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20/12/2018 | FRANCE | N°16BX02188,16BX02191

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre - formation à 3, 20 décembre 2018, 16BX02188,16BX02191


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS C...et M. A...C...ont demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner la commune de Castelsarrasin à leur payer la somme d'un million d'euros en réparation du préjudice qu'ils estiment avoir subi du fait du retard dans la régularisation de permis de construire qu'ils avaient obtenus.

Par un jugement n° 1403816 du 4 mai 2016, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 4 juillet 2016 sous

le numéro 16BX02188, des pièces complémentaires, enregistrées le 8 juillet 2016, et un mém...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS C...et M. A...C...ont demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner la commune de Castelsarrasin à leur payer la somme d'un million d'euros en réparation du préjudice qu'ils estiment avoir subi du fait du retard dans la régularisation de permis de construire qu'ils avaient obtenus.

Par un jugement n° 1403816 du 4 mai 2016, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 4 juillet 2016 sous le numéro 16BX02188, des pièces complémentaires, enregistrées le 8 juillet 2016, et un mémoire complémentaire, enregistré le 1er décembre 2018, la SASC..., représentée par MeD..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 4 mai 2016 ;

2°) de condamner la commune de Castelsarrasin à lui payer la somme d'un million d'euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Castelsarrasin une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- en délivrant des permis de construire sans les assortir de prescriptions relatives au plan de prévention des risques technologiques, le maire a entaché ses décisions d'illégalités engageant la responsabilité de la commune ;

- le maire a également commis une faute en refusant de retirer les permis litigieux sur demande du préfet ;

- la période à prendre en compte pour l'évaluation des préjudices est celle courant de l'expiration du délai de recours contre les permis initiaux jusqu'à la délivrance des permis modificatifs ;

- le déféré préfectoral l'a privée de financement nécessaire aux travaux et a interrompu le chantier.

Par un mémoire, enregistré le 10 décembre 2016, la commune de Castelsarrasin, représentée par MeE..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la SAS C...une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

II. Par une requête, enregistrée le 4 juillet 2016 sous le numéro 16BX02191, et un mémoire complémentaire, enregistré le 1er décembre 2018, M. A...C..., représenté par MeD..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 4 mai 2016 ;

2°) de condamner la commune de Castelsarrasin à lui payer la somme d'un million d'euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Castelsarrasin une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- en délivrant des permis de construire sans les assortir de prescriptions relatives au plan de prévention des risques technologiques, le maire a entaché ses décisions d'illégalités engageant la responsabilité de la commune ;

- le maire a également commis une faute en refusant de retirer les permis litigieux sur demande du préfet ;

- la période à prendre en compte pour l'évaluation des préjudices est celle courant de l'expiration du délai de recours contre les permis initiaux jusqu'à la délivrance des permis modificatifs ;

- le déféré préfectoral l'a privé de financement nécessaire aux travaux et a interrompu le chantier ;

- il est contraint d'habiter sur place dans une résidence mobile ;

- il a perdu une chance de céder son entreprise à la valeur qui était la sienne avant les problèmes en litige.

Par un mémoire, enregistré le 10 décembre 2016, la commune de Castelsarrasin, représentée par MeE..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. C...une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Romain Roussel, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Sabrina Ladoire, rapporteur public,

- et les observations de MeD..., représentant M. C...et la SAS C...et de Me B..., représentant la commune de Castelsarrasin.

Considérant ce qui suit :

1. La SAS C...et M. C...ont sollicité et se sont vu délivrer conjointement par le maire de Castelsarrazin deux permis de construire le 18 juin 2009 pour la construction, dans la zone d'activité de Barrès à Castelsarrasin, d'une part, d'un bâtiment à usage de bureaux, d'habitation et de galerie de liaison et, d'autre part, d'une unité de sciage et de montage de palettes en bois. Ils relèvent appel du jugement du 4 mai 2016 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande tendant à la condamnation de la commune de Castelsarrasin à réparer les préjudices qu'ils estiment avoir subis en raison du retard dans la régularisation des deux permis.

2. Les requêtes de la SAS C...et de M. C...sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur les conclusions indemnitaires :

3. Aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ".

4. Il résulte de l'instruction que le préfet de Tarn-et-Garonne a saisi le maire de Castelsarrasin, le 11 août 2009, d'une demande de retrait des deux permis accordés aux requérants au motif que le terrain d'assiette des projets se situant dans le périmètre d'étude du futur plan de prévention des risques technologiques autour de l'établissement Butagaz, le maire aurait dû assortir les permis en litige de prescriptions au regard de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme. Sur demande du préfet, le juge des référés de la cour administrative d'appel de Bordeaux a, par ordonnance 09BX02991 du 17 février 2010, suspendu l'exécution des deux permis, au motif que le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation commise par le maire au regard de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme était propre à créer un doute sérieux quant à la légalité desdits permis. Par arrêtés du 28 avril 2010, le maire de Castelsarrasin a délivré aux requérants deux permis de construire modificatifs, assortis de prescriptions quant aux risques tenant à la présence à proximité du site Butagaz.

5. Il ressort également de l'instruction que le maire de Castelsarrasin a été informé dès le 30 septembre 2008 de ce que, dans le cadre de l'élaboration du plan de prévention des risques technologiques autour de l'établissement Butagaz, la zone d'activité dans laquelle le projet des requérants allait être implanté serait incluse dans une zone d'aléa faible qui n'engendrerait pas d'interdiction globale de construire mais qui nécessiterait des prescriptions sur le bâti. Le maire doit donc être regardé comme ayant eu, avant la délivrance des permis initiaux, une connaissance suffisamment précise de l'existence de risques résultant pour les occupants des bâtiments projetés par les requérants de la proximité de l'établissement Butagaz. Par suite, en délivrant les permis initiaux sans les assortir de prescriptions permettant d'assurer la conformité des travaux projetés aux exigences de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, le maire a commis une erreur manifeste d'appréciation. La circonstance que l'élaboration du plan de prévention des risques technologiques n'ait été prescrite que le 8 juillet 2009, soit postérieurement à la délivrance des permis initiaux, est sans incidence à cet égard. En outre, dès lors qu'il était saisi d'une demande du préfet tendant au retrait de ces permis illégaux, le maire était tenu d'y procéder. L'illégalité entachant les permis de construire initiaux ainsi que le refus illégal du maire de les retirer sont de nature à engager la responsabilité de la commune.

6. Toutefois, les requérants, qui étaient informés avant même la délivrance des permis initiaux des risques qu'impliquait l'implantation de leur projet à proximité de l'établissement Butagaz, ne justifient pas qu'ils ont été effectivement entravés dans la réalisation de leur projet au-delà de la période qui s'est écoulée entre la suspension, par l'ordonnance 09BX02991 du 17 février 2010 du juge des référés de la cour administrative d'appel, de l'exécution des permis initiaux et la délivrance, le 28 avril 2010, des permis modificatifs régularisant ces permis initiaux. Il ne résulte pas de l'instruction que la cessation de leur activité serait directement liée aux fautes commises par le maire. Les requérants ne justifient ni d'un préjudice lié au retard à libérer l'ancien site de l'entreprise, ni d'un préjudice lié à la prolongation de leur activité sur cet ancien site. Ils n'allèguent ni a fortiori ne justifient que les prescriptions qui leur ont été finalement imposées le 28 avril 2010 ont entraîné des coûts supplémentaires. Enfin, M. C...ne produit aucune pièce de nature à établir, ni les troubles dans les conditions d'existence qu'il allègue avoir subis, ni la perte de chance de céder son entreprise à sa valeur, au demeurant non chiffrée, antérieure au projet de transfert dans la zone d'activité de Barrès.

7. Toutefois, dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subi par M. C...en raison des illégalités commises par le maire de Castelsarrasin en condamnant la commune à lui verser la somme de 2 000 euros.

8. Il résulte de ce qui précède, que la SAS C...et M. C...ne sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande qu'en tant qu'il n'a pas condamné la commune de Castelsarrasin à réparer le préjudice moral subi par M.C....

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Castelsarrasin, qui n'est pas la partie perdante pour l'essentiel dans la présente instance, la somme que demandent la SAS C...et M. C...au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge des requérants la somme demandée par la commune de Castelsarrasin en application de ces mêmes dispositions.

DECIDE

Article 1er : La requête n° 16BX02188 de la SAS C...est rejetée.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 4 mai 2016 est annulé en tant qu'il a n'a pas condamné la commune de Castelsarrasin à réparer le préjudice moral subi par M. C....

Article 3 : La commune de Castelsarrasin est condamnée à verser à M. C...la somme de 2 000 euros.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête n° 16BX02191 de M. C...et les conclusions de la commune de Castelsarrasin au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SASC..., à M. A...C...et à la commune de Castelsarrasin. Copie sera adressée au préfet de Tarn-et-Garonne.

Délibéré après l'audience du 5 décembre 2018 à laquelle siégeaient :

M. Philippe Pouzoulet, président,

Mme Sylvande Perdu, premier conseiller,

M. Romain Roussel, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 20 décembre 2018.

Le rapporteur,

Romain Roussel

Le président,

Philippe Pouzoulet Le greffier,

Florence Deligey

La République mande et ordonne au préfet de Tarn-et-Garonne en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

4

N° 16BX02188 et 16BX02191


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX02188,16BX02191
Date de la décision : 20/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Responsabilité de la puissance publique - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics - Services de l'urbanisme.

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : M. POUZOULET
Rapporteur ?: M. Romain ROUSSEL
Rapporteur public ?: Mme LADOIRE
Avocat(s) : TOUBOUL

Origine de la décision
Date de l'import : 01/01/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-12-20;16bx02188.16bx02191 ?
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