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28/03/2019 | FRANCE | N°17BX00893

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 28 mars 2019, 17BX00893


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête n° 1401894, M. et Mme C...ont demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler la décision implicite par laquelle le maire de la commune des Grands-Chézeaux a rejeté leur demande tendant à l'abrogation de son arrêté du 19 décembre 2006 par lequel il a interdit la circulation aux véhicules sur un tronçon du chemin rural dénommé " voie communale n° 33 ", à l'exception des engins agricoles, de lui enjoindre de procéder à cette abrogation, de réaliser des travaux d'entretien du

chemin rural et d'implanter une signalétique conforme à sa situation cadastrale, ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête n° 1401894, M. et Mme C...ont demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler la décision implicite par laquelle le maire de la commune des Grands-Chézeaux a rejeté leur demande tendant à l'abrogation de son arrêté du 19 décembre 2006 par lequel il a interdit la circulation aux véhicules sur un tronçon du chemin rural dénommé " voie communale n° 33 ", à l'exception des engins agricoles, de lui enjoindre de procéder à cette abrogation, de réaliser des travaux d'entretien du chemin rural et d'implanter une signalétique conforme à sa situation cadastrale, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du jugement à intervenir et de condamner la commune des Grands-Chézeaux à leur verser une indemnité de 50 000 euros en réparation de l'ensemble des préjudices subis du fait de cette interdiction, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 28 juillet 2014.

Par une deuxième requête n° 1501838 M. et Mme C...ont demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler la délibération du conseil municipal de la commune des Grands-Chézeaux du 24 septembre 2015 relative à l'abrogation de cet arrêté du maire du 19 décembre 2006, d'enjoindre au maire de réaliser des travaux d'entretien du chemin rural et d'implanter une signalétique conforme à sa situation cadastrale, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du jugement à intervenir, et de condamner la commune des Grands-Chézeaux à leur verser une indemnité d'un montant de 30 000 euros.

Par une troisième requête n° 1600513, M. et Mme C...ont demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler la délibération du conseil municipal des Grands-Chézeaux du 24 septembre 2015 relative à l'abrogation de l'arrêté du maire du 19 décembre 2006, d'enjoindre au maire de réaliser des travaux d'entretien du chemin rural et d'implanter une signalétique conforme à sa situation cadastrale sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du jugement à intervenir, et de condamner la commune des Grands-Chézeaux à leur verser une indemnité d'un montant de 30 000 euros.

Par un jugement n° 1401894, 1501838, 1600513 en date du 19 janvier 2017, le tribunal administratif de Limoges a décidé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions tendant à l'annulation du refus implicite opposé à la demande d'abrogation de l'arrêté municipal du 19 décembre 2006, et rejeté le surplus des conclusions des demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 17 mars 2017, des observations présentées sans avocat le 18 mai 2018 et un mémoire complémentaire enregistré le 28 août 2018, M. et MmeC..., représentée par MeB..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 19 janvier 2017 ;

2°) d'enjoindre au maire de la commune des Grands-Chézeaux de réaliser les travaux d'entretien du chemin rural et d'implanter une signalétique conforme à sa situation cadastrale, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir ;

3°) de condamner la commune des Grands-Chézeaux à leur verser une somme forfaitaire de 30 000 euros, sauf à parfaire, au titre des différents préjudices subis ;

4°) de mettre à la charge de la commune des Grands-Chézeaux une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement est entaché d'irrégularité dès lors que, contrairement à ce qui ressort de ses motifs, ils ont été dans l'impossibilité d'accéder normalement à leur propriété par la voie communale n° 33 entre le 11 décembre 2012 et le 28 octobre 2015 ;

- contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, leur maison d'habitation n'est pas accessible par la voie communale n° 32 située sur le territoire de la commune de Saint-Sulpice-les-Feuilles puis le chemin d'exploitation n° 13, qui est inondable et dépourvu de pont pour traverser la rivière " la Chaume ";

- la valeur vénale de leur propriété est diminuée par l'absence d'accès entretenu ;

- ils subissent encore de nombreux préjudices depuis l'arrêt de la cour administrative de Bordeaux du 11 décembre 2012 ; ainsi, ils ont dû régulièrement engager des frais de réparation de leur véhicule en raison du mauvais entretien de la voie et ont dû engager des frais supplémentaires pour la réalisation de travaux ;

- le tribunal administratif a omis de statuer sur leur demande tendant à l'annulation des " conditions restrictives " de la délibération du 25 septembre 2015 ;

- ces " conditions restrictives " sont erronées dès lors que contrairement à ce qu'elles indiquent, le chemin rural du Moulin est tout à fait praticable et que l'accès à la partie de leur propriété située sur le territoire de la commune de Saint-Sulpice-les-Feuilles se fait par le chemin d'exploitation n° 13 qui prolonge la voie communale n° 32, qui ne dessert pas la partie de leur propriété située sur le territoire des Grands-Chézeaux ;

- la délibération du 25 septembre 2015 est insuffisamment motivée en ce qu'elle ne démontre pas en quoi le chemin rural litigieux ne permet pas l'accès des " services usuels " de la commune ;

- les mentions de la délibération du 25 septembre 2015 selon lesquelles la commune n'a pas d'obligation d'entretien du chemin rural méconnaissent l'article L. 161-5 du code rural et de la pêche maritime et l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales ;

- la commune a une obligation d'entretien de ce chemin rural, consistant notamment dans la réfection de la chaussée, dès lors qu'elle y a réalisé des travaux en 1998 ;

- l'absence d'entretien du chemin rural par la commune entraîne une discrimination illégale entre riverains et usagers de la voie, porte atteinte au droit fondamental à la sécurité des requérants et constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la commune ;

- le tribunal administratif ne pouvait opposer l'autorité de chose jugée à leur demande d'indemnisation dès lors qu'ils ont continué de subir des préjudices postérieurement à l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 11 décembre 2012 ;

- ils subissent en raison du défaut d'entretien du chemin rural qui permet l'accès à leur propriété des préjudices résultant de la dépréciation de leur maison, du stress engendré par les difficultés d'accès et des frais qu'ils ont dû engager de ce fait, qu'ils chiffrent à 30 000 euros.

Par un mémoire en défense enregistré le 15 mai 2018, la commune des Grands-Chézeaux, représentée par MeD..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge des requérants une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 12 septembre 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 12 octobre 2018 à 12h.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de la voirie routière ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. David Terme,

- et les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme C...sont propriétaires d'un terrain supportant leur maison d'habitation qui est situé pour partie sur le territoire de la commune de Saint-Sulpice-les-Feuilles et pour partie sur le territoire de la commune des Grands-Chézeaux (Haute-Vienne). Ce terrain est accessible soit en empruntant la voie communale n° 33, qui est prolongée par le chemin d'exploitation n° 12 dénommé " Le Moulin neuf " et aboutit à leur maison, ancien moulin, située en rive droite de la rivière la Chaume, soit en empruntant la voie communale n° 32, qui débouche sur le chemin d'exploitation n° 13 et aboutit à la partie de leur terrain opposée à leur habitation, et à un gué sur la rivière. Par un arrêté du 19 décembre 2006, le maire des Grands-Chézeaux a interdit la circulation sur la partie de la voie communale n° 33 située " au-delà des 142 mètres de voirie classée et jusqu'à la rivière (...) sauf engins dévolus à une exploitation agricole ". M. et Mme C...ont alors demandé au tribunal administratif de Limoges de condamner la commune des Grands-Chézeaux à prendre toutes mesures nécessaires pour rétablir la circulation sur ce chemin et à leur verser une somme de 50 000 euros en réparation de leurs préjudices. Par un jugement du 29 septembre 2011, le tribunal administratif de Limoges a condamné la commune à verser à M. et Mme C...une somme de 5 000 euros en réparation de leurs préjudices en raison de l'illégalité de l'arrêté du 19 décembre 2006. Ce jugement a été confirmé par la cour par arrêt n° 11BX03144 du 11 décembre 2012.

2. A la suite de cette décision, par courrier du 28 juillet 2014, M. et Mme C...ont saisi le maire de la commune des Grands-Chézeaux d'une demande tendant à l'abrogation de l'arrêté du 19 décembre 2006 et au versement d'une indemnité en réparation de leurs préjudices. Cette demande ayant été implicitement rejetée, M. et Mme C...ont saisi le tribunal administratif de Limoges, par une requête n° 1401894, d'une demande tendant à l'annulation de cette décision, à la condamnation de la commune à leur verser une indemnité de 50 000 euros, augmentée des intérêts, en réparation des préjudices causés par l'interdiction de circulation, et à ce qu'il soit enjoint au maire d'abroger l'arrêté du 19 décembre 2006, de réaliser des travaux d'entretien du chemin du Moulin neuf et d'y implanter une signalétique conforme à sa situation cadastrale, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du jugement. Par des requêtes n° 1501838 et n° 1600513, M. et Mme C...ont ensuite demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler la délibération du conseil municipal des Grands-Chézeaux du 24 septembre 2015 approuvant le principe de la levée de l'interdiction de circuler sur la VC n° 33 aux risques et périls des utilisateurs en refusant tous travaux d'entretien, de condamner cette commune à leur verser une indemnité d'un montant de 30 000 euros en réparation des préjudices causés par le défaut d'entretien du chemin du Moulin neuf, et à ce qu'il soit enjoint au maire de faire réaliser des travaux d'entretien de ce chemin et d'y implanter une signalétique conforme à sa situation cadastrale, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du jugement. M. et Mme C... relèvent appel du jugement du 19 janvier 2017 par lequel le tribunal administratif de Limoges, après avoir joint ces trois requêtes, a décidé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 1401894 tendant à l'annulation du refus implicite d'abrogation de l'arrêté du 19 décembre 2006, et rejeté le surplus des conclusions des requêtes.

Sur la régularité du jugement :

3. En premier lieu, dans l'hypothèse où les premiers juges auraient commis, comme le soutiennent les requérants, des erreurs de fait susceptibles d'affecter le bien-fondé de la motivation du jugement, dont le contrôle est opéré par l'effet dévolutif de l'appel, ces erreurs resteraient, en tout état de cause, sans incidence sur la régularité du jugement.

4. En deuxième lieu, il ressort des pièces des dossiers de première instance que les requérants ont demandé, dans leurs requêtes n° 1501838 et n° 1600513, l'annulation totale de la délibération du conseil municipal du 24 septembre 2015 en invoquant notamment l'illégalité de certains de ses motifs, et que les premiers juges ont statué sur ces conclusions aux paragraphes 4 à 6 du jugement attaqué, pour les rejeter par la suite à l'article 2 du dispositif. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le jugement serait entaché d'omission à statuer.

5. Enfin, si les requérants concluent à la réformation du jugement en tant qu'il a jugé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions tendant à l'annulation du refus implicite opposé à leur demande d'abrogation de l'arrêté du 19 décembre 2006, ils ne formulent aucune critique à l'encontre du jugement sur ce point et n'invoquent aucun moyen au soutien de ces conclusions. Celles-ci ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.

Sur les conclusions en annulation :

En ce qui concerne les conclusions tendant à l'annulation de la délibération du 24 septembre 2015 " portant sur l'abrogation de l'arrêté du 19 décembre 2006 " :

6. Les requérants ne critiquent pas le jugement en tant qu'il a jugé irrecevables leurs conclusions d'annulation de la délibération du 24 septembre 2015 en tant qu'elle mandate le maire pour abroger l'arrêté du 19 décembre 2006. Ils soutiennent en revanche que la commune des Grands-Chézeaux est tenue d'entretenir le chemin du Moulin neuf et que, dès lors, par la délibération en cause, le conseil municipal ne pouvait décider de ne pas l'entretenir.

7. Il résulte des dispositions combinées de l'article L. 141-8 du code de la voirie routière, de l'article L. 161-1 du code rural et de la pêche maritime et de l'article L. 2321-2 du code général des collectivités territoriales que les dépenses obligatoires pour les communes incluent les dépenses d'entretien des seules voies communales, dont ne font pas partie les chemins ruraux. Les communes ne peuvent être tenues à l'entretien des chemins ruraux, sauf dans le cas où, postérieurement à leur incorporation dans la voirie rurale, elles auraient exécuté des travaux destinés à en assurer ou à en améliorer la viabilité et ainsi accepté d'en assumer, en fait, l'entretien.

8. Il ressort des pièces du dossier, notamment des procès-verbaux des séances du conseil municipal du 29 mars 1996, du 26 mars 1997 et du 20 juin 1997 que la commune des Grands-Chézeaux a décidé à plusieurs reprises de faire effectuer des travaux d'entretien et d'amélioration du chemin du Moulin neuf, qui a été effectivement rénové en 1998, et qu'elle a ainsi accepté d'en assumer, en fait, l'entretien. Par suite, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens soulevés à l'encontre de cette partie de la délibération, les requérants sont fondés à soutenir que c'est à tort que les premiers juges n'ont pas fait droit à leurs conclusions tendant à l'annulation de la délibération attaquée en ce qu'elle prescrit au maire d'assortir l'abrogation de l'arrêté du 19 décembre 2006 d'une condition tenant à l'absence d'entretien du chemin rural au motif qu'une telle obligation n'incomberait pas à la commune.

Sur les conclusions indemnitaires :

En ce qui concerne les préjudices résultant de l'illégalité de l'arrêté du 19 décembre 2006 :

9. L'interdiction de circulation sur le chemin du Moulin neuf édictée par l'arrêté du 19 décembre 2006 a pris fin du fait de son abrogation par arrêté du 28 octobre 2015. Durant cette période, ainsi qu'il a été dit au point 1, le tribunal administratif de Limoges, par jugement du 29 septembre 2011 confirmé par arrêt de la cour du 11 décembre 2012, a jugé que cet arrêté était entaché d'illégalité et a condamné la commune des Grands-Chézeaux à verser à M. et Mme C... une somme de 5 000 euros en réparation des troubles dans leurs conditions d'existence causés par cette interdiction de circulation.

10. L'arrêt mentionné au point précédent n'ayant pas mentionné de période d'indemnisation spécifique, doit être regardé comme ayant confirmé la condamnation de la commune à réparer les troubles dans les conditions d'existence causés aux requérants par l'arrêté du 19 décembre 2006 pour la période courant de sa date d'entrée en vigueur jusqu'à celle de la lecture de l'arrêt. Dès lors, ainsi que l'a retenu à bon droit le tribunal, l'autorité de la chose jugée fait obstacle à ce que, pour la période courant jusqu'au 11 décembre 2012, la commune des Grands-Chézeaux soit de nouveau condamnée à verser aux requérants une indemnité destinée à réparer les mêmes préjudices résultant du même fait générateur.

11. S'agissant de la période courant du 11 décembre 2012 jusqu'à l'abrogation de l'arrêté du 19 décembre 2006, sur laquelle le tribunal s'est bien prononcé en estimant le préjudice non établi, les époux C...font à nouveau valoir les difficultés d'accès rencontrées et les inconvénients résultant du transfert de leur boite aux lettres côté chemin n° 12, inaccessible à la Poste, ce qui les a privés de la réception de courriers, ainsi que le risque d'isolement lié au caractère inondable du chemin n° 13, et les difficultés pour réaliser des travaux, les camions ne pouvant emprunter l'aménagement réalisé en lieu et place de l'ancien gué. Cependant, ils n'apportent, ainsi que l'a justement relevé le tribunal, aucun élément démontrant que depuis 2006 le chemin n° 13 aurait été inondé, et pas davantage d'éléments sur les travaux rendus difficiles, ni sur les coûts de réparation de leur véhicule, lesquels sont au demeurant sans lien avec la seule interdiction de circuler tardivement levée. Dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation des troubles dans les conditions d'existence causés aux époux C...par le maintien illégal de l'interdiction de circuler en les évaluant à la somme de 2 500 euros.

12. En revanche, ainsi que l'ont retenu à bon droit les premiers juges, dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que les requérants aient formé le projet de vendre leur propriété à cette époque, le préjudice résultant de la perte de valeur vénale de leur propriété à raison de l'interdiction de circulation sur le chemin du Moulin neuf, qui n'est en outre établi par aucune pièce du dossier, présente un caractère purement éventuel et les conclusions tendant à son indemnisation doivent être rejetées.

En ce qui concerne les préjudices résultant du défaut d'entretien du chemin du Moulin neuf :

13. La responsabilité d'une commune en raison des dommages trouvant leur origine dans un chemin rural n'est pas, en principe, susceptible d'être engagée sur le fondement du défaut d'entretien normal. Toutefois, il en va différemment dans le cas où, comme en l'espèce, ainsi qu'il a été dit au point 8, la commune a exécuté, postérieurement à l'incorporation du chemin dans la voirie rurale, des travaux destinés à en assurer ou à en améliorer la viabilité et a ainsi accepté d'en assumer, en fait, l'entretien.

14. Si les requérants soutiennent que le mauvais état d'entretien du chemin du Moulin neuf leur aurait causé des préjudices tenant au coût de prise en charge des travaux d'entretien de celui-ci, au stress engendré par son état de dégradation et aux dégâts causés à leur véhicule, aucun de ces chefs de préjudice n'est justifié en l'état de l'instruction. Il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions tendant à leur indemnisation.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C...sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté la totalité de leurs conclusions tendant à l'annulation de la délibération du 24 septembre 2015 et leurs conclusions indemnitaires présentées au titre des préjudices subis à raison de l'illégalité de l'arrêté du 19 décembre 2006 pour la période du 11 décembre 2012 à son abrogation.

Sur les conclusions en injonction :

16. Aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé ".

17. Lorsque le juge administratif statue sur un recours indemnitaire tendant à la réparation d'un préjudice imputable à un comportement fautif d'une personne publique et qu'il constate que ce comportement et ce préjudice perdurent à la date à laquelle il se prononce, il peut, en vertu de ses pouvoirs de pleine juridiction et lorsqu'il est saisi de conclusions en ce sens, enjoindre à la personne publique en cause de mettre fin à ce comportement ou d'en pallier les effets.

18. Depuis la délibération du 24 septembre 2015, il ne résulte pas de l'instruction que les requérants aient demandé à la commune d'entretenir le chemin du Moulin neuf. Par ailleurs, ainsi qu'il a été dit au point 14, il ne résulte pas non plus de l'instruction que l'absence d'entretien de ce chemin leur ait causé un préjudice qui persisterait jusqu'à présent. Par suite, les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à la commune d'entretenir le chemin du Moulin neuf ne peuvent qu'être rejetées.

19. Aucun des motifs du présent arrêt n'implique nécessairement que le maire fasse apposer une signalétique spécifique sur le chemin du Moulin neuf. Par suite, les conclusions des requérants tendant à ce qu'il soit enjoint à la commune de faire apposer une signalétique appropriée doivent être rejetées.

Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :

20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. et MmeC..., qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la commune des Grands-Chézeaux demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de cette dernière une somme globale de 1 500 euros au bénéfice des requérants.

DECIDE :

Article 1er : La délibération du conseil municipal de la commune des Grands-Chézeaux du 24 septembre 2015 est annulée en tant qu'elle décide que la commune n'a pas l'obligation d'assurer l'entretien du chemin du Moulin neuf.

Article 2 : La commune des Grands-Chézeaux est condamnée à verser à M. et Mme C...une somme de 2 500 euros en réparation des préjudices causés par l'interdiction de circuler sur le chemin du Moulin neuf pour la période du 11 décembre 2012 à la date d'abrogation de l'arrêté du 19 décembre 2006.

Article 3 : Le jugement n° 1401894, 1501838, 1600513 en date du 19 janvier 2017 du tribunal administratif de Limoges est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : La commune des Grands-Chézeaux versera à M. et Mme C...une somme globale de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C..., à Mme E...C...et à la commune des Grands-Chézeaux.

Délibéré après l'audience du 21 février 2019 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, président,

M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,

M. David Terme, premier-conseiller.

Lu en audience publique, le 28 mars 2019.

Le rapporteur,

David TERMELe président,

Catherine GIRAULT

Le greffier,

Virginie MARTY

La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Vienne, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

7

N° 17BX00893


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

71-02-01-04 Voirie. Régime juridique de la voirie. Entretien de la voirie. Chemins ruraux.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: M. David TERME
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : CLERC

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Date de la décision : 28/03/2019
Date de l'import : 02/04/2019

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 17BX00893
Numéro NOR : CETATEXT000038288571 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-03-28;17bx00893 ?
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