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09/01/2014 | FRANCE | N°12BX00424

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 09 janvier 2014, 12BX00424


Vu la requête, enregistrée le 23 février 2012, présentée pour la société Bureau Veritas ayant son siège social 67, boulevard du Château à Neuilly-sur-Seine (92200), par Me Draghi-Alonso, avocat ;

La société Bureau Veritas demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0904853 du 29 décembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux l'a condamnée, conjointement et solidairement avec MM.A..., D..., B...etC..., architectes, et la société Grands Travaux du Bassin Aquitain (GTBA), à payer au département de la Gironde la somme de 149 397,90 euros TTC,

avec intérêts à compter du 16 décembre 2009 et capitalisation annuelle des inté...

Vu la requête, enregistrée le 23 février 2012, présentée pour la société Bureau Veritas ayant son siège social 67, boulevard du Château à Neuilly-sur-Seine (92200), par Me Draghi-Alonso, avocat ;

La société Bureau Veritas demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0904853 du 29 décembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux l'a condamnée, conjointement et solidairement avec MM.A..., D..., B...etC..., architectes, et la société Grands Travaux du Bassin Aquitain (GTBA), à payer au département de la Gironde la somme de 149 397,90 euros TTC, avec intérêts à compter du 16 décembre 2009 et capitalisation annuelle des intérêts à compter du 16 décembre 2010, en réparation des désordres qui ont affecté le gymnase du collège Chambéry à Villenave d'Ornon, et, conjointement et solidairement aussi avec les mêmes parties, a mis à sa charge les frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 11 296,81 euros ;

2°) de rejeter la demande présentée par le département de la Gironde devant le tribunal administratif de Bordeaux en tant que ladite demande est dirigée contre elle ;

3°) d'ordonner la restitution de la somme de 34 553,54 euros versée au département de la Gironde en exécution du jugement du 29 décembre 2011 ;

4°) à titre subsidiaire, de dire et juger que la quote-part de responsabilité mise à sa charge ne saurait excéder 10 % et de condamner conjointement et solidairement MM.A..., D..., B...etC..., architectes, et la société Grands Travaux du Bassin Aquitain (GTBA), à la garantir intégralement de toutes condamnations prononcées à son encontre ;

5°) de condamner le département de la Gironde à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le décret n° 92-1186 du 30 octobre 1992 relatif au cahier des clauses techniques générales applicable aux marchés de contrôle technique ;

Vu le code de la construction et de l'habitation ;

Vu le code civil ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 décembre 2013 :

- le rapport de Mme Sylvie Cherrier, premier conseiller ;

- les conclusions de Mme Christine Mège, rapporteur public ;

- et les observations de Me Coronat, avocat de la société GTBA ;

1. Considérant que le département de la Gironde a fait réaliser, en 1995, le gymnase du collège Chambéry sur la commune de Villenave d'Ornon ; que le marché de maîtrise d'oeuvre signé le 26 décembre 1994 a été confié à des architectes, MM.A..., D..., B...etC..., lesquels ont sous-traité une partie de leur mission au BET Sechaud et Bossuyt, aux droits duquel est venue la société BEFS Ingénierie Sud Ouest ; que le marché de travaux du lot n°1 a été confié à la société Grands Travaux du Bassin Aquitain (GTBA) et qu'une mission de contrôle technique a été confiée à la société Bureau Veritas ; qu'après la réception des travaux prononcée le 10 juillet 1995, des fissures sont apparues, à partir de 1997, sur les murs du gymnase et des annexes ; qu'à la suite d'une première expertise amiable, le département de la Gironde a sollicité une expertise judiciaire qui a été ordonnée le 2 septembre 2003 et déclarée commune à la société BEFS Ingénierie Sud Ouest le 17 février 2004 ; qu'au vu du rapport de l'expert, le département de la Gironde a recherché, devant le tribunal administratif, la responsabilité solidaire de MM. A..., D..., B...etC..., de la société BEFS Ingénierie Sud Ouest, de la société GTBA et de la société Bureau Veritas sur le fondement de la garantie décennale ; que MM. A..., D..., B...etC..., la société GTBA et la société Bureau Veritas d'une part, se sont appelés mutuellement en garantie et, d'autre part, ont appelé en garantie la société BEFS Ingénierie Sud Ouest ; que la société Bureau Veritas relève appel du jugement n° 0904853 du 29 décembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux l'a, d'une part, condamnée solidairement avec MM.A..., D..., B...etC..., et la société GTBA à verser au département de la Gironde la somme de 149 397,90 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 16 décembre 2009 ainsi que de la capitalisation des intérêts à compter du 16 décembre 2010, d'autre part, a mis à la charge de ces mêmes parties les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 11 296,81 euros et, enfin, a réparti la charge finale des condamnations solidaires ainsi prononcées à concurrence de 50 % pour MM.A..., D..., B...etC..., 20 % pour la société Bureau Veritas et 30 % pour la société GTBA ;

Sur le caractère décennal des désordres :

2. Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport de l'expert désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux, et qu'il n'est d'ailleurs pas sérieusement contesté, que les murs du gymnase sont fissurés au niveau des joints des panneaux préfabriqués, certaines fissures étant très ouvertes, que les locaux annexes comportent également de nombreuses fissures, tant sur les murs intérieurs et extérieurs, avec rupture et désaffleurement coupant des faïences recouvrant la partie douche ainsi que le local WC filles, que sur le sol du local de douches ; que ces désordres, qui ont évolué pendant la durée de l'expertise, trouvent leur origine dans le caractère inadapté des fondations de l'ouvrage, compte tenu, d'une part d'une mauvaise appréciation de la configuration des sols, et donc d'une surestimation de leur capacité portante suivant les hypothèses de calcul, laquelle s'est par la suite trouvée aggravée par des phénomènes de sécheresse, et, d'autre part, des défauts d'exécution desdites fondations, leurs dimensions et leurs ancrages étant, notamment, inférieurs à ce qui avait été prévu dans le dossier de consultation des entreprises ; que des travaux ont dû être réalisés afin de permettre aux élèves de continuer à se servir des douches, les désordres ayant néanmoins continué de s'aggraver et rendant nécessaires la réalisation de nouveaux travaux de reprise des fondations ; qu'eu égard à leur ampleur et à leur consistance, de tels désordres, qui compromettent la solidité de l'ouvrage et le rendent impropre à sa destination, engagent la responsabilité des constructeurs sur le fondement de la garantie décennale, par application des principes dont s'inspirent les articles 1792 et suivants du code civil, ce qui n'est au demeurant pas contesté par les participants aux travaux de construction du gymnase ;

Sur la responsabilité de la société Bureau Veritas :

3. Considérant, en premier lieu, qu'en vertu des conditions générales d'intervention annexées à la convention de contrôle technique signée le 2 février 1994 entre le département de la Gironde et la société Bureau Veritas, la mission de type A assignée à cette dernière porte notamment sur " les ouvrages de fondation qui assurent le report au sol des charges nouvelles apportées par le bâtiment " et recouvre, d'une part le contrôle des documents de conception et d'exécution, sur lesquels le contrôleur doit formuler des avis et, d'autre part, le " contrôle sur chantier ", dans le cadre duquel " le contrôleur technique examine, à l'occasion de ses visites de chantier, les ouvrages et éléments d'équipements soumis à son contrôle [et] (...) adresse au maître d'ouvrage son rapport final de contrôle " ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, pour ce qui concerne les documents de conception du marché en cause, la société Bureau Veritas a, dans un rapport d'examen des documents particuliers du marché (RDPM) adressé au maître d'ouvrage le 10 janvier 1995, émis un " avis suspendu " sur les dispositions du cahier des clauses techniques particulières (CCTP) relatives à la reconnaissance de sol, en sollicitant que le rapport de sol du bâtiment adjacent lui soit communiqué pour avis, et sur les fondations, en demandant que la justification du dimensionnement des semelles filantes et isolées prévues lui soit communiquée pour avis ; qu'elle n'établit toutefois pas, ni même n'allègue, qu'elle aurait finalement formulé les deux avis ainsi prévus, alors même qu'il ressort de la fiche de contrôle par sondage qu'elle a établie le 30 janvier 1995 qu'elle a effectivement disposé du rapport de sol et qu'elle y mentionne les " semelles isolées ou filantes " sans préciser qu'elle n'aurait pas reçu les informations nécessaires sur ce point ; que par ailleurs, alors que le rapport de sol fourni par le département concernait un bâtiment voisin, et que, lors des sondages du sol qu'elle a effectués le 30 janvier 1995, elle a conclu qu'ils " confirment le rapport de sol et montrent le caractère hétérogène des sols ", elle s'est abstenue de recommander au maître d'ouvrage de réaliser une étude de sol spécifique au bâtiment en litige ; qu'à cet égard, si elle fait valoir qu'une telle étude n'était pas nécessaire, dès lors qu'elle avait convenu avec la société GTBA, lors desdites opérations de sondage, que les fonds de fouille sous semelles isolées ou filantes comportant de l'argile devaient être curés et que l'argile ainsi extraite devait être remplacée par une grave compactée, elle n'établit ni que ces opérations, qui n'ont pas été mises en oeuvre par l'entreprise, auraient suffi à éviter les désordres finalement survenus, ni qu'elle aurait attiré l'attention du maître d'ouvrage, dans son rapport final de contrôle, sur ce problème posé par la configuration particulière des sols, sur les conséquences pouvant en résulter quant à la solidité de l'ouvrage et sur les mesures devant être mises en oeuvre pour y pallier ; que sur ce dernier point, il ne ressort d'ailleurs pas de l'instruction que la société Bureau Veritas aurait adressé au département de la Gironde le rapport final de contrôle prévu à l'article 10 des conditions générales d'intervention susmentionnées ;

5. Considérant par ailleurs que si la société Bureau Veritas fait valoir que l'expert nommé par le président du tribunal administratif de Bordeaux a retenu sa responsabilité dans la survenance des désordres constatés lors des opérations expertales, sans tenir compte du dire qu'elle lui avait adressé le 1er août 2005, il résulte de l'instruction que les différents documents qu'elle a communiqués à cette date à l'expert, outre qu'ils ne sauraient être regardés comme constituant un dire, se limitaient à six documents, dont la convention de contrôle technique du 2 février 1994, le rapport d'examen des documents particuliers du marché adressé au maître d'ouvrage le 10 janvier 1995 et la fiche de contrôle par sondage du 30 janvier 1995 ; que pour ce qui concerne les trois autres documents, le premier consistait en une autre fiche de contrôle par sondage datée du 21 février 1995, dans laquelle elle se borne a informer le maître d'ouvrage et les maîtres d'oeuvre qu'elle a demandé à l'entreprise de trouver une solution au risque de décompression du remblai support du dallage des vestiaires ; que les deux autres sont des comptes-rendus d'examen de documents établis par ses soins et portant sur des plans transmis par la société GTBA ; que le premier compte-rendu indique qu'une mise à jour des fondations prévues sur le plan n° 01 " est à faire en fonction de la création du voile VO et de la suppression des palées de contreventement de la charpente ", le second se bornant à constater que l'examen du plan n° 1B transmis par la société GTBA n'appelle aucun commentaire de sa part ; qu'aucun de ces trois derniers documents ne fait état d'une quelconque réserve sur la nature des sols et les problèmes pouvant en résulter eu regard des fondations prévues ; qu'ils ne sont dès lors pas de nature à exclure la responsabilité de la société Bureau Veritas dans la survenance du dommage ;

6. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 111-24 du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " Le contrôleur technique est soumis, dans les limites de la mission qui lui est confiée par le maître de l'ouvrage, à la présomption de responsabilité édictée par les articles 1792, 1792-1 et 1792-2 du code civil (...) " ; que si cet article a été complété par le VI de l'article 4 de l'ordonnance du 8 juin 2005, la société Bureau Veritas ne saurait utilement s'en prévaloir envers le maître de l'ouvrage, créancier de la garantie décennale, dès lors que, d'une part, ces dispositions ne limitent la responsabilité des contrôleurs techniques qu'à l'égard des autres constructeurs et que, d'autre part, l'article 5 de la même ordonnance ne les rend opposables qu'aux marchés, contrats ou conventions conclus après le 8 juin 2005 ; que, par suite, la société Bureau Veritas n'est pas fondée à soutenir que les particularités de sa mission excluraient qu'elle puisse être condamnée solidairement envers le maître d'ouvrage à raison des désordres à la réalisation desquels elle a concouru ; que, de la même façon, lesdites particularités ne sauraient, par principe, limiter sa part de responsabilité à 10 % ; qu'en l'espèce, et comme il a été dit, les fissures constatées sur le gymnase de Chambéry, ainsi que sur ses locaux annexes, sont consécutives à une inadaptation des fondations à l'ouvrage construit compte tenu de la configuration des sols ; que, eu égard à ce qui a été dit aux points 2 et 4, ces désordres sont partiellement imputables à la société Bureau Veritas ; que le tribunal administratif de Bordeaux a fait une juste évaluation de la part de responsabilité encourue par cette société en la fixant à 20 % ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Bureau Veritas n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Bordeaux, d'une part l'a condamnée solidairement, avec MM.A..., D..., B...et C...et la société GTBA, à verser au département de la Gironde la somme de 149 397,90 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 16 décembre 2009 ainsi que de la capitalisation des intérêts à compter du 16 décembre 2010, d'autre part a mis à la charge de ces mêmes parties les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 11 296,81 euros et, enfin, a laissé à sa charge 20% des condamnations solidaires ainsi prononcées ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. Considérant que le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution ; que les conclusions de la société Bureau Veritas tendant à ce qu'il soit enjoint au département de la Gironde de lui restituer la somme de 34 553,54 euros versée en exécution du jugement du 29 décembre 2011 doivent, en conséquence, être rejetées ;

Sur les conclusions de la société GTBA :

9. Considérant que les conclusions en garantie étant fondées sur l'appréciation de la part de responsabilité imputable à chaque intervenant, la société Grands Travaux du Bassin Aquitain , qui a obtenu la garantie de MM.A..., D..., B...etC..., architectes, et de la société Bureau Veritas à proportion des responsabilités retenues par le tribunal à hauteur de 50 % pour les premiers et 20 % pour la seconde, qui ne sont pas modifiées par le présent arrêt, n'est pas fondée à demander que l'ensemble de ces intervenants soient condamnés solidairement à la garantir à hauteur de 70 % des sommes susceptibles d'être allouées au département de la Gironde ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce soit mise à la charge du département de la Gironde, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la société Bureau Veritas demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Bureau Veritas est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la société GTBA sont rejetées.

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No 12BX00424


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12BX00424
Date de la décision : 09/01/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Marchés et contrats administratifs - Rapports entre l'architecte - l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage - Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage - Responsabilité décennale.

Marchés et contrats administratifs - Rapports entre l'architecte - l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage - Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage - Réparation - Condamnation solidaire.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Sylvie CHERRIER
Rapporteur public ?: Mme MEGE
Avocat(s) : DRAGHI-ALONSO

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2014-01-09;12bx00424 ?
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