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17/10/2013 | FRANCE | N°12BX02883

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 17 octobre 2013, 12BX02883


Vu la requête, enregistrée le 16 novembre 2012 par télécopie et régularisée par l'envoi de l'original le 21 novembre 2012, présentée pour M. C... B...demeurant..., par MeA... ;

M. B... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900288 en date du 5 juillet 2012 du tribunal administratif de Saint-Denis en ce qu'il a rejeté sa demande d'indemnisation, d'un montant de 666 000 euros, du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de la réalisation de la route nationale 1, dite " route des Tamarins " ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 776 22

8 euros en réparation des préjudices cultural et de trouble d'exploitation qu'il ...

Vu la requête, enregistrée le 16 novembre 2012 par télécopie et régularisée par l'envoi de l'original le 21 novembre 2012, présentée pour M. C... B...demeurant..., par MeA... ;

M. B... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900288 en date du 5 juillet 2012 du tribunal administratif de Saint-Denis en ce qu'il a rejeté sa demande d'indemnisation, d'un montant de 666 000 euros, du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de la réalisation de la route nationale 1, dite " route des Tamarins " ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 776 228 euros en réparation des préjudices cultural et de trouble d'exploitation qu'il a subis ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

Vu le code rural et de la pêche maritime ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 septembre 2013 :

- le rapport de Mme Sylvie Cherrier, premier conseiller ;

- les conclusions de Mme Christine Mège, rapporteur public ;

1. Considérant que par lettre du 22 décembre 1998, la société d'aménagement foncier et d'établissement rural de la Réunion (SAFER) a informé M.B..., exploitant agricole, que sa candidature à l'attribution d'une parcelle par bail emphytéotique sur le lotissement " piton de l'Hermitage " avait reçu un avis favorable, et que les lots seraient tirés au sort ; que ce document précisait que quatre exploitations agricoles situées dans la bande d'étude de la route nationale 1, dite " route des Tamarins ", seraient amputées à terme d'une partie de leur surface et que la superficie restante serait en tout état de cause supérieure à une surface minimum d'installation (SMI), fixée à 7,5 hectares concernant la culture de canne à sucre ; que le 6 janvier 1999, M. B... a signé avec la SAFER un bail emphytéotique portant sur la cession de l'emphytéose dont la SAFER disposait sur la parcelle cadastrée DK 315, située sur le territoire de la commune de Saint-Paul, appartenant aux sucreries de Bourbon et destinée à la culture de la canne à sucre ; qu'aux termes d'un décret du 3 mai 2002, ont été déclarés d'utilité publique les travaux de réalisation de la nouvelle route nationale 1 sur les communes de Saint-Paul, Saint-Leu, les Avirons et l'Etang Salé et les acquisitions nécessaires ; que la parcelle DK 315, d'une superficie totale de 109 248 mètres carrés, a été divisée en trois parcelles, cadastrées respectivement DK 532, DK 533 et DK 534 ; que la parcelle DK 533, emprise du projet routier située entre les deux autres, d'une superficie de 37 048 mètres carrés, a été expropriée par ordonnance du 24 octobre 2003 ; que par une seconde ordonnance du 7 septembre 2005, la parcelle cadastrée DK 532, d'une superficie de 18 219 mètres carrés, a également été partiellement expropriée, à hauteur de 2 312 mètres carrés ; qu'à la suite de ces opérations, M. B... est demeuré titulaire des parcelles cadastrées DK 646, issue de la division de la parcelle DK 532 pour partie expropriée, et DK 534, pour une superficie totale de 69 888 mètres carrés ;

2. Considérant que le juge de l'expropriation a, par jugement du 30 juin 2004, fixé à 143 138 euros le montant des indemnités dues à M. B...au titre de l'expropriation de la parcelle DK 533 ; que par jugement du 1er septembre 2005, il a fixé à 4 439 euros le montant de l'indemnité de perte d'exploitation consécutive à l'expropriation partielle de la parcelle DK 532, et rejeté l'ensemble des autres demandes de M. B... ; que ces jugements ont été confirmés par deux arrêts de la cour d'appel de Saint-Denis en date du 25 septembre 2006 ;

3. Considérant que par un courrier du 17 octobre 2008, reçu le 21 octobre suivant, M. B... a demandé au directeur départemental de l'équipement de la Réunion le versement par l'Etat d'une indemnité d'un montant de 666 000 euros en réparation du préjudice constitué par la perte de revenus et les troubles d'exploitation ayant résulté des travaux entrepris pour la réalisation de la nouvelle route nationale 1 ; que le tribunal administratif de Saint-Denis a rejeté sa requête tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 666 000 euros, par un jugement du 5 juillet 2012 ; que M. B...relève appel de ce jugement et demande à la cour de condamner l'Etat à lui verser la somme de 776 228 euros en réparation du préjudice cultural et des difficultés d'exploitation qu'il estime avoir subis ;

Sur la compétence de la juridiction administrative :

4. Considérant que l'indemnité d'expropriation doit en principe couvrir tous les dommages subis par l'exproprié du fait de l'opération entreprise, même au regard des parcelles qui lui restent ; que M. B... ne peut critiquer devant la juridiction administrative l'insuffisance des indemnités allouées par le juge judiciaire, par des jugements devenus définitifs, tant sur la durée des périodes de perte de revenus que sur le montant destiné à couvrir, au titre des troubles d'exploitation, les travaux de rétablissement des chemins et de l'irrigation ; que par suite c'est à tort que le tribunal s'est prononcé au fond sur le bien-fondé de ces conclusions ; qu'il y a lieu d'annuler son jugement dans cette mesure, d'évoquer et de rejeter les conclusions tendant au versement d'indemnités complémentaires aux indemnités d'expropriation pour préjudices accessoires comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître, et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur le surplus des conclusions de M. B... ;

Sur la responsabilité de l'Etat :

5. Considérant que M. B... a indiqué en première instance, et n'a pas démenti en appel, que sa demande était fondée sur l'article L. 23-1 du code de l'expropriation, lequel reproduit les articles L. 123-24 à L. 123-26 du code rural et de la pêche maritime ; qu'aux termes de l'article L. 123-24 de ce code : " Lorsque les expropriations en vue de la réalisation des aménagements ou ouvrages mentionnés aux articles L. 122-1 à L. 122-3 du code de l'environnement sont susceptibles de compromettre la structure des exploitations dans une zone déterminée, l'obligation est faite au maître de l'ouvrage, dans l'acte déclaratif d'utilité publique, de remédier aux dommages causés en participant financièrement à l'exécution d'opérations d'aménagement foncier mentionnées au 1° de l'article L. 121-1 et de travaux connexes... " ; qu'aux termes de l'article L. 123-26 du même code : " Lorsqu'un aménagement foncier est réalisé en application de l'article L. 123-24, les dispositions des articles L. 123-1 à L. 123-34 sont applicables./ Toutefois, dès lors que tout ou partie des apports d'un propriétaire sont situés dans le périmètre perturbé par l'ouvrage, sont autorisées les dérogations aux articles L. 123-1 et L. 123-18 qui seraient rendues inévitables en raison de l'implantation de l'ouvrage et des caractéristiques de la voirie mise en place à la suite de sa réalisation. Les dommages qui peuvent en résulter pour certains propriétaires et qui sont constatés à l'achèvement des opérations d'aménagement foncier sont considérés comme des dommages de travaux publics. " ;

6. Considérant que l'article 3 du décret du 3 mai 2002 déclarant d'utilité publique les travaux de réalisation de la nouvelle route nationale 1 à 2 x 2 voies, " route des Tamarins ", dans sa section comprise entre Saint-Paul et L'Etang-Salé dans le département de la Réunion, portant mise en compatibilité du plan d'occupation des sols des communes de Saint-Paul, Les Trois-Bassins, Saint-Leu, Les Avirons et L'Etang-Salé et conférant à cette nouvelle voie le caractère de route express, a prévu que pour cet ouvrage à caractère linéaire, le maître d'ouvrage est tenu de remédier aux dommages causés aux exploitations agricoles par l'exécution de ces travaux dans les conditions prévues par les articles L. 123-24 à L. 123-26, L. 352-1 et R. 123-30 et suivants du code rural ; que pour l'exécution de cette obligation, et alors même qu'aucune procédure d'aménagement foncier n'a été engagée, l'Etat a mandaté la région Réunion pour étudier avec la SAFER les mesures compensatoires foncières et agricoles ; qu'en application de deux conventions conclues entre la région et la SAFER les 28 octobre 2002 et 29 septembre 2004, la SAFER a proposé les 15 décembre 2004 et 11 janvier 2005 à M. B... de lui attribuer, par un autre bail emphytéotique, deux nouvelles parcelles cadastrées DK 529 et DK 535 (devenue 583), pour une surface totale de 4 hectares 20 ares et 34 centiares, sous réserve de régularisation de loyers impayés ; qu'à la suite d'un litige portant sur le montant des loyers et le caractère exploitable des parcelles figurant au bail de 1999 comme de celles proposées en complément, le tribunal paritaire des baux ruraux, qui a autorisé la suspension des paiements au vu d'une expertise constatant en 2006 le caractère inexploitable des parcelles, puis estimé justifiée l'absence de paiement des loyers à partir de 2004, a enjoint à la SAFER, par jugement du 6 décembre 2012, de mettre à la disposition de M. B... les parcelles cadastrées DK 529 et DK 535 en état d'exploitation, mais a rejeté ses demandes tendant à l'indemnisation d'un préjudice de jouissance, en relevant qu'il avait déjà été indemnisé par le juge de l'expropriation ; qu'il résulte des constats d'huissier effectués les 19 janvier et 9 mars 2012 que la SAFER a réalisé des travaux de défrichement et d'épierrement sur les parcelles litigieuses, et qu'une station de filtration pour l'irrigation a été mise en place à proximité ;

7. Considérant en premier lieu, que si M. B..., qui n'est pas propriétaire mais seulement locataire des biens affectés par la réalisation de la route des Tamarins, soutient que les travaux réalisés ont entièrement détruit le réseau d'irrigation, contrairement à ce qui était prévu, il n'assortit cette allégation d'aucune précision et n'apporte aucun élément de nature à démontrer que des dégradations non prises en compte par le juge judiciaire résulteraient des seules conditions dans lesquelles les travaux ont été exécutés, et auraient causé un préjudice distinct de celui qui a déjà été indemnisé au titre des préjudices accessoires à l'expropriation, et qui incluait le montant d'un devis présenté par M. B... pour la réfection de l'irrigation à hauteur de 25 813 euros ; qu'il n'établit pas davantage qu'il aurait été empêché de réaliser sur ses parcelles les travaux pour lesquels il a été indemnisé par le jugement d'expropriation de 2004, ce qui aurait induit une prolongation de l'absence d'irrigation expliquant leur état de friche, alors qu'il admet que les travaux publics de rétablissement de l'irrigation et de remise en eau ont été effectués entre avril et septembre 2005, comme en atteste le conseil général de la Réunion ; que par suite, il n'est en tout état de cause pas fondé à soutenir que la responsabilité de l'Etat serait engagée pour dommages de travaux publics, ni au titre des pertes de cultures sur les parcelles restantes après expropriation, ni au titre des frais de remise en état et replantation de ces parcelles, dont le lien direct avec la réalisation des travaux n'est pas établi ;

8. Considérant en deuxième lieu, que si M. B... souligne que la SAFER avait indiqué que " les pertes occasionnées par les travaux d'aménagement de la route feront l'objet d'une indemnisation par les services de l'Etat ", cette annonce, qui supposait une justification des préjudices et du lien avec les travaux, ne saurait être regardée comme une promesse susceptible en elle-même d'engager la responsabilité de l'Etat si elle n'était pas tenue ;

9. Considérant enfin qu'il résulte des faits exposés au point 6 que M. B... a finalement bénéficié de l'exécution de travaux par la SAFER sur les parcelles qui lui avaient été proposées en compensation de la déstructuration de son exploitation occasionnée par l'expropriation, et n'indique pas les raisons pour lesquelles il n'a pas signé le bail emphytéotique proposé en 2012 ; qu'ainsi, s'il a entendu invoquer une méconnaissance par l'Etat des obligations d'accompagnement résultant de l'article 3 du décret du 3 mai 2002 précité, il n'établit en tout état de cause aucune faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat à son égard ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M.B... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Saint-Denis a rejeté sa demande d'indemnité ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0900288 du 5 juillet 2012 du tribunal administratif de Saint-Denis est annulé en tant qu'il n'a pas décliné sa compétence pour statuer sur les compléments d'indemnité demandés au titre des préjudices culturaux et troubles d'exploitation indemnisés par le juge de l'expropriation.

Article 2 : Les conclusions de M. B... tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser ces indemnités complémentaires sont rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.

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No 12BX02883


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12BX02883
Date de la décision : 17/10/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

67-02-01-02 Travaux publics. Règles communes à l'ensemble des dommages de travaux publics. Notion de dommages de travaux publics. Absence.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Sylvie CHERRIER
Rapporteur public ?: Mme MEGE
Avocat(s) : HOARAU

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2013-10-17;12bx02883 ?
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