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13/06/2017 | FRANCE | N°16BX02761

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre - formation à 3, 13 juin 2017, 16BX02761


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) Le Gué Rethais et la SCI CHx Ré ont demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler le permis de construire un hangar de matériels et de stationnement de véhicules d'entreprise, délivré le 11 septembre 2014 par le maire de Saint-Clément-des-Baleines à la SARL Nogueira.

Par un premier jugement n° 1403011 du 3 mars 2016, le tribunal administratif de Poitiers, en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, a sursis à statuer sur cette dem

ande et imparti à la société pétitionnaire un délai de trois mois aux fins d'obten...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) Le Gué Rethais et la SCI CHx Ré ont demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler le permis de construire un hangar de matériels et de stationnement de véhicules d'entreprise, délivré le 11 septembre 2014 par le maire de Saint-Clément-des-Baleines à la SARL Nogueira.

Par un premier jugement n° 1403011 du 3 mars 2016, le tribunal administratif de Poitiers, en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, a sursis à statuer sur cette demande et imparti à la société pétitionnaire un délai de trois mois aux fins d'obtenir un permis de construire modificatif de régularisation. Par un second jugement du 9 juin 2016, sous le même numéro, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leur demande au regard du permis modificatif produit.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, présentés le 9 août 2016 et le 4 avril 2017, la SCI Le Gué Rethais et la SCI CHx Ré, représentées par la SCP Pielberg-Kolenc, demandent à la cour :

1°) d'annuler ces jugements du tribunal administratif de Poitiers des 3 mars 2016 et 9 juin 2016 ;

2°) d'annuler le permis de construire délivré le 11 septembre 2014 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Clément-des-Baleines la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent, en ce qui concerne la recevabilité de leur requête, que :

- elles justifient d'un intérêt à agir au sens de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme dès lors qu'elles sont propriétaires de parcelles contiguës au terrain d'assiette du projet, lequel présente une certaine ampleur et leur occasionnera des nuisances ;

Elles soutiennent, en ce qui concerne le fond du litige, que :

- c'est à tort que les premiers juges ont écarté leur moyen tiré de ce que le permis n'avait pas été précédé de l'avis du département de la Charente-Maritime en application de l'article R. 423-53 du code de l'urbanisme ; en effet, le projet implique la modification de l'accès à une voie public dont la gestion relève du département ;

- le permis de construire est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme car il est avéré que le terrain d'assiette du projet se trouve soumis à un risque fort d'inondation ainsi que l'établissent les études menées lors de la révision du plan de prévention des risques d'inondation de l'Ile de Ré ; ce risque sera accru compte tenu de la nature du projet qui consiste à construire un bâtiment massif d'une limite séparative à l'autre du terrain d'assiette sur un remblai d'une hauteur d'un mètre ; le tribunal administratif a commis une erreur de fait en retenant que le projet était situé dans une zone exposée à un aléa faible ;

- le projet prévoit de remblayer sur plus d'un mètre de hauteur la quasi-totalité du terrain d'assiette du projet, ce qui révèle une méconnaissance de l'article UB 2 du plan local d'urbanisme qui permet les autorisations et les occupations du sols sous réserve qu'elles n'entravent pas l'écoulement des eaux et n'aggrave pas les risques ;

- le projet prévoit l'installation de murs de clôtures imperméables, ce qui révèle une violation de l'article 2 du règlement du plan local d'urbanisme qui interdit de telles clôtures en vue d'assurer l'écoulement des eaux ;

- le projet méconnaît aussi l'article UB 7 du plan local d'urbanisme qui prévoit que, dès lors qu'un bâtiment n'est pas construit à l'alignement d'une voie publique, le pétitionnaire doit réaliser un mur de clôture d'une hauteur pouvant varier de 1,70 m à 2 m au maximum le long de la rue ; en effet, le projet ne prévoit pas l'implantation d'un mur de clôture de long de la rue du Chaume.

Par deux mémoires en intervention, présentés le 12 décembre 2016 et le 3 avril 2017, l'association de protection des sites de Saint-Clément-des-Baleines, représentée par la SCP Pielberg-Kolenc, demande à la cour de faire droit aux conclusions de la requête n° 16BX02761.

Elle soutient que :

- eu égard à son objet social, tel que le définissent ses statuts, elle justifie d'un intérêt à intervenir à l'appui de la contestation du permis de construire ;

- en raison du caractère submersible du terrain d'assiette du projet, le permis aurait dû être refusé ;

- le projet de construction, qui présente un aspect massif, ne s'insère pas harmonieusement dans le bâti environnant qui se caractérise par son aspect pavillonnaire composé de maisons individuelles en rez-de-chaussée ; le permis méconnaît ainsi l'article UB 11 du plan d'occupation de sols de la commune.

Par un mémoire en défense, présenté le 10 mars 2017, la commune de Saint-Clément-des-Baleines, représentée par MeG..., conclut au rejet de la requête, au rejet de l'intervention de l'association de protection des sites de Saint-Clément-des-Baleines et à ce qu'il soit mis à la charge des sociétés requérantes la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient, en ce qui concerne la recevabilité de l'intervention de l'association de protection des sites de Saint-Clément-des-Baleines, que :

- l'intervention est irrecevable au regard du principe d'irrecevabilité de l'intervention volontaire en appel d'une personne qui avait qualité pour faire appel du jugement de première instance ; l'association qui avait introduit devant le tribunal administratif un recours pour excès de pouvoir contre le permis de construire en litige n'a pas interjeté appel du jugement rejetant comme irrecevable sa demande.

Elle soutient, en ce qui concerne la légalité externe du permis de construire, que :

- le projet en litige n'a pas pour effet de créer ou de modifier un accès à la voie publique ; en tout état de cause, les autorités valablement consultées lors d'une première demande de permis n'ont pas à l'être de nouveau à l'occasion d'une nouvelle demande en l'absence de changement dans les circonstances ; en l'espèce, le terrain d'assiette du projet est pourvu d'un accès depuis la route départementale du Grand Fossé qu'il n'est aucunement prévu de modifier ; par conséquent, la demande de permis n'avait pas à comporter l'avis de l'autorité gestionnaire de cette voie en application de l'article R. 423-53 du code de l'urbanisme ; enfin, et en tout état de cause, le département de la Charente-Maritime s'était déjà prononcé sur cet accès à l'occasion d'une demande antérieure.

Elle soutient, en ce qui concerne la légalité interne du permis de construire, que :

- le risque de submersion marine du terrain d'assiette du projet n'est pas établi ; ainsi, lors de la tempête Xynthia, les terrains appartenant à la SARL Nogueira n'ont pas été inondés ; en outre, le terrain d'assiette du projet est classé en zone bleu clair du plan de prévention des risques naturels approuvé en 2002, laquelle correspond à une zone urbaine constituant un champ d'expansion d'une inondation où la constructibilité est la règle générale ; ledit terrain est également protégé au Nord par des ouvrages qui ont fait l'objet de travaux de consolidation depuis 2010 ; la carte de référence établie par le préfet en fonction de l'événement de référence montre aussi que le terrain d'assiette du projet est en zone d'aléa modéré tandis que la voie d'accès audit terrain est en zone d'aléa faible ; les cartes de hauteurs d'eau et des vitesses d'écoulement montrent également que le terrain d'assiette est exposé à un risque modéré ; il convient également de tenir compte des cotes de hauteur de la parcelle devant accueillir la construction, du fait que la réalisation de celle-ci nécessite un remblai d'un mètre environ qui est moins élevé que la cote de la route du Grand fossé ; enfin, les murs de clôture sont déjà existants, de sorte que le projet n'entraînera aucune aggravation en terme d'écoulement des eaux ; ainsi, le permis contesté n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ;

- pour les mêmes motifs, le permis de construire en litige ne méconnaît pas les dispositions de l'article UB1 du règlement du plan local d'urbanisme communal ;

- il ne méconnaît pas non plus l'article 2 du règlement de la zone UBs3 du plan local d'urbanisme qui interdit les clôtures imperméables dès lors que celles qui sont implantées en limites séparatives Est et Ouest du terrain d'assiette et le long de la route du Grand fossé sont préexistants et ne résultent pas du permis contesté ;

- la règle d'implantation de la construction par rapport à l'alignement de la voie publique s'applique en l'espèce uniquement par rapport à la rue du Grand Fossé sur laquelle le projet dispose d'un accès et non également par rapport à la rue des Chaumes ; il en résulte que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article UB 6 du plan local d'urbanisme doit être écarté ;

- autour du terrain d'assiette du projet se trouvent des maisons comportant un étage qui sont implantées d'une limite séparative à l'autre tout comme le projet autorisé ; le bardage en bois noir dont est revêtu le projet est expressément autorisé par l'article UB 11 du plan local d'urbanisme pour les bâtiments accueillant une activité professionnelle ; ainsi, le permis de construire ne méconnait pas l'article UB 11 du plan local d'urbanisme.

Par un mémoire en défense, présenté le 13 mars 2017, la SARL Nogueira, représentée par la SCP Lagrave-Jouteux, conclut au rejet de la requête, au rejet de l'intervention de l'association de protection des sites de Saint-Clément-des-Baleines et à ce qu'il soit mis à la charge des demanderesses la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient, en ce qui concerne la recevabilité de l'intervention de l'association de protection des sites de Saint-Clément-des-Baleines, que :

- l'intervention est irrecevable au regard du principe d'irrecevabilité de l'intervention volontaire en appel d'une personne qui avait qualité pour faire appel du jugement de première instance ; l'association qui avait introduit devant le tribunal administratif un recours pour excès de pouvoir contre le permis de construire en litige n'a pas interjeté appel du jugement rejetant comme irrecevable sa demande.

Elle soutient, en ce qui concerne la légalité externe du permis, que :

- les requérantes ne peuvent utilement soulever le caractère incomplet du permis de construire au regard de l'article R. 423-53 du code de l'urbanisme dès lors que la réalisation du projet litigieux n'implique aucune modification de l'accès à la parcelle vers la voie publique ; en tout état de cause, l'avis favorable du département de la Charente-Maritime à la réalisation d'un accès a été produit au dossier ;

- le permis de construire n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme car le terrain d'assiette du projet n'a pas été inondé au cours de la tempête Xynthia ; les murs de clôture qui entourent une partie dudit terrain ont été édifiés il y a plusieurs années et n'ont donc pas été autorisés par le permis contesté ;

- le permis ne méconnaît pas l'article UB 2 du règlement du plan local d'urbanisme car l'implantation de la construction sur les limites séparatives, dont les requérants soutiennent qu'elle entravera l'écoulement des eaux, est imposée par l'article UB7.1 dudit plan ; de plus, la construction est implantée avec une hauteur de plancher située à 35 centimètres au-dessus du niveau de la voie publique, ce qui est conforme aux exigences du plan local d'urbanisme ; il n'est pas établi que la future construction nuira au bon écoulement des eaux pluviales car, à supposer que la parcelle soit submergée en cas de pluies, l'eau ira buter contre un remblai d'un mètre de haut ; le parc de stationnement situé à l'entrée du bâtiment possède différentes pentes, ce qui permettra aux eaux de ruissellement de se diriger vers un point bas ; il doit aussi être tenu compte des caractéristiques du bâtiment qui possède des portes de garages assurant l'écoulement des eaux ;

- le permis ne méconnaît pas l'article UB 6 du règlement du plan local d'urbanisme qui exige que les constructions soient implantées à au moins 5 mètres de retrait de l'alignement ;

- subsidiairement, si la cour estimait que le permis de construire était entaché d'irrégularité, il conviendrait de faire application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme en permettant au pétitionnaire de solliciter un permis de construire modificatif de régularisation.

Par ordonnance du 13 mars 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 4 avril 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Frédéric Faïck,

- les conclusions de Mme Déborah De Paz, rapporteur public,

- et les observations de MeK..., représentant la SCI Le Gué Rethais, la SCI CHx Ré et l'association de protection des sites de Saint-Clément-des-Baleines, de MeB..., représentant la commune de Saint-Clément-des-Baleines et de MeF..., représentant la SARL Nogueira.

Considérant ce qui suit :

1. Le 11 septembre 2014, le maire de Saint-Clément-des-Baleines a délivré à la société à responsabilité limitée (SARL) Nogueira, qui exerce une activité de maçonnerie générale et de gros-oeuvre, un permis de construire un bâtiment artisanal sur la parcelle de terrain cadastrée section AL n° 28 située route du Grand Fossé au lieu-dit " Le Gillieux ". Cet édifice, d'une surface de plancher de 282 mètres carrés, est destiné à assurer le stockage de matériels et le stationnement de véhicules d'entreprise. Le permis de construire a été contesté par la société civile immobilière (SCI) Le Gué Rethais et par la SCI CHx Ré devant le tribunal administratif de Poitiers. Par un jugement avant-dire droit n° 1403011 du 3 mars 2016, le tribunal a écarté tous les moyens soulevés par les requérants à l'encontre du permis de construire, à l'exception de ceux tirés de la méconnaissance de l'article R. 431-9 du code de l'urbanisme et de l'article UB 12 du règlement du plan d'occupation de sols communal, puis, en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, a sursis à statuer sur la requête afin de permettre à la SARL Nogueira d'obtenir un permis modificatif de régularisation. Après la délivrance de celui-ci le 6 avril 2016, le tribunal administratif de Poitiers a rendu un second jugement, le 9 juin 2016, rejetant les demandes de la SCI Le Gué Rethais et de la SCI CHx Ré. Ces dernières relèvent appel des deux jugements rendus par le tribunal administratif le 3 mars et le 9 juin 2016.

Sur l'intervention de l'Association de protection des sites de Saint-Clément-des-Baleines :

2. L'association de protection des sites de Saint-Clément-des-Baleines avait saisi le tribunal administratif de Poitiers d'une requête tendant à l'annulation du permis de construire délivré le 11 septembre 2014 et qui a été présentée distinctement de celle ayant fait l'objet du présent appel. Elle n'a pas relevé appel du jugement n° 1402964, en date du 11 février 2016, par lequel le tribunal a rejeté sa demande comme irrecevable. Par suite, l'intervention de l'association de protection des sites de Saint-Clément-des-Baleines, qui n'était pas partie à l'instance ayant donné lieu au jugement dont la SCI Le Gué Rethais et la SCI Chx Ré ont fait appel, n'est pas recevable.

Sur la légalité du permis de construire délivré le 11 septembre 2014 :

3. Aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. ". Aux termes du règlement du plan d'occupation de sols de la commune de Saint-Clément-des-Baleines : " La zone UB correspond aux quartiers d'extension des bourgs anciens de la commune de Saint-Clément-des-Baleines. C'est une zone équipée, destinée à l'accueil de logements, de bureaux et de commerces. Elle comprend plusieurs secteurs : (...) - Les secteurs UBs1, UBs2 et UBs3 (...). Les secteurs indicés S3 font partie de la zone bleu clair BC du PPRN. Cette zone comprend les zones urbaines constituant le champ d'expansion d'une inondation par rupture de digue ou de cordon dunaire mince, située à l'arrière de la zone de protection R1 et non soumise au risque de submersion. La constructibilité sous conditions est la règle générale. Toutefois, compte tenu des enjeux et du risque littoral, des interdictions portent sur certains constructions ou aménagements (...) ". Aux termes de l'article UB 1 du plan d'occupation de sols : " (...) 6. Dans les secteurs indicés S3, sont autorisés sous conditions : sont admises les occupations et utilisations du sol qui ne sont pas interdites à l'article 2, sous réserve de respecter les conditions suivantes : - ne pas entraver l'écoulement des eaux et ne pas aggraver les risques (...) ".

4. Il appartient à l'autorité d'urbanisme compétente et au juge de l'excès de pouvoir, pour apprécier si les risques d'atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique justifient un refus de permis de construire sur le fondement de ces dispositions, de tenir compte tant de la probabilité de réalisation de ces risques que de la gravité de leurs conséquences, s'ils se réalisent. Pour l'application de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme en matière de risque de submersion marine, il appartient à l'autorité administrative d'apprécier, en l'état des données scientifiques disponibles, ce risque de submersion en prenant en compte notamment la situation de la zone du projet au regard du niveau de la mer, sa situation à l'arrière d'un ouvrage de défense contre la mer, le cas échéant, le risque de rupture ou de submersion de cet ouvrage en tenant compte notamment de son état, de sa solidité et des précédents connus de rupture ou de submersion.

5. Il est constant que le plan de prévention des risques d'inondation de l'Île de Ré, approuvé le 19 juillet 2002, classe le terrain d'assiette du projet en zone bleu clair BC, laquelle correspond aux zones urbaines servant de champ d'expansion aux inondations par rupture de digue ou de cordon dunaire. Ledit terrain est donc soumis aux dispositions, citées au point 3, du plan d'occupation de sols régissant le secteur UBs3 de la zone UB.

6. Même si la parcelle devant accueillir le projet de construction n'a pas été inondée durant la tempête Xynthia, survenue en février 2010, les études cartographiques menées dans le cadre de la révision du plan de prévention des risques d'inondation ont néanmoins montré qu'elle était soumise à un risque de submersion. Ainsi, en cas de survenance de l'événement dit de référence (+ 20 cm), la nouvelle carte des aléas situe en zone d'aléa modéré le terrain d'assiette du projet qui recevrait des eaux d'inondation dont la hauteur serait comprise entre 0,50 centimètre et 1 mètre, ainsi que l'établit la nouvelle carte des hauteurs d'eau produite au dossier. Quant à la vitesse d'écoulement des eaux sur la parcelle en cause, elle serait comprise entre 0,20 mètre et 0,50 mètre par seconde sur sa partie sud et inférieure à 0,20 mètre par seconde en ce qui concerne sa partie nord. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que la modélisation des risques à laquelle ont procédé ces documents cartographiques, élaborés en octobre 2014, aurait été effectuée sans prise en compte des travaux de consolidation effectués sur les ouvrages de protection présents dans le secteur depuis la survenance de la tempête Xynthia en 2010.

7. Il est constant que le bâtiment projeté doit être implanté d'une limite séparative latérale à l'autre du terrain d'assiette sur une largeur d'environ 15 mètres. Sa construction implique par ailleurs la réalisation d'un remblai d'une hauteur d'un mètre environ sur les deux-tiers de la superficie du terrain d'assiette alors que celui-ci est caractérisé par une topographie très basse (+ 2,20 NGF) et un faible dénivelé d'environ 20 centimètres sur une longueur de 60 mètres.

8. Il en résulte que la construction projetée, compte tenu de ses caractéristiques et de celles du terrain destiné à l'accueillir telles que décrites au point précédent, constitue un obstacle au libre écoulement des eaux et aggrave les risques d'inondation existants. Par suite, le maire de Saint-Clément-des-Baleines ne pouvait délivrer le permis de construire en litige sans méconnaître les dispositions précitées du règlement du plan d'occupation des sols de la commune de Saint-Clément-des-baleines. Pour les mêmes motifs, le permis de construire est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.

9. Les sociétés requérantes sont donc fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leur demande d'annulation du permis de construire délivré le 11 septembre 2014 tel que modifié par le permis modificatif du 6 avril 2016.

10. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun autre moyen n'est, en l'état de l'instruction, de nature à fonder l'annulation du permis de construire en litige.

Sur l'application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme :

11. Aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : " Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire (...) estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé par un permis modificatif (...) peut surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation (...) ".

12. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le vice affectant l'autorisation contestée, au regard des dispositions des articles R. 111-2 du code de l'urbanisme et UB 1 du plan d'occupation de sols, pourrait être régularisé par la délivrance d'un simple permis modificatif. Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de faire application de l'article L. 600-5-1 précité du code de l'urbanisme.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Il y a lieu de faire application de ces dispositions en mettant à la charge de la commune de Saint-Clément-des-Baleines la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par les sociétés requérantes et non compris dans les dépens. En revanche, ces mêmes dispositions font obstacle aux conclusions de la commune de Saint-Clément-des-Baleines et de la SARL Nogueira dirigées contre les requérantes qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante.

DECIDE

Article 1er : L'intervention de l'association de protection des sites de Saint-Clément-des-Baleines n'est pas admise.

Article 2 : Les jugements n° 1403011 du tribunal administratif de Poitiers du 3 mars 2016 et du 9 juin 2016 et le permis de construire délivré le 11 septembre 2014 sont annulés.

Article 3 : La commune de Saint-Clément-des-Baleines versera à la société civile immobilière Le Gué Rethais et la société civile immobilière CHx Ré, prises ensemble, la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par la commune de Saint-Clément-des-Baleines et par la société à responsabilité limitée Nogueira, titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Le Gué Rethais, à la SCI CHx Ré, à la commune de Saint-Clément-des-Baleines, à la SARL Nogueira, à M. et Mme E...I..., à M. H... J..., à M. et Mme C...A..., à M. et Mme D...L...et à l'association de protection des sites de Saint-Clément-des-Baleines.

Délibéré après l'audience du 16 mai 2017 à laquelle siégeaient :

Mme Christine Mège, président,

M. Frédéric Faïck, premier conseiller,

Mme Sabrina Ladoire, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 13 juin 2017.

Le rapporteur,

Frédéric FaïckLe président,

Mme Christine MègeLe greffier,

Evelyne Gay-Boissières

La République mande et ordonne au préfet de la Charente-Maritime en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition certifiée conforme.

Le greffier,

Evelyne Gay-Boissières

4

N° 16BX02761


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX02761
Date de la décision : 13/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire.

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire - Procédure d'attribution.

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire - Légalité interne du permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : Mme MEGE
Rapporteur ?: M. Frédéric FAÏCK
Rapporteur public ?: Mme DE PAZ
Avocat(s) : SCP B C J - BROSSIER - CARRE - JOLY

Origine de la décision
Date de l'import : 27/06/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-06-13;16bx02761 ?
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