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05/02/2015 | FRANCE | N°14BX00008

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 05 février 2015, 14BX00008


Vu la requête, enregistrée le 2 janvier 2014, présentée pour M. A...B..., domicilié..., par Me Sadek, avocat ;

M. B...demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 1003515 du 28 novembre 2013 en tant que le tribunal administratif de Toulouse n'a que partiellement fait droit à ses conclusions indemnitaires en condamnant l'Etat à lui verser la somme de 1 000 euros en réparation des préjudices qu'il a subis du fait de son maintien dans une situation irrégulière au regard de son séjour en France et de son placement en rétention alors qu'il avait la nationalit

française ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 42 341,87 eur...

Vu la requête, enregistrée le 2 janvier 2014, présentée pour M. A...B..., domicilié..., par Me Sadek, avocat ;

M. B...demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 1003515 du 28 novembre 2013 en tant que le tribunal administratif de Toulouse n'a que partiellement fait droit à ses conclusions indemnitaires en condamnant l'Etat à lui verser la somme de 1 000 euros en réparation des préjudices qu'il a subis du fait de son maintien dans une situation irrégulière au regard de son séjour en France et de son placement en rétention alors qu'il avait la nationalité française ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 42 341,87 euros en réparation de ses préjudices financier et moral consécutifs à la mesure de reconduite à la frontière prise à son encontre le 15 avril 2003 et la somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral subi du fait de son placement en centre de rétention administrative, assorties des intérêts au taux légal à compter du 12 mai 2010 et de la capitalisation de ces intérêts à compter du 12 mai 2011 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 janvier 2015 :

- le rapport de Mme Sabrina Ladoire, premier conseiller ;

- et les conclusions de Mme Christine Mège, rapporteur public ;

1.Considérant que M.B..., né en Algérie en 1957, est entré en France le 16 juillet 2002 en possession d'un passeport algérien et s'est maintenu sur le territoire après l'expiration du délai de validité de son visa ; qu'à la suite de son interpellation le 14 avril 2003, il s'est vu notifier, le lendemain, un arrêté de reconduite à la frontière et une décision de placement en rétention administrative ; que le juge des libertés et de la détention, statuant à l'expiration du délai de 48 heures suivant la décision de maintien prévu par l'article 35 bis de l'ordonnance n°45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France alors applicable, a ordonné la libération de l'intéressé au motif qu'il disposait de documents attestant de la nationalité française de ses parents ; que le tribunal de grande instance de Toulouse a reconnu la nationalité française de M. B...par un jugement du 13 septembre 2004 ; qu'il s'est alors vu délivrer, le 12 avril 2005, un certificat de nationalité française ; qu'en conséquence, le préfet de la Haute-Garonne a retiré, le 15 septembre 2005, l'arrêté de reconduite à la frontière qu'il avait pris à son encontre le 15 avril 2003 ; que la demande de M. B...tendant à l'annulation de cette décision a donc fait l'objet d'un non-lieu prononcé par le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse le 26 avril 2006 ; que, par une demande préalable du 10 mai 2010, reçue par le préfet de la Haute-Garonne le 12 mai, M. B... a demandé au préfet de l'indemniser des préjudices moral et financier qu'il prétend avoir subis entre 2002 et 2006 du fait de ces décisions illégales ; qu'il a sollicité le versement d'une somme globale de 30 000 euros en réparation de ces préjudices, compte tenu notamment de sa perte de chance de pouvoir travailler pendant près de quatre ans ; que par un jugement du 28 novembre 2013, le tribunal administratif de Toulouse a estimé que les préjudices financiers dont se prévalait M. B...n'étaient pas en lien direct avec l'arrêté de reconduite à la frontière, mais que l'illégalité de la décision préfectorale du 15 avril 2003 plaçant M. B...en rétention, du seul fait de la nationalité française de l'intéressé, était de nature à engager la responsabilité pour faute de l'Etat, et a condamné ce dernier à verser à M. B...la somme de 1 000 euros en réparation du préjudice moral subi du fait de la privation de liberté ; que M. B...relève appel de ce jugement en tant qu'il a limité à 1 000 euros le montant de l'indemnité et sollicite la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 42 341,87 euros au titre de la perte de chance de travailler et de subvenir aux besoins de sa famille et de 10 000 euros au titre de son préjudice moral ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que M. B...soutient que le tribunal n'a pas suffisamment motivé son jugement en se bornant à constater que l'administration n'avait pas connaissance de sa nationalité française à la date des décisions de reconduite à la frontière et de placement en rétention ; que cependant il ressort du jugement attaqué que si les premiers juges ont rejeté les conclusions indemnitaires présentées par M. B...au titre de la situation de précarité qu'il a connue depuis 2002, c'est au motif qu'il n'établissait pas un lien de causalité direct entre l'illégalité des décisions susvisées et les préjudices moral et financier résultant de cette situation, laquelle était consécutive au fait qu'il n'avait entrepris aucune démarche tendant à se voir reconnaître la nationalité française ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de l'insuffisante motivation du jugement sur ce point doit être écarté ;

Sur les conclusions indemnitaires :

3. Considérant en premier lieu, que M.B..., tant dans sa demande préalable adressée au préfet de la Haute-Garonne, que dans sa requête introductive d'instance, a demandé la réparation des préjudices moral et financier subis du fait de l'illégalité fautive des décisions du 15 avril 2003 et a sollicité, à ce titre, le versement d'indemnités pour un montant global de 30 000 euros ; que la demande chiffrée devant le tribunal administratif étant limitée à cette somme, les conclusions qu'il a présentées devant la cour le 2 janvier 2014 tendant à l'allocation d'une indemnité de 42 341,87 euros au titre de la perte de chance de travailler et de subvenir aux besoins de sa famille entre 2002 et 2006 et de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral, constituent des demandes nouvelles qui ne sont pas recevables en appel en tant qu'elles excèdent, dans leur montant global, la somme de 30 000 euros qu'il avait sollicitée en première instance ;

4. Considérant en deuxième lieu, que M. B...demande la réparation de ses préjudices moral et financier en soutenant que l'irrégularité présumée de son séjour en France ne lui a pas permis, entre 2002 et 2006, d'accéder au parc social locatif, à l'aide sociale et au marché du travail et qu'il n'a ainsi pu subvenir aux besoins de ses cinq enfants ; qu'il fait également valoir qu'il a été contraint d'exposer des frais de justice dans le cadre de l'instance qu'il a introduite devant le tribunal de grande instance de Toulouse afin de se voir reconnaître la nationalité française, les étrangers en situation irrégulière ne pouvant bénéficier de l'aide juridictionnelle devant les juridictions civiles et pénales ;

5. Considérant cependant, que la situation de précarité que M. B...a connue depuis son arrivée en France en 2002 résulte uniquement du fait qu'il n'a pas entrepris de démarches de nature à établir sa nationalité française avant que ne soient prises à son encontre les décisions prononçant son éloignement du territoire français et son placement en rétention administrative ; qu'en effet, et alors même qu'il aurait contacté un avocat avant l'édiction de ces décisions, il ressort des pièces du dossier qu'il n'a saisi le tribunal de grande instance de Toulouse d'une demande tendant à se voir reconnaître la nationalité française que le 15 mai 2003, soit après qu'il ait fait l'objet des arrêtés prononçant son éloignement et son placement en rétention ; qu'ainsi, et comme l'ont estimé à bon droit les premiers juges, les préjudices moral et financier dont il se prévaut, en invoquant la situation de précarité dans laquelle il s'est trouvé durant plusieurs années, sont sans lien direct avec l'illégalité des décisions du 15 avril 2003 ; que ne sont pas davantage en lien direct avec les décisions susvisées, les frais qu'il a été contraint d'exposer dans le cadre de l'instance introduite devant le juge judiciaire aux fins de se voir reconnaître la nationalité française, qu'il aurait exposés en tout état de cause ; que, par suite, et quand bien même M. B...se serait prévalu de sa nationalité française à l'occasion de son audition par les services de police, c'est à bon droit que le tribunal a rejeté les conclusions indemnitaires présentées par l'intéressé à ce titre au motif que les préjudices allégués étaient sans lien direct avec l'illégalité des décisions du préfet ;

6. Considérant en troisième lieu, que M. B...demande également réparation du préjudice moral consécutif à la privation de liberté dont il a fait l'objet durant le temps de son placement en rétention administrative ; que comme l'ont relevé à bon droit les premiers juges, la nationalité française de l'intéressé faisait obstacle à ce qu'il puisse être placé en rétention administrative, quand bien même l'administration l'aurait ignorée ; qu'il s'ensuit que M. B...est fondé à demander réparation du préjudice moral lié directement à l'illégalité de cette mesure l'ayant privé de liberté durant 48 heures ; que cependant, contrairement à ce que soutient M. B..., le tribunal n'a pas fait une inexacte appréciation de son préjudice moral et de ses troubles dans ses conditions d'existence en lui octroyant, à ce titre, une indemnité de 1 000 euros ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a limité à 1 000 euros la somme qu'il a condamné l'Etat à lui verser au titre de l'illégalité des décisions d'éloignement et de placement en rétention administrative dont il avait fait l'objet ;

Sur les conclusions tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique :

8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B...réclame pour son conseil au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

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No 14BX00008


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14BX00008
Date de la décision : 05/02/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-01-04-01 Responsabilité de la puissance publique. Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité. Responsabilité et illégalité. Illégalité engageant la responsabilité de la puissance publique.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Sabrina LADOIRE
Rapporteur public ?: Mme MEGE
Avocat(s) : SADEK

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2015-02-05;14bx00008 ?
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