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13/12/2018 | FRANCE | N°16BX03061

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 13 décembre 2018, 16BX03061


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La compagnie d'assurance Aviabel, société anonyme de droit belge, la société Ximus, société à responsabilité limitée de droit belge et M. D...A...ont demandé au tribunal administratif de Paris de condamner solidairement le syndicat mixte de l'aérodrome de Cahors-Lalbenque et l'Etat à leur verser une somme totale de 684 903,50 euros assortie des intérêts au taux légal capitalisés en réparation des préjudices subis à la suite de l'accident de circulation aérienne survenu le 21 octobre 2009.
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La compagnie d'assurance Aviabel, société anonyme de droit belge, la société Ximus, société à responsabilité limitée de droit belge et M. D...A...ont demandé au tribunal administratif de Paris de condamner solidairement le syndicat mixte de l'aérodrome de Cahors-Lalbenque et l'Etat à leur verser une somme totale de 684 903,50 euros assortie des intérêts au taux légal capitalisés en réparation des préjudices subis à la suite de l'accident de circulation aérienne survenu le 21 octobre 2009.

Cette requête a été transmise au tribunal administratif de Toulouse par ordonnance de la vice-présidente de la 3ème section du tribunal administratif de Paris en date du 15 avril 2013.

Par un jugement n° 1301923 du 22 juin 2016, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 2 septembre 2016 et un mémoire enregistré le 26 février 2018, la société Aviabel, la société Ximus et M. D...A..., représentés par la SELARL Chevrier, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 22 juin 2016 ;

2°) de condamner solidairement l'Etat et le syndicat mixte de l'aérodrome de Cahors-Lalbenque, ou l'un à défaut de l'autre, à payer à la société Aviabel la somme de 407 607,50 euros, à la société Ximus la somme de 19 648 euros et à M. D...A...la somme de 257 648 euros, augmentés des intérêts de droit à compter de la demande préalable, avec capitalisation des intérêts à chaque date anniversaire ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat et du syndicat mixte de l'aérodrome de Cahors-Lalbenque, chacun, une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la responsabilité de l'Etat est engagée en raison, premièrement, des défaillances du service du contrôle de la navigation aérienne de Rodez qui n'ont pas indiqué au pilote que l'aérodrome de Cahors était fermé alors qu'ils en étaient informés par l'avis aux navigateurs aériens (NOTAM) émis par les services de l'aviation civile et par deux appels téléphoniques de l'agent du service d'information de vol d'aérodrome (AFIS) dont l'un attirait l'attention sur le plan de vol de M.A..., deuxièmement, de l'absence de retransmission de cette information par le bureau régional d'information et d'assistance aux vols (BRIA) de Toulouse au service du contrôle aérien de Rodez, point sur lequel le tribunal administratif n'a pas statué, et, troisièmement, en raison des informations erronées données par le contrôle d'approche de Rodez qui ont induit M. A... en erreur, alors que l'article 9.3.3.3. du RCA 3 prévoit que " des messages concernant le fonctionnement des installations aéronautiques sont transmis aux aéronefs lorsque, d'après leur plan de vol, il est évident que le déroulement normal du vol risque d'être affecté par l'état de fonctionnement de l'installation en cause " ;

- la responsabilité de l'aérodrome est engagée en raison du caractère non conforme du marquage au sol apposé pour interdire tout atterrissage : alors que la dimension réglementaire de la croix de Saint-André est de 36 mètres par 14,5 mètres, celles apposées étaient de 10 mètres par 10 mètres et n'étaient positionnées qu'en bout de piste, alors que l'intervalle tous les 300 mètres n'était pas respecté ;

- la société Aviabel, qui a indemnisé la société Ximus des frais de réparation de l'aéronef, a droit dans le cadre de son action subrogatoire au versement d'une somme de 407 607,50 euros ;

- la société Ximus, exploitante de l'aéronef a droit au paiement d'une somme de 19 648 euros (25 000 USD) correspondant à la part du préjudice restée à sa charge en application de la franchise ;

- M. A...a droit à une somme de 257 648 euros (327 780 USD) en réparation du préjudice subi lors de la revente de l'appareil en raison de la perte de sa valeur vénale.

Par un mémoire en défense enregistré le 17 août 2017, le syndicat mixte de l'aérodrome de Cahors-Lalbenque conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de chacun des requérants une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les préjudices ne sont pas établis ;

- la survenance du dommage résulte uniquement de la succession d'imprudences fautives commises par M.A..., qui n'a pas pris en compte le NOTAM de fermeture de l'aérodrome, n'a pas cherché à contacter le service d'information de celui-ci, s'est présenté après le coucher du soleil avec une autonomie de carburant trop réduite et n'a pas effectué la reconnaissance visuelle préalable à un atterrissage, qui lui aurait permis de constater que la piste en herbe parallèle à la piste fermée était disponible pour un atterrissage d'urgence ;

- les autres moyens invoqués par les requérants ne sont pas fondés.

Par des mémoires en défense enregistrés le 22 janvier 2018 et le 22 mars 2018, le ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la demande de première instance est irrecevable en tant qu'elle émane de M. A...qui ne démontre pas sa qualité de propriétaire de l'avion ;

- les sociétés Aviabel et Ximus ne démontrent pas leur qualité pour agir dès lors que le contrat d'assurance qui les lie n'est produit qu'en partie, qu'il n'est pas signé, qu'il concerne un aéronef présentant une immatriculation différente de celle de l'avion accidenté et que la preuve du paiement effectif par la compagnie d'assurance des frais de réparation de l'aéronef n'est pas rapportée ;

- les préjudices allégués ne sont pas établis ;

- les autres moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 27 février 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 28 mars 2018 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des assurances ;

- le code de l'aviation civile ;

- l'arrêté du 17 juillet 1992 relatif aux procédures générales de circulation aérienne pour l'utilisation des aérodromes par les aéronefs ;

- l'arrêté du 28 août 2003 relatif aux conditions d'homologation et aux procédures d'exploitation des aérodromes ;

- l'arrêté du 3 mars 2006 relatif aux règles de l'air et aux services de la circulation aérienne ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. David Terme,

- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., représentant la société Aviabel, la société Ximus et M. A... et les observations de Me B...représentant le syndicat mixte de l'aérodrome de Cahors-Lalbenque.

Considérant ce qui suit :

1. Le 21 octobre 2009 vers 19h, M.A..., seul aux commandes d'un aéronef de type PIPER PA 46T exploité par la société Ximus et en provenance d'Odense (Danemark), a atterri sur l'aérodrome de Cahors-Lalbenque, qui était fermé en raison de l'organisation d'une course motocycliste. L'appareil a percuté des barrières métalliques disposées en travers de la piste d'atterrissage et subi des dommages matériels. Le 16 novembre 2012, la société Ximus et son assureur, la société Aviabel, ainsi que M.A..., ont adressé à l'Etat et au syndicat mixte de l'aérodrome de Cahors-Lalbenque une réclamation indemnitaire qui a été implicitement rejetée. Ils relèvent appel du jugement du 22 juin 2016 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande tendant à ce que le syndicat mixte et l'Etat soient condamnés solidairement à réparer les préjudices subis à la suite de l'accident.

Sur la responsabilité :

2. Aux termes du 6.1.2 de l'annexe de l'arrêté du 17 juillet 1992 relatif aux procédures générales de circulation aérienne pour l'utilisation des aérodromes par les aéronefs : " 6.1.2 Responsabilité du pilote / Le service d'information de vol ne dégage le pilote d'aucune de ses responsabilités notamment en ce qui concerne la préparation, la conduite du vol et la prévention des collisions ". Aux termes de l'annexe 1 de l'arrêté du 3 mars 2006 susvisé : " 2.3 Responsabilité pour l'application des règles de l'air (...) / 2.3.2 Action préliminaire au vol / Avant d'entreprendre un vol, le pilote commandant de bord d'un aéronef prend connaissance de tous les renseignements disponibles utiles au vol projeté. Pour les vols hors des abords d'un aérodrome et pour tous les vols IFR, l'action préliminaire au vol comprend l'étude attentive des bulletins et prévisions météorologiques disponibles les plus récents, en tenant compte des besoins en carburant et d'un aérodrome de dégagement, au cas où le vol ne pourrait pas se dérouler comme prévu. ". Aux termes de l'annexe 1 de l'arrêté du 17 juillet 1992 susvisé : " (...) Les renseignements suivants relevant du service d'information de vol et utiles pour l'utilisation des aérodromes sont dénommés paramètres : / - piste en service (...) / 5.1.2. Dispositions relatives aux paramètres (...) / Lorsqu'un aérodrome n'est pas pourvu d'une tour de contrôle ou d'un organisme AFIS, ou lorsqu'aucun de ces organismes n'est en activité, un aéronef doit : / - à l'arrivée : / (...) - effectuer une procédure d'approche suivie d'une manoeuvre à vue libre et conduire celle-ci de façon à procéder à l'examen de l'aérodrome. Cet examen doit notamment porter sur l'aire à signaux, la manche à air, l'état de la surface de l'aire de manoeuvre afin de déterminer la piste ou l'aire d'atterrissage à utiliser et s'assurer que l'usage de l'aérodrome ne présente pas de danger apparent ".

3. En premier lieu, il résulte de l'instruction que le syndicat gestionnaire de l'aérodrome de Cahors-Lalbenque a demandé la publication d'un avis aux navigateurs aériens (NOTAM) avertissant de la fermeture de l'aérodrome au début du mois d'octobre, a attiré l'attention du centre de contrôle sur ce point la veille de l'accident et en a également informé le bureau régional d'information et d'assistance au vol (BRIA) de Toulouse le jour de l'accident après réception du plan de vol de M.A.... Cependant, M. A...n'a pas été informé de cette fermeture de l'aérodrome lors de sa communication avec le contrôle d'approche car l'information n'avait pas été correctement relayée à l'ensemble des contrôleurs comme elle aurait dû l'être via le cahier de marche. Alors même que seul un service d'information de vol était assuré dans ce cadre et qu'il est constant que M. A...n'a pas demandé de confirmation de la disponibilité de l'aérodrome lors de ce contact, les requérants sont fondés à soutenir que le défaut de transmission d'une telle information révèle un dysfonctionnement des services d'assistance au vol.

4. En deuxième lieu, il résulte également de l'instruction et il n'est pas contesté que les signaux apposés sur la piste de l'aérodrome de Cahors-Lalbenque n'étaient pas conformes aux prescriptions définies par le 1.5.1.4.1.2. de l'annexe 1 de l'arrêté du 28 août 2003 relatif aux conditions d'homologation et aux procédures d'exploitation des aérodromes, les croix de Saint-André signalant la fermeture d'une piste étant de dimensions 10 mètres sur 10 mètres alors qu'elles auraient dû atteindre 36 mètres par 14,5 mètres. Alors même que ces marques peuvent dans certains cas, être omises, les requérants sont fondés à soutenir que l'usage de signaux inadéquats révèle également un dysfonctionnement dans la gestion de l'aérodrome.

5. Toutefois, il résulte de l'instruction, premièrement, que M. A...a retardé son départ de cinquante-cinq minutes et décollé à 13 h 29 UTC pour un vol d'une durée estimée à 3 heures et 19 minutes sans vent, alors que le soleil devait se coucher ce jour-là à Cahors à 17h00 UTC, ce qui rendait plus probable l'éventualité d'un atterrissage de nuit. Deuxièmement, lors de son départ, M. A...n'a pas tenu compte des informations qui figuraient dans son dossier de vol, qui contenait le NOTAM signalant la fermeture de l'aérodrome Cahors-Lalbenque, avertissait de la présence de vents forts de face devant nécessairement le ralentir et entraîner une consommation accrue de carburant, et signalait que l'autonomie réelle de son avion, de 3 heures 50 minutes, était insuffisante de plus de 20 minutes pour permettre un dégagement vers un aérodrome à destination, éléments qui auraient dû conduire M. A...à envisager une escale pour un avitaillement et éventuellement un déroutement vers un autre aérodrome ouvert aux opérations de nuit. Troisièmement, M. A...n'ayant pas effectué d'avitaillement et voulant atterrir à Cahors malgré des conditions de luminosité dégradées et une faible autonomie en carburant, n'a pas effectué la reconnaissance visuelle préalable de la piste imposée par la réglementation avant d'atterrir, ce qui l'a privé de toute possibilité d'apercevoir les obstacles qui s'y trouvaient.

6. En raison de ces omissions, M. A...a atterri à Cahors, aérodrome habituellement ouvert seulement de jour et ne disposant pas de balisage de nuit, après le coucher du soleil, dans un environnement également obscurci par des nuages et alors qu'il ne lui restait plus qu'une faible quantité de carburant, ce qui l'a obligé à atterrir directement sur la piste revêtue sans pouvoir envisager une manoeuvre d'interruption de l'approche, de remise des gaz ou a fortiori un dégagement vers un aérodrome de secours. L'obscurité quant à elle rendait difficile toute tentative d'atterrissage sur la piste non revêtue de l'aérodrome. Ainsi, compte tenu des possibilités d'action limitées que ce contexte de départ autorisait à M. A...à l'heure de son premier contact avec le centre de contrôle d'approche de Rodez, peu de temps avant son atterrissage, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que les négligences et imprudences de M. A...sont la seule cause des préjudices invoqués. Par suite, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non recevoir maintenues par le ministre, leur requête doit être rejetée.

Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat ou du syndicat mixte de l'aérodrome de Cahors-Lalbenque les sommes que les requérants demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ces derniers la somme demandée à ce titre par le syndicat mixte de l'aérodrome de Cahors-Lalbenque.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Aviabel, de la société Ximus et de M. A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du syndicat mixte de l'aérodrome de Cahors-Lalbenque présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Aviabel, à la société Ximus, à M. D... A..., au ministre de la transition écologique et solidaire et au syndicat mixte de l'aérodrome de Cahors-Lalbenque.

Délibéré après l'audience du 15 novembre 2018 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, président,

M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,

M. David Terme, premier-conseiller.

Lu en audience publique, le 13 décembre 2018.

Le rapporteur,

David TERMELe président,

Catherine GIRAULT

Le greffier,

Virginie MARTY

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et solidaire, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

6

N° 16BX03061


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX03061
Date de la décision : 13/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité.

Responsabilité de la puissance publique - Réparation - Causes exonératoires de responsabilité - Faute de la victime.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: M. David TERME
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : SCP CHEVRIER et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 25/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-12-13;16bx03061 ?
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