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13/11/2014 | FRANCE | N°14BX01341

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 13 novembre 2014, 14BX01341


Vu, enregistrée le 30 avril 2014, la requête présentée pour Mme A...D..., demeurant au..., par Me C...;

Mme D...demande à la cour :

- d'annuler le jugement n° 1304129 du 11 mars 2014 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Tarn du 5 août 2013 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de renvoi ;

- d'annuler cet arrêté du 5 août 2013 ;

- d'enjoindre au préfet du Tarn de lui délivrer un titre de séjour dans un dél

ai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 eu...

Vu, enregistrée le 30 avril 2014, la requête présentée pour Mme A...D..., demeurant au..., par Me C...;

Mme D...demande à la cour :

- d'annuler le jugement n° 1304129 du 11 mars 2014 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Tarn du 5 août 2013 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de renvoi ;

- d'annuler cet arrêté du 5 août 2013 ;

- d'enjoindre au préfet du Tarn de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa situation, sous les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

- de mettre à la charge de l'Etat le paiement à son conseil d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu la loi n° 2000-324 du 12 avril 2000 ;

Vu le code de justice administrative ;

L'affaire ayant été dispensée de conclusions sur proposition du rapporteur public en application de l'article L. 732-1 du code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 octobre 2014 ;

- le rapport de Mme Sylvie Cherrier, premier conseiller ;

1. Considérant que MmeD..., née le 15 janvier 1987 en Arménie, est entrée irrégulièrement en France le 7 août 2008 et a présenté une demande d'asile qui a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 16 septembre 2009, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 11 octobre 2010 ; qu'un arrêté de refus de séjour, assorti d'une obligation de quitter le territoire, a été pris à son encontre le 29 novembre 2010 ; que le tribunal administratif de Toulouse, puis la cour de céans, ont rejeté les recours introduits par l'intéressée à l'encontre de cet arrêté ; que s'étant maintenue irrégulièrement en France, Mme D...a déposé une nouvelle demande de titre de séjour en qualité d'étudiante, laquelle a été rejetée par arrêté du préfet du Tarn du 5 août 2013, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi ; que Mme D... relève appel du jugement n° 1304129 du 11 mars 2014 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. " ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ; qu'elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation ;

3. Considérant que, pour contester l'arrêté du 5 août 2013 par lequel le préfet du Tarn a, d'une part, refusé de lui accorder un titre de séjour et, d'autre part, prononcé une obligation de quitter le territoire français en fixant son pays de renvoi, la requérante a notamment soutenu que cette décision méconnaissait l'intérêt supérieur de son enfant mineur, en violation du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention précitée ; qu'il ressort des pièces produites par Mme D... en première instance que celle-ci est arrivée en France le 7 août 2008 en compagnie de sa fille, B..., née le 15 avril 2008 et donc âgée de trois mois ; que cette enfant est scolarisée depuis le 3 janvier 2011 et fréquente la même école depuis le 29 septembre 2011 ; qu'elle est une élève assidue et fait de constants progrès ; qu'il ne ressort d'aucune pièce du dossier que la jeune B...serait retournée en Arménie depuis son arrivée en France ; que dans ces conditions, le refus de délivrance d'un titre de séjour à Mme D..., dès lors qu'il implique que l'enfant retourne avec sa mère en Arménie, a pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, sa situation ; qu'il suit de là qu'en s'abstenant de répondre au moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, qui n'était pas inopérant à l'égard de la décision de refus de titre de séjour en litige, le tribunal administratif a entaché son jugement d'irrégularité ; que Mme D..., qui critique l'insuffisante prise en compte de ses moyens par le tribunal, est, par suite, fondée à en demander l'annulation ;

4. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme D... devant le tribunal administratif de Toulouse ;

Sur la légalité de l'arrêté du 5 août 2013 :

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

5. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 modifiée susvisée : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. " ; que la décision attaquée, qui vise l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, indique notamment que l'intéressée, entrée irrégulièrement en France le 7 août 2008, a déposé une demande d'asile dont elle a été définitivement déboutée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 11 avril 2010, qu'un arrêté de refus de titre de séjour, comportant obligation de quitter le territoire français, a été pris à son encontre le 29 novembre 2010, confirmé par le tribunal administratif de Toulouse le 25 mai 2011 et par la cour administrative d'appel de Bordeaux le 20 décembre 2011, que par une nouvelle demande du 22 mai 2013, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étudiante, qu'elle ne dispose pas d'un visa de long séjour l'autorisant à étudier en France, qu'elle s'est séparée de son conjoint en décembre 2010 et que celui-ci a fait l'objet d'une décision de refus de titre de séjour, assortie d'une obligation de quitter le territoire français, le 25 novembre 2010, qu'elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales en Arménie, son pays d'origine, où réside notamment sa soeur ; que si Mme D... fait valoir que cette décision ne vise pas les articles L. 313-11-7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors même qu'elle avait préalablement déposé une demande de titre de séjour " vie privée et familiale ", elle ne justifie cependant pas, d'une part que le courrier de son conseil en date du 15 janvier 2013, ainsi que le formulaire de demande de titre de séjour daté du même jour, ont été reçus en préfecture et, d'autre part, qu'elle a effectivement déposé une demande sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'attestation produite en appel à cet égard ne présentant pas un caractère probant suffisant ;

6. Considérant, en conséquence, que la décision de refus de titre de séjour, dont les termes mêmes permettent d'établir que le préfet du Tarn a procédé à un examen approfondi de la situation personnelle de Mme D..., est suffisamment motivée en droit comme en fait ;

7. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit au point 5 que le préfet du Tarn n'était pas tenu d'examiner la demande de titre de séjour formée par Mme D... au regard des dispositions des articles L. 313-11-7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

8. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

9. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme D... est arrivée en France le 7 août 2008, accompagnée de sa fille, âgée de trois mois, et de son époux ; que ce dernier, dont elle s'est séparée en décembre 2010, est retourné vivre en Arménie ; que si le préfet du Tarn fait valoir que Mme D... est également retournée en Arménie au cours de l'année 2011, la seule circonstance que l'intéressée serait titulaire d'un passeport établi dans ce pays le 3 octobre 2011 ne suffit pas à l'établir, et ce d'autant que Mme D... soutient n'avoir jamais quitté le territoire national depuis son arrivée en 2008, cette allégation étant corroborée par les attestations de scolarité concernant sa fille, laquelle y a été scolarisée sans interruption depuis le mois de janvier 2011 ; que cependant, et alors même que la jeune B...a vécu l'essentiel de sa vie en France, la requérante n'y réside que depuis l'âge de vingt-et-un ans, après avoir passé toute la première partie de sa vie en Arménie, où elle a nécessairement conservé des attaches personnelles et familiales, comme en attestent les témoignages de proches produits à l'instance ; que le père de sa fille, dont la demande de titre de séjour a été rejetée par un arrêté notifié le 20 novembre 2010 vit, comme il a été dit, en Arménie ; que Mme D... a elle-même fait l'objet d'une première décision de refus de titre de séjour, assortie d'une obligation de quitter le territoire français, notifiée le 30 novembre 2010, qu'elle s'est abstenue d'exécuter ; que si elle allègue que la naissance de sa fille n'a pas été déclarée en Arménie et que celle-ci n'a donc pas d'état civil arménien, elle ne l'établit pas par les pièces qu'elle produit, et ne justifie pas qu'il serait impossible d'y remédier dans son pays ; que dans la mesure enfin où, à la date de la décision attaquée, l'intéressée n'exerçait, en France, aucune activité professionnelle, n'y poursuivait aucune formation et ne disposait pas d'un logement à son nom, dès lors qu'elle est hébergée, avec son enfant, au Secours catholique, rien ne fait obstacle à ce qu'elle retourne vivre en Arménie, en compagnie de sa fille, afin qu'elles y poursuivent toutes deux leur vie ainsi que, pour la seconde, sa scolarité ; qu'il n'est pas établi qu'elle serait seule à même d'apporter une assistance quotidienne à sa mère malade, avec laquelle elle ne vit pas ; que dans ces conditions, la décision de refus de titre de séjour n'a pas porté au droit de Mme D... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis et n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'elle n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ni ne méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; que le moyen tiré de ce que l'intéressée pourrait se prévaloir des lignes directrices de la circulaire du 28 novembre 2012 n'est pas assorti des précisions nécessaires pour en apprécier le bien-fondé ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français serait illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ; qu'elle invoque, à l'encontre de cette décision, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention de New-York sur les droits de l'enfant, d'ores et déjà invoqués contre la décision de refus de titre de séjour ; que ces moyens doivent être écartés pour les motifs exposés au point 9 ci-dessus ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

11. Considérant, en premier lieu, que la décision distincte fixant le pays de renvoi vise notamment l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et indique dans ses motifs que Mme D... n'établit pas qu'un retour en Arménie serait de nature à l'exposer à des peines ou traitements contraires à cette convention ; qu'elle est ainsi suffisamment motivée ;

12. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme D... aurait fait état, dans sa demande de titre de séjour du 22 mai 2013, de risques pour sa vie en cas de retour en Arménie ; qu'elle n'est par suite pas fondée à soutenir que le préfet aurait procédé à un examen incomplet des éléments soumis à son appréciation ;

13. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ;

14. Considérant que Mme D... narre la succession d'évènements l'ayant conduite à quitter son pays d'origine, où elle allègue que sa sécurité n'était plus assurée ; que toutefois, les documents qu'elle produit à l'appui de ces allégations, essentiellement composés de témoignages de proches, ne suffisent pas à en établir le bien fondé ; que dans ces conditions, et dès lors que les évènements qu'elle rapporte ne sont pas établis par les pièces du dossier, les risques qu'elle allègue encourir en cas de retour en Arménie ne peuvent être regardés comme établis ; que, par suite, la décision fixant l'Arménie comme pays de renvoi n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du préfet du Tarn du 5 août 2013 portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de renvoi ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, y compris en appel ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1304129 du 11 mars 2014 du tribunal administratif de Toulouse est annulé.

Article 2 : Les demandes de Mme D... devant le tribunal administratif de Toulouse et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.

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No 14BX01341


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14BX01341
Date de la décision : 13/11/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Sylvie CHERRIER
Rapporteur public ?: Mme MEGE
Avocat(s) : DUJARDIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2014-11-13;14bx01341 ?
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