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23/05/2013 | FRANCE | N°12BX01375

France | France, Cour administrative d'appel de, 6ème chambre (formation à 3), 23 mai 2013, 12BX01375


Vu la requête enregistrée par télécopie le 1er juin 2012, et régularisée par courrier le 7 juin 2012, présentée par le préfet de la Haute-Garonne ;

Le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1201992 du 26 avril 2012 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse en tant, d'une part, qu'il a annulé, à la demande de M.A..., l'obligation prise à son encontre de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire ainsi que la décision fixant le pays de renvoi contenues dans l'arrêté d

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Vu la requête enregistrée par télécopie le 1er juin 2012, et régularisée par courrier le 7 juin 2012, présentée par le préfet de la Haute-Garonne ;

Le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1201992 du 26 avril 2012 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse en tant, d'une part, qu'il a annulé, à la demande de M.A..., l'obligation prise à son encontre de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire ainsi que la décision fixant le pays de renvoi contenues dans l'arrêté du 24 avril 2012, et, d'autre part, qu'il a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Toulouse ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 avril 2013 :

- le rapport de M. Bernard Chemin, président ;

- les conclusions de M. Pierre Bentolila, rapporteur public ;

1. Considérant que par un arrêté du 24 avril 2012, le préfet de la Haute-Garonne a pris à l'encontre de M.A..., ressortissant algérien, une obligation de quitter le territoire français, sans délai de départ volontaire à destination du pays dont il a la nationalité et a assorti cette mesure d'une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans ; que par une décision du même jour, le préfet de la Haute-Garonne a placé M. A...en rétention administrative ; que, toutefois, par un jugement du 27 avril 2012, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé ces décisions ; que le préfet de la Haute-Garonne fait appel de ce jugement en tant qu'il a annulé l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de renvoi ;

2. Considérant que l'arrêté en litige relate les conditions du séjour en France de M. A... depuis son entrée régulière le 21 mars 2002, notamment son mariage avec une française en 2005 et la délivrance à ce titre d'un certificat de résidence mention " vie privée et familiale " d'un an ; qu'il fait état de l'absence de communauté de vie avec son épouse et de la mesure d'éloignement prise à son encontre le 3 juin 2010, et mentionne qu'en dépit de cette mesure l'intéressé s'est maintenu irrégulièrement en France en parfaite connaissance de cause et qu'il travaille illégalement ; que l'arrêté indique également les raisons pour lesquelles le préfet estime qu'il existe un risque qu'il se soustraie à son éloignement et que cette mesure ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ; qu'il ressort ainsi de la motivation même de l'arrêté que le préfet de la Haute-Garonne s'est livré à un examen particulier de la situation personnelle de M.A..., quand bien même il a estimé que la présence de l'intéressé en France était récente, et n'a pas fait état dans l'arrêté des membres de sa famille présents sur le territoire ; qu'il ne saurait davantage être reproché au préfet de n'avoir pas tenu compte du fait que le requérant aurait sollicité le statut de réfugié lors de son entrée sur le territoire alors que cette circonstance, qui résulte uniquement d'une mention " a sollicité l'asile " figurant au verso du titre de séjour qui lui a été délivré en 2005, n'est nullement corroborée par les pièces du dossier ;

3. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse s'est fondé sur l'absence d'examen particulier de la situation de M. A...pour annuler l'obligation de quitter le territoire français et, par voie de conséquence, la décision fixant le pays de renvoi ;

4. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. A...devant le tribunal administratif et la cour ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

5. Considérant que la décision contestée mentionne de façon suffisamment précise les éléments de fait sur lesquels le préfet s'est fondé pour prononcer la mesure déloignement en litige ; que, par suite, le moyen tiré du défaut de motivation en fait de la décision attaquée doit être écarté ;

6. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien modifié : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : 1) au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant ;(...). " ;

7. Considérant que M.A..., qui est entré régulièrement en France le 21 mars 2002 sous couvert d'un visa de trente jours, soutient qu'il réside en France depuis cette date et qu'il remplissait dès lors, à la date du 24 avril 2012 à laquelle l'arrêté attaqué a été pris, la condition de résidence habituelle de dix ans prévue par les stipulations précitées de l'accord franco-algérien faisant ainsi obstacle à la mesure d'éloignement ; que, toutefois, s'agissant de la période antérieure à 2005, il se borne à produire trois attestations non circonstanciées établies en avril 2012 émanant de personnes faisant état de sa présence en France depuis mars 2002, ainsi qu'une attestation d'affiliation à l'assurance maladie relative à l'année 2004 ; que ces éléments sont insuffisamment probants pour établir la continuité de sa présence en France pendant cette période ; que, dans ces conditions, et alors qu'il ne justifie pas davantage qu'il aurait effectivement déposé une demande d'asile lors de son arrivée en France et entrepris des démarches en ce sens jusqu'à son mariage en juin 2005, la condition de résidence habituelle en France depuis plus de dix ans ne peut être tenue pour établie ;

8. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

09. Considérant que si M. A...fait valoir qu'il a des attaches particulièrement intenses en France où il vit depuis dix ans, où résident plusieurs de ses frères et soeurs, et où il est bien intégré professionnellement, étant employé en qualité de maçon dans la même entreprise dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, il résulte de ce qu'il a été dit précédemment au point 7 que la durée de dix ans de sa résidence en France n'est pas établie ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'il est sans enfant et séparé de son épouse depuis 1010, qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales en Algérie où il a vécu jusqu'à l'âge de 35 ans et où vivent sa mère, quatre de ses frères et quatre de ses soeurs ; qu'il se maintient en situation irrégulière malgré le refus de séjour et la mesure d'éloignement dont il a fait l'objet en 2010 et travaille illégalement ; que, dans ces conditions, la décision du préfet n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise, et n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

10. Considérant que si M. A...soutient que la décision l'obligeant à quitter le territoire français est entachée d'erreur de fait et d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle, il résulte également de ce qui a été dit ci-dessus que la continuité de son séjour en France depuis dix ans n'est pas établie, que la communauté de vie avec son épouse dont il est séparée a cessé, qu'il se maintient irrégulièrement en France depuis 2010 malgré une décision d'éloignement et y travaille illégalement ; que s'il soutient avoir fait l'objet d'une agression à Toulouse le 3 avril 2010 pour laquelle il s'est constitué partie civile, ce qui rendrait nécessaire sa présence en France pour les besoins de la cette procédure, la décision contestée n'a pas pour effet de le priver de défendre ses intérêts dès lors qu'il peut toujours se faire représenter ; qu'enfin, il ne ressort pas des pièces versées au dossier que l'état de santé de M. A...nécessiterait un suivi médical en France prolongeant la prise en charge qui a eu lieu aussitôt après cette agression ; que les moyens d'erreur de fait et d'erreur manifeste d'appréciation doivent dès lors être écartés ;

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

11. Considérant que l'arrêté contesté, qui vise l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et relève que l'intéressé n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays, " vu notamment l'absence de demande à ce titre ", n'est pas entaché d'insuffisance de motivation en ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi ; qu'il n'est pas davantage entaché d'erreur de fait dès lors qu'il n'est pas établi que le requérant aurait effectivement déposé une telle demande ;

12. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; que si M. A...fait valoir qu'il est originaire d'une famille de harkis, qu'ayant servi dans les rangs de l'armée algérienne, il se trouve marginalisé et menacé dans sa région d'origine et qu'un retour en Algérie l'exposerait à des menaces de la part de terroristes membres du groupe islamiste armé, il n'apporte à l'appui de ses affirmations aucun élément justificatif de nature à établir la réalité des risques allégués ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être accueilli ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Haute-Garonne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué du président du tribunal administratif de Toulouse a annulé les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de renvoi contenues dans l'arrêté du 24 avril 2012, et mis à la charge de l'Etat le versement à M. A...d'une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. A...demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DECIDE

Article 1er : Le jugement n° 1201992 du tribunal administratif de Toulouse du 27 avril 2012 est annulé en tant qu'il a annulé l'obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de M. A... et la décision fixant le pays de renvoi contenues dans l'arrêté du 24 avril 2012 du préfet de la Haute-Garonne.

Article 2 : La demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Toulouse, et ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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No 12BX01375


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de
Formation : 6ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 12BX01375
Date de la décision : 23/05/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. CHEMIN
Rapporteur ?: M. Bernard CHEMIN
Rapporteur public ?: M. BENTOLILA
Avocat(s) : BALG

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.de;arret;2013-05-23;12bx01375 ?
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