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01/07/2013 | FRANCE | N°12BX00914

France | France, Cour administrative d'appel de, 3ème chambre (formation à 3), 01 juillet 2013, 12BX00914


Vu la requête enregistrée le 10 avril 2012, présentée pour M. B...A..., domicilié ... par Me Thomas ;

M. A...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°10000926 du 2 février 2012 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant, d'une part, à la condamnation solidaire de l'Etat et de la commune de Déols à lui verser dans le dernier état de ses écritures une indemnité de 10 999 euros, d'autre part, à ce qu'il soit ordonné au maire de Déols et au préfet de l'Indre de prendre toutes les mesures nécessaires pour faire cesser les tr

oubles à l'ordre public dans un délai d'un mois sous astreinte de 100 euros par ...

Vu la requête enregistrée le 10 avril 2012, présentée pour M. B...A..., domicilié ... par Me Thomas ;

M. A...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°10000926 du 2 février 2012 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant, d'une part, à la condamnation solidaire de l'Etat et de la commune de Déols à lui verser dans le dernier état de ses écritures une indemnité de 10 999 euros, d'autre part, à ce qu'il soit ordonné au maire de Déols et au préfet de l'Indre de prendre toutes les mesures nécessaires pour faire cesser les troubles à l'ordre public dans un délai d'un mois sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

2°) de condamner solidairement la commune de Déols et l'Etat à lui verser une somme de 150 000 euros en réparation de ses préjudices, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation de ses intérêts ;

3°) d'enjoindre au maire de Déols et au préfet de l'Indre de prendre toutes mesures nécessaires pour faire cesser les troubles à l'ordre public dans un délai d'un mois sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Déols et de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 mai 2013 ;

- le rapport de M. Philippe Cristille, premier-conseiller ;

- les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public ;

- les observations de Me Thomas, avocat de M. A...et de Me Delpuech, avocat de la commune de Déols ;

1. Considérant que M. A...est propriétaire d'une maison à usage d'habitation et d'un terrain situés dans le quartier de la Croix Blanche sur le territoire de la commune de Déols (Indre) ; que, depuis plus de dix ans, il est victime de multiples nuisances qui ont pris la forme de vols, de dégradations de ses biens, de jets de divers objets et détritus aux abords de son habitation, de tapages diurnes et nocturnes récurrents ainsi que de menaces physiques et d'insultes ; qu'il impute ces nuisances aux agissements de gens du voyage sédentarisés dans le quartier de la Croix Blanche ou de groupes de gens du voyage de passage qui y établissent des campements de fortune ; que M.A..., qui a depuis quitté sa maison, a recherché devant le juge administratif la responsabilité solidaire de la commune de Déols et de l'Etat sur le terrain de la faute et de la rupture d'égalité devant les charges publiques ; qu'il a demandé réparation de son préjudice matériel, du préjudice subi du fait de la perte de la valeur vénale de son habitation et de ses troubles dans ses conditions d'existence ; qu'il fait appel du jugement du tribunal administratif de Limoges qui a rejeté sa demande ;

Sur la responsabilité :

En ce qui concerne la responsabilité pour faute de la commune :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : (...) 2° Le soin de réprimer les atteintes à la tranquillité publique (...) ; 3° Le maintien du bon ordre dans les endroits où il se fait de grands rassemblements d'hommes, tels que les foires, marchés, réjouissances et cérémonies publiques, spectacles, jeux, cafés, églises et autres lieux publics ; (...) " ;

3. Considérant que M. A...invoque la carence du maire dans l'exercice des pouvoirs de police administrative générale qui lui sont conférés par les dispositions précitées du code général des collectivités territoriales ; qu'il ressort, toutefois, de l'instruction que le maire de Déols s'est efforcé depuis 1999, dans la limite de ses compétences, de répondre aux difficultés liées au mode de vie des gens du voyage et au comportement de certains membres de cette communauté ; qu'il a ainsi réglementé le stationnement des nomades sur le territoire de la commune en affectant à l'accueil des gens du voyage certaines parcelles par un arrêté du 27 mai 1998 puis en interdisant le stationnement des nomades en dehors de cet aire d'accueil par arrêté du 30 avril 2002, avant d'interdire le stationnement des gens du voyage sur tout le territoire de la commune par arrêté du 11 octobre 2007 à la suite de l'installation d'une aire d'accueil permanente sur le territoire de la commune de Châteauroux dans le cadre du schéma départemental d'accueil des gens du voyage ; qu'il ressort également de l'instruction que le maire s'est employé à obtenir rapidement des mesures coercitives d'expulsion à chaque fois que des gens du voyage stationnaient irrégulièrement sur des parcelles du domaine public communal ; qu'il a adressé des mises en demeure aux personnes ayant irrégulièrement installé des dépôts sauvages de ferrailles, de matériaux divers et d'épaves de voitures sur les terrains leur appartenant, et sollicité à plusieurs reprises du préfet de l'Indre, du procureur de la République et du directeur départemental de la sécurité publique des opérations de police ; que le maire a aussi mené un travail constant de concertation avec le directeur départemental de la sécurité publique, le président de la communauté d'agglomération castelroussine et le député de l'Indre pour répondre aux difficultés rencontrées ; que le maire a organisé, y compris en se déplaçant sur les lieux, des réunions de médiation avec des représentants de la communauté des gens du voyage et des riverains du secteur de la Croix Blanche pour rétablir le calme ; que ce travail de médiation a été inscrit dans la durée avec le recrutement d'un agent de médiation par la commune au cours de l'année 2000 ; que, bien que ces mesures n'aient pas suffi à faire cesser les troubles en cause, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le maire de Déols aurait commis une faute en s'abstenant de prendre des mesures de nature à prévenir ou à faire cesser les troubles à la sûreté et à la tranquillité publiques ;

4. Considérant que M. A...fait valoir que des nomades sont installés sur des terrains qu'ils utilisent comme des décharges sauvages alors que ces terrains sont situés à proximité d'une zone de captage d'eau potable ; que, toutefois, en vertu de l'article L. 211-5 du code de l'environnement, la police spéciale de l'eau a été attribuée au préfet ; que, s'il appartient au maire, responsable de l'ordre public sur le territoire de sa commune, de prendre les mesures de police générale nécessaires au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité et à la salubrité publiques, il ne saurait s'immiscer dans l'exercice de cette police spéciale qu'en cas de péril imminent ; que M. A... n'invoque pas l'existence d'un tel péril imminent ; que, par suite, et en tout état de cause, la responsabilité de la commune ne peut être engagée pour les éventuelles atteintes portées par les nomades à la qualité de l'eau potable captée ;

5. Considérant qu'aux termes du I de l'article 1er de la loi du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage : " Les communes participent à l'accueil des personnes dites gens du voyage et dont l'habitat traditionnel est constitué de résidences mobiles " ; qu'aux termes du I de l'article 2 : "Les communes figurant au schéma départemental (...) sont tenues, dans un délai de deux ans suivant la publication de ce schéma, de participer à sa mise en oeuvre. Elles le font en mettant à la disposition des gens du voyage une ou plusieurs aires d'accueil aménagées et entretenues(...) "; qu'en son paragraphe I, l'article 9 de la loi du 5 juillet 2000 dans sa rédaction résultant des lois du 5 mars et du 20 décembre 2007 permet aux maires des communes qui remplissent les obligations leur incombant en application de l'article 2 d'interdire en dehors des aires d'accueil aménagées le stationnement sur le territoire de la commune des résidences mobiles des gens du voyage, les mêmes dispositions étant applicables aux communes " non inscrites au schéma départemental mais dotées d'une aire d'accueil ", ainsi qu'à celles " qui décident, sans y être tenues, de contribuer au financement d'une telle aire ou qui appartiennent à un groupement de communes qui s'est doté de compétences pour la mise en oeuvre du schéma départemental " ; qu'aux termes du II du même article, " En cas de stationnement effectué en violation de l'arrêté prévu au I, le maire, le propriétaire ou le titulaire du droit d'usage du terrain occupé peut demander au préfet de mettre en demeure les occupants de quitter les lieux. / La mise en demeure ne peut intervenir que si le stationnement est de nature à porter atteinte à la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques. /La mise en demeure est assortie d'un délai d'exécution qui ne peut être inférieur à vingt-quatre heures. Elle est notifiée aux occupants et publiée sous forme d'affichage en mairie et sur les lieux. Le cas échéant, elle est notifiée au propriétaire ou titulaire du droit d'usage du terrain. /Lorsque la mise en demeure de quitter les lieux n'a pas été suivie d'effets dans le délai fixé et n'a pas fait l'objet d'un recours dans les conditions fixées au II bis, le préfet peut procéder à l'évacuation forcée des résidences mobiles, sauf opposition du propriétaire ou du titulaire du droit d'usage du terrain dans le délai fixé pour l'exécution de la mise en demeure (...) " ; que le III du même article énonce que : "- Les dispositions du I et du II ne sont pas applicables au stationnement des résidences mobiles appartenant aux personnes mentionnées à l'article 1er de la présente loi :/1° Lorsque ces personnes sont propriétaires du terrain sur lequel elles stationnent ;/ 2° Lorsqu'elles disposent d'une autorisation délivrée sur le fondement de l'article L. 443-1 du code de l'urbanisme ;/ 3° Lorsqu'elles stationnent sur un terrain aménagé dans les conditions prévues à l'article L. 443-3 du même code (...) " ;

6. Considérant que M. A...reproche au maire de s'être abstenu de mettre en oeuvre les dispositions précitées de l'article 9 de la loi du 5 juillet 2000 qui lui permettaient d'obtenir que les occupants de caravanes stationnées dans la commune quittent les lieux ; que, toutefois, outre le fait que la seule présence de nomades à proximité de la propriété de M. A...ne peut être regardée comme la cause directe des dégradations subies par ses biens, qui résultent d'actes délictueux dont les auteurs ne sont pas identifiés, il résulte de l'instruction que le maire a eu recours aux autorités judiciaires pour faire cesser les occupations irrégulières ainsi qu'il a été dit ci-dessus ; que, par ailleurs, M. A...n'allègue pas que sa propriété aurait été occupée par des gens du voyage alors qu'au surplus, dans ce cas, il lui appartenait de saisir lui-même le préfet ; qu'enfin, en application des dispositions susmentionnées du III de l'article 9 de la loi du 5 juillet 2000, le maire ne pouvait faire procéder à l'évacuation des occupants de résidences mobiles, propriétaires des terrains sur lesquels ils stationnent ; que, par suite, la responsabilité de la commune ne peut être engagée à raison de l'abstention du maire à mettre en oeuvre les dispositions précitées ;

En ce qui concerne la responsabilité pour faute de l'Etat :

7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2215-1 de code général des collectivités territoriales : " La police municipale est assurée par le maire, toutefois : 1° Le représentant de l'Etat dans le département peut prendre, pour toutes les communes du département ou plusieurs d'entre elles, et dans tous les cas où il n'y aurait pas été pourvu par les autorités municipales, toutes mesures relatives au maintien de la salubrité, de la sûreté et de la tranquillité publiques. Ce droit ne peut être exercé par le représentant de l'Etat dans le département à l'égard d'une seule commune qu'après une mise en demeure au maire restée sans résultat." ;

8. Considérant que, compte tenu de l'ensemble des démarches réalisées par le maire de Déols, l'absence de mise en oeuvre par le préfet des pouvoirs de substitution qu'il tient de l'article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales ne saurait révéler l'existence d'une faute lourde de l'Etat ;

En ce qui concerne la responsabilité sans faute de l'État et de la commune :

9. Considérant que M. A...soutient, en invoquant une atteinte au principe d'égalité devant les charges publiques, qu'il aurait subi un préjudice anormal ou spécial dont il serait en droit de demander réparation ; que, toutefois et ainsi qu'il vient d'être dit, les autorités de police ne se sont pas abstenues d'intervenir pour tenter de faire cesser les troubles ; que les agissements de l'administration n'ont pas, par eux-mêmes, causé de dommages ; que la responsabilité sans faute de l'Etat et de la commune pour rupture d'égalité devant les charges publique ne saurait, dès lors, être engagée ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

11. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions indemnitaires de M. A..., n'implique aucune mesure d'exécution ; que, dès lors, les conclusions du requérant tendant à ce que la cour ordonne à la commune de Déols et au préfet de l'Indre de prendre toutes mesures de nature à faire cesser les troubles à l'ordre public doivent, en tout état de cause, être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat et la commune, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, versent à M. A...la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de M. A...le versement de la somme que l'Etat demande sur le même fondement ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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N°12BX00914


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de
Formation : 3ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 12BX00914
Date de la décision : 01/07/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: M. Philippe CRISTILLE
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : THOMAS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.de;arret;2013-07-01;12bx00914 ?
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