Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour sous le n°10BX01959 le 29 juillet 2010 par télécopie, régularisée le 5 août 2010, présentée pour M. Maurice B, demeurant ..., et la SARL GUYABEF, ayant son siège social 8 Lotissement Sicama à Matoury (97351), par Me Lobeau, avocat ;
M. B et la SARL GUYABEF demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0700543 en date du 29 avril 2010 par lequel le Tribunal administratif de Cayenne a rejeté leur demande tendant à l'annulation des arrêtés du maire de Montsinery-Tonnégrande du 27 juillet 2005, du 27 mars 2006, du 22 mai 2006 et du 23 juin 2006 ainsi que de la délibération du conseil municipal du 24 mars 2006 portant incorporation de la parcelle AY 6 dans le domaine communal, et à la condamnation de la commune de Montsinery-Tonnégrande à leur verser, à chacun, la somme de 5.000 euros, à titre de dommages et intérêts ;
2°) d'annuler l'arrêté du 27 juillet 2005, ainsi que l'ensemble des actes subséquents, l'arrêté du 22 mai 2006 du maire de la commune de Montsinery-Tonnégrande, ainsi que la délibération du conseil municipal du 16 octobre 2006 ;
3°) de mettre à la charge de la commune le versement, à chacun, d'une somme de 2.500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du domaine de l'Etat ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 31 mars 2011 :
- le rapport de M. Péano, président-assesseur ;
- et les conclusions de M. Zupan, rapporteur public ;
Considérant que par arrêté du 27 juillet 2005, le maire de Montsinéry-Tonnégrande en Guyane a constaté que la parcelle cadastrée AY 6 d'une contenance de 257 ha 57 a 50 ca, située au lieu-dit savane Marivat , qui n'avait pas de propriétaire connu et dont les contributions foncières n'avaient pas été acquittées depuis plus de trois ans, était présumée vacante et sans maître et susceptible, en conséquence, de faire l'objet d'une appréhension par la commune ; que par délibération du 24 mars 2006, le conseil municipal a autorisé le maire à appréhender cette parcelle et à l'incorporer dans le domaine communal ; que par arrêté du 27 mars 2006, le maire a incorporé la parcelle cadastrée AY 6 dans le domaine public communal alors même que la délibération l'autorisant à le faire n'était pas encore exécutoire ; que par arrêté du 22 mai 2006, le maire a annulé et remplacé l'arrêté du 27 mars 2006 en prononçant, à nouveau, la prise de possession par la commune de la parcelle, qui a ensuite été divisée, une partie étant cédée à un promoteur, M. A ; que par délibération du 16 octobre 2006, le conseil municipal de Montsinery-Tonnégrande a approuvé la vente au profit de M. A d'une partie de la parcelle cadastrée AY 6 ; que M. B et la SARL GUYABEF, dont il est l'associé, soutenant exploiter le terrain sans en être propriétaires depuis une dizaine d'années, ont saisi le Tribunal administratif de Cayenne d'une demande tendant à l'annulation de ces mesures, et à la condamnation de la commune de Montsinery-Tonnégrande à leur verser, à chacun, la somme de 5.000 euros, à titre de dommages et intérêts ; qu'ils relèvent appel du jugement n° 0700543 en date du 29 avril 2010 rejetant leur demande comme irrecevable ;
Sur la recevabilité de la requête :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 et R. 751-4 (...) ; qu'aux termes de l'article R. 811-5 du même code : Les délais supplémentaires de distance prévus aux articles 643 et 644 du nouveau code de procédure civile s'ajoutent aux délais normalement impartis ; qu'aux termes de l'article 643 du nouveau code de procédure civile : Lorsque la demande est portée devant une juridiction qui a son siège en France métropolitaine, les délais (...) d'appel (...) sont augmentés de : (...) un mois pour les personnes qui demeurent dans un département d'outre-mer ou dans un territoire d'outre-mer ; qu'il résulte de l'instruction que le jugement attaqué du Tribunal administratif de Cayenne en date du 29 avril 2010 a été notifié le 4 mai 2010 à la SARL GUYABEF ; qu'il suit de là que la requête de M. B et de la SARL GUYABEF enregistrée par télécopie au greffe de la cour le 29 juillet 2010, dans le délai d'appel ouvert aux personnes qui demeurent dans un département d'outre-mer à l'encontre d'un jugement du Tribunal administratif de Cayenne, n'est pas tardive ;
Considérant qu'il ressort du dossier de première instance que, contrairement à ce que soutient la commune de Montsinery-Tonnégrande, les requérants avaient demandé devant le tribunal administratif, par mémoire enregistré le 24 décembre 2009 avant la clôture de l'instruction fixée au 29 janvier 2010, l'annulation de la délibération du conseil municipal du 16 octobre 2006 ; que par suite ces conclusions, qui ne sont pas nouvelles en appel, sont recevables ;
Sur la régularité du jugement :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. B a exploité à titre personnel, puis en sa qualité d'associé de la SARL GUYABEF, une partie des terrains constituant la parcelle cadastrée AY 6, qui a été aménagée en zone de pâturages pour bovins ; que l'intérêt ainsi invoqué par les requérants est de nature à leur donner qualité pour demander l'annulation des mesures attaquées prises en vue de l'appréhension par la commune de Montsinery-Tonnégrande de la parcelle dont ils exploitent une partie ; que, par suite, le jugement du Tribunal administratif de Cayenne, qui a rejeté leur demande comme irrecevable, faute pour eux de justifier d'un intérêt légitime pour agir, doit être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par les requérants devant le tribunal administratif ;
Considérant qu'aux termes de l'article L 27 bis du code du domaine de l'Etat dans sa rédaction applicable à la date du premier arrêté attaqué : Lorsqu'un immeuble n'a pas de propriétaire connu et que les contributions foncières y afférentes n'ont pas été acquittées depuis plus de trois années, cette situation est constatée par arrêté du maire, après avis de la commission communale des impôts directs. Il est procédé par les soins du maire à une publication et à un affichage de cet arrêté et, s'il y a lieu, à une notification aux derniers domicile et résidence connus du propriétaire. En outre, si l'immeuble est habité ou exploité, une notification est également adressée à l'habitant ou exploitant. Cet arrêté est, dans tous les cas, notifié au représentant de l'Etat dans le département. / Dans le cas où le propriétaire ne s'est pas fait connaître dans un délai de six mois à dater de l'accomplissement de la dernière des mesures de publicité prévues ci-dessus, l'immeuble est présumé sans maître au titre de l'article 713 du code civil. / La commune dans laquelle est situé le bien présumé sans maître peut, par délibération du conseil municipal, l'incorporer dans le domaine communal. Cette incorporation est constatée par arrêté du maire. A défaut de délibération prise dans un délai de six mois à compter de la vacance présumée du bien, la propriété de celui-ci est attribuée à l'Etat. Le transfert du bien dans le domaine de l'Etat est constaté par arrêté préfectoral. ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions que la commune sur le territoire de laquelle est situé le bien qu'elle entend incorporer dans le domaine communal doit procéder par les soins de son maire à la notification de l'arrêté constatant que ce bien est présumé vacant et sans maître aux derniers domicile et résidence connus, non seulement du propriétaire, mais encore, si l'immeuble est habité ou exploité, à ceux de l'habitant ou de l'exploitant ; qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, M. B et la SARL GUYABEF exploitaient une partie des terrains constituant la parcelle cadastrée AY 6, qu'ils avaient aménagée en zone de pâturages pour bovins ; que s'il ressort des pièces du dossier qu'une ampliation de l'arrêté du 27 juillet 2005, constatant que la parcelle cadastrée AY 6 était présumée vacante et sans maître, devait être adressée à M. B, il n'est pas établi que cet arrêté lui aurait été effectivement notifié ainsi qu'à la SARL GUYABEF ; que faute d'une telle notification, les délais de recours contentieux n'ont pas commencé à courir à l'encontre de l'arrêté du 27 juillet 2005 constatant que la parcelle cadastrée AY 6 est présumée vacante et sans maître ; que, par suite, la fin de non recevoir opposée par la commune de Montsinery-Tonnégrande et tirée de la tardiveté de la demande introduite devant le tribunal administratif à l'encontre de cet arrêté ne peut être accueillie ;
Considérant qu'ainsi qu'il vient d'être dit, l'arrêté du 27 juillet 2005 constatant que la parcelle cadastrée AY 6 est présumée vacante et sans maître n'a pas été notifié à M. B et à la SARL GUYABEF qui exploitaient encore une partie de cette parcelle à la date de l'arrêté ; que les mesures prises sur le fondement de cet arrêté sont ainsi intervenues à la suite d'une procédure irrégulière ; qu'en conséquence, sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens invoqués par les requérants, l'arrêté du 22 mai 2006 par lequel le maire a annulé et remplacé l'arrêté du 27 mars 2006 en prononçant à nouveau la prise de possession par la commune de la parcelle et la délibération du 16 octobre 2006 par laquelle le conseil municipal de Montsinery-Tonnégrande a approuvé la vente au profit de M. A d'une partie de la parcelle cadastrée AY 6, ne peuvent qu'être annulés ;qu'en revanche, M. B et la SARL GUYABEF ne sont pas fondés à soutenir que l'absence de notification à leur égard de l'arrêté du 27 juillet 2005, pris sur le fondement des dispositions législatives précitées du code du domaine de l'Etat dont aucune disposition n'exclut l'application à la Guyane, l'entacherait d'illégalité ;
Considérant que M. B et la SARL GUYABEF, qui exploitaient une partie de la parcelle cadastrée AY 6 sans en être propriétaires ni faire état d'un titre les y autorisant, n'établissent pas avoir subi du fait de l'illégalité des mesures prises par la commune en vue de l'incorporation de cette parcelle dans son domaine un préjudice de nature à leur ouvrir droit à indemnité ; que les conclusions à fin d'indemnisation qu'ils avaient présentées devant le tribunal administratif , ne peuvent être que rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées à ce titre, en appel, par M. A, et par la commune de Montsinery-Tonnégrande ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Montsinery-Tonnégrande le versement à M. B et à la SARL GUYABEF d'une somme globale de 1.500 euros au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 0700543 du Tribunal administratif de Cayenne en date du 29 avril 2010 est annulé.
Article 2 : L'arrêté du maire de Montsinery-Tonnégrande en date du 22 mai 2006 ainsi que la délibération du 16 octobre 2006 du conseil municipal de Montsinery-Tonnégrande sont annulés.
Article 3 : La commune de Montsinery-Tonnégrande versera à M. B et à la SARL GUYABEF la somme globale de 1.500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B et de la SARL GUYABEF et les conclusions de M. A et de la commune de Montsinery-Tonnégrande tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
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