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21/02/2019 | FRANCE | N°17BX00315

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 21 février 2019, 17BX00315


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler l'arrêté du 12 août 2015 de non opposition à la déclaration préalable de la SA Electro-Nautic portant extension d'une terrasse ouverte au (R+1) sur un terrain situé Bas du fort au Gosier.

Par un jugement n° 1500859 du 29 novembre 2016, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 29 janvier 2017 et 4 septembre 20

18, Mme A..., représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler l'arrêté du 12 août 2015 de non opposition à la déclaration préalable de la SA Electro-Nautic portant extension d'une terrasse ouverte au (R+1) sur un terrain situé Bas du fort au Gosier.

Par un jugement n° 1500859 du 29 novembre 2016, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 29 janvier 2017 et 4 septembre 2018, Mme A..., représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 29 novembre 2016 ;

2°) d'annuler la décision du 12 août 2015 par laquelle le maire de Gosier ne s'est pas opposé à la déclaration préalable présentée par la SA Electro-Nautic en vue de l'extension d'une terrasse ouverte au (R+1) sur un immeuble situé au lieu-dit Bas du Fort ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Gosier et de la société Electro-Nautic, une somme de 2 500 euros chacune en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

4°) de condamner solidairement la commune de Gosier et la société Electro-Nautic aux dépens.

Elle soutient que :

- sa requête est recevable en sa qualité de propriétaire du terrain voisin ; les travaux réalisés auront pour directe conséquence de masquer la plus grande partie de la vue sur mer de sa maison ; les photographies contenues dans le procès-verbal de constat mettent en lumière le caractère obstructif de la construction réalisée ; la construction autorisée a un impact direct sur les conditions d'utilisation, d'occupation ou de jouissance du bien lui appartenant ;

- en l'absence d'affichage sur le terrain de la déclaration, conformément aux dispositions de l'article R. 424-15 du code de l'urbanisme, le délai de recours contentieux à l'égard de la décision de non-opposition n'a pas couru ;

- le dossier de déclaration préalable est incomplet en ce qu'il n'existe aucune cote permettant de déterminer la profondeur de l'extension réalisée ; le plan de coupe, coté DP3, consiste certes en une représentation en trois dimensions de l'ensemble, avec extension, mais cette dernière n'est pas cotée ; ni le volume initial, ni le volume de l'extension, directement ou par déduction, ne peuvent être déterminés à l'aide des éléments joints à la déclaration ; il était impossible à l'administration de déterminer l'ampleur de la modification en volume de la construction existante, conformément aux dispositions de l'article R. 431-36 b) du code de l'urbanisme ; en outre, il était impossible de déterminer si l'emprise au sol de l'extension dépasse le seuil de 40 m², prévu au b) de l'article R. 421-14 et donc nécessite un permis de construire ;

- la construction autorisée a eu pour effet d'accroître l'emprise de la construction et n'a pas constitué une simple surélévation de l'existant ; il n'existait ni studio ni terrasse au niveau inférieur, uniquement un appentis ; la comparaison des deux plans de façade ouest avant et après travaux permet de faire apparaître le nouveau volume créé ; c'est à tort que le tribunal s'est contenté de reprendre les allégations tant de la commune du Gosier que de la société Electro-Nautic pour considérer qu'il y avait, avant la réalisation des travaux, une emprise au sol tout le long de la façade nord ; en outre, soit l'emprise nouvelle créée en façade nord est d'une surface supérieure à 40 mètres carrés, soit la surface nouvelle créée est a minima de 26,6 mètres carrés et la réalisation de l'extension de la terrasse a pour effet de porter l'emprise au sol totale à 201,25 m² soit supérieure au seuil de 170 m² mentionné à l'article R. 431-2 ; la construction réalisée par la société Electro Nautic aurait donc dû faire l'objet d'une demande de permis de construire en vertu de l'article R. 421-14 du code de l'urbanisme ;

- il ressort du procès-verbal d'infraction dressé le 10 juin 2015 par un agent assermenté de la commune du Gosier que la construction litigieuse est bien située en zone Ugb ; c'est donc à tort que le tribunal a considéré que la parcelle d'implantation de l'immeuble était située en zone Ued ; le plan de masse joint à la déclaration préalable fait apparaître que la distance entre la construction et le rivage de la mer est de 14,42 mètres, en méconnaissance de l'article UG6 du plan local d'urbanisme ; il ne saurait être contesté que le rivage considéré n'appartient aucunement au domaine public lacustre, plus exactement au domaine public fluvial ; il s'agit d'un espace dont l'eau est salée et qui bénéficie d'une communication directe et permanente avec la mer, il appartient donc au domaine public maritime.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 septembre 2017, la société Electro-Nautic, représentée par la SCP E... - de Lanouvelle - Hannotin, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de Mme A... d'une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête d'appel est irrecevable en conséquence de l'irrecevabilité de la demande de première instance ; il ressort de l'attestation de M. H... que celui-ci a procédé à un affichage régulier de l'arrêté de non-opposition du 12 août 2015 ; Mme A... lui a notifié le recours gracieux qu'elle a formé à l'encontre de l'arrêté de non opposition, ce qui démontre qu'elle était parfaitement informée de l'obligation résultant de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ; elle a toutefois omis de notifier sa requête de première instance ; dès lors que la notification du recours gracieux démontre que la requérante avait connaissance des dispositions précitées, elle ne saurait se prévaloir du défaut d'affichage du permis de construire et partant de l'absence de toute mention de l'obligation précitée ; la requête de première instance n'ayant pas été notifiée, elle était irrecevable, en conséquence de quoi l'est également la requête d'appel ;

- les dispositions du b) de l'article R. 431-36 du code de l'urbanisme ne sont pas applicable en l'espèce, ce n'est que lorsqu'il modifie le volume d'une construction existante que doit être fourni un plan de masse en trois dimensions ; le dossier de déclaration préalable n'avait pas à comporter de plan de masse coté dans les trois dimensions dès lors que l'extension de la terrasse ne conduit pas à modifier le volume de la construction existante, pas plus qu'elle n'en modifie l'emprise au sol, puisqu'elle se situe en surplomb de la terrasse existant au niveau inférieur ; en tout état de cause, s'il est constant que le plan de masse n'est coté qu'en deux dimensions (longueur et largeur), la hauteur de la construction apparaît en revanche sur le plan de coupe DP3, palliant ainsi son absence sur le plan de masse ; en outre, le dossier de déclaration préalable comporte également un plan de situation, une vue aérienne et une notice paysagère du terrain ainsi qu'un plan des façades avant et après travaux, un plan des toitures avant et après travaux, une photo du terrain avant et après travaux et un croquis d'insertion dans le site, permettant parfaitement à la commune de prendre la mesure du projet et de son ampleur ; le moyen tiré du caractère incomplet du dossier sera écarté ;

- l'extension de la terrasse s'inscrit dans un volume déjà existant, en surplomb du studio et de la terrasse adjacente existant au niveau inférieur ; quant à l'extension de la toiture, cette dernière n'a fait que couvrir un espace déjà construit au niveau inférieur, l'extension de la terrasse venant s'inscrire, entre les deux, au niveau intermédiaire, sans aucune modification du volume de la construction ; aucun permis de construire n'était donc nécessaire, pas plus qu'il n'était nécessaire de connaître la superficie de l'extension projetée ; à supposer même que le projet ait conduit à une création d'emprise au sol, la démonstration de l'appelante n'est pas de nature à établir qu'un permis de construire aurait été nécessaire pour une extension de 26,6 m² ;

- le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article UG6 du plan local d'urbanisme est inopérant dès lors qu'il ressort du procès-verbal d'intervention du Cabinet Axo, Géomètres Experts Fonciers DPLG, que le terrain d'assiette du projet n'est pas situé en zone UG mais en zone UEd, dans laquelle " aucune contrainte de recul par rapport à la limite du DPM ou DPL n'est spécifiée " ; en tout état de cause, il est constant que la parcelle AB n° 3 n'est pas bordée par le domaine public maritime mais par le domaine public lacustre ; c'est donc une distance minimale de 12 mètres qui devait être respectée, condition parfaitement remplie en l'espèce ainsi que cela ressort du procès-verbal précité dès lors qu'une distance de 15,89 mètres sépare la construction de la limite du domaine public.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 25 juin et 9 octobre 2018, la commune du Gosier, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de Mme A... d'une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- si le plan de masse ne fait pas apparaître les trois dimensions, les autres pièces du dossier permettent d'avoir l'ensemble des dimensions ; le plan de masse fait apparaître la longueur et la largeur ; le plan de coupe fait état de la hauteur du projet de construction ; une lecture croisée des documents a permis au service instructeur d'avoir toutes les informations nécessaires pour instruire ce dossier ; l'omission, dans le plan de masse, de la hauteur de la construction n'a pas eu d'incidence puisque cette information était contenue dans une autre pièce du dossier ;

- le projet d'extension n'aura pas pour effet de créer d'emprise au sol ; l'extension de la terrasse en R-1 sera située dans l'emprise existante, constituée d'un studio, et non d'un appentis, et d'une terrasse déjà existante ; en dessous de l'extension se situe d'une part un studio et d'autre part une terrasse, le projet respecte l'emprise au sol existante en venant combler ce que l'on pourrait qualifier de " dent creuse au sein de la construction " ; à défaut de création d'emprise au sol, un permis de construire n'était pas nécessaire ; à supposer même que la terrasse n'était pas préexistante, l'appelante ne rapporte pas la preuve que cette construction nouvelle dépasserait 20 m² ;

- même si l'on considère que la parcelle en cause se situait, à l'époque, en zone UG, il n'en demeure pas moins que la requérante ne démontre pas que cette dernière serait située au droit du rivage de la mer et non du domaine public lacustre ; l'article 6 du règlement de la zone UG évoque le terme de " construction " ; or, en l'espèce, la terrasse entre dans le gabarit enveloppe de la construction existante et n'apporte aucune création de surface de plancher, de telle sorte que l'on ne saurait considérer qu'il s'agit d'une construction au sens de l'article 6 du règlement de la zone UG.

L'instruction a été close au 5 novembre 2018, date d'émission d'une ordonnance prise en application des dispositions combinées des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme I...,

- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., représentant la commune du Gosier et les observations de Me E..., représentant la société Electro-Nautic.

Une note en délibéré présentée par Me B..., pour la commune du Gosier a été enregistrée le 11 janvier 2019.

Considérant ce qui suit :

1. Le 10 juillet 2015, la société Electro-Nautic a déposé une déclaration préalable en vue de réaliser l'extension d'une terrasse ouverte au premier étage d'une maison à usage d'habitation située sur une parcelle cadastrée AB 3, au lieu-dit Bas du Fort à Gosier. Par une décision du 12 août 2015, le maire de Gosier ne s'est pas opposé à cette déclaration préalable. A la suite du rejet de son recours préalable présenté le 4 novembre 2015, Mme A..., propriétaire riveraine de la construction litigieuse, a saisi le tribunal administratif de la Guadeloupe. Elle relève appel du jugement du 29 novembre 2016 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les fins de non-recevoir opposées par les défendeurs :

2. Aux termes de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme : " En cas de déféré du préfet ou de recours contentieux à l'encontre d'un certificat d'urbanisme, d'une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou d'un permis de construire, d'aménager ou de démolir, le préfet ou l'auteur du recours est tenu, à peine d'irrecevabilité, de notifier son recours à l'auteur de la décision et au titulaire de l'autorisation. Cette notification doit également être effectuée dans les mêmes conditions en cas de demande tendant à l'annulation ou à la réformation d'une décision juridictionnelle concernant un certificat d'urbanisme, une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou un permis de construire, d'aménager ou de démolir. L'auteur d'un recours administratif est également tenu de le notifier à peine d'irrecevabilité du recours contentieux qu'il pourrait intenter ultérieurement en cas de rejet du recours administratif (...) ". Aux termes de l'article A. 424-17 du même code : " Le panneau d'affichage comprend la mention suivante : / " Droit de recours : " Le délai de recours contentieux est de deux mois à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain du présent panneau (art. R. 600-2 du code de l'urbanisme). / " Tout recours administratif ou tout recours contentieux doit, à peine d'irrecevabilité, être notifié à l'auteur de la décision et au bénéficiaire du permis ou de la décision prise sur la déclaration préalable. Cette notification doit être adressée par lettre recommandée avec accusé de réception dans un délai de quinze jours francs à compter du dépôt du recours (art. R. 600-1 du code de l'urbanisme). " ".

3. La société Electro Nautic n'établit pas, par la seule production de l'attestation de M. F... H... qui certifie avoir affiché le 17 août 2015 sur la devanture de la maison de la société Electro Nautic la référence de l'accord du maire de la commune du Gosier, que l'ensemble des mentions imposées par l'article A. 424-17 du code de l'urbanisme étaient apposées sur un panneau d'affichage et lisibles de la voie publique. L'appelante produit des procès verbaux établis par huissier les 4 et 22 septembre 2015 qui démontrent l'absence d'affichage sur le terrain, objet de la construction litigieuse. Ainsi, il ressort des pièces du dossier qu'aucune mention conforme aux dispositions précitées n'a été affichée sur le terrain d'assiette du projet faisant l'objet de la déclaration de travaux litigieuse et qu'en l'absence de réponse expresse au recours gracieux présenté le 4 novembre 2015, l'appelante n'a pas été informée de l'obligation de notification prévue à l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme. Si la commune fait valoir que l'appelante a notifié son recours gracieux au pétitionnaire, il ressort des pièces du dossier que Mme A... n'a procédé qu'à une notification partielle du recours contentieux au seul bénéficiaire de la décision de non opposition à la déclaration préalable, ce qui ne permet pas d'établir qu'elle connaissait l'obligation issue de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme de notifier également le recours contentieux à l'auteur de l'acte. Par suite, ce défaut d'affichage fait obstacle à ce que soit opposée à Mme A... l'irrecevabilité prévue par l'article R. 600-1 précité. La fin de non-recevoir opposée par la société Electro Nautic ne peut dès lors être accueillie.

4. Aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation ". Il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.

5. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... est voisine immédiate du projet, dont sa maison n'est séparée que par un grillage. Par le procès verbal des 4 et 22 juillet 2015, l'appelante établit que le projet a consisté notamment en la réalisation d'une charpente et en la pose d'un panneau à persiennes en bois donnant sur son balcon, les travaux de charpente supprimant la vue sur la mer et la montagne dont elle bénéficiait. Dans ces conditions, et compte tenu de la taille du projet, qui affectera directement les conditions de jouissance de son bien, elle justifie d'un intérêt à demander l'annulation de l'arrêté de non opposition à déclaration préalable du maire de Gosier en date du 12 août 2015.

6. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée (...) ". Aux termes de l'article R. 421-2 du même code : " Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, dans les cas où le silence gardé par l'autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet, l'intéressé dispose, pour former un recours, d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle est née une décision implicite de rejet (...) ".

7. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... a présenté, dans le délai de recours contentieux, un recours gracieux le 4 novembre 2015. En l'absence de décision de rejet expresse de la commune, l'appelante disposait, pour former un recours contentieux tendant à l'annulation de la décision de non-opposition du 12 août 2015, d'un délai de deux mois à compter de la naissance de la décision implicite de rejet du recours gracieux. Par suite, la demande enregistrée au greffe du tribunal administratif de la Guadeloupe le 24 novembre 2015 était recevable. La fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la requête ne peut être accueillie.

Sur le bien-fondé du jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe :

8. Aux termes de l'article R. 420-1 du code de l'urbanisme : " L'emprise au sol au sens du présent livre est la projection verticale du volume de la construction, tous débords et surplombs inclus (...) ". Aux termes de l'article R. 421-14 du même code : " Sont soumis à permis de construire les travaux suivants, exécutés sur des constructions existantes, à l'exception des travaux d'entretien ou de réparations ordinaires : (...) / b) Dans les zones urbaines d'un plan local d'urbanisme ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu, les travaux ayant pour effet la création d'une surface de plancher ou d'une emprise au sol supérieure à quarante mètres carrés ; toutefois, demeurent soumis à permis de construire les travaux ayant pour effet la création de plus de vingt mètres carrés et d'au plus quarante mètres carrés de surface de plancher ou d'emprise au sol, lorsque leur réalisation aurait pour effet de porter la surface ou l'emprise totale de la construction au-delà de l'un des seuils fixés à l'article R. 431-2) (... ". En vertu de l'article R. 431-2 du même code, le seuil de recours à un architecte pour une construction à usage d'habitation était alors de cent soixante-dix mètres carrés.

9. Aux termes de l'article R. 431-36 du code de l'urbanisme alors en vigueur : " Le dossier joint à la déclaration comprend : (...) / b) Un plan de masse coté dans les trois dimensions lorsque le projet a pour effet de créer une construction ou de modifier le volume d'une construction existante (...) ". La circonstance que le dossier de déclaration préalable ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l'urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité la décision de non opposition à déclaration préalable qui a été accordée que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.

10. Il ressort des pièces du dossier que le plan de masse n'est pas coté en trois dimensions et qu'aucun des plans joints à la déclaration préalable ne permet d'appréhender l'ampleur de la modification en volume de la construction existante. Ces lacunes ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable dès lors qu'il est impossible de déterminer si l'extension projetée dépasse les seuils de vingt ou de quarante mètres carrés prévus à l'article R. 421-14 du code de l'urbanisme et si la réalisation des travaux a pour effet de porter l'emprise au sol totale de la construction au-delà du seuil de cent soixante-dix mètres carrés fixé par l'article R. 431-2 du code de l'urbanisme. Ainsi, le dossier de déclaration préalable n'a pas mis à même l'autorité administrative de se prononcer sur le régime applicable. Par suite, Mme A... est fondée à soutenir que le tribunal administratif de la Guadeloupe a écarté à tort le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 431-36 du code de l'urbanisme.

11. Aux termes de l'article 6 des dispositions applicables à la zone UG du plan d'occupation des sols de la commune du Gosier : " (...) Les constructions doivent s'implanter à une distance supérieure ou égale à 12 mètres de la limite du domaine public lacustre et à 18 mètres par rapport au rivage de la mer (...) ".

12. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier et notamment du procès verbal d'infraction en date du 10 juin 2015 que les parcelles AB 3 et 195 sont situées en zone UGb. Par suite, c'est à tort que le tribunal administratif de la Guadeloupe a jugé que la parcelle AB 3 d'implantation de l'immeuble faisant l'objet des travaux litigieux était située en zone UEd du plan d'occupation des sols applicable.

13. En second lieu, il ressort des pièces du dossier et notamment du plan de situation, que le terrain d'assiette de la construction litigieuse n'est pas situé à proximité du domaine lacustre mais du domaine public maritime. En outre, il résulte du procès verbal établi par M. G..., versé au dossier par la société Electro Nautic, que la plus courte distance entre la façade nord de la construction et le bord de la lagune, dont il n'est pas contesté qu'elle est salée, est de 15,89 mètres. Par suite, l'appelante est fondée à soutenir que la décision de non-opposition à déclaration préalable du 12 août 2015 méconnaît les dispositions de l'article 6 des dispositions applicables à la zone UG du plan d'occupation de sols de la commune du Gosier.

14. Pour l'application de l'article L. 600-4 du code de l'urbanisme, aucun des autres moyens présentés à l'appui de la requête n'est de nature à fonder l'annulation de l'arrêté du maire de Gosier.

Sur l'application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme :

15. Aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en oeuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé ".

16. Si le vice tiré de la méconnaissance de l'article 6 des dispositions applicables à la zone UG du plan d'occupation de sols de la commune du Gosier pourrait être régularisé au vu de l'évolution du plan local d'urbanisme, l'insuffisance du dossier n'est pas régularisable dès lors qu'en l'absence de toute cote sur les plans, il est impossible de déterminer si le projet relève d'une déclaration préalable ou d'un permis de construire. Par suite, il ne peut être fait application de ces dispositions.

Sur l'application des articles L. 761-1 et R761-1 du code de justice administrative :

17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune du Gosier et la société Electro Nautic demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la commune du Gosier et de la société Electro Nautic une somme de 1 500 euros chacune au titre des frais exposés par Mme A... et non compris dans les dépens. Enfin, en l'absence de dépens dans la présente instance, les conclusions présentées au titre de l'article R.761-1 du code de justice administrative sont sans objet, et par suite irrecevables.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1500859 du tribunal administratif de la Guadeloupe du 29 novembre 2016 est annulé.

Article 2 : L'arrêté du 12 août 2015 par lequel le maire de la commune du Gosier ne s'est pas opposé à la déclaration préalable déposée par la société Electro Nautic en vue de réaliser l'extension d'une terrasse ouverte au premier étage d'une maison à usage d'habitation située sur une parcelle cadastrée AB 3, au lieu-dit Bas du Fort, est annulé.

Article 3 : La commune du Gosier versera à Mme A... la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La société Electro Nautic versera à Mme A... la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la commune du Gosier, à la société Electro Nautic et à Mme D... A....

Délibéré après l'audience du 10 janvier 2019 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, président,

M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,

Mme I..., premier-conseiller.

Lu en audience publique, le 21 février 2019.

Le rapporteur,

I...Le président,

Catherine GIRAULT

Le greffier,

Virginie MARTY

La République mande et ordonne au préfet de la Guadeloupe, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17BX00315


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 17BX00315
Date de la décision : 21/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-04-045-02 URBANISME ET AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE. AUTORISATIONS D`UTILISATION DES SOLS DIVERSES. RÉGIMES DE DÉCLARATION PRÉALABLE. DÉCLARATION DE TRAVAUX EXEMPTÉS DE PERMIS DE CONSTRUIRE. - PROCÉDURE CONTENTIEUSE - OBLIGATION DE NOTIFICATION DE LA REQUÊTE EN VERTU DE L'ARTICLE R. 600-1 DU CODE DE L'URBANISME - CONNAISSANCE ACQUISE.

68-04-045-02 La mention relative au droit de recours, qui doit figurer sur le panneau d'affichage du permis de construire en application de l'article A. 424-17 du code de l'urbanisme, permet aux tiers de préserver leurs droits. Toutefois, l'exercice par un tiers d'un recours administratif ou contentieux contre un permis de construire montre qu'il a connaissance de cette décision et a, en conséquence, pour effet de faire courir à son égard le délai de recours contentieux, alors même que la publicité concernant ce permis n'aurait pas satisfait aux exigences prévues par l'article A. 424-17 du code de l'urbanisme. De même, la notification par un tiers de son recours gracieux montre qu'il a connaissance de l'obligation prévue par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme, laquelle lui est par suite opposable devant le tribunal et en appel alors même qu'elle n'aurait pas figuré sur un panneau réglementaire.


Références :

Comp :, ,- CE n°375132 du 15 avril 2016 M. M=== publié au Recueil Lebon (extension),,,- CE avis, 19 novembre 2008, Société Sahelac et Mme J===, n°317279, p. 429, ,,- CE n°s 369456 du 28 mai 2014 Publié aux Tables du Recueil Lebon. M. et Mme G===t étendant l'inopposabilité du R. 600-1 non rappelé sur l'affichage à l'appel (réserve).


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Nathalie GAY-SABOURDY
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : CABINET FCA

Origine de la décision
Date de l'import : 17/09/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-02-21;17bx00315 ?
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