Vu le recours, enregistré le 25 juin 2012, sous forme de télécopie et régularisé par courrier le 27 juin 2012, présenté par le Garde des sceaux, Ministre de la justice ;
Le Garde des sceaux, Ministre de la justice demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0801481 du 26 avril 2012 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a, d'une part, annulé la décision du 28 janvier 2008 du directeur interrégional des services pénitentiaires de Toulouse refusant d'agréer M. A...en qualité d'aumônier des services pénitentiaires et a, d'autre part, enjoint au directeur interrégional des services pénitentiaires de Toulouse de procéder au réexamen la demande d'agrément de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A...;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de procédure pénale ;
Vu la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l'Etat ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 septembre 2013 :
- le rapport de Mme Déborah De Paz, premier conseiller ;
- les conclusions de M. David Katz, rapporteur public (hors cas de dispense) ;
- les observations de MeB..., substituant Me Goni, avocat de M.A... ;
1. Considérant que le Garde des sceaux, ministre de la justice, relève appel du jugement du 26 avril 2012 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision en date du 28 janvier 2008 du directeur interrégional des services pénitentiaires de Toulouse refusant de délivrer à M. C...A...un agrément en qualité d'aumônier bénévole des établissements pénitentiaires ;
2. Considérant, d'une part, qu'aux termes des stipulations de l'article 9 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l'enseignement, les pratiques et l'accomplissement des rites. / La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l'ordre, de la santé, ou de la morale publiques, et à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'il résulte également des dispositions des articles 1er, 18 et 19 de la loi du 9 décembre 1905 susvisée, en premier lieu, que les associations revendiquant le statut d'association cultuelle doivent avoir exclusivement pour objet l'exercice d'un culte, en deuxième lieu, qu'elles ne peuvent mener que des activités en relation avec cet objet telles que l'acquisition, la location, la construction, l'aménagement et l'entretien des édifices servant au culte ainsi que l'entretien et la formation des ministres et autres personnes concourant à l'exercice du culte et, en troisième lieu, que le fait que certaines des activités de l'association pourraient porter atteinte à l'ordre public s'oppose à ce que ladite association bénéficie du statut d'association cultuelle ;
3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article D. 432 du code de procédure pénale : " Chaque détenu doit satisfaire aux exigences de sa vie religieuse, morale ou spirituelle. / Il peut à ce titre participer aux offices ou réunions organisés par les personnes agréées à cet effet " ; qu'aux termes de l'article D. 433 du même code : " Le service religieux est assuré, pour les différents cultes, par des aumôniers désignés par le directeur régional qui consulte à cet effet l'autorité religieuse compétente, et après avis du préfet / (...) " ; que les articles D. 434 à D. 439 du même code précisent les conditions dans lesquelles les aumôniers agréés et leurs auxiliaires sont autorisés à intervenir en milieu carcéral, pour organiser des offices et des réunions ou pour s'entretenir, sur place ou par voie épistolaire, avec les détenus ; qu'aux termes de l 'article D. 404 du code de procédure pénale : " Sous réserve des motifs liés au maintien de la sécurité ou au bon ordre de l'établissement, le chef d'établissement ne peut refuser de délivrer un permis de visite aux membres de la famille d'un condamné ou à son tuteur. Toute autre personne peut être autorisée à rencontrer un condamné, s'il apparaît que ces visites contribuent à l'insertion sociale ou professionnelle de ce dernier " ;
4. Considérant, en premier lieu, que même si les dispositions précitées du code de procédure pénale ne définissent pas la notion de culte, il ressort des pièces du dossier que l'association " Les Témoins de Jéhovah de France " bénéficie du statut d'association cultuelle régie par la loi du 9 décembre 1905 susvisée, et d'autre part, que M. A...s'était vu reconnaître la qualité de ministre du culte ayant les compétences requises pour apporter une assistance spirituelle et religieuse aux détenus et célébrer les offices religieux, par une attestation du 23 février 2006 de cette association ; que dès lors, la demande d'agrément présentée par M. A... afin d'exercer les fonctions d'aumônier bénévole des établissements pénitentiaires devait être instruite au regard des dispositions des articles D. 433 et suivants du code de procédure pénale ;
5. Considérant, en second lieu, que si la liberté de culte en milieu carcéral s'exerce sous réserve des prérogatives dont dispose l'autorité administrative aux fins de préserver l'ordre et la sécurité au sein des établissements pénitentiaires, aucune disposition législative ou règlementaire ne conditionne la désignation d'un aumônier à un nombre minimum de détenus susceptibles de recourir à son assistance spirituelle ; que le Garde des sceaux, Ministre de la justice, ne peut utilement se prévaloir des stipulations de l'article 29-2 des règles pénitentiaires européennes, qui n'ont pas d'effet contraignant et ne prévoient pas au demeurant une telle restriction au droit de culte ; qu'enfin, il ressort des pièces du dossier que la délivrance d'un permis de visite individuel ne permettrait pas de satisfaire aux exigences de la vie religieuse, morale ou spirituelle des détenus et de leur permettre de participer aux offices ou réunions organisés par un aumônier de leur culte, conformément à l'article D. 432 du code de procédure pénale ; que, dès lors, le directeur interrégional des services pénitentiaires de Toulouse s'est fondé sur des motifs qui n'étaient pas de nature à justifier légalement son refus ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le Garde des Sceaux, Ministre de la justice n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision du 28 janvier 2008 du directeur interrégional des services pénitentiaires de Toulouse refusant d'agréer M. A...en qualité d'aumônier bénévole des services pénitentiaires ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à M. A...au titre des frais qu'il a exposés, non compris dans les dépens ;
DECIDE
Article 1er : Le recours du Garde des sceaux, Ministre de la Justice est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera à M. A...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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No 12BX01613