Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SELARL Michel Corbin et l'EURL Beta Ingénierie ont demandé au tribunal administratif de Guadeloupe notamment de prononcer la nullité du marché de maîtrise d'oeuvre passé par la commune de Sainte-Anne pour la construction d'une école maternelle et d'une école élémentaire à Châteaubrun, et de condamner la commune de Sainte-Anne à réparer les préjudices qu'elles estiment avoir subis en raison de leur éviction irrégulière.
Par un jugement n° 1301654 du 24 mars 2016, le tribunal administratif de Guadeloupe a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 27 mai 2016 sous le n° 16BX01761 et un mémoire enregistré le 15 juin 2017, le SELARL Michel Corbin et l'EURL Beta Ingénierie demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Guadeloupe du 24 mai 2016 ;
2°) de prononcer la nullité du contrat signé entre la commune de Sainte-Anne et l'agence FOMI ;
3°) de condamner la commune de Sainte-Anne à leur verser la somme de 170 909,47 euros en réparation du préjudice lié à leur manque à gagner ou la somme de 75 033,49 euros au titre des frais engagés et non couverts par la prime, ainsi que la somme de 10 000 euros au titre du préjudice commercial, avec les intérêts moratoires et leur capitalisation à compter du 1er janvier 2014 ;
4°) d'ordonner le règlement de cette somme dans un délai d'un mois à compter du prononcé de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de la commune de Sainte-Anne une somme de 6 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- la lettre de rejet des offres ne comportait pas l'indication du délai de suspension de la signature du marché dit de " stand-still ", ce qui les a privées de la possibilité de déposer un référé précontractuel ;
- les premiers juges n'ont pas répondu aux moyens démontrant l'irrégularité de la procédure et justifiant la nullité du contrat ;
- la motivation de l'avis du jury n'est pas suffisamment précise ; aucune motivation n'est formulée, que ce soit dans le procès-verbal du jury ou dans le rapport de la commission technique ; le procès-verbal du jury ne s'approprie pas le rapport de la commission technique ; le rapport de la commission technique n'effectue aucun classement des offres ; ces insuffisances montrent que le choix du lauréat a été effectué de manière arbitraire et ce vice d'une particulière gravité justifie la nullité du contrat ; dès lors que l'avis du jury n'a pas été motivé, seul le classement des offres a pu déterminer le choix de la commune, qui s'est cru à tort liée par le classement fixé dans l'avis du jury ;
- le lien de causalité entre l'irrégularité tirée de l'absence de motivation de l'avis du jury et son éviction est établi ; l'absence de motivation de l'avis du jury a un impact déterminant dans le choix de l'attributaire ; l'avis de la commission technique chargée d'assister le jury ne saurait servir de base à la décision de l'acheteur public ;
- l'absence de motivation de l'avis du jury constitue en réalité une absence d'analyse des projets qui n'a pas permis de relever et corriger les erreurs faites par la commission technique ;
- la commune de Sainte-Anne a fait le choix de pondérer les offres alors que cela n'est pas obligatoire dans une procédure de concours ; elle devait néanmoins respecter cette contrainte, or il ressort des pièces de la procédure qu'aucune note, détaillée selon chaque critère, n'a été attribuée ;
- sans connaître les notes et les écarts entre les offres, rien ne permettait au tribunal d'affirmer que, malgré l'irrégularité relevée, elle n'aurait eu aucune chance d'obtenir le marché ;
- la collectivité s'est livrée à une appréciation erronée de l'offre technique ; pour écarter ses propositions, le rapport de la commission technique est lacunaire et ne permet pas de connaître les éléments qui ont été pris en compte pour apprécier la valeur technique des offres ; l'analyse de son projet notamment en ce qui concerne la situation de la salle de restauration est erronée ;
- s'agissant du critère A " pertinence et réponse au programme ", c'est à tort que le tribunal a estimé que les offres étaient d'égal mérite dès lors que la commission technique n'a effectué aucun commentaire sur ce point et que l'avis du jury n'est pas motivé ;
- s'agissant des critères B et D, l'offre de l'attributaire ne pouvait être considérée comme plus intéressante puisque le rapport d'analyse contient des oublis et des erreurs ;
- s'agissant de l'estimation prévisionnelle, le montant retenu est erroné car il prend en compte pour les voieries et réseaux divers un montant toutes taxes comprises alors que pour les autres candidats un montant hors taxes a été retenu ; l'estimation de son projet devenait alors très proche de celle du projet retenu ;
- elle a intégré de nombreuses options techniques qui ne sont pas présentes dans l'offre du groupe attributaire ;
- son projet (Pluton) est correctement estimé avec un détail quantitatif par lot et il n'y a pas de sous estimation des prix unitaires ;
- s'il est indiqué que la salle de restauration ne comporte pas de ventilation et que les salles de restauration sont enterrées sans vues sur l'extérieur, cette appréciation est erronée, son projet prévoit que la restauration scolaire est située au rez-de-jardin de façon à permettre une excellente ventilation et un accès direct sur l'extérieur ;
- alors que les autres candidats n'ont pas fourni d'indications chiffrées pour l'exploitation/maintenance, elle a décrit ce poste avec détails et précisions ;
- trois critères sur quatre ont été mal appréciés, représentant une pondération cumulée de 75 % et une analyse du jury aurait permis de voir son offre appréciée à sa juste valeur ;
- la liste des critères est présentée de manière désordonnée dans la délibération du 3 mai 2013 et cette liste est différente de celle mentionnée à l'article 4 du règlement de consultation ; des critères nouveaux apparaissent dans la grille utilisée par le maire et notamment le montant des honoraires de maîtrise d'oeuvre, qui a eu un impact considérable selon le maire lui-même ; si elle avait été informée que le taux de rémunération serait pris en compte, elle aurait forcément minoré le taux proposé pour être plus compétitive et elle aurait eu des chances très sérieuses d'obtenir le marché puisque comme l'indique le maire dans le courrier du 18 juin 2013, ce point a été déterminant dans son choix ;
- le montant des honoraires de maîtrise d'oeuvre a été communiqué au jury en méconnaissance des dispositions de l'article 70 du code des marchés publics qui prévoit que l'enveloppe relative aux honoraires demandés par les candidats ne doit pas être ouverte par le jury mais uniquement par le pouvoir adjudicateur (le maire) après rendu du procès-verbal du jury ;
- la mention du taux de rémunération dans le courrier du maire démontre que le maire a utilisé un critère non prévu dans le règlement de consultation ;
- si le pouvoir adjudicateur s'en était tenu aux critères initiaux, elle aurait été choisie et elle est donc la seule à subir un préjudice du fait de la modification de ces critères ;
- en relevant que l'offre de l'attributaire était meilleure que la leur, le tribunal s'est mépris sur l'appréciation du critère environnemental ; elle n'a pas été informée de l'ensemble des éléments relatifs au critère environnemental ; au demeurant, les conditions d'appréciation de ce critère n'avaient fait l'objet d'aucune précision dans le dossier de consultation ;
- le règlement de consultation ne prévoit que quatre critères, or il apparaît que pour l'appréciation de l'attributaire du marché de maîtrise d'oeuvre, la commission s'est fondée sur un ensemble d'éléments qui est repris dans la délibération de l'assemblée et qui devait être communiqué aux candidats ;
- l'absence de notation des critères participe de l'irrégularité grossière de la procédure menée par la commune et induit que si les offres avaient été analysées sérieusement, la requérante aurait eu des chances très sérieuses de remporter le marché ;
- la commune n'a pas affecté de notes aux critères, ce qu'elle s'était pourtant imposé elle-même, rendant en conséquence son choix totalement subjectif ;
- le pouvoir adjudicateur a utilisé des conditions de mise en oeuvre des critères qui n'ont jamais été communiquées aux candidats, alors que s'ils l'avaient été, les chances de la requérante de remporter le marché auraient été substantiellement renforcées ;
- la commune a utilisé les critères de manière irrégulière (critère environnemental) ;
- contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, les irrégularités commises ont affecté le choix de l'attributaire et son classement est en lien avec ces irrégularités ;
- l'utilisation du critère environnemental, comportant une référence à la ventilation naturelle des bâtiments qui n'avait jamais été portée à la connaissance des candidats, ne lui a pas permis d'être jugée de manière objective et égalitaire avec l'attributaire ;
- elle a subi une perte de chance de remporter le marché et elle pourra être indemnisée à hauteur de la somme de 170 909,47 euros au titre du manque à gagner et de 10 000 euros au titre du préjudice commercial ;
- à défaut, elle sera indemnisée à hauteur de la somme de 75 033,498 euros correspondant aux frais engagés et non totalement couverts par la prime éventuellement versée pour le concours.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 juillet 2016, la commune de Sainte-Anne conclut :
1°) à titre principal, au rejet de la requête ;
2°) à titre subsidiaire, à ce que la cour rejette la demande d'annulation du contrat ;
3°) à ce que la cour mette à la charge solidaire de la SELARL Michel Corbin et de l'EURL Beta Ingénierie une somme de 6 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- aucun texte ni principe général du droit n'impose d'indiquer dans la notification de la décision d'attribution les délais et voies de recours ouverts contre la procédure ;
- le choix de l'attributaire n'a pas été arbitraire ; le choix de la commune suit l'avis du jury qui a pris en compte les travaux de la commission technique et a été approuvé à l'unanimité par l'ensemble du conseil municipal ;
- la communication des honoraires n'a pas entaché d'irrégularité la procédure de passation suivie ;
- si la cour devait reconnaître l'existence d'une irrégularité, il conviendrait de décider de la poursuite de l'exécution du marché car une éventuelle annulation du contrat porterait, compte tenu de son objet relatif à la création de deux écoles et d'équipements sportifs communs, une atteinte excessive à l'intérêt général, ainsi qu'aux droits du cocontractant, le contrat litigieux étant en cours d'exécution depuis plus de deux ans.
Par ordonnance du 6 septembre 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 15 novembre 2017 à 12 heures.
Un mémoire présenté pour la SELARL Michel Corbin et de l'EURL Beta Ingénierie a été enregistré au greffe de la cour le 21 septembre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-Claude Pauziès ;
- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteur public ;
- et les observations de MeA..., représentant la Selarl Michel Corbin et l'EURL Beta Ingénierie.
Considérant ce qui suit :
1. La commune de Sainte-Anne a lancé le 5 novembre 2012 un appel à candidatures pour un concours de maîtrise d'oeuvre en vue de la construction d'une école maternelle et d'une école élémentaire. Le groupement constitué par la SELARL Michel Corbin et l'EURL Beta Ingénierie a présenté sa candidature et a été sélectionné pour présenter une offre. Son offre a été écartée sur proposition du jury et le marché de maîtrise d'oeuvre a été attribué au groupement FOMI/SETBAO-CPT-BECT-OPSET. La SELARL Michel Corbin et l'EURL Beta Ingénierie ont demandé au tribunal administratif de Guadeloupe de prononcer la nullité du marché et ont présenté des conclusions indemnitaires au titre de la perte de chance d'obtenir le marché. Par jugement n° 1301654 du 24 mars 2016, le tribunal a rejeté leurs demandes. La SELARL Michel Corbin et l'EURL Beta Ingénierie relèvent appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article 70 du code des marchés publics : " I. Un avis d'appel public à la concurrence est publié dans les conditions prévues à l'article 40. (. .. ) / II. (. .. ) Les candidats admis à concourir sont invités à remettre leurs prestations et une enveloppe séparée contenant leur offre de prix pour la réalisation du marché. / IV. Avant leur communication au jury, les enveloppes relatives aux prestations sont ouvertes. Les prestations demandées sont enregistrées. Le pouvoir adjudicateur est tenu de les rendre anonymes si le montant estimé du marché de services à passer avec le lauréat est égal ou supérieur aux seuils des marchés passés selon une procédure formalisée. Elles peuvent faire l'objet d'une analyse préalable destinée à préparer le travail du jury. / V. Les prestations des candidats sont ensuite transmises au jury qui les évalue, en vérifie la conformité au règlement du concours et en propose un classement fondé sur les critères indiqués dans l'avis d'appel public à concurrence. Le jury dresse un procès-verbal de l'examen des prestations, dans lequel il consigne ses observations et tout point nécessitant des éclaircissements, et formule un avis motivé. Ce procès-verbal est signé par tous les membres du jury. L'anonymat est respecté jusqu'à l'avis du jury. / VI. Le jury peut ensuite inviter les candidats à répondre aux questions qu'il a consignées dans ce procès-verbal afin de clarifier tel ou tel aspect d'un projet. Un procès-verbal complet du dialogue entre les membres du jury et les candidats est établi. /VII. Après réception de l'avis et des procès-verbaux du jury, et après examen de l'enveloppe contenant le prix, le ou les lauréats du concours sont choisis par le pouvoir adjudicateur. / "
3. La SELARL Michel Corbin et l'EURL Beta Ingénierie soutiennent que les premiers juges n'ont pas répondu au moyen démontrant l'irrégularité de la procédure tiré de ce que l'enveloppe financière avait été ouverte avant que l'avis ne soit émis par le jury. Les premiers juges n'ont pas répondu à ce moyen, qui n'était pas inopérant. Par suite, le jugement est irrégulier et doit être annulé.
4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la SELARL Michel Corbin et l'EURL Beta Ingénierie devant le tribunal administratif de Guadeloupe.
Sur les vices entachant la passation du marché litigieux :
5. En premier lieu, l'obligation pour le pouvoir adjudicateur, d'une part, de mentionner les voies et délais de recours contre la procédure de passation dont disposent les candidats à l'attribution d'un marché et, d'autre part, de respecter un délai de suspension entre la notification du rejet de l'offre d'un candidat et la signature du marché, vise seulement à permettre aux candidats évincés de saisir utilement le juge du référé précontractuel. Par suite, les vices tenant tant à l'absence de mention de ces voies et délais de recours qu'au non-respect de ce délai de suspension n'affectent pas la validité du contrat et ne sauraient, en conséquence, justifier son annulation ou sa résiliation.
6. Il résulte de l'instruction que le courrier de notification du rejet de leur offre reçu par la SELARL Michel Corbin et l'EURL Beta Ingénierie le 28 mai 2013 mentionnait seulement la possibilité d'introduire un recours pour excès de pouvoir dans un délai de deux mois contre la décision de rejet de l'offre, sans indiquer de délai de suspension de la signature. Ce vice n'affecte toutefois pas la validité du contrat et si le groupement requérant soutient qu'il a été privé de la possibilité d'exercer un référé précontractuel, il n'établit pas avoir tenté de présenter un tel recours, alors au demeurant que le marché n'a été signé avec l'attributaire que le 17 juin 2013.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article 74 du code des marchés publics, dans sa rédaction alors applicable : " 1. Les marchés de maîtrise d'oeuvre ont pour objet, en vue de la réalisation d'un ouvrage ou d'un projet urbain ou paysager, l'exécution d'un ou plusieurs éléments de mission définis par l'article 7 de la loi du 12 juillet 1985 susmentionnée et par le décret du 29 novembre 1993 susmentionné. 1 II. Les marchés de maîtrise d'oeuvre d'un montant égal ou supérieur aux seuils de procédure formalisée définis à l'article 26 sont passés selon la procédure du concours dans les conditions précisées ci-après (. .. ) 1 III. Le concours mentionné ci-dessus est un concours restreint organisé dans les conditions définies à l'article 70 (...) ".
8. La SELARL Michel Corbin et l'EURL Beta Ingénierie soutiennent que le choix du candidat a été effectué de manière arbitraire dès lors que l'avis du jury n'est pas suffisamment motivé. Le procès-verbal du jury du concours de maîtrise d'oeuvre du 2 mai 2013 se borne à relever qu'après délibération et vote, le jury a décidé d'arrêter le classement des trois candidats admis à concourir, sans préciser les considérations de nature technique ou financière qui ont fondé ses choix. L'avis du jury du 2 mai 2013 n'est donc pas motivé, en méconnaissance des dispositions du V de l'article 70 du code des marchés publics précité.
9. En troisième lieu, l'article 4 du règlement de consultation du marché prévoit que l'analyse de la commission technique sera fondée sur quatre critères pondérés : la pertinence et la réponse au programme (30 %), l'estimation prévisionnelle de la construction et son justificatif (25%), le délai de réalisation des travaux (25%) et enfin la qualité environnementale du projet (20%). La SELARL Michel Corbin et l'EURL Beta Ingénierie soutiennent que l'appréciation technique de leur offre est erronée. Elles font valoir que trois critères sur quatre représentant une pondération cumulée de 75 % ont été mal appréciés. Elles ajoutent qu'elles ont intégré de nombreuses options techniques qui ne sont pas présentes dans le projet de l'attributaire, que l'appréciation de leur projet concernant la salle de restauration est erronée et que le critère environnemental n'a pas été correctement mis en oeuvre. Toutefois, et d'une part, en se bornant à invoquer la qualité de leur projet, elles ne démontrent pas que le projet finalement retenu présenterait des qualités techniques inférieures. D'autre part, elles n'ont apporté aucune pièce de nature à établir que l'appréciation portée par la commission technique sur la situation " enterrée " de la salle de restauration serait erronée. De même, si les appréciations portées par la commission technique relatives au critère environnemental sont contestées par les requérantes, elles n'apportent aucun élément de nature à établir que les commentaires relatifs à leur projet concernant la ventilation, la protection solaire ou la maintenance seraient inexacts. Enfin, si les requérantes font valoir que le montant retenu dans l'estimation prévisionnelle est erroné car il prend en compte pour les voieries et réseaux divers un montant toutes taxes comprises, alors que pour les autres candidats un montant hors taxes a été retenu, l'estimation des requérantes avec un montant hors taxes demeure supérieure à celle de l'attributaire.
10. En quatrième lieu, pour assurer le respect des principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, l'information appropriée des candidats sur les critères d'attribution d'un marché public est nécessaire, dès l'engagement de la procédure d'attribution du marché, dans l'avis d'appel public à concurrence ou le cahier des charges tenu à la disposition des candidats. Dans le cas où le pouvoir adjudicateur souhaite retenir d'autres critères que celui du prix, il doit porter à la connaissance des candidats la pondération ou la hiérarchisation de ces critères. Il doit également porter à la connaissance des candidats la pondération ou la hiérarchisation des sous-critères dès lors que, eu égard à leur nature et à l'importance de cette pondération ou hiérarchisation, ils sont susceptibles d'exercer une influence sur la présentation des offres par les candidats ainsi que sur leur sélection et doivent, en conséquence, être eux-mêmes regardés comme des critères de sélection.
11. Les sociétés requérantes soutiennent également que le pouvoir adjudicateur n'a pas suffisamment précisé le critère environnemental. Toutefois, il ressort du rapport de la commission technique qu'elle a successivement examiné au titre de la qualité environnementale des projets, les réponses fournies par les candidats relatives à la ventilation, la protection solaire, l'appareillage électrique ainsi que l'exploitation et la maintenance, ce qui révèle que ces différents éléments techniques ont été nécessairement portés à la connaissance des candidats qui ont été en mesure de présenter leurs offres en fonction de ces éléments.
12. La SELARL Michel Corbin et l'EURL Beta Ingénierie soutiennent que le pouvoir adjudicateur aurait modifié les critères de choix des offres. Elles font valoir que la liste des critères, présentée de manière désordonnée dans la délibération du 3 mai 2013, est différente de celle mentionnée à l'article 4 du règlement de consultation et que notamment, le montant des honoraires a été pris en compte alors que ce critère n'était pas prévu. Toutefois, et d'une part, la délibération du 3 mai 2013, dont le contenu est repris dans le courrier du maire adressé aux sociétés requérantes le 18 juin 2013, énumère les différents motifs justifiant le choix du pouvoir adjudicateur et ne procède ni à une modification des critères définis dans le règlement de consultation ni à un ajout de sous-critère qui ne serait pas prévu dans ce même règlement de consultation. D'autre part, si la délibération, après avoir énuméré huit motifs expliquant le choix retenu, mentionne également des " honoraires de maîtrise d'oeuvre moindres ", le montant de la rémunération du maître d'oeuvre constitue une composante du critère " estimation prévisionnelle de la construction " prévu à l'article 4 du règlement de la consultation et la circonstance que le maire de la commune ait mentionné le taux de rémunération du groupement dans un courrier adressé, après levée de l'anonymat, aux sociétés requérantes le 18 juin 2013 ne suffit pas à établir que le taux de rémunération aurait constitué un nouveau critère non prévu dans le règlement de consultation. Enfin, si les sociétés requérantes font valoir que le montant des honoraires de maîtrise d'oeuvre a été communiqué au jury en méconnaissance des dispositions de l'article 70 du code des marchés publics, le règlement de consultation prévoit que le montant des honoraires doit figurer dans l'enveloppe 2 qui doit être communiquée au jury au titre des documents explicatifs du marché.
13. Enfin, il ne ressort pas du rapport de la commission technique, dont il n'est pas allégué que la production serait incomplète, ni de l'avis du jury, non motivé ainsi qu'il a été dit, que les offres des candidats aient fait l'objet d'une notation sur chacun des critères prévus au règlement de consultation, de nature à permettre d'appliquer la pondération annoncée par le maître d'ouvrage. Par suite, les requérantes sont également fondées à soutenir que ce vice entache la procédure d'irrégularité.
Sur les conséquences de l'irrégularité de la procédure de passation :
14. Il appartient au juge, lorsqu'il constate l'existence de vices entachant la validité du contrat, d'en apprécier l'importance et les conséquences. Ainsi, il lui revient, après avoir pris en considération la nature de ces vices, soit de décider que la poursuite de l'exécution du contrat est possible, soit d'inviter les parties à prendre des mesures de régularisation dans un délai qu'il fixe, sauf à résilier ou résoudre le contrat. En présence d'irrégularités qui ne peuvent être couvertes par une mesure de régularisation et qui ne permettent pas la poursuite de l'exécution du contrat, il lui revient de prononcer, le cas échéant avec un effet différé, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l'intérêt général, soit la résiliation du contrat, soit, si le contrat a un contenu illicite ou s'il se trouve affecté d'un vice de consentement ou de tout autre vice d'une particulière gravité que le juge doit ainsi relever d'office, l'annulation totale ou partielle de celui-ci. Il peut enfin, s'il en est saisi, faire droit, y compris lorsqu'il invite les parties à prendre des mesures de régularisation, à des conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice découlant de l'atteinte à des droits lésés.
15. A l'appui de leurs conclusions tendant à l'annulation du marché litigieux, la SELARL Michel Corbin et l'EURL Beta Ingénierie se fondent sur la gravité de l'irrégularité ayant affecté la procédure de passation du marché. D'une part, si les vices tirés du défaut de motivation de l'avis du jury et de l'absence de notation des offres affectent la validité du contrat, ils ne portent pas atteinte à la licéité du contenu de celui-ci et ne sont ni un vice du consentement ni, en l'absence de circonstance particulière, d'autres vices d'une particulière gravité que le juge devrait relever d'office. D'autre part, la commune de Sainte-Anne soutient dans ses écritures d'appel, sans que cela soit sérieusement contesté, que le contrat litigieux relatif à une mission de maîtrise d'oeuvre pour la construction d'une école maternelle et d'une école élémentaire était en cours d'exécution depuis deux ans. Dans ces conditions, eu égard à la nécessité d'assurer la continuité du service public de l'éducation, l'annulation de ce marché porterait une atteinte excessive à l'intérêt général et les conclusions de la SELARL Michel Corbin et de l'EURL Beta Ingénierie tendant à l'annulation du contrat doivent être rejetées.
Sur l'indemnisation de la SELARL Michel Corbin et de l'EURL Beta Ingénierie :
16. Lorsqu'un candidat à l'attribution d'un contrat public demande la réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de l'irrégularité ayant, selon lui, affecté la procédure ayant conduit à son éviction, il appartient au juge, si cette irrégularité est établie, de vérifier qu'il existe un lien direct de causalité entre la faute en résultant et les préjudices dont le candidat demande l'indemnisation. Il s'en suit que lorsque l'irrégularité ayant affecté la procédure de passation n'a pas été la cause directe de l'éviction du candidat, il n'y a pas de lien direct de causalité entre la faute résultant de l'irrégularité et les préjudices invoqués par le requérant à raison de son éviction. Sa demande de réparation des préjudices allégués ne peut alors qu'être rejetée.
17. S'il résulte de l'instruction que l'avis du jury du concours en date du 2 mai 2013 a classé l'offre de l'agence FOMI en première position, il est constant que le pouvoir adjudicateur, auquel l'article 70 du code des marchés publics attribue la faculté de choisir le lauréat du concours restreint de maîtrise d'oeuvre, n'est pas lié par l'avis formulé par le jury. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de la commission technique sur la base duquel le jury avait débattu pour proposer le classement des offres retenu par la commune, que l'offre de l'agence FOMI était mieux adaptée qu'il s'agisse de l'estimation prévisionnelle de la construction, du délai de réalisation des travaux inférieur de cinq mois à celui des requérantes, et de la qualité environnementale. Par suite, les circonstances que l'avis du jury ait omis de reprendre les explications sur ces points et de quantifier par des notes chiffrées les appréciations qu'il portait n'ont ainsi pas été la cause déterminante de l'éviction de la SELARL Michel Corbin et de l'EURL Beta Ingénierie, de sorte que lesdites sociétés ne peuvent se prévaloir d'aucun droit à indemnité en l'absence de tout lien de causalité direct entre les irrégularités ayant entaché la procédure d'attribution du contrat et le préjudice invoqué par elles.
18. Il résulte de tout ce qui précède que la SELARL Michel Corbin et l'EURL Beta Ingénierie ne sont pas fondées à se plaindre de ce que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Guadeloupe a rejeté leur demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
19. Le présent arrêt, qui rejette la requête de la SELARL Michel Corbin et de l'EURL Beta Ingénierie, n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :
20. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1301654 du tribunal administratif de Guadeloupe du 24 mars 2016 est annulé.
Article 2 : La demande de la SELARL Michel Corbin et de l'EURL Beta Ingénierie et le surplus de leurs conclusions d'appel sont rejetés.
Article 3 : Les conclusions de la commune de Sainte-Anne présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SELARL Michel Corbin et à l'EURL Beta Ingénierie, à la commune de Sainte-Anne et au groupement FOMI/SETBAO-CPT-BECT-OPSET.
Délibéré après l'audience du 27 septembre 2018 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, président,
M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,
Mme Nathalie Gay-Sabourdy, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 25 octobre 2018.
Le rapporteur,
Jean-Claude PAUZIÈSLe président,
Catherine GIRAULTLe greffier,
Virginie MARTY
La République mande et ordonne au préfet de la Guadeloupe en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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No 16BX01761