La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/10/2017 | FRANCE | N°15BX03527

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre - formation à 3, 03 octobre 2017, 15BX03527


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme (SA) Oréas, la société à responsabilité limitée (SARL) Oreas Oléron et M. C...ont demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 15 octobre 2012 par lequel le maire de Saint-Trojan-les-Bains a, au nom de l'Etat, mis en demeure la société Oréas Oléron d'interrompre les travaux réalisés sur la parcelle cadastrée section A n° 1440 au 46 avenue des Bouillats.

Par un jugement n° 1300583 du 31 août 2015, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté l

eur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 29 octobre 2015,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme (SA) Oréas, la société à responsabilité limitée (SARL) Oreas Oléron et M. C...ont demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 15 octobre 2012 par lequel le maire de Saint-Trojan-les-Bains a, au nom de l'Etat, mis en demeure la société Oréas Oléron d'interrompre les travaux réalisés sur la parcelle cadastrée section A n° 1440 au 46 avenue des Bouillats.

Par un jugement n° 1300583 du 31 août 2015, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 29 octobre 2015, la société par actions simplifiée (SAS) Oreas, la société à responsabilité limitée (SARL) Oreas Oléron et M. A...C..., représentés par MeB..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1300583 du tribunal administratif du Poitiers du 31 août 2015 ;

2°) d'annuler l'arrêté municipal du 15 octobre 2012 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'arrêté en litige est illégal en raison du fait qu'il a été notifié à la SARL Oréas Oléron alors qu'il aurait dû l'être à M.C..., seul bénéficiaire du permis de construire délivré en 2008 ;

- la procédure contradictoire prévue à l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 n'a pas été respectée préalablement à l'intervention de l'arrêté en litige ; c'est à tort que le tribunal administratif a jugé qu'il n'existait pas de circonstances de fait ou de droit nouvelles qui auraient justifié l'organisation d'une nouvelle procédure contradictoire entre la première mise en demeure d'interrompre les travaux décidée le 4 septembre 2012 et l'arrêté en litige du 15 octobre 2012 ; en effet, entre ces deux décisions, M. C...avait adressé au maire un courrier valant recours administratif qui a conduit au retrait du premier arrêté municipal et qui constituait ainsi une circonstance nouvelle ;

- l'arrêté en litige est insuffisamment motivé en fait car il n'explique pas en quoi les travaux réalisés par la SARL Oréas Oléron ne pouvaient être pris en compte concernant la caducité du permis de construire délivré en 2008 ;

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que ce permis était devenu caduc dès lors que la commune ne démontre pas que les travaux autorisés ont été interrompus pendant plus d'un an ; il est au contraire justifié que les travaux portant sur la construction des lots n° 4 et 5 ont commencé à l'été 2009 et se sont poursuivis jusqu'aux mois de juin et de juillet 2012 ; par leur importance, ils ne constituaient pas de simples travaux préparatoires ne faisant pas obstacle à la caducité du permis de construire.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 janvier 2017, le ministre du logement et de l'habitat durable conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- si M. C...est le bénéficiaire du permis de construire délivré en 2008, il est aussi le gérant de la SARL Oréas Oléron, laquelle a réalisé les travaux autorisés et déposé la déclaration d'achèvement du chantier en son propre nom ; ainsi, la décision attaquée n'est pas entachée d'irrégularité en ce qu'elle a été notifiée à la SARL Oréas Oléron ;

- le courrier du 19 juillet 2012 par lequel le maire a informé la société qu'il avait fait dresser à son encontre le procès-verbal d'infraction au code de l'urbanisme et l'a invitée à prendre contact avec ses services tient lieu de procédure contradictoire en application de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ; la décision attaquée a été prise après que la société a été mise à même de présenter des observations ;

- l'arrêté du 15 octobre 2012 en litige n'est pas entaché d'une insuffisance de motivation ;

- il n'est pas établi que les travaux relatifs aux lots n° 4 et 5 aient revêtu une importance telle que le délai de caducité du permis de construire aurait été interrompu ; les factures produites au dossier sont relatives à de simples travaux de terrassement, de nettoyage, de remblaiement et n'ont pu avoir pour effet d'interrompre ce délai.

Par ordonnance du 7 février 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 6 mars 2017 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

- le décret n° 2008-1353 du 19 décembre 2008 prolongeant le délai de validité des permis de construire, d'aménager ou de démolir et des décisions de non-opposition à une déclaration préalable ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Frédéric Faïck,

- les conclusions de Mme Déborah De Paz, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., représentant la SAS Oréas, la SARL Oréas Oléron et M.C....

Considérant ce qui suit :

1. Le 8 février 2008, le maire de Saint-Trojan-les-Bains a délivré à la société anonyme (SA) Oréas un permis de construire cinq maisons individuelles sur un terrain situé 46, avenue des Bouillats. Cette autorisation a été transférée au bénéfice de M. C...par un arrêté du 29 août 2008. Une déclaration attestant l'achèvement, au 30 juillet 2009, et la conformité des travaux portant sur les lots n° 1 à 3 du projet a été déposée en mairie le 7 janvier 2010. Le 17 juillet 2012, le maire de Saint-Trojan-les-Bains a fait dresser un procès-verbal constatant la réalisation de travaux de construction des lots n° 4 et 5 sans permis et l'a transmis au procureur de la République. La société à responsabilité limitée (SARL) Oréas Oléron a été destinataire d'un arrêté municipal du 4 septembre 2012 la mettant en demeure d'interrompre ces travaux. Le maire de Saint-Trojan-les-Bains a cependant abrogé cette décision avant de prendre, le 15 octobre 2012, un nouvel arrêté ayant le même objet fondé sur la circonstance que le permis délivré le 8 février 2008 a été frappé de péremption. La société par action simplifiée (SAS) Oréas, la SARL Oréas Oléron et M. C... relèvent du jugement rendu le 31 août 2015 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leur demande d'annulation de l'arrêté du 15 octobre 2012.

Sur la légalité de l'arrêté du 15 octobre 2012 :

2. En premier lieu, aux termes du troisième alinéa de l'article L. 480-2 du code de l'urbanisme : " Dès qu'un procès-verbal relevant l'une des infractions prévues à l'article L. 480-4 a été dressé, le maire peut également, si l'autorité judiciaire ne s'est pas encore prononcée, ordonner par arrêté motivé l'interruption des travaux. Copie de cet arrêté est transmise sans délai au ministère public. (...) ". La réalisation de travaux sans permis de construire est au nombre des infractions justifiant la mise en oeuvre, par le maire, des pouvoirs qu'il tient des dispositions précitées de l'article L. 480-2.

3. Aux termes de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 : " (...) les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 (...) n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. (...) ".

4. La décision par laquelle le maire ordonne l'interruption des travaux, au motif qu'ils sont menés sans autorisation de construire, est au nombre des mesures de police qui doivent être motivées en application de la loi du 11 juillet 1979. En conséquence, elle ne peut intervenir qu'après que son destinataire a été mis à même de présenter ses observations.

5. Par un courrier du 19 juillet 2012, le maire de Saint-Trojan-les-Bains a informé la SARL Oréas Oléron et M. C...qu'un procès-verbal constatant la réalisation de travaux sans permis avait été dressé. Le maire a également demandé aux intéressés d'interrompre le chantier et de prendre contact avec les services de la commune dans un délai de huit jours " afin de voir si une décision de régularisation était possible ". Eu égard à ses termes, ce courrier du 19 juillet 2012 constitue la procédure contradictoire prévue à l'article 24 de la loi du 12 avril 2000. Par ailleurs, entre le 4 septembre 2012, date du premier arrêté ordonnant la cessation des travaux, finalement abrogé, et le 15 octobre 2012, date de l'arrêté en litige, il ne s'est produit aucun changement dans les circonstances de droit ou de fait qui aurait dû conduire le maire à organiser une nouvelle procédure contradictoire. Par suite, c'est à bon droit que le tribunal administratif a écarté le moyen tiré de la méconnaissance, par l'arrêté du 15 octobre 2012, des exigences procédurales résultant de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000.

6. En deuxième lieu, l'arrêté du 15 octobre 2012 vise un rapport établi le 17 juillet 2012 par la police municipale ayant constaté une infraction au code de l'urbanisme révélée par la construction de maisons individuelles sans permis de construire. L'arrêté indique également que ces travaux ont été interrompus pendant plus d'un an, ce qui entraîne la péremption de l'autorisation de construire en application de l'article R. 424-17 du code de l'urbanisme. Ainsi, et contrairement à ce que soutiennent les requérants, la décision attaquée est suffisamment motivée.

7. En troisième lieu, les conditions de notification d'une décision administrative sont sans incidence sur sa légalité. Ainsi, le maire de Saint-Trojan-les-Bains n'a commis aucune irrégularité en notifiant à la société Oréas Oléron l'arrêté de cessation des travaux en litige alors que cette dernière n'était pas bénéficiaire du permis de construire précédemment délivré.

8. En quatrième lieu, à supposer que les requérants aient entendu reprendre devant la cour leur moyen tiré de l'erreur de fait commise par le maire dans l'identification de la personne concernée par son arrêté, ils ne se prévalent d'aucun élément de droit ou de fait nouveau par rapport à leur argumentation devant les premiers juges. Par suite, ce moyen doit être écarté par adoption des motifs pertinents retenus par le tribunal administratif.

9. En cinquième lieu, aux termes de l'article R. 424-17 du code de l'urbanisme : " Le permis de construire (...) est périmé si les travaux ne sont pas entrepris dans le délai de deux ans à compter de la notification mentionnée à l'article R. 424-10 (...) Il en est de même si, passé ce délai, les travaux sont interrompus pendant un délai supérieur à une année. (...) ". L'article 1er du décret du 19 décembre 2008 prolongeant le délai de validité des permis de construire a porté le délai de deux ans, mentionné au premier alinéa de l'article R. 424-17 du code de l'urbanisme, à trois ans pour les permis de construire intervenus au plus tard le 31 décembre 2010. En vertu de l'article 2 de ce même décret, cette modification s'applique aux autorisations en cours de validité à la date de sa publication.

10. M. C...doit être regardé comme ayant eu connaissance du permis de construire le 27 juin 2008, date à laquelle la SARL Oréas Oléron, dont il était le gérant, a signé la déclaration d'ouverture du chantier. Il en résulte que le délai de péremption du permis expirait le 27 juin 2011, en application de l'article R. 424-17 du code de l'urbanisme et de l'article 1er du décret du 19 décembre 2008.

11. Il résulte des motifs de la décision contestée que, pour ordonner à la société Oréas Oléron d'interrompre ses travaux, le maire s'est fondé sur la circonstance que le chantier avait été interrompu pendant un délai supérieur à un an, ce qui frappait de péremption le permis délivré le 8 février 2008.

12. Pour contester ce motif, il appartient aux requérants d'établir qu'entre le 27 juin 2011 et le 15 octobre 2012, date de la décision attaquée, la construction des lots n° 4 et 5 du projet aurait fait l'objet de travaux significatifs permettant de regarder le chantier comme n'ayant pas été interrompu pendant plus d'un an. Ils produisent à cet égard deux factures portant toutefois sur de faibles montants (5 839,11 euros et 3 892,74 euros) et dépourvues de toute précision quant aux travaux auxquels elles se rapportent. Par ailleurs, les autres factures versées au dossier font état de la réalisation, jusqu'au 4 juillet 2011, de travaux d'installation de chantier, de nettoyage de la plate-forme de la future construction, de remblaiement, de creusement de tranchées pour l'installation des réseaux et de traçage du radier béton pour des montants également limités. Au regard de leur nature et de leur montant, ces travaux ne peuvent être regardés comme ayant revêtu une importance significative révélant que le chantier se serait poursuivi au terme du délai prévu par l'article R. 424-17 précité. Ces travaux n'ont ainsi pas eu pour effet d'interrompre le délai de péremption du permis de construire délivré le 8 février 2008 et c'est par suite à bon droit que le maire de Saint-Trojan-les-Bains s'est fondé sur l'article R. 424-17 du code de l'urbanisme pour prendre son arrêté du 15 octobre 2012 en litige.

13. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SAS Oréas, de la SARL Oréas Oléron et de M. C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Oréas, à la société à responsabilité limitée Oréas Oléron, à M. A...C...et au ministre de la cohésion des territoires. Une copie en sera adressée au préfet de la Charente-Maritime et à la commune de Saint-Trojan-les-Bains.

Délibéré après l'audience du 5 septembre 2017, à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

Mme Christine Mège, président-assesseur,

M. Frédéric Faïck, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 3 octobre 2017.

Le rapporteur,

Frédéric FaïckLe président,

Elisabeth JayatLe greffier,

Evelyne Gay-Boissières

La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 15BX03527


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15BX03527
Date de la décision : 03/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire.

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire - Régime d'utilisation du permis - Péremption.

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire - Contrôle des travaux.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: M. Frédéric FAÏCK
Rapporteur public ?: Mme DE PAZ
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS LEXCAP

Origine de la décision
Date de l'import : 10/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-10-03;15bx03527 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award