Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée (SARL) La Nouvelle Maison des Mouettes, la société civile immobilière (SCI) LP et M. et Mme B...et Stéphanie D...ont demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner l'Etat à leur verser la somme totale de 7 657 998,45 euros en réparation de différents chefs de préjudice consécutifs à la faute qu'aurait commise l'Etat en ne prenant pas les mesures nécessaires pour prévenir les risques de submersion sur le littoral de la commune d'Aytré où leur hôtel-restaurant a été inondé.
Par un jugement n° 1302183 du 28 janvier 2016, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 21 mars 2016, le 14 septembre 2016 et le 23 novembre 2016, la société à responsabilité limitée La Nouvelle Maison des Mouettes, la société civile immobilière LP et M. et MmeD..., représentés par MeC..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 28 janvier 2016 ;
2°) de condamner l'Etat à verser à la société à responsabilité limitée La Nouvelle Maison des Mouettes une somme de 1 225 022 euros ;
3°) de condamner l'Etat à verser à la société civile immobilière LP une somme de 3 440 842 euros ;
4°) de condamner l'Etat à verser à M. et Mme D...une somme de 100 000 euros ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le groupe de recherche " Submersions " a fourni une contribution aux missions d'enquête parlementaire et sénatoriale sur la tempête Xynthia recensant trente épisodes de submersions sur le littoral " Poitou Charentes - Pays de Loire " entre les années 1500 et 2010 et a notamment conclu que " les résultats historiques accumulés battent en brèche l'idée selon laquelle la submersion de février 2010 fut un aléa totalement imprévisible " ; l'Etat ne peut sérieusement prétendre qu'il n'avait pas connaissance de l'existence d'un risque clairement identifié de submersion marine justifiant l'inconstructibilité du terrain d'assiette du projet et que l'absence d'un plan de prévention des risques naturels (PPRN) n'aurait pas été préjudiciable aux requérants ; en outre, Météo-France a reconnu que " du point de vue météorologique, la tempête Xynthia, de taille et d'intensité peu communes, n'a pas atteint pour autant le caractère exceptionnel des tempêtes Lothar et Martin " de décembre 1999 ; ainsi, l'Etat avait tout à fait connaissance du risque car non seulement les tempêtes de submersion ont toujours été fréquentes en Charente-Maritime, mais des événements d'une telle intensité ont déjà été recensés dans le passé ; la responsabilité de l'Etat est donc engagée pour carence dans la prévention d'un risque qui, en l'espèce, était tout à fait connu ; ni la prétendue rareté du phénomène de submersion sur le littoral charentais, ni l'exagération de son caractère exceptionnel ne sont susceptibles de justifier l'inertie des services préfectoraux dans l'élaboration d'un PPRN bien avant la survenance de la tempête ;
- le tribunal a considéré à tort que les informations concernant les risques de submersion du littoral de la Charente-Maritime ont été portées à la connaissance des collectivités locales chargées de la délivrance des autorisations d'urbanisme, en parfaite conformité avec les dispositions de l'article L. 121-2 du code de l'urbanisme ; les documents précités attestaient clairement de l'existence de phénomènes similaires à celui de la tempête Xynthia sur le littoral charentais ; les services de la préfecture avaient d'ailleurs dès l'année 2008 prescrit l'établissement d'un plan de prévention des risques naturels littoraux ; dans ces conditions, ce ne peut être qu'une transmission insuffisante de documents de la part de la préfecture qui est à l'origine de la délivrance de l'autorisation d'urbanisme en cause ; cette faute du préfet engage la responsabilité de l'Etat ;
- l'absence de déféré préfectoral à l'encontre des délibérations successives modifiant le plan d'occupation des sols (POS) et le plan local d'urbanisme (PLU) ainsi que contre l'arrêté de permis de construire constitue une faute lourde compte tenu de la connaissance du risque qu'avait l'administration de l'Etat ;
- les services de l'Etat en Charente Maritime ont commis une faute en ne relevant pas l'illégalité du classement en zone UE du terrain d'assiette de l'hôtel-restaurant lors de l'instruction du permis de construire et en s'abstenant de proposer un refus au titre de l'article R.111-2 du code de l'urbanisme ;
- aucun repère de crues n'a été porté sur le terrain sur lequel ils ont bâti leur hôtel- restaurant, en méconnaissance de l'article L. 563-3 du code de l'environnement ;
- le préfet de la Charente Maritime a manqué à ses obligations en matière de prévision des crues en méconnaissance des articles L. 564-1, L. 564-2 et L. 564-3 du code de l'environnement ;
- la SCI LP est fondée à réclamer l'indemnisation du préjudice correspondant à la différence entre le prix réel des murs et le prix de vente à l'Etat en urgence et sans possibilité de négociation du fait d'un Etat de nécessité et de précarité ; le bien a été évalué à hauteur de 6 661 000 euros ; il a été vendu 3 220 158 euros ; le préjudice en résultant est donc de 3 440 842 euros ;
- la société à responsabilité limitée La Nouvelle Maison des Mouettes est fondée à demander l'indemnisation de la perte de clientèle à hauteur de la somme de 1 056 070 euros ;
- les époux D...ont subi un préjudice moral à hauteur de la somme de 100 000 euros.
Par un mémoire enregistré le 30 décembre 2016, la commune d'Aytré indique se référer à l'argumentaire de sa défense dans l'instance dirigée contre elle sous le n° 16BX00986.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 février 2017, la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer a conclu au rejet de la requête.
Elle soutient que :
- la juridiction administrative n'est pas compétente pour connaître des conclusions indemnitaires de la SCI LP, s'agissant de la contestation du prix d'un acte de droit privé ;
- le préfet de la Charente-Maritime a bien informé en temps utile les autorités communales ainsi que le public du risque d'inondation et de submersion marine pesant sur la commune, ainsi que l'a jugé le tribunal ; un atlas départemental des risques littoraux distinguant différentes zones d'aléa et auquel était annexé un dossier intitulé " Éléments de mémoire sur la tempête du 27 décembre 1999 " a été adressé à la commune en 2001 ; ce document comprenait notamment une cartographie indiquant les hauteurs d'eau relevées dans les zones submergées dans la commune d'Aytré et notamment dans le quartier Godechaud où se trouvait l'hôtel-restaurant ; l'ensemble de ces documents ont par ailleurs été mis à la disposition du public sur le site internet de la direction départementale de l'équipement ; en 2009, le préfet a également transmis à la communauté d'agglomération de La Rochelle les éléments en sa possession quant aux risques de submersion à Aytré ;
- la jurisprudence admet que l'absence d'élaboration d'un plan de prévention des risques naturels n'est pas de nature à engager la responsabilité de l'Etat dès lors que ce dernier a identifié et porté à la connaissance du public et des communes concernées les zones exposées à un risque ; le préfet a bien porté à la connaissance des communes et du public l'ensemble des informations qu'il avait en sa possession, sans cependant avoir connaissance de l'intensité du risque de submersion marine pesant sur la parcelle en cause, justifiant le classement retenu par le plan de prévention des risques d'inondation dans une zone inconstructible ; la prescription d'un PPRN n'aurait pas changé l'Etat des connaissances avant la tempête Xynthia ;
- la faute résultant de l'absence de repère des crues n'est pas imputable à l'Etat ; en tout Etat de cause, les repères de crues ne permettent pas de prévenir un risque naturel de l'ampleur de celui qui est survenu lors de la tempête Xynthia ;
- les préjudices subis par les requérants résultent d'un phénomène de submersion marine et non d'une crue ; dès lors à supposer même que l'Etat ait manqué à ses obligations au titre des articles L. 564-1 et suivants du code de l'environnement, il n'est pas établi ni même allégué que cette faute aurait contribué à causer les préjudices subis par les requérants, lesquels n'apportent pas les précisions suffisantes pour statuer sur ce moyen ;
- les services de l'Etat n'ont pas participé à l'instruction de la demande de permis ; le moyen visant à mettre en cause la responsabilité de l'Etat au motif que ses services n'ont pas proposé au maire de rejeter la demande de permis d'aménager sur le fondement de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme est donc inopérant ; au demeurant, les appelants ne soutiennent pas que les services de l'Etat auraient refusé d'exécuter un ordre ou de suivre une consigne du maire d'Aytré dans le cadre de l'instruction du permis du permis de construire ; dans ces conditions, la responsabilité de l'Etat, dans le cadre de sa mission d'instruction des autorisations d'urbanisme, ne saurait être engagée au motif qu'il n'a pas rejeté la demande de permis ;
- dès lors que l'Etat n'avait pas une connaissance précise du caractère submersible de la parcelle en cause au moment où le permis de construire a été délivré par la commune d'Aytré, l'appelante n'établit pas que l'Etat aurait commis une faute lourde en ne déférant pas le permis en cause ;
- les appelants ne démontrent pas que les fautes qu'ils allèguent, à les supposer établies, présenteraient un lien de causalité direct et certain avec les préjudices dont ils se prévalent ;
- à supposer sa responsabilité engagée, l'Etat devrait en être exonéré par les fautes de la commune et l'imprudence des victimes ;
- les préjudices dont il est demandé réparation ne sont pas justifiés.
Par ordonnance du 28 février 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 28 mars 2017 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-Claude Pauziès,
- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., représentant la SARL La Nouvelle Maison des Mouettes, la SCI LP et M. et MmeD....
Une note en délibéré présentée pour la SARL La Nouvelle Maison des Mouettes, la SCI LP et M. et Mme D...a été enregistrée le 31 août 2018.
Considérant ce qui suit :
1. Le maire de la commune d'Aytré (Charente-Maritime) a délivré le 27 juillet 2006 à la société civile immobilière LP le permis de construire un hôtel sis 1 route de la Plage et rue des Claires sur un terrain situé face à la mer, séparé de l'océan par la route de la Plage et une bande de terre. La construction, accolée au restaurant existant, a été achevée en octobre 2009. La société à responsabilité limitée La Nouvelle Maison des Mouettes a exploité jusqu'en 2010 dans ces locaux un fonds de commerce d'hôtel-restaurant. M. B...D..., dirigeant de ces deux sociétés, et son épouse ainsi que le reste de leur famille occupaient dans ces bâtiments un local d'habitation. Lesdits bâtiments ont été endommagés par la tempête " Xynthia " qui a balayé le littoral de la Charente-Maritime durant la nuit du 27 au 28 février 2010. Le préfet de la Charente-Maritime a publié le 8 avril 2010 une cartographie incluant les biens concernés parmi l'un des secteurs du littoral de la commune d'Aytré soumis à un risque très élevé de submersion marine, présentant un danger extrême pour la vie des personnes et ne pouvant être protégés efficacement, dénommés " zones noires ", et ultérieurement " zones de solidarité ". La SCI LP a vendu à l'Etat en application du dispositif d'acquisition prévu aux articles L. 561-1 et suivants du code de l'environnement, le 10 mai 2011, l'hôtel-restaurant dont elle était propriétaire pour un montant de 3 522 000 euros. Par jugement en date du 3 avril 2015, devenu définitif, le juge de l'expropriation a fixé l'indemnisation due par l'Etat à la SARL La Nouvelle Maisons des Mouettes à 2 337 143,67 euros. La SARL La Nouvelle Maison des Mouettes, la SCI LP ainsi que M. et Mme D...ont demandé le 10 juillet 2013 à l'Etat de les indemniser de divers chefs de préjudice résultant, selon eux, de la faute qu'aurait commise l'Etat en s'abstenant d'élaborer un plan de prévention des risques naturels avant la date de délivrance du permis de construire. A la suite du rejet de cette demande, la SARL La Nouvelle Maison des Mouettes, la SCI LP ainsi que M. et Mme D...ont demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner l'Etat à les indemniser de différents chefs de préjudice. Ils relèvent appel du jugement n° 1302183 du 28 janvier 2016 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leur demande.
Sur la compétence de la juridiction administrative en ce qui concerne les conclusions de la SCI LP :
2. Il y a lieu par adoption des motifs pertinemment retenus par les premiers juges de rejeter les conclusions indemnitaires de la société LP comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.
Sur la responsabilité de l'Etat :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 562-1 du code de l'environnement :
" I. - L'Etat élabore et met en application des plans de prévention des risques naturels prévisibles tels que les inondations, les mouvements de terrain, les avalanches, les incendies de forêt, les séismes, les éruptions volcaniques, les tempêtes ou les cyclones (...) ". Selon l'article L. 121-2 du code de l'urbanisme alors en vigueur : " (...) Le préfet porte à la connaissance des communes ou de leurs groupements compétents le cadre législatif et réglementaire à respecter, ainsi que les projets des collectivités territoriales et de l'Etat en cours d'élaboration ou existants. Tout retard ou omission dans la transmission de ces informations est sans effet sur les procédures engagées par les communes ou leurs groupements. Le préfet leur transmet à titre d'information l'ensemble des études techniques nécessaires à l'exercice de leur compétence en matière d'urbanisme dont il dispose. (...) ". La responsabilité pour faute de l'Etat peut être recherchée à raison des illégalités entachant les mesures prises par l'administration sur le fondement de ces dispositions à la condition qu'il existe un lien direct et certain entre ces illégalités et le préjudice allégué.
4. Il résulte de l'instruction que le préfet de la Charente-Maritime avait, par lettre du 23 octobre 2001, diffusé aux maires du département l'atlas départemental des risques littoraux, élaboré avant que ne survienne l'ouragan Martin du 27 décembre 1999. A cet atlas était annexé un dossier intitulé " Eléments de mémoire sur la tempête du 27 décembre 1999 " comportant notamment une cartographie sur laquelle figurent les hauteurs d'eau relevées dans le secteur de la route de la Plage. Ladite lettre du 23 octobre 2001 mentionnait notamment " (...) les connaissances actuelles de ces risques (érosion et submersion marines) doivent être pris en compte dans vos politiques d'aménagement et l'ensemble des autorisations d'occupation des sols (...) et des différentes autorisations (...) ". Les documents annexés à cette lettre étaient mis à la disposition du public sur le site internet de la direction départementale de l'équipement. En outre le préfet a, par arrêté 05-3162 du 29 septembre 2005, informé le public sur les risques majeurs, notamment le risque " tempête " auxquels il est susceptible d'être exposé. Dans ces conditions le préfet doit être regardé comme ayant, avant la délivrance du permis de construire du 27 juillet 2006 à la SCI LP, pris les mesures nécessaires à l'information des élus locaux et du public quant au risque " tempête " auquel la commune d'Aytré était susceptible d'être exposée.
5. Si les requérants font valoir que le terrain d'assiette des bâtiments avait fait l'objet d'un classement en zone NDa indiquant que ce zonage se justifiait notamment par le risque d'inondation des terrains se trouvant dans ce secteur, les dispositions générales du règlement du plan d'occupation des sols relatives à la zone NDa précisent également qu'il s'agit d'un secteur destiné à recevoir " des constructions, installations ou aménagements d'accueil, d'équipements sportifs et de loisirs d'intérêt général " et l'objectif recherché par le classement en zone ND n'est pas d'assurer la sécurité des populations mais " de protéger et de conserver les espaces naturels ainsi que d'assurer l'implantation d'activités de loisirs ou de plein air compatibles avec la nature de ces espaces ". En outre, il ne résulte ni de l'instruction ni des documents produits par les requérants concernant l'ensemble du littoral charentais recensant plus de vingt tempêtes depuis le XVIème siècle sans indication précise sur leur intensité, qu'avant la tempête Xynthia, le territoire de la commune d'Aytré et notamment le terrain en cause aurait connu des phénomènes de submersion d'une ampleur comparable à ceux constatés après le passage de la tempête Xynthia. Dès lors, l'absence d'élaboration d'un plan de prévention des risques naturels, dont l'adoption n'aurait pas modifié ce qu'il était alors possible de connaître du risque existant, est sans lien avec les préjudices invoqués et ne constitue pas une faute susceptible d'engager la responsabilité de l'Etat.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 563-3 du code de l'environnement : " I. - Dans les zones exposées au risque d'inondations, le maire, avec l'assistance des services de l'Etat compétents, procède à l'inventaire des repères de crues existant sur le territoire communal et établit les repères correspondant aux crues historiques, aux nouvelles crues exceptionnelles ou aux submersions marines. La commune ou le groupement de collectivités territoriales compétent matérialisent, entretiennent et protègent ces repères. (...) ".
7. Compte tenu du caractère exceptionnel de la submersion constatée à l'occasion de la tempête Xynthia, les requérants ne démontrent pas l'existence d'un lien de causalité entre la carence fautive alléguée dans l'établissement de repères de crues et les préjudices dont ils demandent réparation.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 564-1 du code de l'environnement : " L'organisation de la surveillance, de la prévision et de la transmission de l'information sur les crues est assurée par l'Etat. ". Aux termes de l'article L. 564-2 du même code : " I. - Un schéma directeur de prévision des crues est arrêté pour chaque bassin par le préfet coordonnateur de bassin en vue d'assurer la cohérence des dispositifs que peuvent mettre en place, sous leur responsabilité et pour leurs besoins propres, les collectivités territoriales ou leurs groupements afin de surveiller les crues de certains cours d'eau ou zones estuariennes, avec les dispositifs de l'Etat et de ses établissements publics. (...) ". Aux termes de l'article L. 564-3 dudit code : " I. - L'organisation de la surveillance, de la prévision et de la transmission de l'information sur les crues par l'Etat, ses établissements publics et, le cas échéant, les collectivités territoriales ou leurs groupements fait l'objet de règlements arrêtés par le préfet. (...) ".
9. Ainsi que l'ont relevé à juste titre les premiers juges, les différents chefs de préjudice dont les requérants demandent l'indemnisation ne résultent pas d'une crue d'un cours d'eau, mais d'un phénomène de submersion marine consécutif à la conjonction d'un épisode de vents violents avec une marée de très fort coefficient se traduisant par une montée des eaux marines à une hauteur exceptionnelle. Par suite, le lien de causalité entre les manquements allégués du préfet de la Charente-Maritime au titre des dispositions précitées et les préjudices n'est pas établi.
10. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 121-2 du code de l'urbanisme alors applicable : " (...) Le préfet porte à la connaissance des communes ou de leurs groupements compétents le cadre législatif et réglementaire à respecter, ainsi que les projets des collectivités territoriales et de l'Etat en cours d'élaboration ou existants. Tout retard ou omission dans la transmission de ces informations est sans effet sur les procédures engagées par les communes ou leurs groupements. Le préfet leur transmet à titre d'information l'ensemble des études techniques nécessaires à l'exercice de leur compétence en matière d'urbanisme dont il dispose. (...) ".
11. Ainsi qu'il a été dit au point 4, les risques littoraux dont l'Etat avait connaissance avant la tempête Xynthia ont été portés à la connaissance des communes du littoral de la Charente-Maritime, dès 2001, par la diffusion d'un atlas départemental des risques littoraux. Une documentation intitulée " Eléments de mémoire sur la tempête du 27 décembre 1999 " a également été réalisée et diffusée sur le site Internet des services de l'Etat de la Charente-Maritime. Dans ces conditions, le préfet de la Charente-Maritime a, dès l'année 2001, précisément identifié le risque de submersion marine sur le littoral de la Charente-Maritime compte tenu des éléments en sa possession à cette date et porté en temps utile ce risque à la connaissance du public et des collectivités locales chargées de la délivrance des autorisations d'urbanisme, sans méconnaître les dispositions de l'article L. 121-2 du code de 1'urbanisme.
12. En cinquième lieu, les requérants soutiennent que les services de la préfecture de Charente-Maritime auraient commis une faute dans l'instruction du permis de construire délivré le 27 juillet 2006 en ne relevant pas l'illégalité du plan d'occupation des sols et en ne demandant pas au maire de refuser de délivrer l'autorisation de construire sollicitée. Ils font valoir également que les services de la préfecture ont commis une faute en ne déférant pas les modifications successives du plan d'occupation des sols intervenues avant la délivrance du permis de construire ni la décision accordant le permis de construire.
13. Toutefois, et d'une part, il ne résulte pas de l'instruction que les services de l'Etat aient été saisis par le maire de la commune de questions relatives à la sécurité du terrain d'assiette du projet et il n'est pas allégué que les services de l'Etat, dont la participation à l'instruction du permis n'est au demeurant pas établie, auraient refusé d'exécuter un ordre ou une instruction du maire. D'autre part, les carences de l'Etat dans l'exercice du contrôle de légalité des actes des collectivités locales ne sont susceptibles d'engager la responsabilité de l'Etat que si elles constituent une faute lourde. Ainsi qu'il a été dit plus avant, compte tenu de l'ampleur exceptionnelle de la tempête Xynthia, ce n'est qu'après le retour d'expérience consécutif à cet évènement que les services de l'Etat ont pu procéder à la révision du risque de submersion marine sur le territoire de la commune d'Aytré. Par suite, compte tenu de l'état des connaissances au moment de la délivrance du permis de construire et des modifications successives du plan d'occupation des sols intervenues avant la délivrance de ce permis de construire, le préfet de la Charente-Maritime n'a pas commis de faute lourde dans l'exercice du contrôle de légalité en ne déférant pas ces différents actes au tribunal administratif.
14. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL La Nouvelle Maison des Mouettes, la SCI LP et M. et Mme D...ne sont pas fondés à se plaindre de ce que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leur demande de condamnation de l'Etat.
Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par les requérants au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SARL La Nouvelle Maison des Mouettes, de la SCI LP et de M. et Mme D...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL La Nouvelle Maison des Mouettes, à la SCI LP à M. et Mme B...et Stéphanie D...et au ministre d'Etat, ministre de l'écologie et de la transition énergétique. Copie en sera adressée au préfet de la Charente-Maritime et au maire de la commune d'Aytré.
Délibéré après l'audience du 30 août 2018 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, président,
M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,
M. David Terme, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 27 septembre 2018.
Le rapporteur,
Jean-Claude PAUZIÈSLe président,
Catherine GIRAULT
Le greffier,
Virginie MARTY
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'écologie et de la transition énergétique en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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No 16BX00987