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07/03/2013 | FRANCE | N°12BX02043

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 07 mars 2013, 12BX02043


Vu la requête, enregistrée le 1er août 2012, présentée pour Mme A...B...demeurant ...;

Mme B...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1200171 du 29 juin 2012 du tribunal administratif de Toulouse en tant qu'il a décidé dans son article 1er, à la demande du préfet de la Haute-Garonne, que l'immeuble situé au 70, allée des Demoiselles à Toulouse sera libéré, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement aux occupants ou, à défaut, de son affichage sur les lieux ;

2°) à titre principal, de constater l'incompétence de la j

uridiction administrative pour se prononcer sur la mesure d'expulsion, à titre subsidiair...

Vu la requête, enregistrée le 1er août 2012, présentée pour Mme A...B...demeurant ...;

Mme B...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1200171 du 29 juin 2012 du tribunal administratif de Toulouse en tant qu'il a décidé dans son article 1er, à la demande du préfet de la Haute-Garonne, que l'immeuble situé au 70, allée des Demoiselles à Toulouse sera libéré, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement aux occupants ou, à défaut, de son affichage sur les lieux ;

2°) à titre principal, de constater l'incompétence de la juridiction administrative pour se prononcer sur la mesure d'expulsion, à titre subsidiaire, de rejeter la demande présentée par le préfet de la Haute-Garonne devant le tribunal administratif ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement aux "requérants" de la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors que le deuxième mémoire en réplique du préfet, qui est antérieur à la clôture et dont il ne saurait sérieusement être soutenu qu'il ne contient pas d'éléments nouveaux, n'a pas été communiqué ;

- le tribunal administratif n'était pas compétent dès lors que l'immeuble dont la libération était demandée doit être regardé comme relevant du domaine privé de l'Etat ;

- l'ensemble immobilier situé au 70 allée des Demoiselles a perdu son affectation aux missions de service public de l'emploi dévolues à l'association nationale pour la formation professionnelle des adultes à partir de 2009 ;

- cette désaffectation matérielle a été constatée par des actes juridiques valant décision de déclassement telle la lettre du 18 octobre 2011 par laquelle l'administrateur des finances publiques adjoint, agissant en représentation du directeur régional des finances publiques de Midi-Pyrénées, a confirmé la résiliation du bail avec l'association nationale pour la formation professionnelle des adultes le 6 avril 2004 ;

- de même la convention d'occupation précaire conclue le 28 décembre 2011 en application de l'article R. 2222-1 du code de la propriété des personnes publiques, qui concerne la location des biens immobiliers rattachés au domaine privé des personnes publiques, avec l'association "Maison Goudouli " qui n'est dotée ni d'une mission de service public ni de prérogatives de puissance publique, a confirmé la non-affectation de l'ensemble immobilier à une mission de service public ;

- enfin la décision du 17 décembre 2010, par laquelle le Conseil constitutionnel a considéré que l'article 54 de la loi du 24 novembre 2009 était contraire à la Constitution dès lors qu'il apportait à l'association nationale pour la formation professionnelle des adultes des biens immobiliers appartenant à l'Etat à titre gratuit et sans aucune condition particulière, ne permet pas de conclure que le bien objet du litige relèverait de la domanialité publique ;

- les circonstances particulières de l'espèce, et notamment le taux de rejet des demandes d'hébergement d'urgence de personnes démunies, très élevé à Toulouse, justifient le rejet de la demande du préfet ;

- l'évacuation est contraire à l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant dès lors que les enfants qui sont logés dans l'immeuble ne pourront pas trouver d'autres hébergements ;

- en revanche, la requérante doit être mise hors de cause dès lors qu'elle-même justifie d'un logement ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 24 septembre 2012, présenté par le ministre de l'intérieur ;

Le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête ;

Il fait valoir que :

- la requête de MmeB..., qui demande à être mise hors de cause et ne démontre pas avoir intérêt pour agir, n'est pas recevable ;

- le mémoire du 28 mai 2012, qui n'apporte pas d'éléments nouveaux et se borne à répondre au moyen inopérant tiré des visas de la convention de location de la partie de l'immeuble accessible depuis le 4 bis de la rue Goudouli, n'avait pas à être communiqué ;

- l'immeuble accessible depuis l'entrée 70 allée des Demoiselles constitue une dépendance du domaine public dans la mesure où il satisfait à l'ensemble des conditions fixées par l'article L. 2111-1 du code général de la propriété des personnes publiques ;

- la seule circonstance qu'il ne soit plus affecté aux missions de service public de la formation professionnelle depuis plusieurs années et que le bail dont disposait l'association nationale pour la formation professionnelle des adultes ait été résilié ne saurait valoir décision de déclassement et impliquer qu'il ne fait plus partie du domaine public ;

- comme l'a rappelé le tribunal administratif, le fait que la convention de location du 28 décembre 2011 conclue entre l'Etat et l'association " la Maison Goudouli " vise, à son article ler, l'article R. 2222-1 du code général de la propriété des personnes publiques concernant la location d'un immeuble du domaine privé est sans conséquence sur la qualification juridique du bien loué rue Goudouli et sur celle de l'immeuble sis au 70 allée des Demoiselles ;

- aucune autre circonstance particulière et notamment la mauvaise prise en charge invoquée des demandeurs d'hébergement d'urgence dans le département de la Haute-Garonne ne saurait justifier l'occupation de l'immeuble en méconnaissance de l'article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques ;

- le jugement autorisant l'expulsion des occupants de l'immeuble ne constitue pas une violation de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant dès lors que les occupants de l'immeuble n'avaient pas permis à l'administration de contrôler les lieux et ont toujours refusé les propositions de contact formulées par les services de l'Etat, que les locaux ne possèdent pas les équipements sanitaires nécessaires à un usage durable d'habitation et ne peuvent fournir des conditions d'hébergement décentes, notamment à des enfants et que le tribunal a laissé un mois aux occupants pour quitter les lieux ;

Vu l'ordonnance du 6 novembre 2012 fixant la clôture de l'instruction au 13 décembre 2012 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention internationale des droits de l'enfant ;

Vu le code général de la propriété des personnes publiques ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 février 2013 :

- le rapport de M. Didier Péano, président-assesseur ;

- et les conclusions de Mme Christine Mège, rapporteur public ;

1. Considérant que l'État est propriétaire à Toulouse d'un ensemble immobilier comportant deux bâtiments, l'un accessible depuis l'entrée située au 4 bis rue Goudouli, l'autre depuis l'entrée située au 70 allée des Demoiselles ; que cet ensemble a été donné, par conventions du 28 octobre 1992 et du 6 avril 2004, en location à l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes ; qu'à la suite de l'occupation par diverses familles du bâtiment accessible depuis l'entrée située au 70 allée des Demoiselles, le préfet de la Haute-Garonne a saisi le tribunal administratif de Toulouse afin qu'il ordonne l'expulsion de tout occupant sans droit ni titre de ce bâtiment, dans un délai de 24 heures à compter de la notification du jugement à intervenir ; que Mme B...relève appel du jugement n° 1200171 du 29 juin 2012 en tant que le tribunal administratif de Toulouse a décidé, dans son article 1er, que l'immeuble situé au 70, allée des Demoiselles à Toulouse sera libéré, dans un délai d'un mois à compter de sa notification aux occupants ou, à défaut, de son affichage sur les lieux ;

Sur la recevabilité de la requête :

2. Considérant qu'en sa seule qualité de partie présente en première instance, MmeB..., qui avait animé le collectif de soutien aux familles occupant l'immeuble litigieux, justifie d'un intérêt lui donnant qualité pour interjeter appel du jugement attaqué ; que la fin de non-recevoir tirée de ce qu'elle n'établirait pas avoir intérêt pour agir, dès lors qu'elle-même dispose d'un logement, doit être écartée ;

Sur la compétence de la juridiction administrative :

3. Considérant que Mme B...soutient que le juge administratif est incompétent pour statuer sur la demande du préfet de la Haute-Garonne ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2111-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Sous réserve de dispositions législatives spéciales, le domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 est constitué des biens lui appartenant qui sont soit affectés à l'usage direct du public, soit affectés à un service public pourvu qu'en ce cas ils fassent l'objet d'un aménagement indispensable à l'exécution des missions de ce service public " ; qu'aux termes de l'article L. 2141-1 du même code : " Un bien d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1, qui n'est plus affecté à un service public ou à l'usage direct du public, ne fait plus partie du domaine public à compter de l'intervention de l'acte administratif constatant son déclassement " ;

5. Considérant que le bâtiment accessible depuis l'entrée située au 70, allée des Demoiselles n'est pas affecté à l'usage direct du public ; que s'il avait été loué à l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes à compter du 1er janvier 1990, il n'est pas établi qu'il aurait fait l'objet d'un aménagement particulier indispensable à l'exécution des missions du service public de l'emploi confiées à cette association, dont il n'est pas contesté qu'elle ne l'occupait plus depuis 2009 à la suite de la résiliation du bail dont elle était titulaire ; qu'ainsi contrairement à ce que soutient le préfet, il ne résulte pas de l'instruction que l'immeuble aurait été affecté à un service public ; que, par suite, le bâtiment accessible depuis l'entrée située au 70, allée des Demoiselles ne peut être regardé comme une dépendance du domaine public de l'Etat ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il incombait au tribunal administratif de Toulouse de décliner la compétence de la juridiction administrative pour statuer sur la demande présentée par le préfet de la Haute-Garonne ; que pour ce motif, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, le jugement est irrégulier et doit être annulé ;

7. Considérant que, dans les circonstances de l'affaire, il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par le préfet de la Haute-Garonne devant le tribunal administratif et, ainsi qu'il a été dit, de la rejeter comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître ;

8. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de Mme B...tendant au remboursement des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1200171 du tribunal administratif de Toulouse du 29 juin 2012 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par le préfet de la Haute-Garonne devant le tribunal administratif de Toulouse est rejetée comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

Article 3 : Les conclusions de Mme B...tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 7 février 2013 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, président,

M. Didier Péano, président-assesseur,

Mme Sabrina Ladoire, conseiller.

Lu en audience publique, le 7 mars 2013.

Le rapporteur,

Didier PEANOLe président,

Catherine GIRAULTLe greffier,

Florence FAURE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

5

No 12BX02043


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12BX02043
Date de la décision : 07/03/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

24-01 Domaine. Domaine public.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: M. Didier PEANO
Rapporteur public ?: Mme MEGE
Avocat(s) : BREL

Origine de la décision
Date de l'import : 05/09/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2013-03-07;12bx02043 ?
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