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29/11/2018 | FRANCE | N°16BX03277,16BX03291

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 29 novembre 2018, 16BX03277,16BX03291


Vu la procédure suivante :

Procédure antérieure :

La commission départementale d'aménagement commercial de la Haute-Garonne a émis le 3 mars 2016 un avis favorable sur la demande d'autorisation d'exploitation commerciale présentée par la société Immobilière européenne des Mousquetaires en vue de la création, après transfert et extension, d'un supermarché à l'enseigne " Intermarché " d'une surface de vente de

2 025 mètres carrés et d'un " drive " comprenant deux pistes de ravitaillement sur le territoire de la commune de Saint-Paul-sur-Save.

Par un

e décision du 7 juillet 2016, la commission nationale d'aménagement commercial (CNAC), sai...

Vu la procédure suivante :

Procédure antérieure :

La commission départementale d'aménagement commercial de la Haute-Garonne a émis le 3 mars 2016 un avis favorable sur la demande d'autorisation d'exploitation commerciale présentée par la société Immobilière européenne des Mousquetaires en vue de la création, après transfert et extension, d'un supermarché à l'enseigne " Intermarché " d'une surface de vente de

2 025 mètres carrés et d'un " drive " comprenant deux pistes de ravitaillement sur le territoire de la commune de Saint-Paul-sur-Save.

Par une décision du 7 juillet 2016, la commission nationale d'aménagement commercial (CNAC), saisie par les sociétés par actions simplifiée Difradis et Grenadine ainsi que la société en nom collectif Lidl, a rejeté les trois recours dirigés contre cet avis comme irrecevables.

Par un arrêté du 4 août 2016, le maire de la commune de Saint-Paul sur-Save a délivré le permis de construire correspondant au projet.

Procédures devant la Cour :

I. Par une requête enregistrée au greffe de la cour le 30 septembre 2016, sous le n° 16BX03277, et un mémoire complémentaire enregistré le 8 octobre 2018, la société par actions simplifiée Difradis, en la personne de son dirigeant en exercice et représentée par MeB..., demande à la cour d'annuler la décision de la commission nationale d'aménagement commercial du 7 juillet 2016 et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société soutient que :

- contrairement à ce qu'a estimé la commission nationale d'aménagement commercial (CNAC), elle dispose d'un intérêt à agir contre l'avis de la commission départementale d'aménagement commercial qui n'est pas contestable, dès lors que cet avis favorable à l'autorisation d'exploitation commerciale en cause lui fait grief. Elle a saisi la commission nationale d'aménagement commercial d'un recours préalable obligatoire contre cet avis autorisant la création d'un supermarché situé à quelques kilomètres seulement de l'établissement qu'elle exploite, dont il sera démontré qu'il est bien situé dans la zone de chalandise du projet attaqué ;

- la décision rejetant son recours n'a pas permis un examen du fond du projet par la commission nationale. Ce rejet lui fait manifestement grief. Elle est donc bien recevable à contester cette décision devant la cour, de surcroît dans les délais de recours contentieux ;

- la jurisprudence juge illégale une décision de la commission nationale d'aménagement commercial n'invitant pas le requérant concurrent à débattre de la pertinence de la délimitation de la zone de chalandise et à répondre aux objections de ses membres. La commission n'a pas fait droit à sa demande, formée dans son recours, d'être auditionnée lors de la séance d'examen du dossier ni ne l'a convoquée à cette séance, contrairement à ce qu'elle avait indiqué dans son courrier accusant réception du recours. L'absence de convocation l'a empêchée de débattre de la pertinence de la délimitation de la zone de chalandise par le pétitionnaire, et la commission n'a pas exercé son contrôle de l'exactitude de la zone de la chalandise du magasin incriminé ;

- le pétitionnaire a méconnu les dispositions de l'article R. 752-3 du code de commerce en délimitant la zone de chalandise à un temps d'accès en voiture de 22 minutes sans y inclure son magasin, situé à sept kilomètres de la parcelle d'assiette du projet, soit sept minutes en voiture sur un trajet en ligne droite empruntant uniquement la route nationale 224. Le motif retenu par le pétitionnaire pour réduire cette zone à l'est, soit la barrière géographique et psychologique constituée par le pôle commercial de Toulouse et de son agglomération n'apparaît pas fondé, dès lors qu'il ressort de la simple lecture de la carte localisant les pôles commerciaux environnants que les communes de Mondonville et Cornebarrieu ne font manifestement pas partie du pôle commercial toulousain. La volonté d'exclure les concurrents du pétitionnaire de sa zone de chalandise est manifeste dans la mesure où ce dernier a omis de lister les onze autres pôles commerciaux compris dans la zone de chalandise de 22 minutes de trajet en voiture, en se bornant à citer uniquement le pôle de l'agglomération toulousaine. Les trois recours ont été portés par des magasins situés en dehors de la zone de chalandise dessinée par le pétitionnaire, ce qui aurait dû inciter la commission à s'interroger sur l'exactitude de la délimitation de la zone de chalandise qui lui était soumise ;

- l'étude géomarketing qu'elle produit montre que le magasin qu'elle exploite est largement fréquenté par la clientèle résidant dans la commune de Saint-Paul-sur-Save, mais également par une clientèle résidant vers Toulouse. Dans ces conditions, la clientèle du magasin Intermarché viendra de l'Est comme de l'Ouest suivant le même schéma, et l'exclusion de la commune de Mondonville de la zone de chalandise du projet n'apparaît pas sérieuse ;

- le Conseil d'Etat a récemment reconnu l'intérêt pour agir devant la commission nationale d'aménagement commercial d'un requérant implanté en dehors de la zone de chalandise du projet, mais dont la zone de chalandise se chevauche avec celle du projet contesté. Or en l'espèce, elle justifie que sa zone de chalandise s'étend jusqu'à la commune de Saint-Paul-sur-Save, et même au-delà. Dans ces conditions, son intérêt pour agir est bien établi.

La commission nationale d'aménagement commercial a produit des pièces par un bordereau enregistré le 28 novembre 2016.

Par un mémoire en défense enregistré le 16 décembre 2016, la société Immobilière européenne des Mousquetaires, représentée par MeA..., conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à titre subsidiaire, à ce qu'il soit enjoint à la commission nationale d'aménagement commercial d'examiner le recours de la société Difradis dans les quatre mois du prononcé de l'arrêt ;

3°) à la mise à la charge de la société Difradis de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la cour devra déterminer si la CNAC, en déclarant irrecevable le recours de la société Difradis dirigé contre l'avis de la commission départementale, a pris une décision faisant grief susceptible de recours ou si c'est le seul arrêté de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale qui peut faire l'objet d'un recours ;

- l'absence de convocation à la séance de la commission nationale de la société requérante n'a pas eu d'influence sur le sens de la décision dès lors que le recours a été déclaré irrecevable après examen des éléments concernant la zone de chalandise et de la situation des requérants ainsi qu'en atteste la fiche d'irrecevabilité dressée par le service instructeur et produite par la commission ;

- la recevabilité d'un recours devant la CNAC est conditionnée cumulativement à la présence du requérant concurrent dans la limite de la zone de chalandise définie par le projet et dont l'activité est susceptible d'être affectée par celui-ci. Il résulte de la définition issue de l'article R. 752-3 du code de commerce, que la zone de chalandise n'est pas forcément isochrone, de sorte que le débat engagé par la société Difradis sur le temps de déplacement entre son magasin et le projet apparaît sans intérêt. La commune de Mondonville fait partie des 37 communes membres de Toulouse Métropole, contrairement à Saint-Paul-sur-Save, et est située aux portes de Toulouse, à proximité immédiate de l'aéroport de Blagnac et d'un pôle commercial très important à onze minutes de trajet de Mondonville comprenant notamment un hypermarché d'une surface de vente de 14 300 mètres carrés de surface de vente et une galerie marchande de 120 magasins. La zone de chalandise du magasin litigieux est constituée exclusivement de communes rurales dont la population est inférieure à 2 000 habitants. Le document produit par la société Difradis ne concerne en fait que sa propre zone de chalandise, laquelle apparaît distincte de celle du projet en cause. Ainsi, la société Difradis ne remplit pas la double condition prévue par l'article L. 752-17 du code de commerce.

Une ordonnance du 29 janvier 2018 a fixé la clôture de l'instruction au 13 avril 2018 à 12 heures.

La commission nationale d'aménagement commercial a produit un mémoire le 24 octobre 2018, postérieurement à la clôture de l'instruction.

II. Par une requête enregistrée le 4 octobre 2016, sous le n° 16BX03291, et un mémoire de production de pièces enregistré le 20 décembre 2016, la société par actions simplifiée Difradis, en la personne de son dirigeant en exercice et représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler le permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale délivré le 4 août 2016 par le maire de Saint-Paul-sur-Save ;

2°) d'enjoindre à la commission nationale d'aménagement commercial de réexaminer le projet en cause dans un délai de quatre mois suivant la notification de la décision à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Paul-sur-Save la somme de

5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société Difradis soutient que :

- elle est recevable à demander l'annulation de l'arrêté de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale dès lors qu'elle a intérêt à agir et qu'elle a déposé un recours préalable obligatoire devant la commission nationale d'aménagement commercial, et attaqué la décision du 7 juillet 2016 rejetant son recours comme irrecevable ;

- le permis va profondément modifier les habitudes de consommation des habitants de la zone de chalandise et par conséquent celles des clients fréquentant son magasin situé à quelques kilomètres seulement du terrain d'assiette du projet ;

- l'arrêté de permis de construire est entaché d'un vice de procédure en ce que la commission nationale d'aménagement commercial n'a pas invité la requérante à défendre son recours lors de la réunion au cours de laquelle le projet contesté devait être examiné, en méconnaissance de l'article R. 752-36 du code de commerce ;

- l'étude des flux de circulation figurant dans le dossier de demande d'autorisation d'exploitation commerciale se base sur une méthode erronée de comptage des véhicules, et un résultat au demeurant ancien. Le flux additionnel engendré par le projet, estimé à 240 véhicules par jour, soit près de 40 % de plus que la fréquentation du magasin actuel, n'apparaît pas réaliste alors que le projet prévoit un doublement de la surface de vente. Les informations diffuses et incohérentes ne permettent pas d'apprécier concrètement l'impact du projet en termes de flux de circulation, notamment sur la rue d'Encolaou par laquelle on accède au magasin. Le dossier ne comporte par ailleurs aucune information relative aux flux liés à la reconversion du bâtiment accueillant l'actuel magasin. Le terrain d'assiette du projet n'est pas desservi de façon sécurisée pour les piétons, sans trottoir ou passage piétons et n'est pas davantage correctement desservi par les transports en commun ;

- le magasin est éloigné des commerces existants, sur un terrain à usage agricole. Ce projet n'a aucune vocation de proximité. Contrairement à ce qu'a considéré la commission départementale d'aménagement commercial, il ne participera pas à l'animation de la vie locale mais créera au contraire un déséquilibre dans le tissu urbain, une discontinuité particulièrement mal venue et ne peut être considéré comme un commerce de taille moyenne dans un territoire rural et une ville de près de 1 400 habitants ;

- la société pétitionnaire ne justifie aucunement dans son dossier de la raison pour laquelle elle a choisi de transférer son magasin sur un terrain immédiatement voisin, plus vaste, au lieu de procéder à la restructuration de son bâtiment sur place, le cas échéant en réalisant les places de stationnement en souterrain ou en toiture du magasin. Si elle indique que le bâtiment actuel sera réaffecté à une nouvelle activité commerciale, force est de constater qu'aucune certitude n'existe sur ce point. Le projet conduit à la création d'une friche commerciale et ne répond donc pas aux exigences du code de commerce s'agissant de l'utilisation économe de l'espace ;

- ce projet ne comporte pas d'éléments permettant de s'assurer que les accès routiers seront réalisés, notamment le rond-point prévu à l'intersection de la route de Cox et de la rue des Pyrénées. La délibération du département produite dans le dossier, sans convention ni calendrier des travaux, ne garantit nullement le caractère certain de cet aménagement, lequel n'est par ailleurs reporté sur aucun plan. Le cheminement des camions de livraison sur l'aire de stationnement réservée à la clientèle et l'accès unique du magasin par l'ensemble des véhicules est une source d'insécurité pour la clientèle ;

- le dossier comporte des informations inexactes et incohérentes sur le nombre de places de stationnement, d'abord prévu à 179 puis à 139. Compte tenu du doublement de la surface de vente et de la forte croissance attendue de la fréquentation, l'aire de stationnement prévue apparaît nettement sous-dimensionnée ;

- le projet ne prévoit aucune mesure de nature à limiter ou à compenser l'imperméabilisation des sols, ainsi que l'a souligné le rapporteur devant la commission départementale, ce qui apparaît d'autant plus préjudiciable que le projet conduit à impacter des terrains agricoles ;

- l'insertion paysagère du projet, en bardage, très classique et dont l'architecture est à présent datée et ne reprend aucun code de l'architecture locale, est insuffisante ;

- les engagements du pétitionnaire pour le développement durable apparaissent a minima, s'agissant du respect de la règlementation thermique 2012, sans aucun effort particulier sur ce point. L'utilisation des énergies renouvelables est elle aussi limitée au strict minimum ;

- les mesures propres à valoriser les filières de production locale sont peu développées.

- les conditions de dessertes de l'ensemble commercial ne sont absolument pas sécurisées et conduisent à rendre l'accès au projet dangereux. Le projet méconnaît donc le critère de protection du consommateur inscrit à l'article L. 752-6 du code de commerce.

Par un mémoire en défense enregistré le 16 décembre 2016, la société anonyme Immobilière européenne des Mousquetaires (IEM), représentée par MeA..., conclut :

1°) au rejet de la requête comme irrecevable ou non fondée ;

2°) à titre subsidiaire, à ce que le permis soit annulé en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale et à ce qu'il soit enjoint à la commission nationale d'aménagement commercial d'examiner le recours de la société Difradis dans les quatre mois du prononcé de l'arrêt ;

3°) à la mise à la charge de la société Difradis et de la commune de Saint-Paul-sur-Save la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société IEM fait valoir que :

- s'agissant de la recevabilité de la demande et du moyen tiré de l'irrégularité de la procédure en l'absence de convocation de la requérante à la séance de la CNAC, dans l'hypothèse où la cour reconnaîtrait un intérêt pour agir de la société Difradis ou retiendrait le moyen de légalité externe précité, il devra être enjoint à la CNAC de réexaminer le projet et de statuer au fond sur ce recours ;

- le projet consiste à créer par transfert et agrandissement un magasin à l'enseigne " Intermarché " exploité depuis 2005, dont l'extension n'est pas possible sur le terrain existant. Le déplacement est prévu sur un terrain mitoyen dans la même zone, la surface de vente passant de 1 000 à 2 025 mètres carrés. Les deux pistes d'enlèvement de marchandises " drive ", accolées au magasin, seraient également déplacées au contraire des cinq boutiques et de la station service et de lavage présentes, qui resteraient à leur emplacement actuel. La population de la zone de chalandise, constituée de communes rurales où aucun magasin alimentaire d'une surface équivalente n'est recensé, a connu une augmentation de 42,21 % entre 1999 et 2012. Les habitants de la commune, dont le centre-ville n'abrite aucun commerce, et de ce secteur pourront ainsi bénéficier d'une offre modernisée dans un secteur dédié aux activités diverses et le projet permettrait de maîtriser l'évasion commerciale vers les grands centres implantés dans l'agglomération toulousaine distante de près de 25 kilomètres. Le projet se situe dans la continuité du tissu urbain, dans un secteur anciennement agricole identifié comme susceptible d'accueillir des activités commerciales par le schéma de cohérence territoriale du Nord Toulousain, et jouxte une zone d'habitats individuels alors que deux projets de lotissements sont également prévus à proximité. Le bâtiment actuel a fait l'objet d'une offre de reprise par une enseigne spécialisée dans le jardinage ;

- la réalisation du giratoire sur la route départementale 1, aménagement figurant sur le plan de masse du dossier de demande, a été actée par le département, le montant des travaux est estimé à 146 170 euros et une convention avec le maire de la commune a été signée deux mois avant que la CDAC ne statue. Le flux des clients du magasin, actuellement de 600 par jour, est estimé après extension à 840 par jour, le rapporteur devant la CDAC ayant qualifié cette augmentation d'acceptable. Contrairement à ce que soutient la société Difradis, l'augmentation du nombre de clients n'est jamais proportionnelle à l'augmentation de surface de vente. Elle n'apporte aucun élément étayant ses affirmations selon lesquels ces flux auraient été sous-estimés, étant entendu que le flux lié au drive de 20 véhicules et qui devrait passer à 50 véhicules par jour est intégré dans ces chiffres. L'impact du flux de livraisons, au demeurant distinct de celui des clients, est nul car celles-ci s'effectuent en dehors des heures d'ouverture et sans croisement possible avec le flux des clients ;

- l'accès à pied depuis le centre bourg au projet est possible par le biais de trottoirs et passages piétons ainsi que par une rue parallèle à la RD 1, et une piste cyclable relie le site au centre bourg de la commune. Deux arrêts de bus sont situés à proximité du projet à 400 et

600 mètres. Le critère de l'aménagement du territoire est donc respecté ;

- sur celui du développement durable, le projet a été conçu dans un souci de compacité architecturale avec un bâtiment le plus cubique possible afin de limiter la perte d'énergie. Le projet recourt aux énergies renouvelables, notamment par l'implantation de candélabres alimentés par l'énergie solaire et permet la récupération des eaux de ruissellement et leur stockage dans des noues paysagères. Les espaces verts représenteront près de 34 % de l'emprise foncière, et l'ensemble des nuisances générées par le magasin ont fait l'objet d'un traitement approprié ;

- pour ce qui concerne le critère de la protection du consommateur et le critère social, le projet permettra la création de 20 emplois s'ajoutant aux 20 emplois existants. Le point de vente s'approvisionnera auprès de nombreux producteurs locaux. Les consommateurs disposeront ainsi d'un point de vente alimentaire de proximité plus confortable et avec une gamme de produits élargie, ce qui limitera les flux de circulation vers les pôles de l'agglomération toulousaine.

La commission nationale d'aménagement commercial a produit des pièces par un bordereau enregistré le 7 août 2017.

Une ordonnance du 29 janvier 2018 a fixé la clôture de l'instruction au 13 avril 2018 à 12 heures.

Par une lettre du 18 octobre 2018, les parties ont été informées qu'en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, la cour était susceptible de surseoir à statuer sur la légalité du permis de construire au motif que l'irrégularité tenant à l'irrecevabilité opposée à tort par la commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) au recours présenté par la société Difradis peut être régularisée après nouvel examen par la CNAC de ce recours.

Par des mémoires enregistrés respectivement les 23 octobre 2018 et 24 octobre 2018, la société Difradis et la société Immobilière Européenne des Mousquetaires ont présenté leurs observations.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 25 octobre 2018 :

- le rapport de Mme Nathalie Gay-Sabourdy,

- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteur public ;

- et les observations de MeC..., représentant la société Difradis et les observations de MeA..., représentant la société Immobilière Européenne des Mousquetaires et la commune de Saint-Paul-sur-Save.

Considérant ce qui suit :

1. La commission départementale d'aménagement commercial de la Haute-Garonne a émis, le 3 mars 2016, un avis favorable sur la demande d'autorisation d'exploitation commerciale présentée par la société Immobilière européenne des Mousquetaires en vue de la création, après transfert et extension, d'un supermarché à l'enseigne " Intermarché " d'une surface de vente de 2 025 mètres carrés et d'un " drive " comprenant deux pistes de ravitaillement, sur le territoire de la commune de Saint-Paul-sur-Save. La commission nationale d'aménagement commercial, saisie d'un recours par les sociétés Difradis, Grenadine et Lidl, exploitantes de supermarchés sur des communes voisines, a décidé dans sa séance du 7 juillet 2016 de rejeter ces recours comme irrecevables en l'absence d'intérêt à agir, au motif que ces sociétés n'étaient pas situées dans la zone de chalandise définie pour le projet. Par un arrêté du 4 août 2016, le maire de la commune de Saint-Paul sur-Save a délivré le permis de construire correspondant au projet pour une surface de plancher créée de 3 676 mètres carrés sur une parcelle cadastrée section B n° 510. Par deux requêtes enregistrées respectivement sous les n° 16BX03277 et 16BX03291, la société par actions simplifiée Difradis, exploitante d'un supermarché à l'enseigne " Carrefour Market " sur la commune de Mondonville, demande d'une part, l'annulation de la décision de la commission nationale d'aménagement commercial du 7 juillet 2016 et d'autre part, l'annulation du permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale du 4 août 2016.

Sur la jonction :

2. Les requêtes n° 16BX03277 et 16BX03291 concernent le même projet, et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre afin de statuer par un seul arrêt.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. Aux termes de l'article R. 311-3 du code de justice administrative : " Les cours administratives d'appel sont compétentes pour connaître en premier et dernier ressort des litiges relatifs aux décisions prises par la Commission nationale d'aménagement commercial en application de l'article L. 752-17 du code de commerce ". L'article L.600-10 du code de l'urbanisme donne également compétence aux cours administrative d'appel pour connaître en premier et dernier ressort des litiges relatifs au permis de construire tenant lieu d'autorisation d'exploitation commerciale prévu à l'article L.425-4. Aux termes de l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet est soumis à autorisation d'exploitation commerciale au sens de l'article L. 752-1 du code de commerce, le permis de construire tient lieu d'autorisation dès lors que la demande de permis a fait l'objet d'un avis favorable de la commission départementale d'aménagement commercial ou, le cas échéant, de la Commission nationale d'aménagement commercial. (...) / A peine d'irrecevabilité, la saisine de la commission nationale par les personnes mentionnées à l'article L. 752-17 du même code est un préalable obligatoire au recours contentieux dirigé contre la décision de l'autorité administrative compétente pour délivrer le permis de construire ". Aux termes de l'article L. 752-17 du code de commerce : " I.-Conformément à l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme, le demandeur, le représentant de l'Etat dans le département, tout membre de la commission départementale d'aménagement commercial, tout professionnel dont l'activité, exercée dans les limites de la zone de chalandise définie pour chaque projet, est susceptible d'être affectée par le projet ou toute association les représentant peuvent, dans le délai d'un mois, introduire un recours devant la Commission nationale d'aménagement commercial contre l'avis de la commission départementale d'aménagement commercial. / La Commission nationale d'aménagement commercial émet un avis sur la conformité du projet aux critères énoncés à l'article L. 752-6 du présent code, qui se substitue à celui de la commission départementale. En l'absence d'avis exprès de la commission nationale dans le délai de quatre mois à compter de sa saisine, l'avis de la commission départementale d'aménagement commercial est réputé confirmé. / A peine d'irrecevabilité, la saisine de la commission nationale par les personnes mentionnées au premier alinéa du présent I est un préalable obligatoire au recours contentieux dirigé contre la décision de l'autorité administrative compétente pour délivrer le permis de construire. Le maire de la commune d'implantation du projet et le représentant de l'Etat dans le département ne sont pas tenus d'exercer ce recours préalable (...) ".

4. Aux termes de l'article L. 113-1 du code de justice administrative : " Avant de statuer sur une requête soulevant une question de droit nouvelle, présentant une difficulté sérieuse et se posant dans de nombreux litiges, le tribunal administratif ou la cour administrative d'appel peut, par une décision qui n'est susceptible d'aucun recours, transmettre le dossier de l'affaire au Conseil d'Etat, qui examine dans un délai de trois mois la question soulevée. Il est sursis à toute décision au fond jusqu'à un avis du Conseil d'Etat ou, à défaut, jusqu'à l'expiration de ce délai ".

5. La société par actions simplifiée Difradis, exploitante d'un supermarché à l'enseigne " Carrefour Market " sur la commune de Mondonville, demande d'une part, l'annulation de la décision de la commission nationale d'aménagement commercial du 7 juillet 2016 rejetant son recours comme irrecevable, et d'autre part, l'annulation du permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale du 4 août 2016. Ce litige présente à juger les questions suivantes :

1°) La circonstance que la commission nationale d'aménagement commercial ne s'est pas prononcée au fond sur un recours, mais s'est bornée à le considérer comme irrecevable, est-elle de nature à ouvrir au requérant la possibilité de saisir directement la cour administrative d'appel d'une demande d'annulation pour excès de pouvoir de cette décision, sans attendre la délivrance d'un permis de construire pour contester le bien-fondé de cette irrecevabilité '

S'il est recevable à le faire, est-il également recevable à demander ensuite l'annulation du permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale '

2°) Dans l'hypothèse d'une réponse négative à la première question, le concurrent commercial est-il recevable à contester le permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale alors que son recours administratif préalable obligatoire a été jugé irrecevable '

3°) L'annulation ou la déclaration de l'illégalité de la décision d'irrecevabilité opposée à son recours par la commission nationale d'aménagement commercial par la cour administrative d'appel emporte-t-elle :

a) annulation du permis de construire en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale pour irrégularité de la procédure, dès lors que le recours devant la CNAC serait regardé comme constitutif d'une garantie au sens de la jurisprudence Danthony (CE, Assemblée, 23 décembre 2011 n° 335033) '

b) injonction à la commission nationale d'aménagement commercial de se prononcer à nouveau sur le recours, et sursis à statuer sur la légalité du permis de construire en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale, le cas échéant sur le fondement et avec les garanties de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme '

c) obligation pour la cour de se prononcer elle-même sur les moyens du recours qui avait été présenté à la commission nationale d'aménagement commercial contestant la conformité de l'autorisation avec les critères définis par le code de commerce '

6. Ces questions sont des questions de droit nouvelles, présentant des difficultés sérieuses et susceptibles de se poser dans de nombreux litiges. Dès lors, il y a lieu de surseoir à statuer sur les requêtes de la société Difradis et de transmettre pour avis sur ces questions les dossiers des affaires au Conseil d'Etat.

DECIDE :

Article 1er : Les dossiers des requêtes n° 16BX03277 et 16BX03291 de la société Difradis sont transmis au Conseil d'Etat pour examen des questions de droit définies au point 5 du présent arrêt.

Article 2 : Il est sursis à statuer sur les requêtes de la société Difradis jusqu'à ce que le Conseil d'Etat ait fait connaître son avis sur les questions de droit définies dans les motifs du présent arrêt ou, à défaut, jusqu'à l'expiration du délai de trois mois à compter de la communication du dossier prévue à l'article 1er ci-dessus.

Article 3 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat, à la société par actions simplifiée Difradis, à la société anonyme Immobilière européenne des Mousquetaires, à la commune de Saint-Paul-sur-Save et au ministre de l'économie et des finances (commission nationale d'aménagement commercial). Copie en sera adressée pour information au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 25 octobre 2018 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, président,

M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,

M. Nathalie Gay-Sabourdy, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 novembre 2018.

Le rapporteur,

Nathalie GAY-SABOURDY Le président,

Catherine GIRAULT

Le greffier,

Virginie MARTY

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition certifiée conforme.

N° 16BX03277, 16BX03291 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX03277,16BX03291
Date de la décision : 29/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

14-02-01-05-02-02 Commerce, industrie, intervention économique de la puissance publique. Réglementation des activités économiques. Activités soumises à réglementation. Aménagement commercial. Procédure. Commission nationale d`aménagement commercial.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Nathalie GAY-SABOURDY
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : SELARL LETANG et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 04/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-11-29;16bx03277.16bx03291 ?
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