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14/05/2013 | FRANCE | N°12BX02795

France | France, Cour administrative d'appel de, 3ème chambre (formation à 3), 14 mai 2013, 12BX02795


Vu la requête, enregistrée le 31 octobre 2012, présentée par le préfet de la Gironde ;

Le préfet de la Gironde demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°1202241 du 9 octobre 2012 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux, d'une part, a annulé son arrêté du 19 mars 2012 refusant à M. B...D...la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours en fixant le pays de destination et lui interdisant de retourner sur le territoire français pendant deux ans, d'autre part, l'a enjoint de délivrer im

médiatement à l'intéressé une autorisation provisoire de séjour et de réexamine...

Vu la requête, enregistrée le 31 octobre 2012, présentée par le préfet de la Gironde ;

Le préfet de la Gironde demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°1202241 du 9 octobre 2012 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux, d'une part, a annulé son arrêté du 19 mars 2012 refusant à M. B...D...la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours en fixant le pays de destination et lui interdisant de retourner sur le territoire français pendant deux ans, d'autre part, l'a enjoint de délivrer immédiatement à l'intéressé une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa demande dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et a condamné l'Etat à verser à Me Missiaen, conseil de M. B...D..., la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions des articles L.761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

2°) de condamner Me Missiaen à reverser à l'Etat la somme de 1 000 euros qu'elle a perçue sur le fondement des dispositions des articles L.761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la directive 2005/85/CE du Conseil du 1er décembre 2005 relative à des normes minimales concernant la procédure d'octroi et de retrait du statut de réfugié dans les Etats membres ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

L'affaire ayant été dispensée de conclusions du rapporteur public en application de l'article L. 732-1 du code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 avril 2013 :

- le rapport de M. Jean-Louis Joecklé, président-assesseur ;

- et les observations de Me Missiaen, avocat de M. B...D...;

1. Considérant que M. B... D..., ressortissant de nationalité sri-lankaise d'origine tamoule, entré irrégulièrement en France le 28 octobre 2010, a présenté une demande d'asile politique ; qu'à la suite du rejet de sa demande par une décision du 13 septembre 2011 du directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par une décision du 15 février 2012 de la Cour nationale du droit d'asile, le préfet de la Gironde a pris le 19 mars 2012 un arrêté portant à son encontre refus de titre de séjour, avec obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans et fixation du pays de destination ; que le préfet de la Gironde relève appel du jugement du 9 octobre 2012 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a, sur la demande de M. B...D..., d'une part annulé son arrêté du 19 mars 2012, d'autre part, condamné l'Etat à verser à Me Missiaen, conseil de M. B...D..., la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions des articles L.761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant qu'en vertu de l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France, l'étranger présent sur le territoire français qui, n'étant pas déjà admis à séjourner en France, sollicite son admission au séjour au titre de l'asile, est informé par les services de la préfecture des pièces à fournir en vue de cette admission et doit se voir remettre un document d'information sur ses droits et sur les obligations qu'il doit respecter, ainsi que sur les organisations susceptibles de lui procurer une assistance juridique, de l'aider ou de l'informer sur les conditions d'accueil offertes aux demandeurs d'asile ; que cette information doit être faite dans une langue dont il est raisonnable de penser que l'intéressé la comprend ; que ces dispositions ont été adoptées pour assurer la transposition en droit français des objectifs fixés par l'article 10 de la directive 2005/85/CE du Conseil du 1er décembre 2005 relative à des normes minimales concernant la procédure d'octroi et de retrait du statut de réfugié dans les Etats membres, lesquels précisent que les informations en cause sont communiquées aux demandeurs d'asile " à temps " pour leur permettre d'exercer leurs droits et de se conformer aux obligations qui leur sont imposées par les autorités en vue du traitement de leur demande ; qu'eu égard à l'objet de ce document d'information sur les droits et obligations des demandeurs d'asile, sur les organisations susceptibles de leur procurer une assistance juridique, de les aider ou de les informer sur les conditions d'accueil qui peuvent leur être proposées, la remise de ce document doit intervenir au début de la procédure d'examen des demandes d'asile, ainsi que le prévoit l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour permettre aux intéressés de présenter utilement leur demande aux autorités compétentes, dans le respect notamment des délais prévus ; que si le défaut de remise de ce document à ce stade est ainsi de nature à faire obstacle au déclenchement du délai de vingt et un jours prévu par l'article R. 723-1 du même code pour saisir l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, en revanche, il ne peut être utilement invoqué à l'appui d'un recours mettant en cause la légalité de la décision, par laquelle, comme en l'espèce, le préfet statue, en fin de procédure, après intervention de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et, le cas échéant, après celle de la Cour nationale du droit d'asile, sur le séjour en France au titre de l'asile ou à un autre titre ; qu'il suit de là que c'est à tort que, pour annuler l'arrêté préfectoral contesté du 19 mars 2012, le tribunal administratif de Bordeaux s'est fondé sur le moyen inopérant tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

3. Considérant toutefois qu'il appartient à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens de la demande présentée par M. B...D... devant le tribunal administratif et devant la cour ;

En ce qui concerne la légalité de l'arrêté contesté pris dans son ensemble :

4. Considérant que l'arrêté contesté a été signé par Mme C...A..., laquelle bénéficiait, en sa qualité de secrétaire générale de la préfecture de la Gironde, d'une délégation de signature consentie par un arrêté du 1er février 2012 du préfet de la Gironde, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, numéro spécial 05 du même jour ; que, dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté doit être écarté ;

En ce qui concerne le refus d'admission au séjour :

5. Considérant qu'un justiciable ne peut se prévaloir, à l'appui d'un recours dirigé contre un acte administratif non réglementaire, des stipulations inconditionnelles d'une directive, que lorsque l'Etat n'a pas pris les mesures de transposition nécessaires ; qu'il suit de là que M. B...D...ne peut utilement se prévaloir des stipulations de l'article 10 de la directive 2005/85/CE du 1er décembre 2005, lesquelles ont été transposées dans le droit national par le décret n° 2011-1031 du 29 août 2011 codifiées sous l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, antérieurement à l'arrêté contesté ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ; qu'aux termes de l'article 3 de cette convention : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ;

7. Considérant que M. B...D..., dont la demande d'asile a d'ailleurs été rejetée par une décision du 13 septembre 2011 du directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par une décision du 15 février 2012 de la Cour nationale du droit d'asile, soutient qu'il est d'origine tamoule et qu'il a été violenté et torturé par l'armée sri-lankaise pour des motifs politiques en 2007, 2009 et 2010 et que les exactions contre les Tamouls continuent au Sri-Lanka ; que, toutefois, les éléments qu'ils versent au dossier ne peuvent permettre de tenir pour établie l'existence, en cas de retour dans ce pays, d'un risque personnel, réel et actuel à la date de l'arrêté contesté ; que, dans ces conditions, la décision du préfet de la Gironde fixant le Sri Lanka comme pays de destination ne méconnaît pas les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que le préfet de la Gironde ait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire national :

8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " III. L'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. (...) Lorsqu'un délai de départ volontaire a été accordé à l'étranger obligé de quitter le territoire français, l'autorité administrative peut prononcer l'interdiction de retour, prenant effet à l'expiration du délai, pour une durée maximale de deux ans à compter de sa notification. (...) L'interdiction de retour et sa durée sont décidées par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. . (...) " ; qu'il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux ;

9. Considérant que si la décision portant interdiction de retour sur le territoire national de M. B...D...pour une durée de deux ans précise que l'intéressé est entré récemment en France, qu'il est célibataire et sans charge de famille en France et qu'il ne justifie pas être isolé dans son pays d'origine, ni avoir rompu tout lien avec celui-ci, le préfet de la Gironde ne s'est prononcé ni sur la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement, ni sur la menace pour l'ordre public que constituerait ou non la présence de l'intéressé en France ; que, dès lors, la décision du 19 mars 2012 du préfet de la Gironde interdisant le retour de M. B...D...pour une durée de deux ans est entachée d'une insuffisance de motivation et doit, par suite, être annulée ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de la Gironde est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé son arrêté du 19 mars 2012 en tant qu'il porte refus de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de renvoi ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

11. Considérant que le présent arrêt n'implique pas qu'il soit enjoint au préfet de la Gironde de délivrer un titre de séjour à l'intéressé ou de réexaminer sa demande de titre de séjour ; que les conclusions formulées en ce sens par M. B...D...ne peuvent, dès lors, être accueillies ;

Sur les conclusions du préfet de la Gironde tendant à obtenir au profit de l'Etat le remboursement de la somme versée au conseil de M. B...D...au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative en première instance :

12. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article L. 11 du code de justice administrative que les décisions des juridictions administratives sont exécutoires ; que, lorsque le juge d'appel infirme une condamnation prononcée en première instance, sa décision, dont l'expédition notifiée aux parties est revêtue de la formule exécutoire prévue à l'article R. 751-1 du code de justice administrative, permet par elle-même d'obtenir, au besoin d'office, le remboursement de sommes déjà versées en vertu de cette condamnation ; qu'ainsi, les conclusions du préfet de la Gironde tendant à ce qu'il soit enjoint au conseil de M. B...D...de lui rembourser la somme versée en exécution du jugement du 9 octobre 2012 du tribunal administratif de Bordeaux, infirmé en appel, sont sans objet ; qu'elles ne peuvent, par suite, qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Missiaen, avocate de M. B...D..., de la somme demandée au titre des frais exposés pour l'instance et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n°1202241 du 9 octobre 2012 du tribunal administratif de Bordeaux est annulé en ce qu'il annule l'arrêté du 19 mars 2012 du préfet de la Gironde en tant qu'il refuse d'admettre M. B...D...au séjour et qu'il l'oblige à quitter le territoire français en fixant le pays de renvoi.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête du préfet de la Gironde est rejeté.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la demande présentée par M. B...D...devant le tribunal administratif de Bordeaux et de ses conclusions devant la cour est rejeté.

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N°12BX02795


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de
Formation : 3ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 12BX02795
Date de la décision : 14/05/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: M. Jean-Louis JOECKLÉ
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : MISSIAEN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.de;arret;2013-05-14;12bx02795 ?
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