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02/05/2017 | FRANCE | N°15BX01515

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre - formation à 3, 02 mai 2017, 15BX01515


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B...a demandé au tribunal administratif de la Réunion d'annuler sa notation administrative 2012-2013, que lui soit accordée une reconversion en mathématiques, la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 50 000 euros au titre du harcèlement moral qu'il a subi, qu'il soit enjoint à l'administration de " retirer de son dossier individuel les documents portant atteinte à ses droits et à sa réputation " et que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'articl

e L. 761-1 du code de justice administrative.

Par jugement n° 1300845 du...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B...a demandé au tribunal administratif de la Réunion d'annuler sa notation administrative 2012-2013, que lui soit accordée une reconversion en mathématiques, la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 50 000 euros au titre du harcèlement moral qu'il a subi, qu'il soit enjoint à l'administration de " retirer de son dossier individuel les documents portant atteinte à ses droits et à sa réputation " et que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par jugement n° 1300845 du 5 mars 2015, le tribunal administratif de la Réunion a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 5 mai 2015, M. B..., représenté par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1300845 rendu par le tribunal administratif de la Réunion du 5 mars 2015 ;

2°) d'annuler sa notation administrative 2012-2013 ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 50 000 euros au titre du harcèlement moral qu'il a subi ;

4°) d'enjoindre à l'administration de " retirer de son dossier individuel les documents portant atteinte à ses droits et à sa réputation " et de rétablir sa note chiffrée antérieure de 40,0 ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il a subi des agissements qualifiables de harcèlement moral alors qu'il n'a jamais connu de difficultés pédagogiques particulières ;

- l'inspection du 30 mars 2012, dont il n'a été informé que la veille sans avoir eu connaissance des plaintes des élèves, s'assimile à une sanction sollicitée par le proviseur ;

- il a fait l'objet, de façon répétée, de rapports ou observations malveillants et mensongers de la part de proviseurs, de parents d'élèves et de collègues sans qu'il n'en ait eu connaissance et sans pouvoir s'expliquer, ce qui a conduit à ce qu'il subisse une baisse injustifiée de sa note administrative ;

- ces agissements ont fortement dégradé ses conditions de travail en portant atteinte à sa crédibilité lui interdisant de fait toute promotion de carrière et tout changement de discipline ;

- ces agissements ont porté atteinte à ses droits et à sa santé puisqu'il a été placé en accident de travail pour état de stress aigu à la suite du harcèlement dont il a été victime ;

- son comportement n'a été considéré comme négatif qu'à compter de l'année scolaire 2011-2012, sans qu'à aucun moment l'administration ne produise de pièces justifiant l'agressivité qui lui est reprochée ;

- le harcèlement moral étant parfaitement constitué, il devra être indemnisé en réparation de préjudices moral et économique à hauteur de 50 000 euros ;

- les pièces et rapports diffamatoires devront être retirés de son dossier ;

- sa notation administrative de 2012-2013 doit être révisée car le dossier présenté en commission administrative paritaire était incomplet, le rapport du proviseur étant parvenu hors délai ;

- cette irrégularité peut être considérée comme un détournement de pouvoir puisque cela participe aux manoeuvres constitutives du harcèlement moral ;

- l'annulation de cette notation de 2012-2013 entrainera celles des années postérieures et conduira à rétablir la note chiffrée de 40,0.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 septembre 2016, le ministre de l'éducation nationale de l'enseignement supérieur et de la recherche conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- la notation de M.B..., qui a été soumise à la commission administrative paritaire académique, n'est entachée ni d'un vice de procédure, ni d'un détournement de pouvoir ;

- le refus de M. B...de donner suite aux propositions émises par l'administration a conduit à ce qu'il ne puisse opérer sa reconversion en mathématiques, sans que cela l'empêche d'obtenir sa reconversion en sciences physiques ;

- M. B...a fait l'objet de plaintes d'élèves, de parents et d'associations d'anciens élèves ainsi que de rapports du chef d'établissement et de l'équipe éducative de la discipline enseignée par le requérant, compte tenu de son comportement ;

- l'imputabilité au service d'un congé maladie de M. B...du 10 avril

au 1er juillet 2014 ne vaut pas reconnaissance de faits de harcèlement moral ;

- les décisions contestées par M. B...sont dépourvues d'animosité personnelle à son endroit, mais simplement justifiées par l'intérêt du service, au regard d'une manière de servir inadéquate et de difficultés relationnelles avérées qui ne traduisent pas un harcèlement moral ;

- le harcèlement moral invoqué par M. B...n'étant pas établi, il ne peut donc prétendre à indemnisation ;

- à considérer que le harcèlement moral soit reconnu, M. B...ne justifie ni du lien de causalité entre les préjudices qu'il invoque et les faits qui seraient à leur origine ni du montant de l'indemnité qu'il réclame.

Par ordonnance du 12 septembre 2016, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 31 octobre 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 72-580 du 4 juillet 1972 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Gil Cornevaux ;

- et les conclusions de M. David Katz, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M.B..., professeur agrégé dans la discipline de mécanique a été affecté au lycée Georges Brassens à Saint-Denis à compter du 1er septembre 2010. La réforme de la voie technologique, mise en place à compte du 1er septembre 2011, impliquait que, sauf reconversion de sa part, son enseignement soit désormais assuré dans les sciences et technologies de l'information et du développement durable (STI2D). M.B..., après avoir vainement postulé à un emploi de conseiller en formation continue, a entrepris des démarches en vue de sa reconversion dans la discipline des mathématiques. Toutefois, l'intéressé a refusé les propositions émanant de l'académie de la Réunion d'effectuer des remplacements en collège dans cette discipline des mathématiques, estimant que cela ne garantissait pas le respect de ses droits et de sa dignité et portait atteinte à son avenir professionnel. Parallèlement, au cours des deux années scolaires, 2011 à 2013, les relations de M. B...se sont progressivement dégradées avec les proviseurs de ses établissements d'affectation successifs et d'autres membres de la communauté éducative, qu'ils soient enseignants, élèves ou parents d'élèves. Il a été affecté en cours d'année 2013 au Lycée Bellepierre de Saint-Denis, puis à compter du 1er septembre 2013 au Lycée Lislet de Geoffroy de Sainte-Clotilde, pour, en fin de compte, obtenir à la rentrée 2014 une reconversion pour enseigner dans la discipline de physique-chimie. Il a saisi le tribunal administratif, le 25 juin 2013, d'une demande tendant à l'annulation de sa notation administrative 2012-2013, à la réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait du harcèlement moral et de la dégradation de ses conditions de travail dont il aurait été victime de la part de ses supérieurs hiérarchiques et à ce qu'il soit enjoint à l'administration de " retirer de son dossier individuel les documents portant atteinte à ses droits et à sa réputation ". M. B... relève appel du jugement du 5 mars 2015 par lequel le tribunal administratif de la Réunion a rejeté sa requête.

2. Aux termes de l'article 17 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Les notes et appréciations générales attribuées aux fonctionnaires et exprimant leur valeur professionnelle leur sont communiquées (...) ". En vertu de l'article 7 du décret du 4 juillet 1972 susvisé, relatif au statut particulier des professeurs agrégés de l'enseignement du second degré, le ministre de l'éducation nationale fixe la note des professeurs agrégés dans les conditions prévues aux articles 8 à 12 du décret. En vertu de l'article 8 de ce même décret, le recteur de l'académie dans le ressort de laquelle exerce le professeur attribue à celui-ci, sur proposition des supérieurs hiérarchiques, une note administrative

de 0 à 40 accompagnée d'une appréciation générale sur sa manière de servir, la note chiffrée étant communiquée à l'intéressé.

3. M.B..., après avoir saisi la commission administrative paritaire académique, compte tenu de son désaccord avec la notation de 39/40 proposée par le proviseur, s'est vu attribuer une note de 39,80 sur 40. Il soutient que cette notation doit être annulée car il n'a pas eu connaissance, avant la séance de ladite commission, du rapport du chef d'établissement. Toutefois, lorsque la commission administrative paritaire académique a été saisie, à la requête de l'intéressé, tous éléments utiles d'information doivent être communiqués à la commission, sans pour autant que les dispositions susrappelées du décret du 4 juillet 1972 ne fassent obligation à l'administration de communiquer le rapport du chef d'établissement à l'intéressé. En l'espèce, la commission a bien eu connaissance du rapport circonstancié du chef d'établissement lors de sa séance du 10 juillet 2014, tel que cela ressort des termes mêmes du procès verbal. Ainsi, tel que cela a été justement relevé par les premiers juges, la décision de notation définitive, prise conformément à l'avis émis de la commission, est régulièrement intervenue.

4. M. B...soutient que sa notation au titre de l'année 2012-2013 est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, car sa note administrative aurait dû être au moins équivalente à celle de l'année précédente fixée à 40. Toutefois, M. B...ne peut utilement se prévaloir d'appréciations antérieures qui ont chacune un caractère annuel. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que les appréciations et notes portées au titre de l'année 2012-2013 seraient entachées d'arbitraire ou ne refléteraient pas la manière de servir de M.B.... Les moyens tirés de l'erreur manifeste d'appréciation et du détournement de pouvoir qui entacheraient la notation contestée doivent donc être écartés.

5. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983, dans sa version applicable à la date de la décision attaquée : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. (...) ". Il résulte de ces dispositions que le harcèlement est constitué d'agissements répétitifs ayant pour conséquence de porter atteinte aux droits et à la dignité, d'altérer la santé physique ou mentale ou de compromettre l'avenir professionnel d'un agent. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement.

6. A l'appui de ses allégations relatives à l'existence d'un harcèlement moral dont il aurait été victime, M. B...invoque, comme étant révélateurs de la volonté de le discréditer, le refus de donner suite à sa candidature pour un poste de conseiller en formation continue, le refus de lui accorder sa reconversion en mathématiques, le fait qu'il ait été informé la veille d'une inspection qu'il a subie le 30 mars 2012 à la suite de plainte d'élèves, et qui est, selon lui, assimilable à une sanction sollicitée par sa hiérarchie, les observations malveillantes et mensongères formulées dans son dossier d'accès au grade de professeur agrégé hors classe par les proviseurs des établissements dans lesquels il a enseigné de 2012 à 2015, les rapports ou courriers de parents d'élèves qui ont été versés à son dossier sans qu'il ait pu s'expliquer, les rapports de ses collègues sur ses activités d'enseignement ou syndicales, qu'il estime mensongers et diffamatoires, la baisse injustifiée de sa note administrative, accompagnée d'une appréciation péjorative de sa manière de servir, son exclusion des rencontres parents-professeurs des 2 et 4 avril 2013 et, enfin, l'immixtion du proviseur dans ses prérogatives pédagogiques pour rehausser à son insu les moyennes des élèves de sa classe en avril 2013. Il soutient que le comportement de son employeur, de ses collègues, des élèves et de leurs parents est à l'origine directe d'un syndrome anxio-dépressif qualifié d'état de stress qui a conduit à la reconnaissance médicale d'un accident de travail, le 10 avril 2014.

7. Il ressort des pièces du dossier que le refus de lui accorder sa reconversion en mathématiques est lié à l'absence de décision de l'intéressé face aux propositions présentées par l'administration ainsi qu'à son refus d'exercer en collège pendant une année probatoire, réglementairement obligatoire, pour tout changement de discipline. Au surplus, M. B...a obtenu sa reconversion en sciences physiques à compter du 1er septembre 2015. Il ressort également des pièces du dossier que lors de la plus grande partie de l'année scolaire 2012-2013, M. B...a fait preuve d'un comportement particulièrement négatif auprès de ses élèves, qui subissaient de sa part des attitudes méprisantes et agressives ainsi que des initiatives dépourvues de toute justification pédagogique, notamment en matière de notation. Dans ces conditions, et en l'absence de tout élément permettant de remettre en cause le bien-fondé des réclamations et pétitions d'élèves et parents d'élèves dénonçant ces excès, le fait qu'il n'ait pas été convoqué à une réunion parents-professeurs qui se tenait en avril 2013 ne peut, en lui-même, être regardé comme constitutif d'une volonté de harcèlement moral à son encontre. Par ailleurs, si le requérant produit un arrêt de travail mentionnant un stress professionnel, ces indications, si elles démontrent la réalité des tensions invoquées par le requérant, ne suffisent pas à établir la réalité du harcèlement invoqué. Enfin, les autres faits allégués par l'intéressé et notamment la dégradation de ses conditions de travail, M. B...faisant valoir qu'il a fait l'objet de propos calomnieux ou de pressions dans le cadre de l'exercice de ses fonctions, ne sont, pour certains, pas établis par les pièces du dossier et, en tout état de cause, ne sont pas de nature à faire présumer l'existence d'un harcèlement moral à son encontre, eu égard au contexte

décrit ci-dessus.

8. Il résulte de ce qui précède que les éléments de fait invoqués par M. B..., pris dans leur ensemble, ne sont pas susceptibles de faire présumer l'existence d'agissements constitutifs d'un harcèlement moral à son encontre. A cet égard, l'existence d'une faute de l'Etat de nature à engager sa responsabilité, n'est donc pas établie. Ainsi, les conclusions à fin de condamnation de l'Etat à réparer les préjudices qu'aurait subis M. B...doivent être rejetées.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Réunion a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B...et au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Délibéré après l'audience du 21 mars 2017 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

M. Gil Cornevaux, président-assesseur,

Mme Marie-Thérèse Lacau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 2 mai 2017.

Le rapporteur,

Gil CornevauxLe président,

Elisabeth JayatLe greffier,

Vanessa Beuzelin

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

No 15BX1515


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15BX01515
Date de la décision : 02/05/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Caractère disciplinaire d'une mesure.

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Procédure.

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Procédure disciplinaire et procédure pénale.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: M. Gil CORNEVAUX
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : HPH AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 16/05/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-05-02;15bx01515 ?
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