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30/10/2014 | FRANCE | N°14BX00612

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 30 octobre 2014, 14BX00612


Vu I°), sous le n° 14BX00612, la requête, enregistrée le 21 février 2014, présentée pour la collectivité d'outre-mer de Saint-Martin, dont le siège est BP 374 Marigot à Saint-Martin (97054), par la Selarl Genesis avocats ;

La collectivité d'outre-mer de Saint-Martin demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000030 du 20 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Saint-Martin a annulé le contrat correspondant au lot n° 3 du marché de collecte et transport de déchets recyclables jusqu'à l'éco-site de Grand-Cayes et l'a condamnée à verser

la somme de 32 400 euros à la société Gilberte Multi Fonctions (GMF) ;

2°) à titr...

Vu I°), sous le n° 14BX00612, la requête, enregistrée le 21 février 2014, présentée pour la collectivité d'outre-mer de Saint-Martin, dont le siège est BP 374 Marigot à Saint-Martin (97054), par la Selarl Genesis avocats ;

La collectivité d'outre-mer de Saint-Martin demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000030 du 20 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Saint-Martin a annulé le contrat correspondant au lot n° 3 du marché de collecte et transport de déchets recyclables jusqu'à l'éco-site de Grand-Cayes et l'a condamnée à verser la somme de 32 400 euros à la société Gilberte Multi Fonctions (GMF) ;

2°) à titre subsidiaire, de ramener le montant de l'indemnisation de la société GMF à de plus justes proportions ;

3°) de mettre à la charge de la société Gilberte Multi Fonctions une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

..........................................................................................................

Vu II°), sous le n° 1400613, la requête, enregistrée le 21 février 2014, présentée pour la collectivité d'outre-mer de Saint-Martin, dont le siège est au BP 374 Marigot à Sain- Martin (97054), par la Selarl Genesis avocats ;

La collectivité d'outre-mer de Saint-Martin collectivité d'outre-mer de Saint-Martin demande à la cour d'ordonner le sursis à l'exécution du jugement n° 1000030 du 20 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Saint-Martin a annulé le contrat correspondant au lot n° 3 du marché de collecte et transport de déchets recyclables jusqu'à l'éco-site de Grand-Cayes et l'a condamnée à verser la somme de 32 400 euros à la société GMF ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 octobre 2014 :

- le rapport de M. Olivier Gosselin, président-assesseur ;

- les conclusions de Mme Christine Mège, rapporteur public ;

- et les observations de Me Liebaux, avocat de la collectivité d'outre-mer de Saint-Martin et celles de Me Marc, avocat de la société Gilberte Multi Fonctions ;

1. Considérant que la collectivité d'outre-mer de Saint-Martin a lancé une procédure d'appel d'offres pour la collecte et le transport des déchets recyclables sur le territoire de Saint-Martin, comportant trois lots selon la nature des déchets ; que, par actes d'engagement du 30 mars 2010, elle a attribué les trois lots de ce marché à la société Stenet ; que, par jugement n° 1000030 en date du 20 décembre 2013, le tribunal administratif de Saint-Martin, à la demande de la société GMF, candidat non retenu, a annulé le marché portant sur le lot n° 3 et condamné la collectivité d'outre-mer de Saint-Martin à verser à cette société la somme de 32 400 euros ; que la collectivité d'outre-mer de Saint-Martin relève appel de ce jugement ; que par requêtes n° 14BX00613 elle en demande le sursis à exécution ; que par la voie de l'appel incident, la société GMF demande la réformation du jugement en tant qu'il a insuffisamment réparé son préjudice ;

2. Considérant que les requêtes de la collectivité d'outre-mer de Saint-Martin sont dirigées contre le même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

Sur la régularité du jugement :

3. Considérant que la collectivité d'outre-mer de Saint-Martin reproche aux premiers juges d'avoir statué ultra petita en retenant que la commission d'appel d'offres n'avait pas apprécié les offres lot par lot, alors que la société GMF reprochait seulement à la société attributaire de n'avoir remis qu'une offre pour les trois lots en présentant un seul acte d'engagement ; que toutefois, en relevant " qu'invitée à produire le dossier d'offres présentées par l'EURL Stenet, la collectivité d'outre-mer n'a pas déféré à cette invitation et que dans ces conditions, le défaut de présentation par l'EURL Stenet d'un dossier permettant à la commission d'appel d'offres d'apprécier son offre lot par lot doit être tenu pour établi ", le tribunal a exactement apprécié la portée du moyen et n'a pas soulevé de question qui n'aurait pas été invoquée par la société requérante ; que par suite, son jugement n'est pas entaché d'irrégularité ;

Sur la régularité de l'attribution du marché :

4. Considérant en premier lieu, qu'aux termes de l'article 10 du code des marchés publics : " Afin de susciter la plus large concurrence, et sauf si l'objet du marché ne permet pas l'identification de prestations distinctes, le pouvoir adjudicateur passe le marché en lots séparés dans les conditions prévues par le III de l'article 27. (....) Les candidatures et les offres sont examinées lot par lot " ; qu'aux termes de l'article 57 du même code : " Pour les marchés allotis, les candidats peuvent soit présenter un seul exemplaire des documents relatifs à leur candidature et scinder lot par lot les éléments relatifs à leurs offres, soit présenter pour chacun des lots les éléments relatifs à leurs candidatures et à leurs offres " ; qu'aux termes de la section III du règlement de l'appel d'offres relatif notamment aux renseignements sur leurs capacités techniques, les candidats devaient fournir : " Les renseignements relatifs aux moyens humains du candidat : description des effectifs moyens annuels et importance du personnel d'encadrement. Les renseignements relatifs aux moyens matériels du candidat indiquant l'outillage, le matériel et l'équipement technique dont il dispose pour la réalisation des marchés de même nature. Les références du candidat en matière de prestations similaires à celles objet du marché. Liste des principales prestations exécutées au cours des trois dernières années. Les prestations sont prouvées par des attestations du destinataire ou, à défaut, par une déclaration de l'opérateur économique. " ;

5. Considérant que pour annuler le contrat compte tenu de la gravité des vices ayant affecté la procédure de passation de ce marché, le tribunal a retenu en premier lieu que, faute pour la collectivité d'avoir produit les offres de la société Stenet, celle-ci devait regardée comme n'ayant pas produit un dossier permettant à la commission d'appel d'offres d'apprécier son offre lot par lot ; qu'il résulte toutefois de l'acte d'engagement soumis par l'entreprise pour le lot n° 3 en réponse à l'appel d'offres, produit pour la première fois en appel, que la société, si elle a présenté un seul exemplaire des documents techniques relatifs à sa candidature, comme la société GMF l'a au demeurant fait elle-même, a présenté son offre lot par lot ; que la commission d'appel d'offres a nécessairement estimé en se prononçant au fond que l'ensemble des dossiers lui permettaient de se prononcer lot par lot ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le candidat retenu n'avait pas présenté son offre dans des conditions permettant à la commission d'appel d'offre d'apprécier les candidatures lot par lot ne pouvait être retenu ;

6. Considérant en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 45 III du code des marchés publics : " Si le candidat est dans l'impossibilité de produire, pour justifier de sa capacité financière, l'un des renseignements ou documents (...) demandés par le pouvoir adjudicateur, il peut prouver sa capacité par tout autre document considéré comme équivalent par le pouvoir adjudicateur " ; et qu'aux termes de l'article 52 du même code : " I.-Avant de procéder à l'examen des candidatures, le pouvoir adjudicateur qui constate que des pièces dont la production était réclamée sont absentes ou incomplètes peut demander à tous les candidats concernés de compléter leur dossier de candidature dans un délai identique pour tous et qui ne saurait être supérieur à dix jours. Il peut demander aux candidats n'ayant pas justifié de la capacité juridique leur permettant de déposer leur candidature de régulariser leur dossier dans les mêmes conditions. Il en informe les autres candidats qui ont la possibilité de compléter leur candidature dans le même délai. (...) Les candidatures qui n'ont pas été écartées en application des dispositions de l'alinéa précédent sont examinées au regard des niveaux de capacités professionnelles, techniques et financières mentionnées dans l'avis d'appel public à la concurrence, ou, s'il s'agit d'une procédure dispensée de l'envoi d'un tel avis, dans le règlement de la consultation. Les candidatures qui ne satisfont pas à ces niveaux de capacité sont éliminées. / L'absence de références relatives à l'exécution de marchés de même nature ne peut justifier l'élimination d'un candidat et ne dispense pas le pouvoir adjudicateur d'examiner les capacités professionnelles, techniques et financières des candidats " ;

7. Considérant que le tribunal a jugé en deuxième lieu que la création récente de la société attributaire du marché et l'absence de référence et d'expérience ne pouvait lui permettre de répondre valablement à l'appel d'offres et de démontrer son aptitude à exécuter le marché, et que la commission d'appel d'offres avait commis une erreur manifeste d'appréciation sur la valeur technique de l'offre de cette société ; qu'il résulte toutefois de l'instruction et notamment du procès-verbal de la réunion de la commission d'appel d'offres qui a procédé à l'ouverture des offres et à leur analyse, qu'elle a admis l'offre de la société Stenet et décidé de procéder à son examen en la regardant ainsi comme complète et suffisante ; que la seule circonstance que la société attributaire était de création récente ne pouvait l'empêcher de concourir ni faire regarder son offre comme nécessairement incomplète, quand bien même elle n'aurait pu produire certains documents financiers et des références techniques et quand bien même le règlement de l'appel d'offre ne prévoyait pas expressément de dispositions particulières pour les entreprises récentes ; qu'il suit de là que la commission d'appel d'offres n'était pas tenue de rejeter la candidature de la société au seul motif que l'offre ne comportait pas de bilan financier des trois dernières années ni le chiffre d'affaires réalisé pour des prestations similaires à celles demandées ; que toutefois, la collectivité d'outre-mer n'a produit, malgré la demande du tribunal et celle formée par la société GMF dans son mémoire d'appel, aucun document démontrant que la société Stenet l'avait mise à même d'apprécier ses capacités et que la commission d'appel d'offres aurait exactement évalué la qualité de son offre au regard des critères techniques ; que dans ces conditions, elle n'est pas fondée à se plaindre de ce que le tribunal a retenu une erreur manifeste dans l'appréciation des mérites respectifs des offres ;

8. Considérant en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 80 du code des marchés publics dans sa rédaction alors en vigueur : " Pour les marchés et accords-cadres passés selon une procédure formalisée autre que celle prévue au II de l'article 35, le pouvoir adjudicateur, dès qu'il a fait son choix pour une candidature ou une offre, notifie à tous les autres candidats le rejet de leur candidature ou de leur offre, en leur indiquant les motifs de ce rejet. Cette notification précise le nom de l'attributaire et les motifs qui ont conduit au choix de son offre aux candidats ayant soumis une offre et à ceux n'ayant pas encore eu communication du rejet de leur candidature. Un délai d'au moins seize jours est respecté entre la date d'envoi de la notification prévue aux alinéas précédents et la date de conclusion du marché. (...) " ; qu'aux termes de l'article 83 du même code : " Le pouvoir adjudicateur communique à tout candidat écarté qui n'a pas été destinataire de la notification prévue au 1° du I de l'article 80 les motifs du rejet de sa candidature ou de son offre dans les quinze jours de la réception d'une demande écrite à cette fin. Si le candidat a vu son offre écartée alors qu'elle n'était aux termes de l'article 35 ni inappropriée, ni irrégulière, ni inacceptable, le pouvoir adjudicateur est en outre tenu de lui communiquer les caractéristiques et les avantages relatifs de l'offre retenue ainsi que le nom du ou des attributaires du marché ou de l'accord-cadre. " ;

9. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la lettre en date du 23 mars 2010, par laquelle la collectivité d'outre-mer de Saint-Martin a informé la Sarl GMF du rejet de son offre, était dépourvue de motivation, en méconnaissance des dispositions de l'article 80 du code des marchés publics ; que la réponse donnée par l'administration, datée du 31 mars, à la demande présentée le 29 mars par la société GMF sur le fondement des dispositions de l'article 83 du même code, a porté à la connaissance de la société candidate évincée, pour chacun des trois lots pour lesquels celle-ci avait présenté une offre, l'identité de l'attributaire, le motif principal du choix, tenant au prix, l'indication que la notation de la valeur technique avait été sensiblement la même pour l'ensemble des candidats, ainsi que le nombre total de points recueillis par les candidats avec leur classement ; que la collectivité d'outre-mer s'est toutefois abstenue, à cette occasion, de communiquer à la Sarl GMF les notes attribuées à son offre, ainsi qu'à celle retenue, pour chacun des deux critères d'attribution ; que cette omission a privé cette société d'une information suffisante sur les avantages relatifs de l'offre retenue ; que dès lors, les dispositions de l'article 83 du code des marchés publics ont également été méconnues ;

10. Considérant qu'il résulte enfin de l'instruction que le courrier adressé aux candidats non retenus est daté du 23 mars 2010 et que le marché a été signé par la collectivité le 30 mars ; que le délai de seize jours entre la date d'envoi de la notification du rejet de l'offre de la société GMF et la date de conclusion du marché n'a donc pas été respecté ;

11. Considérant que si les vices concernant l'information du candidat évincé et la date de conclusion du contrat postérieurement au choix de la commission d'appel d'offres, ne révèlent par eux-mêmes aucune méconnaissance des règles de publicité et de mise en concurrence dans la procédure d'appel d'offres, l'erreur manifeste d'appréciation qui est à l'origine directe du choix de la société Stenet au détriment de l'entreprise GMF, est un vice d'une particulière gravité de nature à justifier, dans les circonstances de l'espèce et comme l'a jugé le tribunal administratif, l'annulation du marché litigieux ;

Sur les conclusions indemnitaires :

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société GMF, dont l'offre avait été classée en deuxième position, a été privée d'une chance sérieuse d'obtenir le marché et peut, par suite, prétendre à être indemnisée de l'intégralité du manque à gagner en résultant pour elle ; que ce manque à gagner doit être déterminé non en fonction du taux de marge brute constaté dans son activité mais en fonction du bénéfice net que lui aurait procuré le marché si elle l'avait obtenu ;

13. Considérant que la collectivité d'outre-mer de Saint-Martin, en se bornant à se prévaloir de décisions des tribunaux rendues sur des marchés dans des domaines ou contextes différents, n'apporte aucun élément de nature à démontrer que le tribunal administratif de Saint-Martin aurait fait une inexacte appréciation du bénéfice attendu sur ces marchés, au regard notamment du taux de l'impôt sur les sociétés à Saint Martin et des amortissements correspondant à ce marché ;

14. Considérant que la société GMF, au soutien de son appel incident, ne démontre pas non plus en se prévalant du taux de marge brute de 16,99 % réalisé sur un marché postérieur que l'appréciation faite par le tribunal aurait été insuffisante ;

15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la collectivité d'outre-mer de Saint-Martin n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Saint-Martin l'a condamné à verser la somme de 32 400 euros à la société GMF et que la société GMF n'est pas fondée à soutenir, par la voie de l'appel incident, que le tribunal aurait fait une insuffisante évaluation de son préjudice ;

Sur les conclusions aux fins de sursis à exécution du jugement :

16. Considérant que le présent arrêt, qui statue au fond sur l'appel interjeté par la collectivité d'outre-mer de Saint-Martin, rend sans objet la requête n° 14BX00613 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement attaqué ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

17. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux demandes des parties présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la collectivité d'outre-mer de Saint-Martin et les conclusions incidentes de la société Gilberte Multi Fonctions sont rejetées.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n°14BX00613 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement.

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Nos 14BX00612-14BX00613


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14BX00612
Date de la décision : 30/10/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-02-02-03 Marchés et contrats administratifs. Formation des contrats et marchés. Mode de passation des contrats. Appel d'offres.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: M. Olivier GOSSELIN
Rapporteur public ?: Mme MEGE
Avocat(s) : CABINET PALMIER et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2014-10-30;14bx00612 ?
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