Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Pau de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2005 ainsi que des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1201861 du 12 juin 2014, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par un arrêt n° 14BX02380 du 13 octobre 2015, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par M. B...contre ce jugement.
Par décision n° 395159 du 27 septembre 2017, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a, saisi d'un pourvoi présenté par M.B..., annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 13 octobre 2015 et a renvoyé l'affaire devant la même cour.
Par une requête enregistrée le 4 août 2014 et un mémoire présenté le 7 janvier 2015, M. B..., représenté par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 12 juin 2014 ;
2°) de lui accorder la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels il a été assujetti au titre de l'année 2005 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 5 000 euros au titre des frais exposés en première instance et la même somme au titre des frais qu'il a exposés en appel.
Il soutient que :
- les avis de mise en recouvrement qui lui ont été adressés ne répondent pas aux exigences de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales dès lors qu'ils ne font pas référence à la proposition de rectification du 17 décembre 2008 ;
- ces avis de mise en recouvrement sont également nuls au regard de l'article L. 256 du livre des procédures fiscales dès lors qu'ils ne sont pas signés ;
- en raison des vices qui entachent les avis de mise en recouvrement, le délai général de réclamation n'a pas couru de sorte que sa réclamation du 17 juillet 2014 était recevable ;
- en application de l'article L. 199 C du livre des procédures fiscales, il soulève l'irrégularité de la procédure de recouvrement en l'absence de réponse à sa demande de sursis avant l'expiration du délai pour interjeter appel du jugement ; l'erreur est substantielle au sens de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales ;
- le jugement attaqué est irrégulier pour n'avoir pas répondu au moyen essentiel tenant à l'absence d'apport de sa part à la SARL PharmacieB... ;
- le jugement est entaché d'erreurs de droit et d'erreurs manifestes d'appréciation ; selon la jurisprudence de la Cour de cassation, en cas de société d'acquêts adjointe à une séparation de biens, c'est le régime de la communauté légale réduite aux acquêts qui s'applique aux biens de la société ; le fonds de commerce appartenant à la société d'acquêts qu'il constituait avec son ex-épouse ne peut donc relever du régime de l'indivision ; c'est son ex-épouse, titulaire du titre, et seule bénéficiaire des bénéfices industriels et commerciaux qui pouvait seule exercer l'option pour l'article 151 octies du code général des impôts en sa qualité d'exploitante du fonds de commerce et de redevable de l'imposition sur la plus-value d'apport ; la revendication que lui-même peut exercer en sa qualité d'associé au sein de la SARL Pharmacie B...est sans incidence sur le régime fiscal de l'opération d'apport qui n'est imposable qu'au nom du titulaire du titre.
Par mémoires enregistrés les 16 décembre 2014 et 29 juin 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- le tribunal a répondu aux moyens soulevés par le contribuable ;
- la réclamation du 17 juillet 2014 de M. B...était tardive ; les moyens d'irrégularité des avis d'impositions qui lui ont été adressés, lesquels ne constituaient pas des avis de mise en recouvrement au sens de l'article L. 256 du livre des procédures fiscales, sont inopérants ;
- la demande de M. B...de sursis à exécution du jugement était irrecevable, n'ayant pas été présentée par requête distincte du recours en appel ; en tout état de cause, le contribuable ne justifiait pas d'une situation d'urgence ni d'un moyen susceptible de créer un doute sérieux sur la légalité de la décision de l'administration ;
- les droits indivis détenus sur la valeur d'un actif affecté à l'exercice de la profession de l'époux ont, du point de vue fiscal, le caractère d'un élément de patrimoine professionnel du conjoint non exploitant ; l'application du régime des plus-values professionnelles au titre de l'apport du fonds à une société est donc justifié, M. B...devant être regardé en qualité d'indivisaire comme ayant apporté le fonds au même titre que son épouse ; le régime de report d'imposition supposant la réalisation effective et habituelle d'opérations liées à l'exercice de l'activité, M. B...ne peut en bénéficier ; une société d'acquêts qui ne dispose d'aucune existence juridique et n'a jamais été consacrée par la loi, doit être traitée comme une indivision entre époux ;
- la demande présentée au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est irrecevable car non justifiée et non fondée, les conclusions en décharge étant elles-mêmes vouées au rejet.
Par un mémoire enregistré le 7 décembre 2017, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il confirme ses précédentes écritures et ajoute qu'à supposer même que la société d'acquêts ait subsisté après l'apport, il n'en reste pas moins que l'apport a été générateur d'une plus-value professionnelle imposable au sens de l'article 39 duodecies du code général des impôts et qu'elle devait donner lieu à une imposition au nom de M.B..., qui ne remplissait pas les conditions de l'article 151 octies du même code.
Par un mémoire enregistré le 17 janvier 2018, M.B..., représenté par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement mentionné ci-dessus du tribunal administratif de Pau du 12 juin 2014 ;
2°) de lui accorder la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels il a été assujetti au titre de l'année 2005 ;
3°) de lui accorder le remboursement des sommes qu'il a acquittées en droits, pénalités et intérêts en exécution du jugement du 12 juin 2014 ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 15 000 euros au titre des frais exposés en première instance et en appel.
Il soutient qu'il abandonne les moyens précédemment invoqués tenant à l'irrégularité du jugement et à la validité des mises en recouvrement ; quant au fond, il se réfère à la décision n° 395159 du Conseil d'Etat et ajoute que :
- l'option pour le report d'imposition doit être regardée comme ayant été valablement exercé par son ex-épouse pour le compte de la communauté conjugale ;
- contrairement à ce que soutient l'administration, il n'y a pas lieu de distinguer au sein d'une société d'acquêts, qui n'est pas une personne morale, entre les associés exploitants et non-exploitants ;
- tel est le sens de la doctrine administrative BOI-BIC.PVMV-10 et suivants ;
- la position de l'administration conduit à imposer une plus-value alors qu'une donation de parts sociales est intervenue au profit du fils du couple ; si lui et son ex-épouse avaient eu connaissance de l'impôt auquel ils ont été assujettis, ils auraient fait donation du fonds de commerce à leur fils à charge pour lui d'en faire apport à la société, ce qui n'aurait généré aucune plus-value.
Un mémoire enregistré le 26 janvier 2018 été présenté par le ministre de l'action et des comptes publics et n'a pas été communiqué.
Par ordonnance du 7 décembre 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 29 janvier 2018 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Elisabeth Jayat,
- et les conclusions de Mme Déborah De Paz, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. et MmeB..., aujourd'hui divorcés, étaient mariés sous le régime de la séparation de biens et ont adjoint à ce régime, le 25 février 1984, une société d'acquêts à laquelle M. B...a apporté le fonds de commerce de pharmacie qu'il avait constitué en 1962 et dont l'exploitation a ensuite été confiée à son épouse. Le 6 octobre 2005, cette dernière a créé avec leur fils la société à responsabilité limitée Pharmacie B...à laquelle ce fonds de commerce a été apporté. A l'issue d'un contrôle sur pièces, l'administration a constaté que M.B..., ne résidant plus avec son épouse et imposé séparément, n'avait pas déclaré à l'impôt sur le revenu la plus-value d'apport correspondant aux droits qu'il détenait dans la société d'acquêts et a estimé, d'une part, que cette plus-value devait être imposée selon le régime des plus-values professionnelles et, d'autre part, qu'à défaut pour l'intéressé d'exercer alors l'activité de pharmacien, les conditions pour bénéficier du report d'imposition prévu à l'article 151 octies du code général des impôts n'étaient pas satisfaites, quand bien même son épouse aurait bénéficié de ce régime pour l'imposition de la fraction de la plus-value la concernant. M. B...a, en conséquence, été assujetti, au titre de l'année 2005, aux suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales correspondants. Il fait appel du jugement du 12 juin 2014 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et des pénalités dont elles ont été assorties.
2. Lorsque les époux sont mariés sous le régime de la séparation de biens assorti de la création, par voie conventionnelle, d'une société d'acquêts, les biens ou revenus apportés à cette " société " sont soumis, sauf stipulation contraire, aux règles de la communauté. Les droits que détient un conjoint sur un actif apporté à la société d'acquêts et affecté à l'exercice de la profession de l'autre conjoint ont toujours, du point de vue fiscal, le caractère d'un élément de patrimoine professionnel, même dans le cas où ce conjoint ne participe pas à l'activité professionnelle en cause. Ces droits font, en conséquence, s'il y a lieu, l'objet d'une imposition selon le régime applicable aux plus-values professionnelles, prévu par les articles 39 duodecies et suivants du code général des impôts. M. B...n'est ainsi pas fondé à soutenir que seule son épouse devrait être regardée comme ayant fait apport du fonds de commerce de pharmacie concerné et, par suite, comme redevable de la plus-value professionnelle d'apport.
3. Aux termes de l'article 151 octies du code général des impôts : " I. Les plus-values soumises au régime des articles 39 duodecies à 39 quindecies et réalisées par une personne physique à l'occasion de l'apport à une société soumise à un régime réel d'imposition de l'ensemble des éléments de l'actif immobilisé affectés à l'exercice d'une activité professionnelle ou de l'apport d'une branche complète d'activité peuvent bénéficier des dispositions suivantes : a. L'imposition des plus-values afférentes aux immobilisations non amortissables fait l'objet d'un report jusqu'à la date de la cession à titre onéreux ou du rachat des droits sociaux reçus en rémunération de l'apport de l'entreprise ou jusqu'à la cession de ces immobilisations par la société si elle est antérieure. En cas de transmission à titre gratuit à une personne physique des droits sociaux rémunérant l'apport, le report d'imposition est maintenu si le bénéficiaire de la transmission prend l'engagement d'acquitter l'impôt sur la plus-value à la date où l'un des événements prévus à la phrase précédente se réalise (...) ".
4. Il résulte de ces dispositions qu'elles visent les plus-values réalisées par une personne physique à l'occasion de l'apport à une société soumise à un régime réel d'imposition de l'ensemble des éléments de l'actif immobilisé qu'elle a affectés à l'exercice de son activité professionnelle. Compte tenu de son objet, le respect de cette condition s'apprécie nécessairement, dans le cas d'un couple marié, au niveau de chaque conjoint pris isolément. Si la plus-value dont il s'agit porte sur des droits concernant un actif inclus dans une société d'acquêts et affecté à l'exercice de la profession de l'un des conjoints ayant en conséquence, comme il a été dit au point 2, le caractère pour l'autre conjoint d'un élément de patrimoine professionnel au sens des articles 39 duodecies et suivants du code général des impôts, cette circonstance n'est pas, par elle-même, de nature à conférer à cet autre conjoint, pour l'application des dispositions de l'article 151 octies du même code, la qualité de personne physique ayant affecté les éléments d'actif apportés à l'exercice de son activité professionnelle.
5. En l'espèce, si M. B...participait aux apports de l'exploitation de la pharmacie et aux résultats de l'exploitation, il ne résulte d'aucun élément de l'instruction qu'il participait à sa gestion. Il est d'ailleurs constant que selon l'acte de constitution de la société d'acquêts, l'épouse du contribuable disposait des " pouvoirs d'administration exclusive pour l'exploiter personnellement ". Il ne remplissait donc pas les conditions pour bénéficier du report d'imposition prévu par l'article 151 octies du code général des impôts. Ainsi, et quand bien même son épouse avait indiqué dans l'acte d'apport auquel il avait donné son accord, opter pour ce régime et pourrait être regardée comme ayant exercé l'option au nom des deux conjoints, il ne peut en revendiquer le bénéfice.
6. La doctrine BOI-BIC-PVMV invoquée par M. B...ne comporte aucune interprétation du texte fiscal différente de celle qui en est faite dans le présent arrêt.
7. Le régime d'imposition qui aurait été applicable si les époux B...avaient fait donation à leur fils du fonds de commerce antérieurement à la constitution de la société à responsabilité limitée, à le supposer même plus favorable que celui appliqué par l'administration en l'espèce, est sans incidence sur les règles applicables à l'opération réalisée par le contribuable.
8. Il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande. Il n'est par suite, pas davantage fondé à demander que soit ordonné le remboursement des sommes versées, en droits, intérêts et pénalités, au titre des impositions en litige.
9. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de M. B...doit être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'action et des comptes publics. Copie en sera transmise à la direction spécialisée de contrôle fiscal Sud-Ouest.
Délibéré après l'audience du 26 juin 2018 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, président,
M. Pierre Bentolila, président-assesseur,
M. Frédéric Faïck, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 28 août 2018.
Le président-assesseur,
Pierre Bentolila
Le président-rapporteur,
Elisabeth JayatLe greffier,
Evelyne Gay-Boissières
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 17BX03229