction du droit de propriété. En l'absence d'extinction du droit de propriété, la réparation des conséquences dommageables résultant des travaux effectués sur une propriété privée par une collectivité publique ne saurait donner lieu à une indemnité correspondant à la valeur vénale de la parcelle, mais uniquement à une indemnité moindre d'immobilisation réparant le préjudice résultant de l'occupation irrégulière de cette parcelle.
7. Il y a lieu de rejeter, par adoption des motifs retenus, à bon droit, par les premiers juges, la fin de non-recevoir invoquée par la commune tirée du défaut de liaison préalable du contentieux.
8. M. B...n'apporte aucun élément de nature à établir que la partie de parcelle en litige ait été antérieurement cultivée ou mise en valeur, ni même simplement entretenue, et pas non plus d'élément permettant de considérer que le quai de contention, de chargement et de surveillance des bovins en cas de vêlage délicat qu'il soutient désormais vouloir y implanter ne pourrait être implanté ailleurs. Les conclusions tendant à l'indemnisation de ce chef de préjudice doivent donc être écartées, celui-ci présentant en tout état de cause un caractère purement éventuel.
9. Eu égard à la superficie de terrain en cause et à sa valeur vénale, et dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'elle ait été auparavant exploitée ni qu'un projet d'exploitation ait été empêché par l'aménagement en cause durant la période de près de quinze ans pendant laquelle M. B...l'a toléré, les premiers juges n'ont fait ni une excessive ni une insuffisante appréciation du préjudice de jouissance subi par le requérant en l'évaluant à 100 euros.
10. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la demande, que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont refusé de faire droit à ses conclusions, et que l'appel incident de la commune doit être rejeté.
Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :
11. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des parties tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions d'appel incident de la commune de Voutezac et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et à la commune de Voutezac.
Délibéré après l'audience du 21 février 2019 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, président,
M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,
M. David Terme, premier-conseiller.
Lu en audience publique, le 28 mars 2019.
Le rapporteur,
David TERMELe président,
Catherine GIRAULT
Le greffier,
Virginie MARTY
La République mande et ordonne au préfet de la Corrèze, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17BX01012