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01/03/2018 | FRANCE | N°15BX02931

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 01 mars 2018, 15BX02931


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. H...A...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 11 février 2014 par lequel le maire de la commune de Lamothe-Montravel a délivré un permis de construire à M. G...et Mme B...en vue de la construction d'une maison d'habitation route de Caillou, au lieu-dit La Grande-Maison.

Par une ordonnance n° 1403787 du 27 juillet 2015, le président de la cinquième chambre du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la demande comme irrecevable.

Procédure devant la co

ur :

Par une requête, enregistrée le 31 août 2015, et un mémoire complémentaire, enre...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. H...A...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 11 février 2014 par lequel le maire de la commune de Lamothe-Montravel a délivré un permis de construire à M. G...et Mme B...en vue de la construction d'une maison d'habitation route de Caillou, au lieu-dit La Grande-Maison.

Par une ordonnance n° 1403787 du 27 juillet 2015, le président de la cinquième chambre du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la demande comme irrecevable.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 31 août 2015, et un mémoire complémentaire, enregistré le 19 mai 2017, M.A..., représenté par MeE..., demande dans le dernier état de ses écritures à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du président de la cinquième chambre du tribunal administratif de Bordeaux du 27 juillet 2015 ;

2°) d'annuler cet arrêté du maire de Lamothe-Montravel du 11 février 2014 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Lamothe-Montravel la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'ordonnance est irrégulière en l'absence de mentions des productions des parties et de l'analyse de leurs moyens et conclusions ; en outre, le visa du mémoire en réplique en date du 5 novembre 2014 est incomplet en l'absence de mention de deux moyens nouveaux.

- il justifie d'un intérêt pour agir ; à deux reprises, le tribunal administratif de Bordeaux a admis son intérêt pour agir contre des autorisations d'urbanisme portant sur le même terrain d'assiette que celui en litige ; la construction projetée est située à 75 mètres de la limite de sa propriété et à moins de 200 mètres de son habitation ; il dispose à travers les arbres bordant sa propriété d'une vue sur le terrain d'assiette du projet et sur la construction en cours d'édification ; sa propriété comporte un sentier piétonnier donnant directement accès au site du projet ; dans une décision du 13 avril 2016, le Conseil d'Etat a posé comme principe la présomption d'intérêt pour agir du voisin immédiat ;

- le dossier de demande de permis de construire est insuffisant ; contrairement aux exigences de l'article R. 431-9 du code de l'urbanisme, le plan de masse ne comporte pas le tracé des réseaux, à l'exception de la voie, et les modalités de raccordement de la construction à ces réseaux ; ce plan n'est pas coté et ne figure pas les plantations maintenues, supprimées ou créées ; il ne fait pas apparaître le traitement des espaces extérieurs ; ce plan n'a pas permis d'apprécier si le projet satisfaisait aux exigences de l'article AU2 du plan local d'urbanisme ; en méconnaissance de l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme, l'analyse de l'état initial est lacunaire ;

- le permis de construire méconnaît l'article AU2 du plan local d'urbanisme ; d'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier que la construction projetée serait desservie par les réseaux publics et, en tout état de cause, que les équipements publics existants seraient d'une capacité suffisante ; d'autre part, le projet de construction d'une maison individuelle ne s'inscrit dans aucune des catégories d'occupations autorisées par l'article AU2 ;

- le permis de construire méconnaît les articles R. 111-5 du code de l'urbanisme et AU 3 du plan local d'urbanisme ; le chemin rural ne présente pas les caractéristiques nécessaires à la desserte des quatre lots, et du lot A en particulier ;

- le permis de construire méconnaît l'article AU 4.2 du plan local d'urbanisme ; alors que cet article impose un réseau d'égout évacuant directement et sans aucune stagnation les eaux usées de toute nature, le projet ne prévoit qu'un dispositif d'assainissement individuel autonome ; ces dispositions sont applicables alors que le projet en litige appartient à un lotissement ;

- le permis de construire méconnaît les articles R. 111-21 du code de l'urbanisme et AU 11 du plan local d'urbanisme ; le terrain d'assiette du projet se trouve à proximité immédiate du site historique du champ de la bataille de Castillon, dernier conflit qui mit un terme à la guerre de cent ans, pour lequel une demande de protection de ce site historique a été faite par l'association Castillon-la-Bataille ; le site est vierge de toute construction et bordé de terres agricoles et d'arbres ; aucune disposition n'a été prise pour assurer l'insertion du projet dans le site ;

- le permis de construire méconnaît l'article AU 13 du plan local d'urbanisme ; le projet ne comporte pas des espaces libres aménagés et un tiers de ces espaces n'est pas affecté aux aires de jeux.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 29 septembre 2015 et 20 septembre 2017, la commune de Lamothe-Montravel, représentée par MeD..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. A...de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- l'ordonnance est régulière ; le mémoire du 5 novembre 2014 a été analysé ; en tout état de cause, une décision dont les visas n'analyseraient pas les moyens de la requête n'est pas irrégulière si la demande a été rejetée pour irrecevabilité ;

- M. A...ne justifie pas d'un intérêt pour agir contre le permis de construire en litige ; sa propriété ne dispose d'aucun accès piéton et véhicule via la route du Caillou qui dessert le projet critiqué ; le terrain d'assiette, situé à 225 mètres de la maison d'habitation du requérant, est séparé par trois parcelles de cette maison ; un vaste espace boisé classé en zone naturelle occulte toute visibilité sur le projet ; ce dernier est par ailleurs de dimension modeste ; la décision du Conseil d'Etat invoquée par le requérant ne rétablit pas la présomption d'intérêt pour agir dont bénéficiait le voisin immédiat antérieurement à l'ordonnance du 13 juillet 2013 ;

- le dossier de demande de permis de construire satisfait aux exigences des articles R. 431-8 et R. 431-9 du code de l'urbanisme ; le plan de masse, coté en largeur et longueur, est complété par un plan de coupe ; il comporte le positionnement de l'accès à la voie publique, des compteurs relatifs aux réseaux publics, validés par les gestionnaires des réseaux, et le positionnement du système d'assainissement autonome sur l'arrière de la parcelle ; aucune plantation n'a été maintenue ou supprimée ; le plan de masse et la notice paysagère précisent l'aménagement des espaces extérieurs ; la notice paysagère décrit précisément l'état initial et l'insertion du projet dans son environnement ;

- le permis de construire ne méconnaît pas l'article AU 2 du plan local d'urbanisme ; le projet est situé dans la zone du projet d'aménagement et de développement durable autorisant les constructions ; la voie et les réseaux sont d'une capacité suffisante ;

- le permis de construire ne méconnaît pas les articles R. 111-5 du code de l'urbanisme et AU 3 du plan local d'urbanisme ; alors que le trafic sera faible, la largeur de la voie, supérieure à trois mètres, permet à deux véhicules de se croiser en toute sécurité ;

- le permis de construire ne méconnaît pas l'article AU 4.2 du plan local d'urbanisme ; dans l'attente d'un réseau, le SPANC a émis un avis favorable au système d'assainissement autonome envisagé par le projet ;

- le permis de construire ne méconnaît pas les articles R. 111-21 du code de l'urbanisme et AU 11 du plan local d'urbanisme ; le projet, situé dans une zone à urbaniser et sans intérêt particulier, est modeste ; le site du champ de la bataille de Castillon est situé à plus de deux cent mètres du projet ;

- le permis de construire ne méconnaît pas l'article AU 13 du plan local d'urbanisme ; les espaces libres sont aménagés en espaces verts ; les dispositions relatives à la création d'espaces libres communs et à l'affectation pour un tiers à des aires de jeux ne sont pas applicables à des constructions individuelles.

Par ordonnance du 21 septembre 2017, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 3 novembre 2017 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Cécile Cabanne,

- les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public,

- et les observations de MeD..., représentant la commune de Lamothe Montravel.

Considérant ce qui suit :

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

1. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d'appel, les premiers vice-présidents des tribunaux et des cours, le vice-président du tribunal administratif de Paris et les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours peuvent, par ordonnance: (...) 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens (...) ".

2. Il ressort des pièces du dossier que M. A...a sollicité l'annulation de l'arrêté du 11 février 2014 par lequel le maire de la commune de Lamothe-Montravel (Dordogne) a délivré un permis de construire à M. G...et Mme B...en vue de la construction d'une maison d'habitation, route de Caillou, au lieu-dit La Grande-Maison. Le président de la cinquième chambre du tribunal administratif de Bordeaux a, sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, rejeté sa demande comme manifestement irrecevable, au motif que l'intéressé ne justifiait pas d'un intérêt pour agir au sens de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme contre ce permis de construire.

3. Il résulte de la lecture de l'ordonnance attaquée, d'une part, que le premier juge a visé l'ensemble des écritures échangées devant lui par les parties et, d'autre part, qu'il a analysé les conclusions et les moyens soulevés. Toutefois, il a omis de mentionner le moyen tiré de la méconnaissance de l'article AU 2 invoqué par M. A...dans son mémoire complémentaire du 5 novembre 2014. Cependant, cette omission n'est pas de nature à entacher d'irrégularité l'ordonnance en litige dès lors que le président de la cinquième chambre du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande comme irrecevable pour défaut d'intérêt pour agir.

4. Aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation ".

5. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.

6. Il ressort des pièces du dossier que le permis de construire litigieux porte sur la construction d'une maison d'habitation de plain-pied d'une surface de plancher de 96 m² pour une hauteur de 4,44 mètres. Elle est distante de 225 mètres de la maison d'habitation de M. A... dont elle est séparée par trois parcelles et un bois. Si M. A...allègue qu'il existe une vue sur la construction projetée à partir de sa propriété, il ressort des photographies du constat d'huissier qu'il a lui-même commandé à cette fin que la vue à partir de la propriété de M. A...n'est possible qu'en limite de propriété, à l'orée de la forêt lui appartenant. Ce procès-verbal ne permet pas, en revanche, de constater une covisibilité à l'intérieur de la propriété de M.A..., alors que la forêt apparaît en léger contrebas de la limite de propriété. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que les sentes qui traverseraient sa propriété seraient affectées de quelque manière par la construction projetée. Dans ces conditions, eu égard aux caractéristiques du projet, à la configuration des lieux et à la distance séparant le projet autorisé de la maison d'habitation de M.A..., il n'est pas établi que la vue alléguée sur la construction autorisée, compte tenu de son caractère extrêmement limité, serait susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien, alors même que l'environnement immédiat serait dépourvu de constructions, ce qui au demeurant est contredit par les pièces du dossier. A cet égard, le requérant ne peut se prévaloir de ce que les juridictions administratives ont admis la recevabilité de ses requêtes présentées contre des autorisations d'urbanisme portant sur le même terrain d'assiette dès lors, d'une part, qu'en l'absence d'identité d'objet elles n'ont pas autorité de la chose jugée et d'autre part, qu'elles ont fait application du régime de recevabilité antérieur à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 18 juillet 2013. Par suite, et sans que M. A...puisse davantage alléguer que la construction contestée porterait atteinte à l'intérêt du champ de la bataille de Castillon, dernier conflit qui mit fin à la guerre de cent ans, qui n'est au demeurant pas à proximité immédiate, M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le président de la cinquième chambre du tribunal administratif de Bordeaux a estimé qu'il ne justifiait pas d'un intérêt pour agir au sens de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme.

Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Lamothe-Montravel, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande M. A...au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A...la somme de 1 500 euros que demande la commune sur le même fondement.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : M. A...versera à la commune de Lamothe-Montravel la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. H...A..., à la commune de Lamothe-Montravel, à M. F...G...et à Mme C...B....

Délibéré après l'audience du 25 janvier 2018 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, président,

M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,

Mme Cécile Cabanne, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 1er mars 2018.

Le rapporteur,

Cécile CABANNELe président,

Catherine GIRAULTLe greffier,

Virginie MARTY

La République mande et ordonne au préfet de la Dordogne en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

No 15BX02931


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15BX02931
Date de la décision : 01/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Procédure - Introduction de l'instance - Intérêt pour agir - Absence d'intérêt.

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Cécile CABANNE
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : CASADEI-JUNG MARIE-FRANCOISE

Origine de la décision
Date de l'import : 06/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-03-01;15bx02931 ?
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