Vu la procédure suivante :
Procédures antérieures :
La société anonyme à responsabilité limitée Ville a saisi le tribunal administratif de Bordeaux de deux demandes tendant à l'annulation, d'une part, de la décision du 30 mai 2014 par laquelle le maire de Lanton a fait opposition à sa déclaration préalable de travaux déposée le 4 avril 2014 pour la réalisation d'une annexe à usage de stockage sur la façade ouest du restaurant qu'elle exploite allée Jacques Cartier et, d'autre part, de l'arrêté du 17 juillet 2014 par lequel le maire de Lanton a retiré la décision tacite de non-opposition née le 19 juin 2014 du silence gardé sur la déclaration préalable de travaux déposée par cette société le 18 avril 2014 pour régulariser l'adjonction d'un store déroulant démontable sur pieds, sur la façade sud du même immeuble.
Par deux jugements n° 1403602 et 1403754 du 4 mai 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ces deux demandes.
Procédures devant la Cour :
I) Par une requête enregistrée au greffe de la cour le 9 juin 2016 sous le
n° 16BX01895 et un mémoire complémentaire enregistré le 21 décembre 2017, la
SARL Ville, représentée par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1403754 du tribunal administratif de Bordeaux du 4 mai 2016 ;
2°) d'annuler l'arrêté du maire de Lanton du 30 mai 2014, ensemble la décision implicite de refus de retrait de cet arrêté ;
3°) de mettre à la charge de la commune la somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la majoration du délai d'instruction de la déclaration préalable à deux mois au motif que la consultation de l'architecte des Bâtiments de France était nécessaire est illégale dès lors que les dispositions relatives à la majoration du délai d'instruction ne sont applicables que lorsque le projet est soumis à un régime d'autorisation ou à des prescriptions prévues par d'autres législations ou réglementations que celles figurant dans le code de l'urbanisme, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ; l'avis de l'architecte des Bâtiments de France pour les travaux de construction en site inscrit ne constitue pas un avis conforme et le code de l'urbanisme se borne à prévoir que les travaux dans une telle hypothèse ne peuvent être entrepris qu'après un certain délai ; il appartenait à la commune de saisir l'architecte des Bâtiments de France en temps utile, ce qu'elle n'a pas fait ;
- la modification du délai d'instruction le 3 mai 2014 ne lui est pas opposable et elle était titulaire d'une autorisation tacite dès le 4 mai 2014 ; l'arrêté du 30 mai 2014 doit donc s'analyser comme une décision illégale de retrait de l'autorisation tacite née le 4 mai ;
- la décision de modification du délai d'instruction, qui ne précise pas le site classé dans lequel se trouve le terrain d'assiette du projet, n'était pas suffisamment motivée ;
- le motif tiré de l'avis défavorable émis par l'architecte des Bâtiments de France n'est pas fondé ; la commune n'était pas liée par cet avis simple et elle ne pouvait motiver sa décision en prenant comme seul motif l'avis défavorable de l'architecte des Bâtiments de France ;
- l'avis de l'architecte des Bâtiments de France ne lui a jamais été communiqué ; cet avis est illégal dès lors qu'il ne se prononce pas au regard de l'impact du projet sur le site inscrit mais seulement au regard du bâtiment, qui ne fait l'objet d'aucune protection particulière ;
- c'est à tort que le tribunal a retenu le moyen invoqué par la commune en défense et tiré de la méconnaissance de l'article ND1 du règlement du plan d'occupation des sols dès lors que la réalisation, en extension d'un établissement commercial existant, d'un local de stockage uniquement destiné à faciliter l'exploitation dudit établissement, peut être regardée comme un " aménagement tendant à ouvrir au public et à valoriser les espaces naturels " au sens de ce règlement ; elle bénéficie d'une autorisation d'occupation temporaire du domaine public et les travaux envisagés, nécessaires à l'exploitation de son restaurant, entrent dans le champ d'application de ces dispositions ;
- la commune n'a pas démontré, ainsi qu'il lui incombe, que les deux déclarations préalables de travaux ne permettaient pas la régularisation de l'ensemble des constructions irrégulièrement édifiées sur la parcelle cadastrée section BA n° 308 ; ce motif ne peut donc se substituer aux motifs illégaux opposés par le maire dans la décision en litige.
Par deux mémoires en défense enregistrés respectivement les 20 octobre 2017 et 23 mars 2018, la commune de Lanton, en la personne de son maire en exercice et représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la SARL Ville de la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La commune fait valoir que :
- le procès-verbal d'infraction établi par la police municipale le 3 avril 2014 indique que la SARL Ville a édifié, sans solliciter aucune autorisation d'urbanisme, une extension du bâtiment existant consistant en un bar couvert de 23 mètres carrés environ, ainsi qu'une couverture de terrasse de 6 mètres sur 12, en violation flagrante de l'autorisation d'occupation temporaire du domaine public délivrée le 8 janvier 2014 pour une terrasse en caillebottis ; si la SARL Ville a souhaité régulariser la couverture de terrasse qu'elle a illégalement réalisée en déposant le 18 avril 2014 une déclaration préalable de travaux en ce sens, elle n'a engagé aucune procédure de régularisation du bar couvert édifié dans des conditions tout aussi illégales, alors qu'elle avait l'obligation de demander la régularisation de l'ensemble des modifications apportées au bâtiment ; la déclaration de travaux en litige portant sur un bâtiment illégalement modifié, la jurisprudence confirme qu'en l'absence de demande de régularisation du bar, les déclarations de travaux concernant une annexe affectée au stockage et la pose de stores amovibles ne peuvent recevoir une suite favorable ; elle était donc tenue de former une opposition à ces travaux ; dans l'hypothèse où les motifs invoqués à l'appui de l'arrêté attaqué seraient erronés, elle serait fondée à solliciter une substitution de motifs par celui énoncé ci-dessus ;
- en s'abstenant de faire porter sa déclaration préalable sur les deux aménagements illégaux constatés dans le procès-verbal d'infraction établi par la police municipale le 3 avril 2014, la SARL Ville n'a pas satisfait à l'obligation de demander la régularisation par une seule décision de 1'ensemble des modifications apportées au bâtiment ; au demeurant, la déclaration séparée portant sur une annexe de 19,90 m² de surface de plancher environ ne saurait régulariser le bâtiment de 23 m² constaté par la police municipale ;
- contrairement, à ce que soutenait la SARL Ville devant le tribunal, le délai d'instruction de la déclaration de travaux déposée le 4 avril 2014 était bien, comme indiqué dans la lettre du maire du 28 avril 2014, de deux mois en application des articles R. 423-24 et R. 425-30 du code de l'urbanisme dès lors que le projet se situe dans un site inscrit et donc nécessitant un avis de l'architecte des Bâtiments de France, de sorte qu'aucune décision tacite de non-opposition n'a pu naître ni être illégalement retirée ;
- s'il est exact que la modification du délai d'instruction doit être motivée en vertu des dispositions de l'article R. 423-42 du code de l'urbanisme, la lettre précitée du 28 avril 2014 expose parfaitement que la déclaration de travaux en site inscrit doit être soumise à l'avis de l'architecte des bâtiments de France ; il ne saurait sérieusement lui être reproché de ne pas préciser le site concerné, soit en l'espèce le bois des Pins, alors que l'inscription est publiée et que la SARL Ville ne peut ignorer le nom du site où elle exploite son restaurant ;
- le maire ne s'est pas considéré lié par 1'avis défavorable émis le 19 mai 2014 par l'architecte des Bâtiments de France mais s'en est approprié le contenu pour retirer, au vu de cet avis, la décision tacite de non-opposition à la déclaration de travaux en cause ; l'architecte, dont l'avis doit porter sur tous les aspects de la construction envisagée dans un site selon la jurisprudence, était dès lors habilité à relever que le traitement architectural du local de stockage projeté était insuffisant et que le projet, faisant face au port de plaisance et au Bassin d'Arcachon était de nature à porter atteinte à l'état des lieux ;
- si selon la SARL Ville, le local de stockage en cause serait le type même d'aménagement visé par les dispositions de l'article ND 1-3 a du règlement du plan d'occupation des sols de la commune, la réalisation de cette extension uniquement destinée à faciliter l'exploitation d'un établissement commercial et de surcroît non accessible au public, n'a strictement rien à voir avec les aménagements " tendant à ouvrir au public et à valoriser des espaces naturels " ou dont le but est de faciliter 1'accès du public à des espaces naturels, grâce à des aménagements limités permettant de mettre en valeur ces espaces dans des conditions aussi respectueuses que possible de ceux-ci, visés par ces dispositions, d'autant que cette construction relève de la seule initiative de la société sans aucune concertation avec la commune comme l'exige pourtant le règlement précité ; la circonstance qu'elle bénéficie d'une autorisation d'occupation temporaire du domaine public maritime pour exploiter l'établissement commercial en cause ne saurait la faire participer à " l'ouverture au public des espaces naturels " ni l'affranchir du respect des prescriptions d'urbanisme en vigueur.
Par une ordonnance du 27 mars 2018, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 29 juin 2018 à 12 heures.
II) Par une requête enregistrée au greffe de la cour le 9 juin 2016 sous le n° 16BX01896 et un mémoire enregistré le 21 décembre 2017, la SARL Ville, représentée par MeC..., demande à la cour d'annuler l'arrêté du 17 juillet 2014 par lequel le maire de Lanton a retiré la décision tacite de non-opposition née du silence gardé sur la déclaration préalable de travaux qu'elle a déposée le 18 avril 2014 pour régulariser l'adjonction d'un store déroulant démontable sur pieds, sur la façade sud de l'immeuble abritant le restaurant qu'elle exploite et de mettre à la charge de la commune la somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'autorisation tacite dont elle est en droit de se prévaloir date du 19 mai 2014, et non du 12 juin suivant comme l'indique le jugement ; la commune lui a d'abord adressé un courrier daté du 12 mai 2014 par lequel elle lui a notifié une prolongation du délai d'instruction d'un mois supplémentaire ; toutefois, ce courrier ne lui a pas été adressé dans le délai d'un mois à compter du dépôt du dossier fixé à l'article R. 423-42 du code de l'urbanisme, ce qui a conduit la commune à penser, à tort, qu'une décision implicite ne pouvait naître à son profit que le 12 juin suivant ; puis la commune a attendu le 13 juin 2014 pour lui indiquer qu'en réalité le délai d'instruction qui lui était notifié n'était pas le bon, et qu'elle était bénéficiaire d'une autorisation née tacitement le 19 mai 2014 ; enfin, la commune a retiré par l'arrêté en litige du 17 juillet 2014 " l'autorisation tacite en date du 12 juin 2014 ", dont elle avait préalablement indiqué qu'elle n'existait pas ;
- la procédure contradictoire a été instaurée notamment avant tout retrait d'une décision individuelle créatrice de droit dans le but de permettre au pétitionnaire de faire valoir ses arguments sans avoir à s'interroger sur le point de savoir si à un quelconque moment l'administration lui a communiqué des informations erronées ; dans ces conditions, ce retrait d'une décision inexistante n'a aucune portée juridique et doit être annulé ;
- le tribunal a estimé à tort qu'en tout état de cause, au moins un des motifs de retrait de l'arrêté avait été évoqué dans le courrier du 13 juin 2014 lui indiquant que la commune envisageait de procéder au retrait de la décision tacite dont elle est bénéficiaire depuis le 19 mai 2014 pour des motifs tirés de l'avis défavorable de l'architecte des Bâtiments de France et du constat d'infraction dressé le 3 avril 2014 pour construction et occupation du sol sans autorisation ; ces deux documents n'étaient pas joints au courrier du maire ; faute pour la commune d'avoir répondu à sa demande du 20 mai 2014 de transmission de ces documents, elle n'a pas été mise en mesure de faire valoir utilement ses observations sur la décision de retrait envisagée, finalement prise à la suite d'une procédure irrégulière ;
- le motif tiré de la méconnaissance de l'article ND1 du plan d'occupation des sols de la commune n'était pas énoncé dans le courrier du maire du 13 juin ; la commune l'a indiscutablement privée de la garantie de pouvoir s'expliquer sur les motifs du retrait, d'autant que l'administration disposait d'un délai expirant le 19 août 2014 pour transmettre les documents demandés ou lui communiquer le nouveau motif ;
- la consultation préalable obligatoire de l'architecte des Bâtiments de France pour des travaux en site inscrit ne saurait avoir pour effet de faire obstacle à l'obtention d'une autorisation tacite d'occuper le sol ; par ailleurs, l'architecte des Bâtiments de France se prononce uniquement sur le traitement architectural du store sur le restaurant dont l'architecture date des années 1970 et qui n'est soumis à aucune protection particulière ; ainsi, la décision de retrait se borne à opposer pour partie les termes de l'avis de l'architecte des Bâtiments de France du 28 mai 2014 et de rajouter des considérations relatives à l'impact du projet sur le site inscrit, sur lequel l'architecte des Bâtiments de France ne s'est pas prononcé ; ce motif de refus apparaît ainsi irrégulier ; l'avis de l'architecte des Bâtiments de France ne lui a pas été communiqué ;
- le tribunal a retenu à bon droit que la commune n'était pas fondée à procéder au retrait de l'arrêté sur le motif tiré de la méconnaissance de l'article ND1 du règlement du plan d'occupation des sols ; ce moyen n'est au demeurant pas fondé dès lors que le restaurant qu'elle exploite est édifié sur le domaine public, et c'est précisément en vue de la mise en valeur du site et de son ouverture au public que la commune de Lanton lui a délivré une autorisation d'occupation temporaire du domaine public ; l'aménagement de la terrasse extérieure du restaurant face à la mer correspond donc parfaitement aux prévisions de l'article ND1 du plan d'occupation des sols, d'autant que le caractère limité de l'aménagement est incontestable puisqu'il consiste en la simple adjonction d'un store démontable sur pied et que cet ajout ne tend en aucun cas à compromettre l'équilibre des espaces naturels environnants, ce que n'aurait pas manqué de souligner l'architecte des Bâtiments de France dans son prétendu avis défavorable ; la réalisation d'une surface bâchée sur la terrasse du restaurant s'inscrit, tout comme l'exploitation en elle-même du restaurant, dans le cadre de l'ouverture au public des espaces naturels.
La commune de Lanton, prise en la personne de son maire en exercice et représentée par MeA..., a déposé deux mémoires en défense enregistrés les 20 octobre 2017 et 23 mars 2018, par lesquels elle conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la SARL Ville de la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- si la SARL Ville persiste à soutenir que la décision attaquée déclare, par erreur, retirer une autorisation tacite en date du 12 juin 2014, alors que l'autorisation tacite qu'elle retire est née le 19 mai 2014, cette erreur purement matérielle n'engendre aucun doute sérieux sur la date et l'objet de la décision retirée relative à l'" adjonction d'un store déroulant démontable sur pieds sur façade Sud d'un immeuble à usage de restaurant " ;
- selon la jurisprudence, le respect du principe du contradictoire, pour autant qu'il soit applicable à une mesure de police administrative, n'impose pas à l'administration de communiquer à l'intéressé les pièces dont celui-ci connaît l'existence et dont il est en mesure de réclamer la jonction. Eu égard à l'objet très limité de la déclaration préalable, la seule mention de l'avis défavorable de l'architecte des Bâtiments de France sur ce projet permettait à la SARL Ville de formuler utilement, si elle s'y croyait fondée, des observations au sujet de l'insertion paysagère du store en cause ; l'absence de communication de cet avis, comme d'ailleurs du procès-verbal d'infraction, au sujet duquel une réunion en mairie s'est tenue avec le gérant du restaurant et au cours de laquelle il a été informé des infractions relevées et a pu présenter ses observations, n'a pas eu d'influence sur la régularité de la procédure ;
- le courrier du 13 juin 2014 indique en outre que " le projet nécessite une ré instruction du dossier au regard du plan d'occupation des sols approuvé le 27 mars 2000 et notamment en zone ND ", ce qui soulève clairement la question de la conformité du projet aux dispositions règlementaires du plan d'occupation des sols applicables à cette zone ; à supposer même ce dernier motif illégal, celui tiré de l'avis défavorable rendu par l'Architecte des Bâtiments de France le 19 mai 2014 suffisait à légitimer le retrait en litige ; le maire aurait en effet pris la même décision afin d'éviter l'atteinte au site résultant du traitement architectural insuffisant du projet dénoncé dans cet avis ;
- la méconnaissance du règlement de la zone ND du plan d'occupation des sols est invoquée à nouveau en appel dans le cadre d'une demande de substitution de motifs dans un mémoire en défense communiqué au pétitionnaire, ce dernier pouvant ainsi présenter ses observations dans le cadre de l'instance contentieuse dans les mêmes conditions que celles dont il aurait bénéficié devant l'administration ;
- s'agissant des moyens tirés de l'absence de déclaration préalable portant sur l'ensemble des modifications apportées au bâtiment, du caractère régulier de l'avis défavorable de l'architecte des Bâtiments de France et de la méconnaissance des dispositions de l'article ND1 du plan d'occupation des sols, elle reprend les mêmes éléments que ceux invoqués en défense dans l'instance n° 16BX01895.
Par ordonnance du 27 mars 2018, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 29 juin 2018 à 12 heures.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 2000- 321 du 12 avril 2000 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique du 27 septembre 2018 :
- le rapport de M. Jean-Claude Pauziès ;
- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteur public,
- et les observations de MeB..., représentant la commune de Lanton.
Considérant ce qui suit :
1. Par deux décisions des 30 mai 2014 et 17 juillet 2014, le maire de Lanton a respectivement formé opposition à la déclaration préalable de travaux déposée le 4 avril 2014 par la SARL Ville pour la réalisation d'une annexe à usage de stockage sur la façade ouest du restaurant qu'elle exploite allée Jacques Cartier, et retiré la décision tacite de non-opposition née du silence gardé sur la déclaration préalable de travaux déposée par cette même société le 18 avril 2014 pour régulariser l'adjonction d'un store déroulant démontable sur pieds, sur la façade sud du même immeuble. Par deux requêtes enregistrées respectivement sous les n°s 16BX01895 et 16BX01896, la SARL Ville relève appel des jugements n° 1403754 et 1403602 du 4 mai 2016 par lesquels le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses demandes d'annulation de ces décisions.
Sur la jonction :
2. Les requêtes n° 16BX01895 et 16BX01896 concernent le même immeuble, les mêmes parties et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur la requête n° 16BX01895 :
En ce qui concerne le délai d'instruction :
3. En premier lieu, aux termes de l'article R. 423-23 du code de l'urbanisme : " Le délai d'instruction de droit commun est de : a) Un mois pour les déclarations préalables (...) " Aux termes de l'article R. 423-24 du même code, alors applicable : " Le délai d'instruction de droit commun prévu par l'article R. 423-23 est majoré d'un mois lorsque le projet est soumis, dans les conditions mentionnées au chapitre V, à un régime d'autorisation ou à des prescriptions prévus par d'autres législations ou réglementations que le code de l'urbanisme (...) " Aux termes de l'article R. 423-42 du même code : " Lorsque le délai d'instruction de droit commun est modifié en application des articles R. 423-24 à R. 423-33, l'autorité compétente indique au demandeur ou à l'auteur de la déclaration, dans le délai d'un mois à compter de la réception ou du dépôt du dossier à la mairie : (...) b) Les motifs de la modification de délai (...) " Aux termes de l'article R. 424-1 du même code alors en vigueur : " À défaut de notification d'une décision expresse dans le délai d'instruction déterminé comme il est dit à la section IV du chapitre III ci-dessus, le silence gardé par l'autorité compétente vaut, selon les cas : a) Décision de non-opposition à la déclaration préalable (...) " Aux termes de l'article R. 425-30 du même code : " Lorsque le projet est situé dans un site inscrit, la demande de permis ou la déclaration préalable tient lieu de la déclaration exigée par l'article L. 341-1 du code de l'environnement. Les travaux ne peuvent être entrepris avant l'expiration d'un délai de quatre mois à compter du dépôt de la demande ou de la déclaration. / La décision prise sur la demande de permis ou sur la déclaration préalable intervient après consultation de l'architecte des Bâtiments de France. "
4. La SARL Ville soutient qu'elle était titulaire d'une décision tacite de non opposition dès lors que le délai d'instruction ne pouvait être porté à deux mois, la consultation de l'architecte des Bâtiments de France n'étant pas nécessaire et l'avis de l'architecte des Bâtiments de France ne revêtant pas le caractère d'un avis conforme.
5. Il ressort des pièces du dossier que la SARL Ville a déposé une déclaration de travaux le 4 avril 2014 et que le maire de la commune de Lanton lui a notifié le 3 mai 2014, dans le délai d'un mois prévu par les dispositions précitées de l'article R. 423-42 du code de l'urbanisme, une décision du 28 avril 2014 dans laquelle il indiquait que le délai d'instruction du dossier était majoré d'un mois et porté à deux mois du fait de la situation du projet en site inscrit, nécessitant l'avis de l'architecte des Bâtiments de France. Par ailleurs, il est constant que le terrain d'assiette du projet est situé dans le site du "Bois de pins entourant la plage de Taussat-les-Bains", inscrit au titre de l'article L. 341-1 du code de l'environnement, en vertu d'un arrêté ministériel du 16 septembre 1942. Ainsi, en application des dispositions de l'article R. 425-30 du code de l'urbanisme, la décision du maire ne pouvait intervenir qu'après consultation de l'architecte des Bâtiments de France. Enfin, la circonstance que l'avis de l'architecte des Bâtiments de France soit un avis simple n'est pas de nature à démontrer que la décision par laquelle le maire a décidé de prolonger le délai d'instruction sur sa déclaration d'extension serait illégale. Par suite, la SARL Ville n'est pas fondée à soutenir qu'elle aurait été titulaire d'une décision tacite de non opposition.
6. La SARL Ville soutient en deuxième lieu que la décision fixant le nouveau délai d'instruction n'est pas suffisamment motivée. Toutefois, la décision de modification du délai d'instruction vise les textes applicables, en particulier l'article R. 423-24 du code de l'urbanisme, et fait état de ce que le projet de la SARL Ville se situe dans un site inscrit au titre de l'article L. 341-1 du code de l'environnement. Ainsi, et même si elle ne précise pas le site inscrit en cause, que la gérante du restaurant qui y est exploité depuis de nombreuses années ne pouvait au demeurant ignorer, la décision comporte donc les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde. Par suite, le moyen ne peut qu'être écarté.
7. En troisième lieu, la SARL Ville fait valoir que le maire se serait cru à tort tenu de suivre l'avis défavorable de l'architecte des Bâtiments de France. Quand bien même le maire de Lanton a repris dans sa décision du 30 mai 2014 les termes de l'avis émis par l'architecte des Bâtiments de France le 19 mai 2014, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il se serait cru lié par cet avis. Par suite, le moyen tiré de ce que le maire de Lanton aurait ainsi méconnu l'étendue de sa compétence, et entaché sa décision d'erreur de droit, doit être écarté.
8. En quatrième lieu, aucune disposition législative ou réglementaire n'imposait de communiquer au pétitionnaire l'avis seulement consultatif rendu par l'architecte des Bâtiments de France sur sa déclaration en site classé. Par suite, la circonstance que cet avis ne lui ait pas été adressé avant la décision d'opposition à déclaration préalable ne peut être utilement invoquée.
9. En cinquième lieu, pour émettre un avis défavorable, l'architecte des Bâtiments de France s'est fondé notamment sur l'insuffisance du traitement architectural du local de stockage projeté par la société requérante pour conclure que le projet est de nature à porter atteinte à l'état des lieux ou à leur aspect. Par suite, et contrairement à ce que soutient la société requérante, il a bien apprécié l'impact du projet sur le site inscrit.
10. En sixième lieu, la commune de Lanton a formé opposition à la déclaration préalable de travaux présentée par la SARL Ville le 4 avril 2014 en se fondant tant sur l'atteinte portée par le projet au site inscrit dit du "Bois de pins entourant la plage de Taussat-les-Bains", que sur la méconnaissance de l'article ND 1 du règlement du plan d'occupation des sols de la commune.
11. La SARL Ville n'apporte aucune critique utile à l'appréciation des premiers juges confirmant le second motif opposé par le maire, tiré de l'atteinte portée par le projet au site inscrit, dès lors que le bâtiment auquel l'annexe en cause est adossée fait partie intégrante du site du " Bois de pins entourant la plage de Taussat-les-Bains " inscrit au titre de la loi du 2 mai 1930 en vertu d'un arrêté ministériel du 16 septembre 1942, et que la construction envisagée d'une surface de plancher de 20 mètres carrés environ, non ouverte au public et accolée à un bâtiment situé à l'extrémité du port de Fontaine Vieille, en bordure immédiate du bassin d'Arcachon, s'avère particulièrement visible depuis le port et la plage, sans pour autant qu'un soin particulier soit apporté à son insertion vis-à-vis de la construction qu'elle complète, notamment du fait de la présence d'une menuiserie en PVC de teinte blanche sur trois de ses côtés.
12. Aux termes de l'article ND 1 "Occupations et utilisations du sol admises" du règlement du plan d'occupation des sols de Lanton, approuvé le 27 mars 2000 et applicable au litige : " Ne sont autorisées que les occupations et utilisations du sol suivantes : / (...) / 3. Les aménagements liés à l'ouverture au public des espaces naturels et à la valorisation de la zone à condition que : / a) les projets ne compromettent pas l'équilibre des espaces naturels environnants. / b) les aménagements ne comportent que des ouvrages d'infrastructure et de superstructure limités. / c) le programme et l'organisation des projets soient élaborés conjointement avec la commune et les services administratifs compétents. / (...) "
13. La SARL Ville fait valoir qu'elle dispose d'une autorisation d'occupation temporaire du domaine public sur lequel son restaurant est implanté et que les travaux envisagés entrent dans le champ d'application des dispositions précitées du règlement du plan d'occupation des sols dès lors qu'ils participent à l'ouverture au public et à la valorisation des espaces naturels. Toutefois, et ainsi que l'ont relevé à juste titre les premiers juges, l'appelante ne démontre ni que le local de stockage envisagé sur la façade ouest du bâtiment principal, particulièrement visible depuis le port et la plage et non ouvert au public, serait lié à l'ouverture au public des espaces naturels ou à la valorisation de la zone, ni même que l'extension projetée serait nécessaire au fonctionnement de l'établissement de restauration. D'autre part, si une autorisation d'occupation temporaire du domaine public maritime a été accordée à la gérante de la SARL Ville le 8 janvier 2014, pour " la création d'une surface complémentaire de 279 mètres carrés attenante au bâtiment sous forme de caillebotis, non couverte, en vue d'y accueillir les clients du restaurant ", cette autorisation ne peut au demeurant être assimilée, comme le laisse entendre la SARL Ville, à un accord de la commune sur les aménagements en litige. Le procès-verbal d'infraction dressé le 3 avril 2014 constatant l'extension du bâtiment principal d'une superficie de 23 mètres carrés sur cette surface complémentaire révèle que le projet n'a pas été élaboré conjointement avec la commune et les services administratifs compétents, contrairement à ce que prévoit le c) de l'article ND 1 précité. Par suite, c'est à bon droit que le maire de Lanton a retenu ce second motif pour s'opposer à la déclaration préalable de travaux déposée par la SARL Ville.
14. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la demande de substitution de motifs de la commune déjà invoquée en première instance et tirée de ce que la seule déclaration de travaux pour cette annexe ne pouvait régulariser l'ensemble des travaux irrégulièrement opérés sur ce bâtiment, que la SARL Ville n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 30 mai 2014.
Sur la requête n° 16BX01896 :
15. Il ressort des pièces du dossier que la déclaration préalable de travaux concernant l'adjonction d'un store déroulant démontable sur pieds sur la façade sud du bâtiment exploité par la SARL Ville a été déposée en ligne le 18 avril 2014. La lettre du 12 mai 2014 par laquelle le maire de Lanton a informé le pétitionnaire que le délai d'instruction était porté à deux mois dès lors que ce projet, situé au sein d'un site inscrit, nécessitait l'avis de l'architecte des Bâtiments de France, a été notifiée à la SARL Ville le 22 mai 2014, soit postérieurement au délai de notification prévu à l'article R. 423-18 du code de l'urbanisme précité. Il en résulte qu'une décision tacite de non-opposition est née le 18 mai 2014.
16. La SARL Ville soutient que la procédure contradictoire a été méconnue dès lors qu'elle n'a pas obtenu communication de l'avis de l'architecte des Bâtiments de France du 28 mai 2014. S'il est constant que le gérant de la SARL Ville avait été précédemment informé de la teneur des infractions constatées dans le procès-verbal du 3 avril 2014 au cours d'une réunion organisée en mairie le 2 avril, au cours de laquelle son gérant a pu présenter ses observations, en revanche, elle ne pouvait alors connaître les motifs de l'avis rendu seulement le 28 mai 2014 par l'architecte des Bâtiments de France, dont il est constant qu'il n'était pas joint au courrier du 13 juin 2014, et qu'il n'a pas été adressé ultérieurement malgré les observations du 20 juin 2014 de l'intéressée à la commune, se plaignant d'en ignorer les motifs. En outre, cette invitation à présenter des observations ne faisait aucunement référence à une volonté de retrait au regard du règlement de la zone ND du plan d'occupation des sols, la nécessité d'une " réinstruction " évoquée sur ce point ne pouvant être invoquée comme motif de retrait. Dans ces conditions, la SARL Ville est fondée à soutenir que le retrait attaqué est intervenu au terme d'une procédure irrégulière, qui ne la mettait pas en mesure de se prononcer sur aucun des motifs de retrait envisagés.
17. L'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.
18. La commune de Lanton sollicite une substitution de motifs en relevant que la SARL Ville n'a pas déposé de déclaration préalable portant sur l'ensemble des modifications apportées au bâtiment. Il est constant que la SARL Ville n'a pas présenté une demande portant sur les deux aménagements illégaux constatés dans le procès-verbal d'infraction établi par la police municipale le 3 avril 2014, et ne conteste pas que le bar a été irrégulièrement aménagé. Par suite, le maire de Lanton était tenu de s'opposer aux travaux déclarés et il y a lieu de faire droit à la demande de substitution de motifs présentée par la commune de Lanton, laquelle n'a pas pour effet de priver la requérante d'une garantie procédurale liée au motif substitué.
19. Le maire de la commune de Lanton se trouvant en situation de compétence liée pour rejeter la demande de la SARL Ville, l'irrégularité de procédure relevée au point 16 et les autres moyens dirigés contre la décision attaquée sont alors inopérants.
20. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Ville n'est pas fondée à se plaindre de ce que le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du maire de Lanton du 17 juillet 2014.
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mises à la charge de la commune de Lanton, qui n'est pas dans ces deux instances la partie perdante, les sommes que demande la SARL Ville sur leur fondement. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SARL Ville la somme que la commune de Lanton demande au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Les requêtes de la SARL Ville sont rejetées.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Lanton présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société anonyme à responsabilité limitée Ville et à la commune de Lanton.
Délibéré après l'audience du 27 septembre 2018 à laquelle siégeaient :
- Mme Catherine Girault, président,
- M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,
- Mme Nathalie Gay-Sabourdy, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 25 octobre 2018.
Le rapporteur,
Jean-Claude PAUZIÈS Le président,
Catherine GIRAULT Le greffier,
Virginie MARTY
La République mande et ordonne au préfet de la Gironde, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N°16BX01895, 16BX01896 11