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29/11/2018 | FRANCE | N°16BX04172

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 29 novembre 2018, 16BX04172


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner M. I...B...et M. I...F...à une amende correspondant à une contravention de 5ème classe pour avoir procédé sans autorisation au drainage de la parcelle C229 sur le site des " Mattes de Paladon ", de leur enjoindre de remettre les lieux en l'état dans un délai de deux mois à compter du jugement à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, le cas échéant, d'autorise

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner M. I...B...et M. I...F...à une amende correspondant à une contravention de 5ème classe pour avoir procédé sans autorisation au drainage de la parcelle C229 sur le site des " Mattes de Paladon ", de leur enjoindre de remettre les lieux en l'état dans un délai de deux mois à compter du jugement à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, le cas échéant, d'autoriser le conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres à y procéder d'office aux frais des intéressés, et de mettre à la charge de M. B...et M. F...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1500235 du 19 octobre 2016, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a condamné M. B...et M. F...à payer une amende de 1 500 euros chacun, leur a enjoint de remettre les lieux en l'état dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, pour le cas où ils n'y auraient pas encore procédé, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de deux mois suivant la date de notification du jugement, a mis à leur charge la somme de 1 200 euros chacun sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 décembre 2016 et un mémoire enregistré le 7 juin 2018, M. B... et M.F..., représentés par la Selarl Philippe Queron et associés, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 19 octobre 2016 ;

2°) de rejeter la demande du Conservatoire du littoral ;

3°) de mettre à la charge du Conservatoire de l'Espace Littoral et des rivages lacustres la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la procédure de contravention de grande voirie est entachée d'un vice évident, ayant été entreprise sans respect préalable de la conciliation prévue et organisée par l'article 12 de l'" autorisation conventionnelle d'usage agricole sur le domaine public du conservatoire du littoral " dont M. B...était titulaire ;

- seul M.B..., personnellement et principalement, a continué d'exploiter les parcelles des " Mattes de Paladon ", sous sa seule direction et responsabilité, même s'il a pu très ponctuellement et exceptionnellement déléguer certains travaux parfaitement banals à des prestataires extérieurs ou à d'autres agriculteurs amis ; le procès verbal établi par M. A...H..., se présentant comme " garde du littoral ", est un faux dès lors qu'il mentionne une date d'établissement du 6 août 2014 et fait référence à un courrier d'informations adressé le 7 août 2014 ;

- s'agissant de l'atteinte à l'intégrité et à la conservation du domaine public relevant du Conservatoire du littoral réalisée par le " creusement de fossés de drainage sur la parcelle C229 ", M.G..., se présentant comme garde du littoral, ne justifie pas de sa prestation de serment règlementaire devant le tribunal de grande instance ;

- le tribunal administratif a commis une erreur d'appréciation en qualifiant une rigole aérienne et superficielle, et de surcroît extrêmement modeste et localisée sur une parcelle de plus de 14 hectares, correspondant à un travail élémentaire de préparation des sols parfaitement banal et habituel en matière de culture agricole, d'atteinte à l'intégrité du domaine public du Conservatoire du littoral, dès lors que l'usage agricole des parcelles en cause a été spécialement autorisé par le Conservatoire du littoral ; ce qui distingue un véritable fossé d'une simple rigole superficielle de plein champ c'est, outre son emplacement (en bordure de champ), ses dimensions (en mètres) et son organisation (réseau d'aboutissements), son caractère permanent là où les rigoles superficielles de plein champ reprochées à M. B...n'étaient que limitées et provisoires, vouées à disparaître avec les prochains travaux de préparation des sols en vue des semis.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 31 janvier 2017 et le 1er février 2017, le directeur du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de MM. B...et F...d'une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la fin de non-recevoir tirée de l'absence de saisine de la commission de conciliation doit être écartée ; en premier lieu, l'autorisation conventionnelle invoquée par les défenseurs est revêtue d'une autorité relative et ne lie le conservatoire qu'à l'égard de M.B... ; en deuxième lieu, la clause de l'article 12-3 de l'autorisation conventionnelle doit être regardée comme ne s'appliquant qu'aux litiges liés à la responsabilité contractuelle et non au contentieux des contraventions de grande voirie dont l'objet est de sanctionner les atteintes au domaine public et de permettre la réparation des dommages qui lui sont causés ; en troisième lieu, une clause de conciliation, d'origine purement conventionnelle, ne saurait faire échec à la situation de compétence liée dans laquelle se trouve le Conservatoire du littoral en vertu de l'article L. 322-10-4 du code de l'environnement ; en quatrième lieu, c'est de manière totalement abusive que les appelants soutiennent que la procédure de contravention de grande voirie aurait été menée sans conciliation préalable ;

- la personne qui peut être poursuivie pour contravention de grande voirie est, soit celle qui a commis ou pour le compte de laquelle a été commise l'action qui est à l'origine de l'infraction, soit celle sous la garde de laquelle se trouvait l'objet qui a été la cause de la contravention ; dès lors, rien ne s'oppose à ce que M.F..., non titulaire d'une autorisation d'utilisation, dont la présence et l'implication dans les travaux réalisés ont été constatées par les gardes du littoral assermentés sur site, fasse l'objet d'une procédure de contravention de grande voirie, tout comme M.B... ; à aucun moment les consorts B...et F...ne produisent un quelconque élément de preuve de nature à réfuter l'intervention de ce dernier sur la parcelle, et ainsi contredire les procès-verbaux dressés, qui font foi jusqu'à preuve du contraire ; le procès-verbal dressé par MonsieurH..., au demeurant parfaitement habilité, n'est entaché d'aucun faux en écriture ;

- il résulte des termes de l'article 11 de l'autorisation conventionnelle délivrée à M. B... que le transfert de cette autorisation est soumis à l'accord exprès du conservatoire du littoral ; or, par courrier du 6 mai 2014, le conservatoire du littoral a informé M. B...qu'il refusait de transférer l'autorisation d'usage agricole au bénéfice de la SCEA du Port, dans la mesure où cette société a pour but principal l'exploitation céréalière intensive et de longue durée ; M. B...qui a reconnu avoir cessé toute exploitation à titre individuel à la date du 31 décembre 2013, n'exerce plus son activité que par l'intermédiaire de la SCEA du Port, laquelle ne justifie d'aucune autorisation à l'effet d'exploiter les terres appartenant au conservatoire du littoral ; M. F...ne justifie lui non plus d'aucune autorisation pour exploiter cette parcelle ;

- les parcelles en cause font partie d'un site, " les mattes de Paladon ", qui présente un intérêt remarquable pour la flore et la faune, en particulier au niveau de ses prairies humides et des habitats sablonneux ; par le procès-verbal établi en date du 17 décembre 2014, M. G..., commissionné et assermenté au titre de garde du littoral et agréé en tant que garde particulier, a constaté sur ladite parcelle le creusement de fossés de drainage, réalisés à l'aide d'un engin mécanique de curage sur la partie sud de la parcelle, qui font environ 60 à 70 centimètres de profondeur et de 80 à 100 centimètres de largeur pour un total métré de 436,90 mètres de linéaire ; les photographies annexées au procès-verbal permettent d'apprécier l'importante dégradation du site en résultant, d'autant que les fossés réalisés débouchent directement sur le chenal classé de Talais ; eu égard à leurs caractéristiques et leur situation, les creusements réalisés, même à les désigner sous le vocable " rigoles ", ne peuvent sérieusement être qualifiés de superficiels et portent une atteinte importante à la biodiversité et à l'équilibre biologique de ce site protégé ; les défendeurs ne produisent aucun élément de nature à contredire les constatations issues des procès-verbaux dressé ;, les faits constitutifs d'une contravention de grande voirie doivent être regardés comme établis.

Par ordonnance du 31 janvier 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 8 juin 2018 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le décret n° 2014-813 du 17 juillet 2014 relatif au commissionnement et à l'assermentation des fonctionnaires et agents chargés de fonctions de police judiciaire au titre du code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Nathalie Gay-Sabourdy,

- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., représentant M. I... B...et M. I...F...et les observations de MeD..., représentant le Conservatoire du Littoral.

Considérant ce qui suit :

1. Par acte notarié du 17 novembre 2003, le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres a acquis un ensemble immobilier sis sur la commune de Soulac-sur-Mer (Gironde), sur le site des Mattes de Paladon, et plus particulièrement constitué de la parcelle cadastrée section C n° 229 d'une superficie de 14,6 ha, auprès du port Autonome de Bordeaux. Par une autorisation conventionnelle d'usage agricole du 22 mars 2007, d'une durée de neuf années, valable jusqu'au 31 décembre 2016, le conservatoire du littoral a autorisé M. B...à exercer une activité agricole sur ladite parcelle. M. B...a constitué le 4 février 2014 une société civile d'exploitation agricole dénommée " SCEA du Port " dont M. F...est devenu gérant le 23 avril 2014. Par procès verbal du 7 août 2014, un garde du littoral a constaté la présence de ce dernier venant de décompacter et de labourer la terre de la parcelle à l'aide d'un tracteur. Un nouveau procès verbal établi le 17 décembre 2014, dont M. B...et M. F...ont reçu notification les 20 et 24 décembre 2014, mentionne que des fossés de drainage ont été creusés sans autorisation. Au regard de l'ensemble de ces faits, le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres a déféré au tribunal administratif de Bordeaux, comme prévenus d'une contravention de grande voirie, M. B...et M. F...pour avoir dégradé le site et, par suite, porté atteinte à l'intégrité et à la conservation du domaine public lui appartenant. Par un jugement du 19 octobre 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a condamné M. B... et M. F... à une amende de 1 500 euros chacun, et leur a enjoint de remettre les lieux en l'état dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Sur la régularité de la procédure :

2. Aux termes de l'article 12-3 de l'autorisation conventionnelle d'usage agricole du domaine public du conservatoire du littoral du 22 mars 2007 : " Toutefois, en cas de litige sur l'application de la présente convention et avant toute action de résiliation par le Conservatoire ou toute action judiciaire, les parties devront saisir préalablement une commission de conciliation composée à parité, d'une part de représentants du Conservatoire et d'autre part de la Chambre d'Agriculture du département de la Gironde (...) ".

3. M. B...et M. F...soutiennent qu'au regard de l'article 12-3 de la convention d'usage agricole précité, le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres ne pouvait saisir le tribunal sans avoir préalablement convoqué la commission de conciliation. Toutefois, l'article 12-3 figure sous une rubrique intitulée " Fin de la convention-résiliation-contestation " et ne saurait donc régir d'autres contestations au cours de l'exécution de la convention. Au demeurant, le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres, autorité chargée de la police et de la conservation du domaine public, est tenu, par application des principes régissant la domanialité publique, de veiller à l'utilisation normale du domaine lui appartenant et d'exercer à cet effet les pouvoirs qu'il tient de la législation en vigueur, y compris celui de saisir le juge des contraventions de grande voirie, pour faire cesser les atteintes à l'intégrité de ce domaine portées à sa connaissance. Ainsi, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Bordeaux a jugé l'action du conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres recevable.

Sur l'infraction :

4. Selon l'article L. 322-9 du code de l'environnement : " Le domaine relevant du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres comprend les biens immobiliers acquis ainsi que ceux qui lui sont affectés, attribués, confiés ou remis en gestion par l'Etat. Le domaine propre du conservatoire est constitué des terrains dont il est devenu propriétaire et qu'il décide de conserver afin d'assurer sa mission définie à l'article L. 322-1. Le domaine relevant du Conservatoire du littoral et des rivages lacustres est du domaine public à l'exception des terrains acquis non classés dans le domaine propre. Dans la limite de la vocation et de la fragilité de chaque espace, ce domaine est ouvert au public (...) / Le conservatoire et le gestionnaire peuvent autoriser par voie de convention un usage temporaire et spécifique des immeubles dès lors que cet usage est compatible avec la mission poursuivie par le conservatoire, telle que définie à l'article L. 322-1 (...) ". Aux termes de l'article L. 322-10-4 du même code : " Sans préjudice des sanctions pénales encourues, toute atteinte à l'intégrité et à la conservation du domaine public relevant du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres, ou de nature à compromettre son usage, constitue une contravention de grande voirie constatée, réprimée et poursuivie par voie administrative. / Elle est constatée par les agents visés à l'article L. 322-10-1, sans préjudice des compétences des officiers et agents de police judiciaire et des autres agents spécialement habilités. / Les personnes condamnées sont tenues de réparer ces atteintes et encourent les amendes prévues pour les contraventions de cinquième classe et les cas de récidive. Elles supportent les frais des mesures provisoires et urgentes que le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres a pu être amené à prendre pour faire cesser le trouble apporté au domaine public par les infractions constatées ". Aux termes de l'article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Nul ne peut, sans disposer d'un titre l'y habilitant, occuper une dépendance du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 ou l'utiliser dans des limites dépassant le droit d'usage qui appartient à tous ". L'article L. 2132-2 du même code dispose : " Les contraventions de grande voirie sont instituées par la loi ou par décret, selon le montant de l'amende encourue, en vue de la répression des manquements aux textes qui ont pour objet, pour les dépendances du domaine public n'appartenant pas à la voirie routière, la protection soit de l'intégrité ou de l'utilisation de ce domaine public, soit d'une servitude administrative mentionnée à l'article L. 2131-1. / Elles sont constatées, poursuivies et réprimées par voie administrative ".

5. M. B...et M. F...contestent la qualité de gardes du littoral de M. A...H...et de M. E...G..., auteurs respectivement des procès-verbaux des 6 août et 17 décembre 2014 en ce qu'ils n'auraient pas prêté serment devant le tribunal de grande d'instance en application de l'article R. 172-4 du code de l'environnement. Toutefois, aux termes de l'article 8 du décret n° 2014-813 du 17 juillet 2014 relatif au commissionnement et à l'assermentation des fonctionnaires et agents chargés de fonctions de police judiciaire au titre du code de l'environnement : " Lorsqu'un commissionnement est délivré aux inspecteurs de l'environnement, aux agents des réserves naturelles et aux gardes du littoral en application des dispositions du code de l'environnement telles qu'elles résultent du présent décret, il n'est pas procédé à une nouvelle prestation de serment lorsque ces agents avaient prêté serment au titre d'un commissionnement délivré en application de dispositions du code de l'environnement antérieures à la date d'entrée en vigueur du présent décret ". L'article R. 322-25 du code de l'environnement applicable antérieurement au décret précité disposait : " Les gardes du littoral chargés des missions prévues à l'article L. 322-10-1 prêtent serment devant le tribunal d'instance dans le ressort duquel ils exercent leurs fonctions. Cette assermentation est enregistrée auprès du greffe des autres tribunaux d'instance si le garde exerce sa compétence sur le territoire de plusieurs tribunaux (...) ". Il résulte de l'instruction que M. E...G...et M. A...H...ont été commissionnés en qualité de gardes du littoral par arrêtés du 22 mars 2013 et qu'ils ont prêté serment auprès du tribunal de police de Bordeaux le 25 avril 2013. Ainsi, M. B...et M. F...ne sont pas fondés à contester la régularité de l'habilitation des auteurs des procès-verbaux constatant les faits litigieux.

6. La personne qui peut être poursuivie pour contravention de grande voirie est, soit celle qui a commis ou pour le compte de laquelle a été commise l'action qui est à l'origine de l'infraction, soit celle sous la garde de laquelle se trouvait l'objet qui a été la cause de la contravention.

7. Il résulte de l'instruction qu'en application de l'article L. 322-9 du code de l'environnement précité, le Conservatoire du littoral, propriétaire depuis le 17 novembre 2003 des terrains en cause classés dans son domaine propre, les a remis en gestion à un Centre permanent d'initiative pour l'environnement le 17 mars 2011 dans le but notamment de " remplacer progressivement la culture de céréales par un couvert plus intéressant du point de vue de la biodiversité ". Le site des Mattes de Paladon est classé Natura 2000 " Marais du Bas Médoc " et est identifié dans le SAGE Estuaire de la Gironde en tant que zone humide. Si le Conservatoire avait consenti, le 22 mars 2007, à M. B... une autorisation conventionnelle d'usage notamment de la parcelle C229 en vue d'y exercer une activité agricole, l'article 11 de cette autorisation prévoyait : " Toute sous-location, totale ou partielle est interdite à l'Exploitant sous quelque forme que ce soit. / Toutefois, l'Exploitant qui deviendrait membre exploitant au sein d'une société à objet majoritairement agricole pourra mettre la présente convention à la disposition de celle-ci, après accord exprès du Conservatoire (...), sous réserve que la durée ne puisse excéder celle pendant laquelle il restera titulaire de la convention d'usage et sans que cette mise à disposition ait pour effet de le dégager de ses obligations vis-à-vis du Conservatoire. / L'Exploitant restera seul titulaire de la présente convention et garant auprès du Conservatoire de la bonne exécution de toutes les clauses de la présente convention (...) ". Le 4 février 2014, M. B...a créé une société civile d'exploitation agricole dénommée " SCEA du Port " dont M. F...est devenu gérant le 23 avril 2014. Par courrier du 6 mai 2014, en application de l'article 11 de ladite autorisation conventionnelle, le Conservatoire du littoral a refusé de donner son accord pour mettre cette convention à la disposition de la SCEA du Port, en mettant en avant son souhait de développer à terme des prairies et pâturages sur le site plutôt qu'une céréaliculture intensive. Or, il résulte de l'instruction et notamment des énonciations des procès-verbaux de contravention de grande voirie des 6 août 2014 et 17 décembre 2014, dressés par agents assermentés, que M. F...a été vu sur le terrain en cause en train d'effectuer des travaux agricoles. Si le procès verbal du 6 août 2014 contient la référence à un courrier du 7 août 2014 alors qu'il comporte la mention " fait, clos et signé le 6 août 2014 ", cette seule mention qui se rapporte à la date de notification d'une lettre d'information adressée par le garde du littoral à M. B..., détenteur à titre personnel de l'autorisation d'exploitation de la parcelle en cause, pour l'informer de l'infraction constatée et l'inviter à régulariser la situation, ne suffit pas à établir une altération frauduleuse de la vérité, contrairement à ce que soutient M.B.... Ainsi, M. F... peut être regardé comme l'auteur matériel de l'infraction dès lors qu'il a travaillé les parcelles appartenant au conservatoire du littoral sans être titulaire d'aucune autorisation d'exploitation agricole. Par suite, c'est à bon droit que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a estimé que le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres pouvait déférer au tribunal tant M. B... que M. F...comme prévenus d'une contravention de grande voirie pour avoir effectué sans autorisation des travaux de drainage sur la parcelle C229.

8. Aux termes de l'article 4.2 de l'autorisation conventionnelle d'usage agricole : " L'Exploitant exploitera les biens en agriculteur soucieux d'une gestion durable, en respectant scrupuleusement le patrimoine naturel et paysager des biens grâce à de bonnes pratiques agricoles, et sans commettre ni souffrir qu'il y soit fait des dégradations (...) ". L'article 4.3 de cette même autorisation précise : " L'Exploitant ne pourra changer la destination des lieux, et notamment il ne pourra les modifier (accès, chemins, rigoles, fossés, talus, haies, etc) (...) ". Selon l'article 2 du cahier des charges annexé à ladite autorisation : " Sur les biens loués, il est interdit à l'Exploitant de : / (...) drainer ou modifier le fonctionnement hydraulique des terrains (...) ". M. B...s'était vu refuser le 5 juillet 2013 l'autorisation d'effectuer des travaux de drainage. Il résulte des énonciations du procès verbal du 17 décembre 2014 que le 28 novembre 2014 ont été constatés des fossés d'environ 60 à 70 centimètres de profondeur, de 80 à 100 centimètres de largeur pour un total métré de 436,90 mètres de linéaire, réalisés à l'aide d'un engin mécanique de curage sur la partie sud de la parcelle C229. Si M. B...conteste la qualification de " fossés " employée par le garde du littoral en énonçant qu'il s'agit de simples rigoles superficielles vouées à disparaître avec les prochains travaux de préparation des sols en vue des semis, il ne conteste pas que ces travaux de drainage ont été effectués sans demande d'autorisation ni déclaration auprès du conservatoire du littoral. En outre, M. B...n'apporte aucun élément probant permettant de remettre en cause les constatations du garde du littoral aux termes desquelles les travaux litigieux ont eu pour effet de transformer la gestion hydraulique d'un espace situé dans le site des Mattes de Paladon, inclus dans une zone naturelle d'intérêt écologique faunistique et floristique et une zone importante pour la conservation des oiseaux qui tire son intérêt ou son potentiel ornithologique du fait que les parcelles servent de reposoir à marée haute lorsque la vasière voisine est immergée. Par suite, le magistrat désigné a jugé à bon droit que l'infraction était constituée.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...et M. F...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux les a condamnés à payer une amende de 1 500 euros chacun, montant au demeurant non contesté devant la cour, et leur a enjoint de remettre les lieux en l'état dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'expiration de ce délai.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres, qui n'a pas dans la présente instance la qualité de partie perdante, une somme quelconque au titre des frais exposés par MM. B...et F...et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ces derniers, une somme globale de 1 500 euros à verser au Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B...et M. F...est rejetée.

Article 2 : M. B...et M. F...verseront au Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres la somme globale de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. I... B..., à M.I... F... et au Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres.

Délibéré après l'audience du 25 octobre 2018 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, président,

M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,

Mme Nathalie Gay-Sabourdy, premier-conseiller.

Lu en audience publique, le 29 novembre 2018.

Le rapporteur,

Nathalie GAY-SABOURDYLe président,

Catherine GIRAULT

Le greffier,

Virginie MARTY

La République mande et ordonne au préfet de la Charente-Maritime, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16BX04172


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX04172
Date de la décision : 29/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux répressif

Analyses

24-01-03-01 Domaine. Domaine public. Protection du domaine. Contraventions de grande voirie.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Nathalie GAY-SABOURDY
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : ERNST et YOUNG SOCIETE D'AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 04/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-11-29;16bx04172 ?
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