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18/10/2012 | FRANCE | N°12BX00964

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 18 octobre 2012, 12BX00964


Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 13 avril 2012, présentée par le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE ;

Le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE demande à la cour d'annuler le jugement n° 121095 du 12 mars 2012 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé son arrêté du 8 mars 2012 faisant obligation à M. X de quitter le territoire français, sans délai de départ volontaire, à destination de l'Angola ainsi que sa décision du même jour ordonnant son maintien en rétention administrative, et a mis à la charge de l'Etat une

somme de 1 200 euros au bénéfice de l'avocat de M. X ;

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Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 13 avril 2012, présentée par le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE ;

Le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE demande à la cour d'annuler le jugement n° 121095 du 12 mars 2012 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé son arrêté du 8 mars 2012 faisant obligation à M. X de quitter le territoire français, sans délai de départ volontaire, à destination de l'Angola ainsi que sa décision du même jour ordonnant son maintien en rétention administrative, et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au bénéfice de l'avocat de M. X ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 septembre 2012 :

- le rapport de Mme Sabrina Ladoire, conseiller ;

- et les conclusions de Mme Christine Mège, rapporteur public ;

Considérant que le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE relève appel du jugement n° 1201095 du 12 mars 2012 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé son arrêté du 8 mars 2012 prononçant à l'encontre de M. X, ressortissant angolais, une obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant l'Angola comme pays de renvoi et l'arrêté du même jour ordonnant son placement en rétention administrative, et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, entré en France selon ses déclarations le 29 avril 2002, a sollicité l'asile, qui lui a été refusé par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 10 novembre 2003, décision confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 19 novembre 2004 ; qu'il a ensuite fait l'objet de deux décisions de reconduite à la frontière les 7 janvier 2005 et 10 janvier 2007, puis d'un refus de séjour avec obligation de quitter le territoire français le 15 juillet 2010, annulé par le tribunal administratif de Toulouse le 28 avril 2011 ; que toutefois ce jugement a été annulé par la cour administrative d'appel de Bordeaux par arrêt du 15 novembre 2011 ; que le préfet soutient qu'en annulant à nouveau l'obligation de quitter le territoire français faite à M. X par son arrêté du 8 mars 2012, le tribunal administratif a méconnu l'autorité de chose jugée qui s'attache à cet arrêt ;

Considérant que pour retenir une violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le magistrat désigné a relevé " qu'il ressort des pièces du dossier, notamment de l'arrêt de la cour d'appel de Bordeaux en date du 15 novembre 2011 que le requérant vit depuis août 2009 en concubinage avec Mlle Y, ressortissante de la République démocratique du Congo, titulaire d'une carte de résident de dix ans en qualité de réfugiée politique depuis le 3 janvier 2008 et qui a ainsi vocation à demeurer en France ; que le requérant entretient une relation avec Mlle Y depuis 2007 puisque celui-ci est père de ses deux enfants nés en France le 20 septembre 2007 et le 13 août 2010 ; qu'ainsi, malgré ses deux enfants nés d'un précédent mariage dans son pays d'origine, M. X justifie de liens forts et durables en France ; qu'il ressort également des pièces du dossier, et notamment du rapport des Nations unies sur les violences sexuelles liées aux conflits dans le monde et publié le 23 février 2012, que les tensions politiques entre l'Angola et la République démocratique du Congo qui ont engendré notamment des violences sexuelles commises par les forces armées angolaises sur plus de 3768 congolaises, dont 998 enfants, rendent impossible l'établissement de la cellule familiale du requérant avec sa concubine en Angola où les ressortissants de la République démocratique du Congo font l'objet de mesures d'expulsion depuis l'année 2009, qui se sont accompagnées au cours de l'année 2010 d'actes de violence perpétrés par les forces angolaises " ; qu'il s'est ainsi fondé sur des faits et documents postérieurs à l'arrêté du 15 juillet 2010, et n'a par suite pas méconnu l'autorité de chose jugée de l'arrêt du 15 novembre 2011 ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, où à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

Considérant que le tribunal a retenu à bon droit que la circonstance que la compagne du requérant, Mme Y, ressortissante de la République démocratique du Congo, soit titulaire d'une carte de résident en qualité de réfugiée politique lui donne vocation à demeurer sur le territoire ; qu'à la date de la décision attaquée M. X vivait en concubinage avec Mme Y depuis trois ans ; qu'il ressort des nombreux documents versés au dossier que la situation politique entre l'Angola et la République démocratique du Congo empêche la reconstitution de la vie familiale dans l'un de ces deux pays ; que la décision du PREFET DE LA HAUTE-GARONNE aurait pour effet de séparer M. X de sa concubine et de ses deux filles, nées respectivement le 20 septembre 2007 et le 13 août 2010 ; qu'ainsi, eu égard à l'ensemble de ces circonstances et alors même que M. X n'est pas dépourvu d'attaches familiales en Angola où résident son épouse et ses enfants dont il dit être sans nouvelles depuis 2005, le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 12 mars 2012, le tribunal administratif de Toulouse a annulé, au motif qu'elle portait une atteinte excessive au droit au respect de la vie privée et familiale de M. X, la décision l'obligeant à quitter le territoire français sans délai, et par voie de conséquence celles fixant l'Angola comme pays de renvoi et ordonnant son placement en rétention administrative ;

Sur les conclusions de M. X à fin d'injonction et d'astreinte :

Considérant que le présent arrêt implique seulement, pour les motifs exposés par le premier juge qu'il y a lieu d'adopter, que le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE réexamine la situation de M. X ; que dans les circonstances de l'espèce il y a lieu d'enjoindre au PREFET DE LA HAUTE-GARONNE d'y procéder dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une nouvelle somme au profit de Me Tercero au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête du PREFET DE LA HAUTE-GARONNE est rejetée.

Article 2 : Il est enjoint au PREFET DE LA HAUTE-GARONNE de réexaminer la situation de M. X dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de M. X est rejeté.

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N° 12BX00964


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12BX00964
Date de la décision : 18/10/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03-04 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour. Motifs.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Sabrina LADOIRE
Rapporteur public ?: Mme MEGE
Avocat(s) : ATY AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2012-10-18;12bx00964 ?
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