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14/11/2013 | FRANCE | N°13BX01234

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 14 novembre 2013, 13BX01234


Vu la requête, enregistrée le 3 mai 2013, présentée par le préfet de la Haute-Vienne ;

Le préfet de la Haute-Vienne demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°1301153 du 2 avril 2013 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté du 28 mars 2013 plaçant M. B... A...en rétention pendant cinq jours dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire et a mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 600 euros à Me Trébesses, avocat de M.A..., en application des dispositions de

l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la l...

Vu la requête, enregistrée le 3 mai 2013, présentée par le préfet de la Haute-Vienne ;

Le préfet de la Haute-Vienne demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°1301153 du 2 avril 2013 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté du 28 mars 2013 plaçant M. B... A...en rétention pendant cinq jours dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire et a mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 600 euros à Me Trébesses, avocat de M.A..., en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention internationale des droits de l'enfant ;

Vu la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 octobre 2013 :

- le rapport de M. Didier Péano, président-assesseur ;

- les conclusions de Mme Christine Mège, rapporteur public ;

1. Considérant que par arrêté du 29 janvier 2013, devenu définitif, le préfet de la Haute-Vienne a rejeté la demande de titre de séjour présentée par M.A..., de nationalité marocaine, et lui a fait obligation de quitter le territoire ; que par arrêté du 28 mars 2013 pris à la suite de l'interpellation de M. A...le jour même, le préfet a décidé de le placer en rétention pendant cinq jours dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire ; que par jugement n°1301153 du 2 avril 2013, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté du 28 mars 2013 et a mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 600 euros à Me Trébesses, avocat de M.A..., en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; que le préfet de la Haute-Vienne relève appel de ce jugement ;

2. Considérant que l'arrêté du 28 mars 2013 a été signé pour le préfet de la Haute-Vienne par M. Alain Castanier, secrétaire général de la préfecture, qui, aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 28 septembre 2012, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du même jour, a reçu délégation de signature " à l'effet de signer tous arrêtés, décisions, circulaires, rapports, correspondances et documents relevant des attributions de l'Etat dans le département de la Haute-Vienne, à l'exception : 1/ du rapport spécial prévu à l'article 42 de la loi (...) du 2 mars 1982, 2/ des arrêtés de conflit. " ; qu'il résulte de ces dispositions que le secrétaire général de la préfecture de la Haute-Vienne est compétent pour signer tous les actes administratifs relevant des attributions de l'Etat dans le département à l'exception de deux catégories de décisions explicitement visées ; qu'aucun principe ni aucun texte législatif ou réglementaire n'interdit une telle délégation, qui n'est ni totale, ni générale ; qu'ainsi alors même qu'elles ne visent pas expressément l'hypothèse de placement en rétention d'un étranger dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, ces dispositions sont suffisamment précises, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, et donnaient légalement compétence à M. C...pour signer l'arrêté du 28 mars 2013, qui est au nombre des actes relevant des attributions de l'Etat dans le département ; qu'il s'ensuit que c'est à tort que pour annuler l'arrêté du 28 mars 2013, le premier juge a retenu le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte au motif que la délégation dont il bénéficiait n'était pas suffisamment précise ;

3. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel de l'ensemble du litige, de statuer sur les autres moyens soulevés par M. A...devant le tribunal administratif ;

4. Considérant en premier lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision " ;

5. Considérant d'une part, que l'arrêté du 28 mars 2013 mentionne que malgré le délai de départ volontaire qui lui avait été accordé, M. A...s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement contenue dans un arrêté du 29 janvier 2013, notifié le 5 février 2013, qu'il n'a pas contesté, qu'il s'est maintenu en situation irrégulière, qu'il ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession des documents d'identité ou de voyage en cours de validité exigés par la réglementation et les conventions internationales et qu'à la date de l'arrêté, il ne peut pas quitter la France sans délai dès lors que la préfecture n'a pas encore obtenu la place d'avion et le laissez-passer consulaire qu'elle avait demandés ; qu'ainsi l'arrêté, qui indique les éléments de fait qui motivent la décision de placement en rétention de M.A..., est suffisamment motivé en fait ;

6. Considérant d'autre part, que l'arrêté vise la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et notamment son article 3 et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans son ensemble, et " notamment l'article L. 551.1 et suivants " ; que si M. A...soutient que l'arrêté est insuffisamment motivé en ce qu'il ne vise pas précisément un des cas limitativement prévus par l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour décider du placement en rétention d'un étranger, il ressort de la motivation de l'arrêté qui, ainsi qu'il vient d'être rappelé, fait état de ce que malgré le délai de départ volontaire qui lui avait été accordé, il s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement et qu'il s'est maintenu en situation irrégulière à l'expiration du délai qui lui avait été accordé pour quitter le territoire, que le fondement juridique de son placement en rétention peut être déduit des faits mentionnés ; que, par suite, la circonstance que l'arrêté attaqué ne vise pas expressément un des alinéas de l'article L. 551-1 du code ne permet pas de le regarder comme insuffisamment motivé au regard des exigences de la loi du 11 juillet 1979 ;

7. Considérant en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : (...) 6° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 561-2 du même code : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation. (...) " ;

8. Considérant qu'il ressort des pièces produites par le préfet devant le tribunal qu'au cours de son audition par les services de la police des frontières le 28 mars 2013, M. A...qui a produit la photocopie d'un passeport à son nom avec mention d'un précédent visa et celle d'une carte de séjour dont la date de validité était expirée depuis plusieurs années, a été dans l'impossibilité de fournir un document d'identité ou de voyage en cours de validité ; qu'il a reconnu être sans ressources, n'a donné aucun élément probant de nature à établir qu'il serait locataire du logement qu'il occupe et a manifesté son intention de ne pas exécuter la mesure d'éloignement dont il a fait l'objet ; qu'ainsi M. A...ne pouvait être regardé, alors même qu'il disposait d'un logement, comme présentant les garanties de représentation permettant l'exécution de la mesure d'éloignement prise à son encontre ; que les seules circonstances qu'il avait une adresse et qu'il avait saisi la justice afin d'être reconnu père d'un enfant né en France et de se voir reconnaître un droit de visite ne permettent pas d'établir, compte tenu des autres éléments de sa situation administrative, qu'il présentait des garanties de représentation suffisantes au sens de ces dispositions ; que, par suite, le préfet de la Haute-Vienne, qui ne s'est pas fondé sur des faits matériellement inexacts, a pu placer M. A... en rétention dans un local ne dépendant pas de l'administration pénitentiaire pendant le temps nécessaire à l'organisation de son départ, sans commettre d'erreur de droit ni d'appréciation ;

9. Considérant en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ;

10. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A...ne vivait ni avec son enfant ni avec la mère de ce dernier ; qu'ainsi, la décision prise par le préfet de la Haute-Vienne n'a eu ni pour objet ni pour effet de le séparer de son enfant et n'implique pas par elle-même une rupture de la cellule familiale de cet enfant ; que par suite, le moyen tiré de ce que l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant aurait été méconnu doit être écarté ;

11. Considérant en quatrième lieu, qu'aux termes des dispositions de l'article 16 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 : " (...) 4. Les organisations et instances nationales, internationales et non gouvernementales compétentes ont la possibilité de visiter les centres de rétention visés au paragraphe 1, dans la mesure où ils sont utilisés pour la rétention de ressortissants de pays tiers conformément au présent chapitre. Ces visites peuvent être soumises à une autorisation. / 5. Les ressortissants de pays tiers placés en rétention se voient communiquer systématiquement des informations expliquant le règlement des lieux et énonçant leurs droits et leurs devoirs. Ces informations portent notamment sur leur droit, conformément au droit national, de contacter les organisations et instances visées au paragraphe 4 " ;

12. Considérant que si M. A...fait valoir que l'imprimé qui lui a été donné lors de son placement en rétention ne comportait pas de mentions suffisantes au regard des prescriptions précitées de la directive 2008/115/CE, aucune disposition de ladite directive n'impose à l'administration que cette information soit dispensée aux étrangers préalablement ou concomitamment à l'édiction de la décision de les placer en rétention ; que, par suite et en tout état de cause, cette circonstance relative à la notification de l'arrêté ordonnant le placement en rétention est sans incidence sur la légalité de cet arrêté ; qu'au demeurant, il ressort des pièces du dossier que la notification de l'arrêté du 28 mars 2013 décidant du placement de M. A...en rétention exposait notamment qu'il pouvait contacter toutes organisations et instances non gouvernementales nationales et internationales de son choix et qu'il pouvait recevoir des visites de ces dernières, sur place au centre de rétention ; que cette notification précisait également le nom, l'adresse et le numéro de téléphone de quatre de ces organisations ainsi que la possibilité de saisir par voie postale le contrôleur général des lieux de privation de liberté ; que dans ces conditions, M. A...n'est pas fondé à soutenir qu'il n'aurait pas été informé des coordonnées des organisations et instances visées au paragraphe 4 de la directive 2008/115/CE ;

13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de la Haute-Vienne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux, a, d'une part, annulé l'arrêté du 28 mars 2013 plaçant M. A... en rétention et, d'autre part, mis à la charge de l'Etat la somme de 600 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ; qu'il y a lieu d'annuler ce jugement et de rejeter la demande de M. A...;

14. Considérant que l'Etat n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions de l'avocat de M. A...tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1301153 du tribunal administratif de Bordeaux en date du 2 avril 2013 est annulé.

Article 2 : La demande de M. A...devant le tribunal administratif de Bordeaux et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.

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No 12BX01234


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13BX01234
Date de la décision : 14/11/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: M. Didier PEANO
Rapporteur public ?: Mme MEGE
Avocat(s) : TREBESSES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2013-11-14;13bx01234 ?
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