La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/03/2019 | FRANCE | N°17BX01096

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 14 mars 2019, 17BX01096


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Abric a demandé au tribunal administratif de Pau de condamner la commune d'Orleix à lui payer une somme de 2 628,03 euros correspondant au solde du prix du marché de gros oeuvre relatif à la construction de trois salles de classe du groupe scolaire et une somme de 6 095,49 euros au titre de la restitution de la retenue de garantie, majorées des intérêts moratoires, ainsi qu'une somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive.

Par un jugement n° 1401681,

du 2 février 2017, le tribunal administratif de Pau a rejeté les demandes de la s...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Abric a demandé au tribunal administratif de Pau de condamner la commune d'Orleix à lui payer une somme de 2 628,03 euros correspondant au solde du prix du marché de gros oeuvre relatif à la construction de trois salles de classe du groupe scolaire et une somme de 6 095,49 euros au titre de la restitution de la retenue de garantie, majorées des intérêts moratoires, ainsi qu'une somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive.

Par un jugement n° 1401681, du 2 février 2017, le tribunal administratif de Pau a rejeté les demandes de la société Abric.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 3 avril 2017, M. C...A..., liquidateur de la société Abric, représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Pau du 2 février 2017 ;

2°) d'annuler les décisions de la commune d'Orleix des 20 juin et 23 juillet 2014 ;

3°) de condamner la commune d'Orleix à lui verser les sommes de :

- 2 628,03 euros correspondant au solde du marché de gros oeuvre relatif à la construction de trois salles de classe du groupe scolaire, outre les intérêts moratoires à compter du 13 novembre 2009 ;

- 6 095,49 euros au titre de la restitution de la retenue de garantie, outre les intérêts moratoires à compter du 1er novembre 2010 ;

- 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

4°) de lui accorder la capitalisation des intérêts ;

5°) de mettre à la charge de la commune d'Orleix une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi qu'aux dépens.

Il soutient que :

- le jugement est entaché d'irrégularité en ce que les premiers juges ont soulevé d'office un moyen tiré de l'irrecevabilité de sa demande de première instance en méconnaissance de l'article R. 611-7 du code de justice administrative ; si la commune d'Orleix soulignait l'absence de mémoire de réclamation et invoquait l'irrecevabilité de l'action contentieuse, elle n'a pas soulevé le moyen tiré de l'irrecevabilité de la demande au motif de l'absence de mise en demeure d'établir le décompte général ;

- sa demande est recevable tant en ce qui concerne la réclamation préalable que l'exigence du décompte général définitif ; d'une part, il n'y a jamais eu de différend entre la société Abric et la commune d'Orleix tant sur le principe que sur le quantum ; aucune réclamation préalable à la saisine n'était nécessaire en vertu de l'article 50.22 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) Travaux de 1976 ; d'autre part, il ne peut lui être reproché de ne pas avoir mis en demeure la commune d'Orleix d'établir le décompte général définitif dès lors que la commune a accepté le règlement de la créance de la société Abric, ce qui constitue une acceptation tacite du projet de décompte général établi par cette dernière ; en tout état de cause, elle a bien saisi le maître d'ouvrage d'une réclamation préalable avant de soumettre la présente affaire au contentieux : outre sa demande en règlement formulée dans sa facture N° 090043 en date du 30 septembre 2009, la société Abric a expressément réclamé le paiement des sommes lui restant dues par courriers de son liquidateur amiable, puis de l'avocat des 30 mai et 13 juillet 2014 ;

- la société Abric sollicite la condamnation de la commune d'Orleix à lui verser la somme de 2 628,03 euros correspondant au solde du prix du marché ; la commune a reconnu expressément devoir cette somme mais justifie l'absence de règlement aux motifs que le mandataire judiciaire ne lui aurait pas transmis ses références bancaires afin qu'un virement puisse être opéré, alors qu'à l'époque Me B...n'était plus liquidateur de la société ; dans ces circonstances, et en l'absence de motif sérieux, il convient de la condamner à verser le solde du prix du marché, assorti des intérêts moratoires ;

- la commune d'Orleix a justifié son refus de remboursement en soutenant que les réserves n'avaient pas été levées et qu'elle avait été contrainte de s'adresser à un intervenant extérieur, l'entreprise SADE, pour remédier aux malfaçons, prestation qui se serait élevée à la somme de 5 921,99 euros ; la commune a proposé de régler la somme de 173,50 euros à la société Abric, après compensation entre les dépenses qu'elle aurait engagées pour le compte de la requérante et la créance de la requérante au titre de la retenue de garantie ; en premier lieu, le maître d'ouvrage est tenu de restituer la retenue de garantie " un mois au plus tard après l'expiration du délai de garantie " en vertu de l'article 103 du code des marchés publics ; si la commune d'Orleix n'a jamais prononcé expressément la réception de l'ouvrage, le 28 septembre 2009, un procès-verbal des opérations préalables à la réception a été dressé mentionnant une seule réserve, la réfection d'un regard ; or, la société Abric a remédié à ce dysfonctionnement de sorte que le maître d'oeuvre invitait la société Abric à lui adresser sa situation pour solde ; à défaut de réception expresse, le CCAG Travaux prévoit des hypothèses de réception tacite de l'ouvrage faisant ainsi courir la garantie de parfait achèvement ; l'examen des comptes rendus des réunions de chantier n° 35 à 39 montre la volonté claire du maître d'ouvrage d'accepter l'ouvrage ; en vertu du 2ème alinéa de l'article 41.3 du CCAG Travaux, à défaut de décision du maître de l'ouvrage sur le prononcé de la réception dans le délai de quarante-cinq jours suivant la date du procès-verbal des opérations préalables à la réception, les propositions du maître d'oeuvre (réception avec ou sans réserve, ou absence de réception) sont considérées comme acceptées et la réception, si elle est prononcée, ou réputée telle, prend effet à la date fixée pour l'achèvement des travaux, en l'espèce le 28 septembre 2009 ; en troisième lieu, la commune avait pris possession de l'ouvrage dès septembre 2009, date à laquelle elle a fait intervenir une autre société sur l'ouvrage ; or, selon l'article 41.8 du CCAG : " Toute prise de possession des ouvrages par le maître de l'ouvrage doit être précédée de leur réception ", ce qui implique qu'une réception tacite était intervenue antérieurement à l'intervention sur l'ouvrage dont s'agit de l'entreprise mandatée par la commune ; dans ces conditions, et compte tenu de l'expiration des délais de la garantie de parfait achèvement au 28 septembre 2010, la commune ne peut sérieusement mettre à la charge de la société Abric les éventuels désordres constatés après septembre 2010 ; en quatrième lieu, la commune se prévaut d'un procès-verbal de réception ainsi que d'un procès-verbal de levée des réserves pour la société Sade établis en date du 26 mai 2011 et acceptés par le maître de l'ouvrage le 1er juin 2011 ; la réception tacite étant intervenue en septembre 2009, date d'achèvement des travaux, le procès-verbal de réception présenté par la commune n'a pour seul but que de tenter de justifier son refus illégal de rembourser la retenue de garantie ; en cinquième lieu, la commune se cache derrière l'accord de Me B...au principe de l'intervention d'une entreprise extérieure au marché, obtenu sur la base des informations erronées transmises par le maître d'oeuvre, lequel imputait alors le dysfonctionnement de l'ouvrage à une malfaçon, alors qu'il s'agissait des conséquences de l'intervention d'un tiers ; rien n'empêche la requérante de revenir sur cet accord de principe frappé d'un vice de consentement, en l'espèce l'erreur ;

- il n'existe aucun élément objectif et contradictoire au dossier démontrant que les désordres invoqués et pour lesquels l'entreprise Sade est intervenue seraient imputables à la requérante ; le seul document contradictoire est le procès-verbal des opérations préalables à la réception, mentionnant une seule réserve concernant la réfection d'un regard, et les comptes rendus de chantier établissent que la requérante est intervenue pour remédier à ce désordre et que la réserve a été levée ; à la suite de la réalisation des réseaux extérieurs enterrés et de leur remblaiement par la requérante terminés en août 2009, la commune d'Orleix a décidé unilatéralement de modifier le projet initial en remplaçant le parvis en pavés qui devait être réalisé par cette dernière par des rampes en enrobé à chaud dont l'exécution a été confiée à un autre prestataire extérieur au marché ; lorsque la requérante est intervenue sur les lieux en octobre 2009 pour procéder au nettoyage du réseau, elle a fait état d'un écrasement ou affaissement des tuyaux entre deux regards liés à un passage d'engins lourds sur le réseau ; l'intervention de l'entreprise qui a réalisé les rampes précitées n'est pas étrangère aux désordres qui sont survenus ; l'examen de la facture Sade démontre que les travaux réalisés ont bien été au-delà d'une simple réfection d'un regard mais ont consisté en une réfection importante du réseau d'assainissement ; en outre, les travaux ont été réalisés par l'entreprise Sade en janvier 2011, soit 16 mois de fonctionnement après que la requérante ait exécuté les prestations qui lui incombaient ; cette facture fait également apparaître que des reprises effectuées par la société Sade ont concerné des travaux qui n'ont pas été exécutés par la société Abric ; faute pour la commune d'Orleix de démontrer que les malfaçons seraient imputables à la requérante, elle doit être condamnée à payer la somme correspondant à la retenue de garantie ;

- si la commune d'Orleix se prévaut de malfaçons, cette dernière n'a jamais procédé ni à un état des lieux contradictoire préalable à l'intervention de la société SADE, ni à un état des lieux contradictoire de constatation de travaux exécutés, et ce en méconnaissance des dispositions des articles 49.1 à 49.6 du CCAG Travaux ; en cas de méconnaissance de ce principe du contradictoire, le maître d'ouvrage ne peut mettre à la charge de l'entreprise titulaire du marché les coûts des travaux de réparation ; en deuxième lieu, si la commune d'Orleix tente de justifier la méconnaissance de son obligation de mise en oeuvre d'un état des lieux contradictoire par la disparition de la personnalité juridique de la société Abric compte tenu de la liquidation judiciaire, elle se méprend sur la portée des dispositions de l'article L. 237-2 du code du commerce ; le tribunal de commerce de Tarbes avait d'ailleurs nommé, le 19 octobre 2009, Me B...comme liquidateur de la SARL Abric, lequel recevait derechef les pleins pouvoirs afin de la représenter ; la commune d'Orleix est dès lors mal fondée à solliciter la compensation entre la créance de la requérante et la prétendue créance qu'elle détiendrait sur la société Abric ;

- en refusant de procéder au règlement du solde, la commune d'Orleix a causé un préjudice à la SARL Abric qui ne peut être réparé par les seuls intérêts moratoires ; ce retard de paiement n'est certainement pas étranger aux difficultés financières de la société Abric qui s'est retrouvée contrainte à la liquidation ; la requérante est dès lors bien fondée à solliciter la condamnation de la commune d'Orleix à lui verser la somme de 15 000 euros au titre de dommages et intérêts pour résistance abusive.

Par ordonnance du 30 mars 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 30 mai 2018 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code des marchés publics ;

- le décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics ;

- le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux, approuvé par le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Nathalie Gay-Sabourdy,

- et les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par un acte d'engagement du 19 janvier 2009, la commune d'Orleix a confié à la société Abric la réalisation du lot n° 1 " gros oeuvre " pour la construction de trois salles de classe du groupe scolaire pour un montant de 129 187,97 euros TTC, ramené par l'avenant n° 1 du 7 septembre 2009 à la somme de 121 909,29 euros TTC. La société Abric, dont la procédure de liquidation judiciaire prononcée le 19 octobre 2009 a été clôturée par extinction de passif le 11 juin 2012, a demandé au tribunal administratif de Pau le 18 août 2014 de condamner la commune d'Orleix à lui régler le solde du marché, soit la somme de 2 628,03 euros TTC, et à lui restituer la retenue de garantie, soit la somme de 6 095,49 euros, toutes deux majorées des intérêts moratoires. En outre, la société Abric a demandé la condamnation de la commune d'Orleix à lui verser la somme de 15 000 euros au titre de la résistance abusive à lui payer les sommes précitées. Par un jugement n° 1401681, du 2 février 2017, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande. La société relève appel de ce jugement et réitère les mêmes prétentions devant la cour.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article 13-41 du cahier des clauses administratives générales applicable au marché en cause : " Le maître de l'ouvrage établit le décompte général (...) " et aux termes de l'article 13-42 : " Le décompte général, signé par la personne responsable du marché, doit être notifié à l'entrepreneur par ordre de service (...) ". Aux termes de l'article 13-44 : " L'entrepreneur doit, dans un délai compté à partir de la notification du décompte général, le renvoyer au maître d'oeuvre, revêtu de sa signature, sans ou avec réserves, ou faire connaître les raisons pour lesquelles il refuse de le signer (...) Si la signature du décompte général est refusée ou donnée avec réserves, les motifs de ce refus ou de ces réserves doivent être exposés par l'entrepreneur dans un mémoire de réclamation qui précise le montant des sommes dont il revendique le paiement et qui fournit les justifications nécessaires en reprenant, sous peine de forclusion, les réclamations déjà formulées antérieurement et qui n'ont pas encore fait l'objet d'un règlement définitif ; ce mémoire doit être remis au maître d'oeuvre dans le délai indiqué au premier alinéa du présent article. Le règlement du différend intervient alors suivant les modalités indiquées à l'article 50 (...)". Aux termes de l'article 50-22 : " Si un différend survient directement entre la personne responsable du marché et l'entrepreneur, celui-ci doit adresser un mémoire de réclamation à ladite personne aux fins de transmission au maître de l'ouvrage ". Aux termes de l'article 50-23 : " La décision à prendre sur les différends prévus aux 21 et 22 du présent article appartient au maître de l'ouvrage ". Aux termes de l'article 50-32 : " Si, dans un délai de six mois à partir de la notification à l'entrepreneur de la décision prise conformément au 23 du présent article sur les réclamations auxquelles a donné lieu le décompte général du marché, l'entrepreneur n'a pas porté ses réclamations devant le tribunal administratif compétent, il est considéré comme ayant accepté ladite décision et toute réclamation est irrecevable ".

3. La société Abric fait valoir que le tribunal administratif de Pau a relevé d'office, sans avoir mis en oeuvre les dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, le moyen tiré de l'irrecevabilité de la demande en raison du défaut de mise en demeure préalable à la commune d'Orleix d'établir le décompte général du marché. Il ressort du dossier de première instance que la commune s'était bornée à soutenir que la demande était irrecevable faute de présentation préalable d'un mémoire de réclamation, en invoquant les termes de l'article 50-22 précité du CCAG Travaux,. Par suite, il n'appartenait pas au tribunal de requalifier le moyen présenté pour retenir un moyen, qui n'est pas d'ordre public et n'avait au demeurant fait l'objet d'aucune information des parties en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, tiré de ce qu'il aurait appartenu à la société Abric de mettre en demeure le maître de l'ouvrage d'établir le décompte général. La société Abric est ainsi fondée à soutenir que le jugement est irrégulier et doit par suite être annulé.

4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société Abric devant le tribunal.

Sur la fin de non-recevoir opposée par la commune devant le tribunal :

5. Aux termes de l'article 50-22 du cahier des clauses administratives générales travaux : " Si un différend survient directement entre la personne responsable du marché et l'entrepreneur, celui-ci doit adresser un mémoire de réclamation à ladite personne aux fins de transmission au maître de l'ouvrage ".

6. Il résulte de l'instruction qu'après avoir adressé son projet de décompte détaillé sous forme d'une facture du 30 septembre 2009 et d'un décompte du 5 octobre 2009, la société Abric a reçu un premier certificat de paiement du maître d'oeuvre en date du 16 octobre 2009 attestant d'un solde de 1 831,15 euros, déduisant la retenue de garantie. Son liquidateur a sollicité le 15 octobre 2010 le versement de la somme totale de 7 923,53 euros comportant le solde du marché et le remboursement de la retenue de garantie. Après que la commune a fait procéder par une autre entreprise, la société Sade, à des travaux de réfection des réseaux d'assainissement posés par la société Abric, le maître d'oeuvre a établi le 1er juin 2011 un certificat de paiement pour solde attestant qu'il pouvait être payé la somme de 2 628,03 euros à la société Abric. Deux nouvelles demandes ont été présentées à la commune le 30 mai 2014, pour un montant de 8 723,52 euros incluant le remboursement de la retenue de garantie, outre 3 000 euros de dommages-intérêts, et le 13 juillet 2014, lesquelles rappellent le non-versement du solde et contestent l'imputation sur la retenue de garantie des travaux effectués en 2011 par la société SADE. Ces dernières demandes doivent être regardées comme des mémoires de réclamation. La commune a répondu à la première le 20 juin 2014 en indiquant que le liquidateur, MeB..., n'ayant pas répondu à une demande de coordonnées bancaires, le solde mandaté avait été reversé à la commune, et que la retenue de garantie avait été conservée pour la totalité de son montant. Si la commune soutient sans autre précision que la procédure attachée au règlement des marchés n'a pas été respectée, elle n'établit ni même n'allègue aucune tardiveté desdites demandes, en l'absence de notification par ses soins ni d'une réception des travaux opposable à la société Abric, ni d'un décompte général notifié à celle-ci. Dans ces conditions, elle n'est pas fondée à soutenir que la demande de règlement dont la société Abric a saisi le tribunal le 18 août 2014 serait irrecevable.

Sur le solde du marché :

7. La commune ne conteste pas le solde du marché établi en dernier lieu par le maître d'oeuvre à la somme réclamée de 2 628,03 euros, qu'elle doit donc être condamnée à verser à la société Abric.

Sur la retenue de garantie :

8. Aux termes de l'article 122 du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics : " Le marché public peut prévoir, à la charge du titulaire, une retenue de garantie qui est prélevée par fractions sur chacun des versements autres qu'une avance.

Le montant de la retenue de garantie ne peut être supérieur à 5 % du montant initial augmenté, le cas échéant, du montant des modifications du marché public en cours d'exécution.

La retenue de garantie a pour seul objet de couvrir les réserves à la réception des travaux, fournitures ou services ainsi que celles formulées, le cas échéant, pendant le délai de garantie.

Le délai de garantie est le délai pendant lequel l'acheteur peut formuler des réserves sur des malfaçons qui n'étaient pas apparentes ou dont les conséquences n'étaient pas identifiables au moment de la réception. (...) ".

9. Pour l'application de ces dispositions, il appartient au juge d'apprécier les conditions dans lesquelles est éventuellement intervenue une réception des travaux. L'article 41-3 du CCAG Travaux prévoyait que : " Au vu du procès-verbal des opérations préalables à la réception et des propositions du maître d'oeuvre, la personne responsable du marché décide si la réception est ou non prononcée ou si elle est prononcée avec réserves. Si elle prononce la réception, elle fixe la date qu'elle retient pour l'achèvement des travaux. La décision ainsi prise est notifiée à l'entrepreneur dans les quarante-cinq jours suivant la date du procès-verbal. A défaut de décision de la personne responsable du marché notifiée dans le délai précisé ci-dessus, les propositions du maître d'oeuvre sont considérées comme acceptées. La réception, si elle est prononcée ou réputée comme telle, prend effet à la date fixée pour l'achèvement des travaux. ". L'article 41.4 précisait que " Dans le cas où certaines épreuves doivent, conformément aux stipulations du C.C.A.P., être exécutées après une durée déterminée de service des ouvrages ou certaines périodes de l'année, la réception ne peut être prononcée que sous réserve de l'exécution concluante de ces épreuves. Si de telles épreuves, exécutées pendant le délai de garantie défini au 1 de l'article 44, ne sont pas concluantes, la réception est rapportée. ". L'article 41.5 ajoutait : " S'il apparaît que certaines prestations prévues au marché et devant encore donner lieu à règlement n'ont pas été exécutées, la personne responsable du marché peut décider de prononcer la réception, sous réserve que l'entrepreneur s'engage à exécuter ces prestations dans un délai qui n'excède pas trois mois. La constatation de l'exécution de ces prestations doit donner lieu à un procès-verbal dressé dans les mêmes conditions que le procès-verbal des opérations préalables à la réception ". Enfin l'article 41.6 spécifiait que " Lorsque la réception est assortie de réserves, l'entrepreneur doit remédier aux imperfections et malfaçons correspondantes dans le délai fixé par la personne responsable du marché ou, en l'absence d'un tel délai, trois mois avant l'expiration du délai de garantie défini au 1 de l'article 44. Au cas où ces travaux ne seraient pas faits dans le délai prescrit, la personne responsable du marché peut les faire exécuter aux frais et risques de l'entrepreneur. ".

10. Il résulte de l'instruction qu'un procès-verbal d'opérations préalables à la réception a été dressé par le maître d'oeuvre le 28 septembre 2009, mentionnant une seule réserve afférente à la " réfection du regard collecteur EU/EV ". Les comptes-rendus de chantier suivants, dressés dans les mêmes conditions et dont le contenu n'est pas contesté, ont mentionné successivement qu'une lettre recommandée mettrait en demeure la société Abric de lever la réserve sous 8 jours, le réseau d'évacuation EU /EV étant repris par une autre entreprise aux frais de la société Abric passé ce délai, puis le 26 octobre que " le regard refait par l'entreprise Abric était mis en observation durant le mois de novembre 2009 avant acceptation de l'ouvrage ", et enfin le 30 novembre 2009 que " la réception des travaux est prononcée " pour le lot n° 1, plus aucune réserve n'étant mentionnée. En l'absence de notification d'une décision formelle du maître de l'ouvrage sur la réception dans un délai de 45 jours suivant ces propositions du maître d'oeuvre, celles-ci doivent être réputées acceptées, conformément à l'article 41-3 du cahier des clauses administratives générales précité, et l'achèvement des travaux établi à la date de première constatation de la reprise du désordre signalé, soit le 26 octobre 2009.

11. Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction qu'après le 30 novembre 2009 et avant le 26 octobre 2010, la commune ait notifié au liquidateur de la société Abric des travaux à réaliser au titre de désordres découverts pendant la période de garantie suivant la réception. A ce titre, la lettre du 22 octobre 2010 qu'elle a adressée à Me B...se borne à faire état de la levée d'une réserve émise lors des opérations du 28 septembre 2009. Cependant, ladite réserve devait être regardée comme levée, ainsi qu'il est dit au point précédent. Dans ces conditions, et sans qu'il soit besoin de statuer sur l'origine des désordres ni sur la portée des travaux effectués seulement en janvier 2011 par la société Sade, la société Abric est fondée à soutenir que c'est à tort que la commune a refusé de lui rembourser la retenue de garantie, qui s'élevait selon le certificat de paiement établi par le maître d'oeuvre à la somme de 6 095,49 euros.

Sur les intérêts moratoires et la capitalisation des intérêts :

12. La société Abric a droit aux intérêts moratoires contractuels à compter de l'expiration du délai de paiement de sa facture pour le solde de son marché, et à compter pour le moins de la réception par la commune de la demande de reversement de la retenue de garantie par son liquidateur. Les dates respectivement revendiquées des 13 novembre 2009 et 1er novembre 2010 n'étant pas contestées par la commune, il y a lieu de faire droit aux conclusions présentées sur ce point.

13. A la date d'enregistrement de la requête d'appel le 3 avril 2017, il était dû plus d'une année d'intérêts. Par suite, il y a lieu de faire droit à la demande de capitalisation à cette date et à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Sur les dommages-intérêts pour résistance abusive :

14. Au regard des particularités du déroulement des travaux et de la situation de liquidation de l'entreprise, il n'apparaît pas que la résistance de la commune, dont il n'est pas établi qu'elle ait causé à la société Abric d'autre préjudice que celui que les intérêts ont pour effet de réparer, puisse être qualifiée d'abusive. Par suite, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de telles conclusions, celles-ci ne peuvent qu'être rejetées.

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. En application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu de mettre à la charge de la commune d'Orleix une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Abric et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1401681 du 2 février 2017 du tribunal administratif de Pau est annulé.

Article 2 : La commune d'Orleix est condamnée à verser à la société Abric la somme de 2 628,03 euros, majorée des intérêts à compter du 13 novembre 2009.

Article 3 : La commune d'Orleix est condamnée à verser à la société Abric la somme de 6 095,49 euros, majorée des intérêts à compter du 1er novembre 2010.

Article 4 : Les intérêts dus sur ces sommes seront capitalisés pour porter eux-mêmes intérêts à compter du 3 avril 2017, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Article 5 : La commune d'Orleix versera à la société Abric la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la société Abric et à la commune d'Orleix. Copie en sera adressée à M. C...A..., ex-liquidateur de la société Abric.

Délibéré après l'audience du 7 février 2019 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, président,

M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,

Mme Nathalie Gay-Sabourdy, premier-conseiller.

Lu en audience publique, le 14 mars 2019.

Le rapporteur,

Nathalie GAY-SABOURDYLe président,

Catherine GIRAULT

Le greffier,

Virginie MARTY

La République mande et ordonne au préfet des Hautes-Pyrénées, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

8

N° 17BX01096


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX01096
Date de la décision : 14/03/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-05-02 Marchés et contrats administratifs. Exécution financière du contrat. Règlement des marchés.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Nathalie GAY-SABOURDY
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : NZALOUSSOU

Origine de la décision
Date de l'import : 20/03/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-03-14;17bx01096 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award