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15/02/2018 | FRANCE | N°16BX01309

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre - formation à 3, 15 février 2018, 16BX01309


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...E...et Mme A...C..., agissant tant pour leur compte que pour celui de leur fils Kylian E...C..., ont demandé au tribunal administratif de Pau de condamner le centre hospitalier général de Pau à leur verser la somme de 20 000 euros chacun en réparation de leurs préjudices.

Par un jugement n° 1400365 du 4 février 2016, le tribunal administratif de Pau a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 16 avril 2016 et un mémoire récapitulatif e

nregistré le 3 mai 2017, M. E...et MmeC..., agissant tant pour leur compte que pour celui de l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...E...et Mme A...C..., agissant tant pour leur compte que pour celui de leur fils Kylian E...C..., ont demandé au tribunal administratif de Pau de condamner le centre hospitalier général de Pau à leur verser la somme de 20 000 euros chacun en réparation de leurs préjudices.

Par un jugement n° 1400365 du 4 février 2016, le tribunal administratif de Pau a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 16 avril 2016 et un mémoire récapitulatif enregistré le 3 mai 2017, M. E...et MmeC..., agissant tant pour leur compte que pour celui de leur fils KylianE..., représentés par Me B..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1400365 du 4 février 2016 du tribunal administratif de Pau ;

2°) de condamner le centre hospitalier général de Pau à leur verser la somme de 20 000 euros chacun en réparation de leurs préjudices ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier général de Pau la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le signalement pour suspicion de maltraitance est fautif dès lors que leur fils ne présentait pas un syndrome de Silverman et que les lésions secondaires ne présentent pas de caractère volontaire ;

- les préjudices moraux que leur a causés ce signalement erroné sont établis.

Par un mémoire en défense enregistré le 24 avril, le centre hospitalier général de Pau conclut au rejet de la requête.

Il soutient que que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par un courrier du 29 novembre 2017, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la décision à intervenir est susceptible d'être fondée sur un moyen d'ordre public tiré de ce que les juridictions administratives sont incompétentes pour statuer sur la faute qu'aurait commise le centre hospitalier général de Pau le 8 mars 2011 en adressant le signalement litigieux au procureur de la République dès lors que ce signalement n'est pas détachable de la décision par laquelle le juge d'instruction a prononcé la mise en examen de M. E...le 11 mars 2011 et se rattache ainsi à une procédure judicaire dont il n'appartient qu'aux juridictions judiciaires de connaître.

Par un mémoire en réponse au moyen d'ordre public enregistré le 5 décembre 2017, les appelants soutiennent que les juridictions administratives sont compétentes pour statuer sur les préjudices que leur a causés le signalement litigieux.

Par un mémoire en réponse au moyen d'ordre public enregistré le 15 décembre 2017, le centre hospitalier général de Pau soutient que le signalement litigieux n'est pas détachable de la procédure judiciaire à laquelle il a donné lieu.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code pénal ;

- le code de procédure pénale ;

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M.F...,

- et les conclusions de M. Katz, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le 8 mars 2011, à la suite de l'hospitalisation en urgence le 5 mars précèdent de KylianE..., né le 28 septembre 2010, le centre hospitalier général de Pau a émis un signalement de suspicion de maltraitance à l'encontre de son père, M.E.... Celui-ci a été mis en examen le 11 mars 2011 puis placé en détention préventive jusqu'au 29 mars suivant. Son fils Kylian a, quant à lui, été placé auprès des services de l'aide sociale à l'enfance pendant une durée de deux mois. Une ordonnance de non-lieu a toutefois été rendue le 15 février 2013. La demande d'indemnisation présentée par M. E...et MmeC..., agissant tant pour leur compte que pour celui de leur fils Kylian, ayant été rejetée par le centre hospitalier le 18 décembre 2013, ceux-ci ont demandé au tribunal administratif de Pau de condamner le centre hospitalier général de Pau à leur verser la somme de 20 000 euros chacun en réparation des préjudices moraux que leur aurait causé le signalement émis à la suite de l'hospitalisation précitée du 5 mars 2011. Ils demandent à la cour d'annuler le jugement n° 1400365 du 4 février 2016 par lequel le tribunal administratif a rejeté cette demande et de condamner le centre hospitalier général de Pau à leur verser la somme de 20 000 euros chacun en réparation de leurs préjudices.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 4127-44 du code de la santé publique : " Lorsqu'un médecin discerne qu'une personne auprès de laquelle il est appelé est victime de sévices ou de privations, il doit mettre en oeuvre les moyens les plus adéquats pour la protéger en faisant preuve de prudence et de circonspection. Lorsqu'il s'agit d'un mineur ou d'une personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son état physique ou psychique, il alerte les autorités judiciaires ou administratives, sauf circonstances particulières qu'il apprécie en conscience. "

3. Sauf dispositions législatives contraires, la responsabilité qui peut incomber à l'État ou aux autres personnes morales de droit public en raison des dommages imputés à leurs services publics administratifs est soumise à un régime de droit public et relève en conséquence de la juridiction administrative. En revanche, celle-ci ne saurait connaître de demandes tendant à la réparation d'éventuelles conséquences dommageables des actes intervenus au cours d'une procédure judiciaire ou se rattachant directement à celle-ci, lesquels ne peuvent être appréciés, soit en eux mêmes, soit dans leurs conséquences, que par l'autorité judiciaire.

4. La transmission au procureur de la République, le 8 mars 2011, d'un signalement de suspicion de maltraitance n'est pas détachable de la décision par laquelle le juge d'instruction a prononcé la mise en examen de M. E...le 11 mars 2011 et se rattache ainsi à une procédure judicaire dont il n'appartient qu'aux juridictions judiciaires de connaître. Dès lors, en statuant sur la demande des appelants tendant à la condamnation du centre hospitalier général de Pau à les indemniser des préjudices qu'ils auraient subis à raison des fautes dont serait entaché ce signalement, le tribunal administratif de Pau a lui-même entaché son jugement d'incompétence. Par suite, il y a lieu d'annuler son jugement du 4 février 2016 et, statuant par voie d'évocation, de rejeter la demande présentée devant le tribunal administratif comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.

5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge du centre hospitalier général de Pau, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Pau du 4 février 2016 est annulé.

Article 2 : La demande présentée devant le tribunal administratif par M. E...et Mme C... ainsi que leurs conclusions tendant à la condamnation du centre hospitalier général de Pau sont rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...E..., à Mme A...C...et au centre hospitalier général de Pau.

Délibéré après l'audience du 23 janvier 2018 à laquelle siégeaient :

M. Didier Salvi, président,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller,

Mme Aurélie Chauvin, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 février 2018

Le rapporteur,

Manuel F...Le président,

Didier Salvi Le greffier,

Vanessa Beuzelin

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N° 16BX01309


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